Légendes urbaines ☾ River Hardcastle

L’allée des embrumes. Voilà un endroit où Ocean n’aurait jamais cru mettre les pieds et surtout pas avec son frère ! River n’était pas non plus le genre de sorcier à faire son shopping du côté de l’obscur. Ici, même les aurors ne venaient que quand il le fallait impérativement. C’est dire à quel point cet endroit était peine perdue… et les Hardcastle n’avaient jamais eu le goût du chaos et de la violence ! Mais River était un artiste… et Ocean aimait son frère plus que tout au monde. On aurait pu dire que River aussi, mais dans ce cas précis, c’était à cause des sentiments d’Ocean qu’ils étaient ici ! Il avait bien essayé de faire changer d’avis son jumeau. Ils avaient d’ailleurs perdu beaucoup de temps à parlementer chez River à ce sujet. Si bien qu’ils étaient à présent entre chien et loup, ce moment de la journée où la brunante tombe, rendant tout difficile à distinguer.

Mais il s’était laissé convaincre parce que lui aussi était curieux.

« J’en reviens pas. Franchement, River, tu crois ces conneries ? », marmonne Ocean tout en grognant alors que le vent se lève. Il faisait frais ce soir et il resserre sa veste molletonnée à carreaux rouges autour de lui. La doublure en mouton était suffisante pour le tenir au chaud, mais il avait oublié son écharpe… D’ailleurs, il s’arrête, grognant : « Attends, attends. J’attache mon manteau. Fais frais ce soir. »

En même temps, ils étaient en Grande-Bretagne. Ça n’aurait surpris personne, n’est-ce pas ? Il soupire en se redressant, rattrapant rapidement son frère, lui donnant un petit coup d’épaules en ricanant malgré tout.

« J’ai l’impression d’être un gamin à nouveau. Sauf que c’était généralement moi qui t’attirait dans les mauvaises combines ! », rappelle Ocean tout en poussant un petit soupir. Il en profite pour tirer sa baguette d’une des grandes poches de son manteau d’automne. On n’est jamais trop sûrs quand on marche ici. Il avait peut-être la témérité des Gryffondors, raison pour laquelle il était ici, mais il n’était pas stupide. Les visages sombres et fermés qu’ils croisaient lui donnaient froid dans le dos. « Si on la trouve… Si on la trouve… »

Il n’est pas assez inspiré pour continuer. Il allait embrasser son frère ou faire sa vaisselle pour le prochain mois, comme quand ils étaient gamins ! Ils avaient toujours été assez littéraires et surtout très fascinés par les légendes urbaines et mystères du genre, comme tous adolescents qui se respectent. Une légende urbaine revenait souvent dans leur fascination à l’époque : une bande dessinée en tirage extrêmement limité dont la trame changeait apparemment selon la personne qui la lisait et qui prédisait des trucs incroyables. Oui, il savait : dit comme ça, c’était débile. Mais il fallait entendre toute l’histoire. Elle était effrayante !

« Ça m’étonne que quelqu’un d’autre que nous se souvienne de cette histoire. Comment ton contact s’appelle, déjà ? », demande Ocean, sachant fort bien que River ne lui avait pas donné de nom encore, en vrai. Ils croisent une vieille dame qui les pointe du doigt sans rien dire, ce qui lui fait accélérer le pas en attrapant le bras de son frère pour qu’il suive la cadence ! « En tout cas, si cette BD existe - ce que je ne crois pas ! -, c’est clair qu’elle doit se trouver en quelque part dans une des boutiques du coin… Juste à temps pour Halloween, hein. »

Presque trop juste à temps !  

River avait entendu qu'une BD hantée circulait dans l'allée des Embrumes. Un exemplaire unique et rare, qu'on ne trouvait nulle part ailleurs qu'en Angleterre. Et il avait insisté auprès d'Ocean pour qu'il l'accompagne. Pas parce qu'il avait peur, mais parce que ce genre d'aventure lui rappelait trop son enfance pour ne pas la vivre à deux. Ocean et River n'avaient pas été des gamins de tout repos pour Lucille. Avec un père ivrogne, ils avaient passé une grande partie de leur enfance dehors, dans la rue. C'était toujours mieux de combattre des clans d'autres gamins, plutôt que de subir les nombreux piques de leur père soûl comme un pot.

Non pas que River vivant dans la nostalgie de leurs jeunes années, mais il avait besoin du soutient de son frère jumeau. Et Ocean pouvait compter tout autant sur son soutien. Alors c'est d'un pas décidé qu'ils traversèrent l'allée pavée et humide de l'allée des embrumes. Un épais brouillard s'était imposé, donnant un air encore plus glauque et lugubre à ce quartier effroyable d'un Londres Magique. Les frères Hardcastle n'étaient pas des habitués des lieux, et ça se voyait. Ocean était vêtu d'une veste rouge à carreau molletonnée et River avait opté pour une veste en jeans Levis et un gros sweat à capuche noir. Ils ressemblaient à deux moldus tenant fermement un bout de bois au creux de leurs mains.

Des sorciers peu scrupuleux passaient à côté d'eux, cape et capuchon rabattu sur leurs visages cireux. Ils les lorgnaient d'un regard mauvais, crachant sur leur passage des propos inaudibles et probablement perfides.

- J'y crois pas Ocean ... je suis sûr de moi ! Allez avance au lieu de faire ta mijaurée !

Il souffla dans le brouillard. L'humidité et le froid avaient pris place. River ne sentait pratiquement plus le bout de ses doigts qui se contractaient péniblement sur le manche de sa baguette en bois de Houx. Il se retourna vers Ocean après avoir rabattu sa capuche noir sur ses cheveux en bataille.

- Mais c'est ça qui est bon ! Non ? Revivre nos aventures de gamins. Se replonger dans une nostalgie poignante !

Il donna un petit coup de coude amicale à l'égard de son frère avant de le prendre par l'épaule d'un geste virile. Ils avancèrent d'un même pas, passant sous la lueur faiblard d'un lampadaire tordu. Les vitrines des magasins paraissaient être la plupart condamnées et les quelques unes présentes exposaient des ouvrages étranges et repoussants. La magie noire regorgeait d'actes illicites ou de pactes avec le diable. C'était une branche obscure dans laquelle River n'avait jamais osé y glisser son esprit, ni même son intérêt. Il s'était arrêté en troisième année, jugeant peu nécessaire pour un artiste d'aller plus loin dans l'art de la maitrise magique. Alors oui, sa baguette ne lui était pas d'une grande utilité s'ils se retrouvaient dans une situation délicate. Pour cela, il comptait plus sur Ocean.

River avait gardé ses habitudes de moldu. Il préférait soit fuir, soit combattre avec les poings. Au fur et à mesure de leur avancée dans le sombre quartier de malfrats, Ocean exprima ses doutes par rapport à cette légende urbaine. Pour lui, ils étaient les seuls à s'en souvenir. Qu'il était naïf ! River esquissa un petit sourire torve avant de se tourner vers son frère et lui poser ses deux mains sur ses épaules.

- Figure toi qu'on est pas les seuls sur la trace de cette BD. T'imagines si on arrive à la retrouver ? Ce qu'on pourrait y découvrir ? Peut-être notre avenir ... ou quelque chose d'incroyablement rare qui pourrait nous propulser enfin vers la haute sphère de cette société ! Etre incroyablement riches et ne plus se soucier de l'argent !

River pivota sur ses talons et leva ses bras en l'air tel un conquérant. Ocean n'avait pas les mêmes problèmes. Il vivait chez Jesse Treadway et travaillait pour un homme puissant. Il avait par conséquent un salaire plus que correct, des cadeaux extravagant et profitait d'un luxe que peu de gens pouvaient s'offrir. Mais River s'était privé de tout ça depuis deux ans. Après sa rupture avec Jesse il était retourné dans son petit appartement misérable situé à une vingtaine de kilomètres de Londres. Ses contrats lui permettaient tout juste de tenir le coup. Bien sûr, quelques fois il profitait de l'argent gagné par les photos de charme ... mais il était loin d'avoir une vie sans soucis.

Il pointa son frère du doigt.

- Elle s'appelle Meredith Potdevin. Une femme d'une cinquantaine d'années, écrivaine un peu folle. Elle a écrit un manuscrit sur la naissance du Marché aux Trolls. Qui je crois n'a jamais fonctionné ... je l'ai rencontré au Chaudron Baveur ... elle avait un châle couvert de toile d'araignées et des cheveux si drus que son chapeau semblait léviter dessus !

Cette vieille folle d'écrivaine avait donné l'adresse à River. Cette BD tant convoité, elle l'avait vu dans une vieille demeure, chez les Adams. Un immeuble aux pierres noires, tordu, dont les hautes fenêtres étroites donnaient à la bâtisse un air des plus sinistre. River jeta un coup d'oeil à l'adresse, puis releva la tête vers l'immeuble en question.

- Là ! Et ce n'est pas une boutique frangin.

Quand ils levèrent les yeux, trois corbeaux battirent mollement des ailes pour s'échapper de la brume opaque et disparaitre dans l'humidité ambiante. Au dessus du porche de la porte d'entrée, deux gargouilles horribles faisaient office de gardiens. L'une d'elle ressemblait à un démon qui se tordait le visage, tandis que l'autre ressemblait à une faucheuse prête à laisser tomber sa faux sur le premier inconnu osant poser son pied sur les marches glissantes de l'escalier.

- T'as raison, cet immeuble fait froid dans le dos. Tu rajoutes quelques citrouilles dans les coins et ça fait Halloween.

A peine eurent-ils franchi le portail en fer forgé, que la porte s'ouvrit dans un grincement sinistre. Une femme toute vêtue de noire se glissa dans l'encadrement de la porte. Elle avait de longs cheveux sombres, une peau blanche et presque cadavérique, un port de tête digne, et son long cou était orné d'un bijou d'une valeur inestimable. Ses yeux verts étaient entourés d'un maquillage sombre et opaque. Ses lèvres fines arboraient un rouge à lèvre sombre. Sa mâchoire carrée et puissante lui donnait un air encore plus austère que son allure n'émanait déjà. River se raidit un instant, attrapant le pan de la veste d'Ocean. Il glissa dans le creux de l'oreille de son jumeau.

- Il n'est pas trop tard pour faire demi tour ...
- Chers invités ... nous vous attendions
- Ah ... ah bon ?
- Entrez.

Dans un simple mouvement de baguette, elle attira les deux hommes par une force magique invisible, dans un mouvement brusque et sec. Ils furent projeté sans ménagement sur le carrelage froid du Hall d'entrée de l'immeuble et la porte se referma lourdement derrière eux. Meredith Potdevin se tenait devant eux, un petit sourire timide sur ses lèvres tordues. River se releva péniblement, tout en aidant Ocean.

- Meredith ?! Que faites-vous là ?
- Ooooh mais nous sommes tous conviés chez les Adams. Pour la fameuse BD !

Elle avait une voix chevrotante. River avait été bien gentil en lui donnant cinquante ans. Elle paraissait en avoir trente de plus. Meredith était vêtue d'une robe de soirée verte sertie de petites pierres précieuses scintillantes à chacun de ses pas. Elle portait un boa en plumes noires qui pendait nonchalamment sur son dos vouté et osseux. Ses cheveux gris et drus étaient remonté en un chignon complexe sur lequel elle avait glissé quelques plumes d'oiseaux inconnus et fixé les crânes de petits inséparabilis. Mme Adams, d'un geste lent, indiqua l'escalier en marbre menant à l'étage.

- Vos tenues ... ça ne va pas. Vous faites trop moldus. Allez vous changer et rejoignez nous dans la salle à manger.

Encore une fois, les deux frères furent poussés par une force magique, les obligeant à grimper un peu trop vite les marches de l'escalier. La porte de la première pièce s'ouvrit et ils furent sauvagement lâché dans une sorte d'immense chambre sombre au goût sinistre et douteux. Le ménage n'avait pas été fait depuis des années. River se releva une seconde fois, époussetant ses vêtements couverts de poussière.

- Par Merlin ! Mais où est-ce qu'on est tombé ?

Oh par Merlin… Quand River avait une idée dans la tête, il ne l’avait pas ailleurs ! Mais Ocean aimait le voir aussi enthousiaste. Il avait l’impression d’avoir un peu moins souvent affaire à ce River-là depuis quelque temps et ça lui plaisait. Comme s’ils étaient redevenus gosses et que leur plus gros problème c’était de trouver quelques mornilles pour acheter la dernière BD à la mode. Apparemment, son frère était d’accord avec lui et Ocean lui sert un grand sourire entre bonheur et dérision. Parce que malgré tout, deux hommes mûrs qui se la jouaient comme à l’adolescence, ça faisait un peu rire ! Difficile de garder son sérieux. Mais cet endroit lui donnait quand même la chair de poule et Ocean espérait bien pouvoir maîtriser un peu sa couardise. Surtout qu’il ne l’était techniquement pas, en tant qu’ex-Gryffondor ! Il avait une réputation à maintenir…!

Il répond au coup de coude de son frère par un de l’épaule en riant, amusé malgré tout par ce qu’ils étaient en train de faire. Mais il ne peut retenir un regard plein de doutes pour River alors que ce dernier s’emballe à propos de la bande dessinnée.

« Qu’est-ce que tu voudrais savoir sur ton avenir, toi ? », demande-t-il lentement. Et avant que son frère ne lui rende la pareille, Ocean assure : « Moi, rien. J’aime avoir la surprise. C’est ce qui rend la vie belle. Non ? »

Alors sûrement qu’il serait plutôt dans le camp de ceux qui la vendent pour avoir de l’argent plein les poches. Il devait admettre que voir Jesse aller parfois le rendait envieux. Mais plus il connaissait l’homme et partageait son quotidien, moins c’était le cas. Parce qu’il voyait tous les efforts que Jesse mettait pour maintenir cette fortune. Ceux qui croyaient qu’il était un gosse gâté pourri qui s’assoyait sur ses millions n’avaient rien compris à l’homme travaillant et ambitieux qu’il était. Il a une petite moue à propos des prouesses qui n’en étaient pas de cette Meredith Potdevin.

« Il devait être nul son ouvrage, alors. C’est un sujet plutôt intéressant, non ? Quel endroit… ». Il n’y avait pas de jugement dans la voix d’Ocean. Il établissait seulement ce qui semblait être une vérité à ses yeux. Il grimace par contre à la suite des explications de son frère, jugeant cette fois pleinement ! « La prochaine fois, essaie de te fier à quelqu’un qui sait ce qu’est une baignoire…! »

Mais pas le temps d’insulter davantage Potdevin. Voilà qu’ils sont devant la bâtisse dont avait parlé la vieille folle à son frère. Il glisse ses mains dans les poches de sa veste, grimaçant en regardant l’endroit.

« Wow… S’il y a un endroit où la BD peut prédire qu’on va mourir, c’est clairement là… »

Il n’était qu’à moitié railleur ! Cet endroit donnait froid dans le dos. Mais Ocean pousse un petit soupir… et les voilà partis à l’aventure. Littéralement ! Il prend une profonde inspiration, ses pas le guidant malgré lui vers les marches de cet endroit lugubre. Il sort une de ses mains de la poche de sa veste, ses longs doigts bagués laissant un peu de brume trop opaque juste à cet endroit s’enrouler autour. Tout semblait plus sinistre dans la vicinité de ce lieu.

« Je vais envoyer un texto à Jesse… Juste au cas où… », commence Ocean en sortant son cellulaire. Mais après un bref essai infructueux, il réalise que le signal est mort, ici. Le jeune homme essaie de se convaincre : il s’agit simplement des ondes magiques, trop fortes, qui brouillent celles du cellulaire. C’est sûrement ça… Alors il le range rapidement en grognant. « Il va peut-être le recevoir un jour… »

Ou pas s’ils ne quittent jamais cet endroit ! Le portail passé, la porte s’ouvre lentement sur ses gonds grinçants. Ocean serre les dents sans même s’en rendre compte ! Il attrape le poignet de son frère, ses doigts se refermant un peu trop fortement dessus alors qu’une femme inquiétante les invite à entrer.

« River… C’est n’importe quoi. On fout le camp. »

Le temps leur manque néanmoins… et les frères sont attirés par une force invisible pour chuter douloureusement sur le sol de pierres froides dans l’entrée de cet immeuble qui sentait la poussière et… quelque chose qui cuisait qui n’aurait pas dû cuire. Ocean a un « ouch » à la fois douloureux et outré. Il fusille du regard cette vieille folle que son frère avait rencontré et qui avait de toute évidence orchestré tout ça. Dire que pendant une seconde, il avait cru que l’illuminée qui leur avait ouvert la porte avait le troisième oeil ! Lorsqu’ils se retrouvent seuls, encore sans ménagement, Ocean se relève du sol poussiéreux pour donner un coup de pied dans la porte en bois !

Tant pis si ça les énervait !

« Et ça, c’est trop moldu pour vous aussi ?! Vieilles folles !! », s’exclame-t-il alors que son caractère volcanique reprend le dessus sur la peur, révélant le Gryffondor qu’il était jusqu’au bout des ongles au passage ! Il jure. Un juron bien moldu alors qu’il se tourne vers River. Il n’avait jamais eu honte de ses origines et emmerdait les sorciers qui leur sortait des trucs du genre. « Pas question que je mette quoi que ce soit d’autre que ce que j’ai déjà sur le dos, River ! En plus ça sent la… »

Il aimerait bien continuer, mais éternue, soulevant un nuage de poussière sur le meuble près duquel il était au passage. Il grogne à nouveau, se dirigeant rapidement vers une fenêtre sale pour essayer de voir à l’extérieur. Ça non plus, ça n’avait pas été lavé depuis au moins un millénaire.

« La naphtaline et l’ail… », marmonne-t-il enfin en grimaçant. Il se penche vers la fenêtre… avant de pousser un cri en bondissant vers l’arrière. Un de ces satanés corbeaux venait de quasi foncer dans la fenêtre et les observait maintenant par là. Ça lui arrache un petit frisson désagréable. « Les plumes. Tu as remarqué les plumes sur la tenue de Meredith ? Noires, presque bleues. Partout. Et si elle était un animagus ? Je ne fais pas confiance à ce corbeau… »

Ocean se tourne vers River, observant un moment son frère avant de lui demander :

« Tu n’as rien de cassé ? On doit partir d’ici, Riv’. Et ce foutu texto qui ne veut pas partir !! »

Comme s’ils avaient besoin de ça en plus…

C'est sûr qu'ils n'avaient pas les mêmes problèmes les deux frangins. Quand on vivait aisément, l'avenir ne posait pas de soucis. On laissait la vie couler sur nos épaules et on jouissait d'un certain plaisir de la surprise. Alors que lorsque la vie n'est faite de de hauts et de bas, on est curieux d'en connaitre le lendemain. Juste pour se rassurer. Car River n'avait pas des revenus fixes. Il ne savait jamais de quoi serait fait demain et ça avait le don de le rendre nerveux. Il commençait même à en avoir quelques cheveux blancs.

- Bah savoir si je connaitrais un jour la célébrité avec mes dessins pardi ! Quelle question ... répondit-il en levant les yeux au ciel comme s'il s'agissait d'une évidence. C'est sûr que lorsqu'on a pas de soucis à se faire, on aime avoir des surprises. Moi j'aime bien être rassuré, un minimum.

Il continuait ses photos de charme lorsque les mois étaient difficiles en dessin. River ne croulait pas sous les contrats et le monde de l'édition était parsemé d'embuches. Il fallait du temps et de la patience pour y faire sa place. Et devenir célèbre était réservé à une poignée d'individus. La majorité des illustrateurs comme River, peinait à joindre les deux bouts. La photographie faisait l'affaire, mais garder un corps d'Apollon demandait une hygiène de vie coûteuse et un temps qu'il n'avait pas toujours. En plus de ça, River savait très bien que la beauté était éphémère et qu'un jour, ses abdos seraient recouverts de gras et que son corps ne donnerait plus envie aux photographes.

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Les deux jumeaux se retrouvaient coincés dans une pièce immense. Une chambre poussiéreuse qui appartenait probablement au monde des morts à présent. Alors qu'Ocean s'énervait contre la porte qui s'était refermée lourdement sur leur passage, River se releva en époussetant sa veste et son jeans. Il considéra l'endroit avec un oeil d'artiste, emmagasinant chaque détail dans le creux de sa rétine. Cette pièce était vraiment inspirante, digne d'un conte macabre.

River s'approche d'une vieille armoire, l'ouvre et y découvre de vieux costumes et des capes de sorcier d'un autre âge. Alors qu'il les touche du bout des doigts, Ocean rouspète contre l'idée de porter autre chose que ses vêtements. River se tourne et lui tend une sorte de vieille robe passée de mode. Noire, avec une sorte de noeud de papillon et des froufrous dans tous les sens.

- Arrêtes donc un peu, c'est pas si terrible ! On ressemblera à de véritables sorciers d'époque. Et puis tu crois vraiment qu'on à le choix ? Tu la veux pas cette BD ? Toi qui disait qu'un peu d'aventure nous ferait pas de mal ... j'suis déçu.

Il esquissa un sourire au coin des lèvres, taquin et légèrement moqueur. River renifla le costume et tendit ses bras après avoir affiché un air de dégoût.

- Pouaaah ! C'est vrai que ça sent l'ail ! Au moins ce costume n'appartenait pas à un vampire.

Au cri d'Ocean, River se retourna dans sa direction levant un sourcil intrigué. Tout en écoutant les insinuations de son frère, il déposa la tenue de sorcier sur le lit à baldaquin et enleva sa veste au col molletonné.

- Ne dis pas de bêtises ... Meredith Potdevin une animagus ? Tu l'as bien vu ! Frêle et voutée comme elle est. Cette pièce te joue des tours.

Il enleva son t-shirt, puis ses chaussures et son jeans qu'il jeta en boule au pied du lit. D'un air dégouté, il enfila la robe de sorcier, lui donnant une allure ... somme toute particulière. River se plaça devant un miroir abimé, puis se contempla, perplexe.

- Bon sang, ils avaient vraiment des goûts chelous à l'époque. Regarde moi ça ... j'ai l'air d'une serpillère !

Les manches de sa robe étaient bouffantes. Un noeud complexe lui serrait la gorge et la robe de sorcier noir couverte de dentelle tombait mal au niveau de ses chevilles. Il se tourna vers Ocean, trouvant la situation presque cocasse.

- Allez, joue le jeu Ocean ! Arrêtes donc avec ce vieux texto. T'es pas curieux de voir ce qui se passe à ce diner ? J'ai envie de voir la présentation de cette BD. Puis vraiment si ça tourne au vinaigre, on foutra le camp d'ici. J'ai de la poudre d'Obscurité Instantanée du Pérou dans ma poche. J'ai tout prévu, t'inquiètes. Enfin la robe, arrête de râler, et on descend !

Après avoir convaincu Ocean de porter l'immonde robe de sorcier restante, la porte s'ouvrit comme par enchantement. River prit grand soin d'enfourner leurs vêtements moldus dans son sac à dos extensible. Ils descendirent les marches en marbre de l'escalier tordu, tandis que la femme toute en noire et Meredith les attendaient dans le Hall.

- Vous voilà bien ravissants jeunes hommes, lança la femme vêtue de noir.
- Oui, vous me rappelez mon défunt époux. Il portait la même tenue lors de notre mariage, s'exclaffa Meredith avec un brin d'enthousiasme.
- Oui Meredith ... c'est peut-être un peu trop retro ...

La femme en noir claqua deux fois des doigts et les tenues des jumeaux se transformèrent en costumes de soirée mondaine, beaucoup plus moderne et classique. Les vêtements étaient parfaitement ajustés, leur donnant un look de dandy.

- Suivez nous.

Comme depuis le moment où ils avaient posés leurs pieds dans la demeure, une force magique les poussa à suivre les deux femmes. De lourdes portes s'ouvrirent sur une longue salle sombre, éclairée par un lustre poussiéreux. Une table, toute en longueur, accueillait divers invités. Tous des sorciers chiquement vêtus. Penelope Holster, une femme aux cheveux blonds, portait une robe rose et un châle en satin presque transparent. Des petites billes de lumière gravitaient autour de son visage poupin. Rodolphe Prescott était un homme d'une cinquantaine d'année, gros, au visage difforme, beaucoup trop serré dans ses vêtements. Aurelius Fermore était un homme d'une vingtaine d'année, maigre, qui avait tenté de trouver des vêtements pour l'occasion, mais visiblement n'était pas à son aise autour de cette table. Isobel Tarrner était une femme à la peau blanche comme neige et une chevelure rouge comme le feu lui tombait en carré plongeant sur sa nuque gracile. Elle portait une robe sombre et un maquillage vert. Ses yeux jaunes se posèrent instinctivement sur les deux frères Hardcatle, comme s'il s'agissait d'une proie à dévorer. Et enfin, en bout de table Gromez Adams, un homme d'affaires, aux yeux exorbités, faisait léviter au dessus d'une farandole de desserts, un ouvrage.

River serra le bras d'Ocean.

- La BD !

La femme en noir, qui se présenta sous le nom de Moantia Adams, invita Ocean à se place aux côté de Penelope Holster et River aux côtés d'Isobel Tarner. A peine installé, Isabel se pencha au creux de l'oreille de River et glissa une main épineuse sur sa cuisse.

- Vous aussi vous vous intéressez aux prophéties dans un forma ludique ?
- Heu ... oui ... oui ... humm ... votre main mademoiselle.
- Appelez moi Isobel mon chou.

River jeta des yeux ronds en direction de son frère et mima de ses lèvres "le texto s'est envoyé ?"

Mais River se trompait en quelque part : Ocean avait des soucis, lui aussi. Il était d’ailleurs surpris. Est-ce que c’était juste un tacle entre frères comme quand ils étaient gamins ou est-ce que dans la tête de River, il avait vraiment la belle vie sans aucun problème ? Ocean bossait dur pour avoir ce qu’il avait. Il avait fait des choix cartésiens, laissant certains rêves de côté pour avoir un certain confort matériel, parce que c’est ce qui lui tenait le plus à coeur. Un vieux traumatisme d’enfance, sûrement. Ils le vivaient juste très différemment. Et puis, il y avait sa vie de couple qui battait de l’aile peu importe ce qu’il faisait et avec qu’elle femme il partageait son intimité… Et si Ocean n’avait pas répondu, parce qu’il n’en avait pas eu l’occasion, tout ça lui tournait en tête alors qu’ils sont enfermés dans cette pièce poussiéreuse pour se préparer à affronter la pire situation de leur vie !

Il se permet de grimacer quand il prend entre deux doigts la robe de sorcier que lui tend son frère. C’était sûrement la dernière chose qui aurait dû lui traverser l’esprit présentement, mais il ne peut s’empêcher d’avoir un petit frisson d’horreur à voir l’affreux machin qu’il doit porter. C’était vraiment n’importe quoi et le regard qu’il envoie à son jumeau est éloquent : lui aurait pris la poudre d’escampette et plus vite que ça !

« Je ne savais pas que tu étais dans le trip roleplay… », marmonne Ocean alors que River essaie de voir le bon côté de la situation. Son frère avait vraiment des qualités que lui-même ne possédait pas, hein ! « Oui bon… je ne pensais pas à ce genre d’aventures. Peut-être qu’on aurait pu aller draguer dans un bar, finalement. Ça aurait été un peu plus… safe. »

Quant à l’odeur d’ail, il se permet de se dire intérieurement qu’il aurait peut-être préféré que les fringues sentent bon et aient appartenu à un vampire, tout compte fait. Parlant de vampire, ils allaient sûrement en trouver un ou deux ici. Les risques lui semblaient croître de façon exponentiel à chaque seconde qu’ils passaient entre ces murs, vu les découvertes qu’ils y faisaient ! Sauf que voilà… ce terrible corbeau les observe par la fenêtre. Enfin, peut-être une corneille. Il n’y connaissait vraiment rien ! Et River qui se déshabille !

« Voyons, River ! ». Maintenant que la frayeur est passée, il n’hésite pas à s’approcher de la fenêtre, mais malgré ses grands mouvements de bras, le corbeau ne s’envole pas. Alors il tire les rideaux mangés aux mites… et cette sale bête se fout un oeil dans un trou, le faisant sursauter à nouveau ! « Vas-y, fais un striptease à Potdevin. Ça semble lui plaire ! Quelle sale bête flippante… »

Il place rapidement le rideau pour s’assurer que les trous soient recouverts. C’est en se plaignant énormément et sans arrêt que Ocean enfile finalement les fringues dégueulasses. Il avait vraiment envie de chialer comme un gamin. C’était inhumain, leur faire porter des trucs aussi moches qui puaient à ce point ! Quel genre de torture est-ce qu’ils voulaient leur faire subir ? Ça, c’était déjà suffisant ! Mais il devait admettre qu’il était curieux. Dans quelles conneries ils s’étaient fourrés ? Dans un rire narquois, il suggère :

« Et là on va se rendre compte que c’est juste un cercle de lecture de vieilles sorcières fêlées. Peut-être ton premier fanclub. Tu aurais dû amener ton boulot, vieux ! »

Il a un regard amusé pour River malgré tout. Ah ben le salopard : il savait que ça risquait de tourner mal avec son histoire de poudre d’obscurité là ! Il a un regard pour la porte qui s’ouvre enfin. Un regard un peu ennuyé. On s’était rincé l’oeil ; il en était certain ! Il aide River à ranger leurs vêtements moldus. Ce jeans avait coûté une fortune. Il y tenait ! Puis, il s’enfonce dans l’escalier grinçant sans plus attendre. Plus vite ils y arrivaient, plus vite ils repartaient. Enfin, il espérait…! L’accueil qui leur est réservé le fait soupirer… et quand la sorcière au nom encore inconnu du bataillon modifie les vêtements qu’ils portent, Ocean grogne à l’oreille de River :

« Tant qu’elle n’utilise pas ce tour de passe-passe pour les enlever complètement… »

Ce qu’il regrette bien vite lorsqu’elle se retourne à demi pour lui faire un clin d’oeil plein de sous-entendus qui ne lui plaisent pas du tout ! Il grimace un peu en lançant un regard en biais à son frère ! Il lâche un juron bien moldu quand ils recommencent à léviter, toutefois. Ce qui fait qu’en arrivant, il lance un regard grognon à l’assemblée déjà présente. Il a le temps de faire un clin d’oeil charmeur à la blonde au visage de poupée avec quelques kilos de plus que la mode les aimait. Elle était un cliché ambulant avec cette couleur rose et ses airs innocents et Ocean avait décidé qu’elle serait bonne à avoir dans sa poche si les choses dérapaient. Sauf que son jumeau attire son attention et, après un regard pour River, il suit celui de son frère pour voir la BD.

« Voyons donc ! », s’exclame-t-il en arquant les sourcils. Elle existait pour vrai ? Ils parlaient de ça en mode chasse au trésor quand ils avaient 14 ans, bordel ! River se tire une chaise pour se laisser tomber à côté de la demoiselle en rose, lâchant : « Mon frère est bédéiste. »

Ben quoi ? C’était vrai ! Il ne s’attendait peut-être pas à voir tous les regards converger vers River immédiatement avec intérêt, mais ça lui arrache quand même un petit sourire amusé. Il tourne la tête vers la demoiselle en rose, lui offrant un sourire charmeur.

« C’est quoi vot’ petit nom, milady ? », demande-t-il sans faire attention au reste de l’assemblée, parce que pour l’instant, elle lui semblait plus intéressante et accessible que n’importe qui ici et il avait besoin de ça. Son regard suit un petit orbe phosphorescent qui s’approche dangereusement près de son visage. Ocean a un mouvement vers l’arrière de la tête, de peur qu’elle lui fonce dedans. « Olà… il faut maîtriser ces… jolis artifices. »

« Penelope Holster, monsieur Hardcastle. », répond-t-elle d’une voix légèrement haut perchée, comme si elle cultivait réellement ces airs poupins. Comment est-ce qu'elle connaissait son nom, elle ? Son joli regard presque améthyste brûle soudainement d’une flamme qui ne plaît guère à Ocean alors qu’elle ajoute : « Artifices ? Qui dit qu’il s’agit d’artifices ? »

« Heu… ». Ocean tourne la tête vers River, aux prises avec un autre problème. Il a une grimace en voyant la main de l’autre femme sur la cuisse de son frère. Sort son portable le plus discrètement possible pour voir l’état du réseau. Mais soudainement, le petit appareil lui vole d’entre les mains pour atterrir entre celles de Moantia Adams. « Eh ! Vous savez combien ça coûte ?? On ne touche pas le téléphone d’un homme ! »

Elle observe le petit objet comme si elle ne connaissait pas la technologie moldue pendant que celui qui doit être son mari se penche vers River, son regard porcin brillant d’un peu trop d’intérêt pour que ça plaise à Ocean.

« Un bédéiste, donc. Ma chère… voilà peut-être notre chance. », s’exclame l’homme à l’air inquiétant. Il était un peu trop pâle et le fait qu’il soit court sur pattes ne changeait rien à cette inquiétude qu’avait Ocean. Lui en profite pour chasser la main de la succube de la jambe de son frère sans plus de cérémonies, mais Tarner déclare avec un vif plaisir : « Il mord, le chaton. Quelle belle surprise ! »

Ocean lance un regard à River qui signifiait clairement « sors-nous d’ici ! ».