Chaos is a ladder

La journée avait été forte en émotions, et la nuit certainement plus insupportable encore, car le chaos disséminé par le WITAN et sa horde d'impurs ne l'avait pas épargné. Bien conscient, qu'il allait devoir répondre des manquements de son office devant le cabinet du Ministre de la magie, cette perspective le mettait hors de lui. Pour ce vaniteux caractériel, l'idée de se voir rabaisser par une bande d'ignorants tout juste bon à torcher des culs l'insupportait et lui donnait la nausée. Pire allait être le devoir de se courber en excuses et sourires aux pieds d'une bonne à rien de baleine politique sans charisme, ni autorité.

Assis derrière son bureau, les avant-bras couvrant une montagne de notes enflammées, le directeur suivait du regard les derniers rapports de son contingent voletés en un soupire fade et amer. Comment osaient-il le couvrir d'une pareille honte ? L'inaptitude et la faiblesse de ses hommes lui soufflaient une haleine dédaigneuse à l'âme. Et si les minces échos de succès futiles avaient vainement tenté de redorer le blason de l'étage des prestiges, ils n'avaient su compensés à eux seuls l'échec tonitruant de tout un département. D'un revers de la main, incapable de retenir cette rage plus longtemps, Morfin Byrnes envoyait paître ces notes de services entachées de l'opprobre.  

Avachi dans son siège, le nœud de sa cravate pendait désormais contre les reliures d'un tiroir d'où il sortit une bouteille à l'ambre ardente. Le tintement du verre lui chatouillait les tympans d'une douce mélodie, il allait avoir besoin de tout le courage que l'alcool pouvait lui donner, s'il comptait survivre à cette fin de nuit. Le liège du bouchon défait, l'arôme de l'éthanol embrumait le bureau de l'ivresse. Et sans se faire prier, Morfin Byrnes se servit un doigt d'un whisky gracieusement offert par Ambrosius Astor en personne. Puis, comme pour le rappeler à ses obligations, le bois martelé le tira de sa dégustation.

Le teint livide et fatigué de sa secrétaire personnelle n'annonçait une fois de plus qu'une vague de disgrâce. Sous le coude de la jeune femme, un feuillet écorné se dandinait sous l'assaut d'un courant d'air. La tête basse, évitant scrupuleusement de poser ses yeux d'azurs sur son supérieur, elle s'avança avec précaution. Sans un mot, elle déposa une liste de noms joint d'un tampon aussi rouge que la funeste délivrance; 'K.I.A'. Attrapant cette colonne nécrologique comme s'il venait de s'emparer d'un fait divers, le sang-pur renifla, au demeurant impassible face à la calamité qui venait de décimer les rangs du second nouveau. Nonchalamment, il quitta son trône les iris balayant l'inventaire de ses pertes. Le bruit de ses pas lourds dissimulait tout le déshonneur qu'il crachait sans pudeur contre cette longue énumération de pauvres loirs fauchés en plein élan

« En voilà une bonne nouvelle... », beugla-t-il presque triomphant lorsque sa lecture s'arrêta nette sur un avis qu'il ne pensait jamais voir de son vivant. Finalement, de ce jour, tout n'était pas bon à jeter. Ses lèvres se cambrèrent d'un sourire infect alors qu'il s'écroulait dans son sofa. Comme un appel de phare du destin, il allait enfin pouvoir mettre à exécution un plan murement réfléchi. Sa baguette délivrée de son costume, l'extrémité du bois caressa le parchemin. Minutieusement, une lettre après l'autre, l'appellation du Karma se gomma.

Quittant le confort de son canapé, le directeur s'installa ballon devant son bureau. Sans rendre l'heureux événement aussi jubilatoire, Morfin joua habilement d'une mine plus convenable face aux lourdes épreuves que son département venait de subir. D'une main faussement morne, il dégageait deux notices pourpres de leur carnet et sauva un vieux morceau de papier rescapé de ses impulsions cupides. De son autre menotte, il arracha une magnifique plume de phénix de son encrier et consigna quelques mots n'ayant de sens que pour celui à qui ce bref communiqué était adressé. Réajustant sa veste d'oiseau de mauvais augure, d'une paume gracieuse accompagné d'un sourire aux allures d'auto-caricature, il tendit le document corrigé à la brune.

notes magiques:

« Veuillez remettre ceci au cabinet du Ministre tout en lui faisant savoir qu'il est urgent que m'entretienne avec Astor... » ordonna-t-il d'une voix à la tristesse hypocrite. D'une œillade noire, le sang-pur lui commandait de faire place nette, alors que les deux mémo prenaient déjà le large dans les couloirs du Ministère.

Vacant de son assistante, Byrnes se racla la gorge d'un éclat gras. Entre rires et moqueries salasses, le conspirateur se délectait de la tournure des faits. L'humiliation allait soudainement changer de camps et ses machinations n'avaient jamais été aussi proches d'aboutir. Alors pour sûr, sa journée venait définitivement de s'égayer. Il ne lui restait plus qu'une mauvaise graine à évincer du tableau et les portes du pouvoir ne sauraient lui résister. Sans perdre de temps, il libéra le hibou grand duc de sa cage et sans ménagement le ferra d'une missive pressante. Le volatile bien heureux de s'acquitter de son devoir s'extirpa du bureau et vola jusqu'à l'administration postale du Ministère d'où il put se déloger des souterrains pesant de l'institution sorcière.  

M. Byrnes: