Vacances en Amoureux

Crédits: swladies.

C’était d’abord avec beaucoup de scepticisme que Solvi avait songé à ce voyage.  @Lucy Clearwater avait gagné à ce jeu télévisé et remporté un séjour en Norvège. Ç’avait été une vraie fierté pour bon nombre de Clearwater et la Nibelungen n’avait pas été la dernière à la féliciter. Lucy se retrouvait cependant avec un lot exceptionnel dont elle ne pouvait guère profiter. C’est tout naturellement qu’elle l’avait offert à  @Fergus Clearwater, certainement l’un de ses cousins préférés. Ces deux-là faisaient vraiment la paire. Lui était arrivé chez eux terriblement enthousiaste à l’idée de s’envoler vers de nouveaux cieux. Solvi, pas tant que ça. Elle aimait la Norvège de tout son coeur, mais mettre un pied là-bas éveillerait nécessairement la curiosité de son fiancé qui pourrait trop s’enquérir de sa famille. Tout était si compliqué. D’autant que l’objectif du voyage était de se laisser dorloter dans un hôtel puant le luxe. Solvi n’était pas le genre de jeune femme à aimer se prélasser dans un grand bain moussant constamment chaud, deux rondelles de concombre sur les yeux.

La tireuse d’élite avait fini par céder, capitulant sous les traits fatigués de son fiancé. Il fallait dire qu’il en avait bavé ces derniers temps. Peut-être vivaient-ils aussi trop vite ces derniers temps. Fergus méritait certainement un peu de calme, malgré l’effort considérable que cela demandait à Solvi. S’il avait pu faire un effort cet été pour sortir du manoir avec Solvi, elle pouvait certainement en faire de même le temps d’un week-end.

Lorsqu’ils étaient arrivés sur ses terres, les yeux de Solvi avaient pétillé alors qu’elle inspirait l’air du Grand Nord. C’était si ressourçant de revenir ici. L’hôtel était coincé entre la Mer du Nord et la naissance de la forêt qui abritait la réserve naturelle.
Le couple s’était laissé guider à leur chambre par un petit Tomte. Le regard de Solvi s’était arrêté sur le nombre 13 juste avant qu’ils ne pénètrent dans la suite. Elle remercia le petit homme d’un signe de tête courtois puis alla directement s’asseoir sur le lit, un poil étourdie. Le voyage l’avait réellement usée, ça ne lui ressemblait pas. « Hm, hm. » acquiesça Solvi, sans trop se prononcer. Peut-être prendrait-elle goût à se faire pomponner. Quelque chose lui disait qu’elle se laisserait sûrement faire. Elle retira son grand manteau de laine puis ôta son bonnet de la tête. Ses cheveux électriques lui donnait une allure plus que comique.

Elle se leva du lit pour aller se rafraîchir dans la salle de bains. « Par Merlin, qu’est-ce qu’il fait chaud dans cette chambre. » commença-t-elle à dire en se rafraîchissant le visage d’eau glacée. Ce n’était pas à cause du poêle que l’on avait allumé pour l’occasion. A présent, c’était évident, Fergus pensait qu’elle faisait la tête. Il fallait effectivement être bien difficile pour réagir ainsi. A regarder la jeune femme, seules quelques secondes dans la chambre avaient suffi à lui provoquer les plus grandes angoisses. Solvi sortit de la salle de bains pour rejoindre son homme, les joues particulièrement rouges. « Je me sens un peu étourdie et barbouillée Ferg’ » confia-t-elle en rechignant un peu à prendre la coupe de champagne. « Mais je suis très heureuse d’être ici avec toi. »

Il ne manquait plus que Sekmeth pour ajouter une citrouille sur le gâteau. Un éclair qui aurait pu brûler quoi que ce soit sur son chemin traversa le regard de Solvi alors qu’elle observait Fergus inventer des excuses. Elle le sentait, il lui mentait sans aucune gêne. De toute manière, ça n’avait pas d’importance. A l’aide d’un sortilège assez sommaire, Solvi transforma le champagne en un liquide bien plus sain à base de plantes médicinales puis trinqua avec Fergus. « Ça m’aidera peut-être à aller un peu mieux. » C’était assez peu probable. Le moment n’était-il pas idéal pour qu’elle dévoile son secret à Fergus?

Le coeur qui battait la chamade, Solvi ouvra la bouche pour dire quelque chose. Mais rien ne sortait. Etait-elle prête à cela? Si elle le disait, elle ne pourrait plus faire marche arrière. Ça deviendrait vrai. Etait-elle prête? « Et si on allait prendre l’air un peu? » finit-elle par dire pour combler le silence qu’elle avait provoqué. Pourtant, tout ce dont rêvait Solvi, c’était d’une bonne sieste.

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Malade? Fergus marquait un point. Tout ce que décrivait Solvi renvoyait à la maladie, c’est donc tout naturellement que celui-ci empruntait le raccourci le plus simple. Le plus évident aussi. Voyons Fergus, comment peux-tu penser cela? Voulait-elle protester. Elle avait la riposte facile et ne manquait pas de tempérament mais, pour une fois, Solvi ne savait plus réellement quoi dire. Ou plutôt comment le dire. Alors elle se taisait, comptant sur la soi-disante « maladie » pour excuser son étrange attitude.

Fergus avait renfilé son t-shirt, comprenant que l’heure n’était pas aux galipettes sur le lit. D’ordinaire, Solvi aurait sauté sur l’occasion, mais aujourd’hui rien n’était ordinaire. Elle le laissa prendre sa température à la main, profitant d’un peu de douceur à la place de la folie et du bazar habituels. La brune adressa à son homme un vague sourire, acquiesçant silencieusement à ce qu’il disait. Depuis le temps, il la connaissait presque par coeur. Comment ne pouvait-il pas deviner? La tireuse d’élite avait l’impression d’avoir l’information inscrite en lettres rouges en plein milieu du front et que Fergus avait subitement perdu la vue.

« Je n’ai pas attrapé froid. » confirma-t-elle en secouant la tête, l’attention détournée vers l’une des grandes baies vitrées de la chambre. Dehors on apercevait au loin les montagnes norvégiennes, déjà couvertes d’une épaisse couche de neige. Solvi avait grandi au Royaume-Uni, mais elle avait passé plus de temps à l’extérieur qu’enfermée chez elle. Les hivers rudes, les tempêtes de glace, les nappes de brouillard n’avaient pas grand chose de contraignant pour la jeune femme qui avait simplement grandi avec chaque hiver. Elle esquissa alors un sourire, s’imaginant rouler dans la neige ou faire des courses de raquette après une bonne bièraubeurre. Ce serait sans elle cette année. Elle inspira bruyamment avant de relâcher tout l’air qu’elle avait accumulé. Une nouvelle vie s’ouvrait à eux. A quoi ressemblerait-elle? Solvi sera-t-elle toujours Solvi?

D’un coup de baguette, Solvi fit venir à elle un pull supplémentaire, une grande écharpe ainsi qu’un bonnet en laine qui recouvrait toutes ses oreilles tout en laissant le soin à Fergus de l’emmitoufler dans sa veste de laine. Elle ne pouvait être mieux couverte. Pour une fois, elle ne broncha pas après Fergus. Elle le laissait faire, pour l’heure. Jusqu’à ce qu’elle ne supporte plus toute cette attention.

« Hors de question que l’on rentre Fergus! » tempêta-t-elle, brusquement effrayée à l’idée que l’on lui enlève le plaisir de voir du pays. Bientôt, elle ne pourrait peut-être même plus faire ça. Quelle horrible chose de devoir rester chez soi. Son air soudainement sérieux disparut lorsque Fergus se mit à comparer leurs sensations. Elle ne put s’empêcher d’éclater de rire. « Tu as simplement faim grand nigaud. Voyager ça creuse. » Normalement. Pas sûr qu’elle puisse avaler quoi que ce soit.

Lorsque Fergus posa sa main sur le ventre de Solvi, déposant au passage ses lèvres dans son cou, la Nibelungen ne put retenir un mouvement de crispation. Il lui touchait le ventre. Ça ne pouvait pas devenir réel aussi vite. Elle l’embrassa en retour tout en saisissant délicatement sa main pour la serrer dans la sienne. « Et si on trouvait de quoi manger en premier? Finalement je crois que j’ai un peu faim. »

Elle avança à ses côtés, serrant de temps à autre sa main un peu plus fort pour consolider ses appuis. Peut-être aussi pour se rassurer. Blême, Solvi put se réjouir de rejoindre l’extérieur pour profiter des légers rayons de soleil qui perçaient les nuages. « Il me semble que j’ai aperçu un stand de nourriture en arrivant. Peut-être qu’on pourrait grignoter quelque chose ensemble et se poser près du fjord? Comme on le faisait dans le bon vieux temps, près du Lac Noir? »  Peut-être pourrait-elle profiter de ce magnifique panorama pour dévoiler son secret?

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En s’installant près du Lac Noir, Solvi pourrait retrouver un peu de calme et de sang-froid. Là, peut-être aurait-elle enfin le courage de dire la vérité à Fergus, ne serait-ce qu’une fois. Ces derniers temps, Fergus pouvait la blâmer autant qu’il le souhaitait tant elle lui donnait raison. Elle lui avait d’abord caché être une Fourchelang, par peur d’être rejetée. Pourtant, Fergus était l’homme qu’elle aimait et elle ne pouvait compter davantage sur une personne que lui. Puis, ç’avait été à propos de sa famille. Là, la Nibelungen s’était abstenue de tout commentaire et avait fait profil bas. Mieux valait ne pas en parler pour l’heure. Enfin, ç’avait été ce petit bout qui venait de naître en elle. Il était là depuis peu, elle avait simplement attendu le bon moment pour l’annoncer. Elle avait attendu que ce soit sûr, préférant ne pas inquiéter Fergus inutilement.

Et l’heure était enfin venue. L’heure d’annoncer que leur vie s’apprêtait à être totalement bouleversée par l’arrivée d’un petit être. L’heure d’avouer que leurs priorités allaient changer. L’heure d’admettre que peut-être Solvi ne pourrait plus jamais être Solvi. Les occasions de le dire avaient déjà été nombreuses aujourd’hui. Il semblait d’ailleurs que tous les astres s’étaient alignés et que Solvi ne pouvait plus se permettre de dissimuler la nouvelle. Son ventre s’arrondirait d’ici peu et, à moins d’être aveugle, cela finirait par se voir.

Elle s’accrocha au bras de Fergus, marchant d’un pas calme et assuré alors que la tempête grondait en elle. Son coeur battait rarement aussi vite, pas même lors d’une intervention des tireurs d’élite où elle était, bizarrement, plus calme. Le Clearwater semblait ralentir la cadence. Solvi voyait cela d’un très mauvais oeil. Elle paraissait malade mais n’était pas impotente, ce qui lui fit légèrement accélérer le pas. L’air de dire qu’il n’avait pas besoin de la couver.

Le silence qui pesait, d’ordinaire si léger lorsque Fergus était à côté, semblait peser des tonnes sur ses épaules. Qu’allait-elle dire? Quand? Comment réagirait-il? Et si elle n’arrivait pas à être aussi ravie que lui? Beaucoup trop de questions défilaient dans sa tête, ne l’aidant pas du tout à prendre son courage à deux mains.

« Non, non, je préfère manger maintenant. » Si elle arrivait réellement à engloutir quelque chose.  Peut-être cela l’aiderait-elle à faire passer sa nausée, le temps de quelques minutes tant espérées. Elle aurait presque voulu le fusiller sur place lorsqu’il soulignait à quel point elle grignotait en ce moment. A défaut de pouvoir manger un vrai repas, Solvi mangeait de faibles quantités régulièrement, histoire de tenir sur ses deux jambes lorsque la tête ne lui tournait pas.

Les souvenirs de son enfance resurgirent d’un coup alors que Fergus soulignait les siens en Norvège. Sa main se posa sur son ventre le temps de quelques secondes alors qu’elle se rappelait des moments passés avec son père, à étudier tous les mécanismes d’horlogerie dans les moindres détails; avec sa fratrie à faire la quatre-cent coups. Ses yeux croisèrent ceux du commerçant qui porta son regard sur son ventre. Solvi eut la sensation d’être prise la main dans le sac et laissa tomber sa main, gênée, alors que Fergus sortait une énormité juste à côté d’elle.

Elle tourna la tête lentement, très lentement, et dévisagea Fergus sans rien dire puis tourna la tête vers le commerçant qui lui faisait de gros yeux. A en juger par la mine qu’afficha Ferg en retour, Solvi comprit rapidement que son secret avait été dévoilé. Elle n’avait pas voulu que cela se passe comme ça, mais ç’avait été bien plus simple. Sans le vouloir, le Clearwater lui avait enlevé une épine du pied.

« Fergus, je… » commença-t-elle. Qu’allait-elle pouvoir lui dire? « Je… » tenta-t-elle une nouvelle fois avant qu’il ne l’attrape pour la faire virevolter. Ça ressemblait de près comme de loin aux films à l’eau de rose que les ados aimaient regarder. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. Mais Solvi détestait ces films où il ne se passait jamais rien. La joie de Fergus prenait tant de place qu’il était difficile de dire quoi que ce soit. « Doucement, doucement Fergus! » Put-elle brièvement dire alors qu’il se décidait enfin à la déposer au sol. « DOUCEMENT! » Cria-t-elle un peu plus fort, comme pour percer sa barrière de surdité. « Je… » elle détourna le regard rapidement. « J’ai besoin de temps, pour m’habituer. » Elle n’était pas prête à toute cette effervescence. Elle regarda Fergus, gênée. « C'est tout récent, six semaines peut-être? Ecoute, je n’ai pas envie que tout le monde me bassine avec ça. Je ne veux pas être un ventre sur pattes, je veux rester Solvi. Solvi qui voyage, Solvi qui travaille à la BPM. Solvi quoi...»

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Les poings sur les hanches, Solvi fronçait les sourcils, vivement contrariée par ce que Fergus s’apprêtait à dire. Elle savait comment cette grossesse se déroulerait, elle l’avait déjà imaginée maintes et maintes fois depuis qu’elle savait qu’un petit être poussait tout au fond de son ventre: Fergus la dorloterait plus que nécessaire et insisterait pour qu’elle reste terrée au fond de son lit, persuadé que bouger le moindre petit orteil lui ferait prendre un risque pour la vie du bébé. A bien y penser, c’est ce que tous voudraient.  @Marleen MacGregor insisterait certainement pour que Solvi aille de moins en moins sur le terrain et finirait par l’écarter des missions les plus périlleuses. Et lorsque la jeune tireuse d’élite pousserait la porte du bureau des Aurors,  @Gabriel Standford finirait par prendre le parti de Fergus. Alors, là, Solvi se sentirait terriblement seule. Peut-être pourrait-elle trouver un peu de réconfort auprès de sa mère qui, après tout, avait vécu sur les routes alors qu’elle portait encore Solvi. Pourtant, une once de doute naissait en l’aînée de la fratrie: ce bébé était le sien mais il était aussi celui de Fergus. Kani l’aimerait-elle autant qu’il le mériterait? Permettrait-il de faire la paix ou serait-il l’occasion d’une nouvelle guerre entre son fiancé et sa mère? Elle eut une douce pensée pour son père, Sören, qui se réjouirait certainement d’une telle nouvelle. Même si, lui aussi, insisterait certainement pour que la brune se repose plus que nécessaire.

Le visage de Solvi s’adoucit alors que Fergus tentait d’apaiser les flammes qui menaçait avant même d’avoir gratté le bout de l’allumette. Il pourrait toujours courir, Solvi savait que tôt ou tard elle finirait par avoir le dernier mot. Et puis, de toute manière, lorsqu’il serait au travail, personne ne serait là pour la surveiller. Elle pourrait s’éclipser, vivre ses petites aventures, et se loger au fond de son lit quelques minutes avant le retour du Clearwater. Ni vu, ni connu.

Une gerbe de flammes envahit les yeux de Solvi alors que Fergus s’arrêtait brusquement de parler. Elle serra la main de son fiancé, hochant simplement la tête pour marquer son accord. C’était évident: elle resterait à côté de Fergus. Quitte à prendre des risques inconsidérés. Quitte à subir son courroux quelques heures plus tard. Elle ne put s’empêcher de lâcher un léger rire qui, il fallait bien le dire, faisait un peu tâche dans le décor, avant d’enchaîner. « Décidément. Tu as la côte avec les dragons. » Elle lui donna un léger coup de coude avant de lui sourire. Ça lui rappelait cette fois où ils s'étaient échappés du domaine Clearwater avant d'être rattrapé par un Noir des Hébrides. « Bon, allons chasser du dragon. » dit-elle avec une certaine gaillardise.

Avec l’aide de Fergus, Solvi échappa à la première gerbe de flammes. Elle lâcha inconsciemment sa main alors qu’elle le voyait s’éloigner pour aider leurs voisins tous proches. S’il ne le faisait pas, c’était la mort assurée. En quelques secondes le Clearwater disparut dans les flammes, ne laissant derrière lui qu’un rideau opaque de fumée. Décidant de se lancer à sa poursuite, Solvi tenta un sortilège de Têtenbulle, sans grand succès. Elle était habituée à ce genre de situations, pourquoi ne réussissait-elle pas? Etait-ce le petit bout qui grandissait en elle et toute la fatigue que cela créait? L’angoisse de l’annonce à son fiancé? L’heure n’était pas à la réflexion mais à l’action. Sans réfléchir davantage, elle se mit à courir dans la fumée, heurtant ça et là des personnes qui s’échappaient dans le sens inverse. Arrivée devant la chambre en flammes, Solvi tenta tant bien que mal d’éteindre le feu, sans jamais parvenir à cibler le bon endroit.

Un rugissement la fit bondir avant qu’elle ne tourne la tête pour observer le ciel. Entre les nappes de fumées, Solvi apercevait deux yeux qui la fixaient. Il fallait courir pour sa vie.





J'ai raté tous mes dés.  :brax: