Rooftop Madness - River

River détestait ce genre de soirée. Etre le centre de l'attention, que tous les regards soient braqués sur lui. Et tout ça pour quoi ? Une BD ? Oui. L'éditrice avait fait fort pour ce coup. Elle avait mit "le paquet" comme elle aimait si bien le dire et répéter à tout va. Heureusement pour River, les honneurs ne lui étaient pas entièrement destiné. Le scénariste se tenait à sa droite, tout sourire, une coupe de champagne à la main. De temps en temps un photographe venait à leur rencontre pour leur demander de poser avec Madame l'Editrice et de sourire. Les dents blanches, les yeux légèrement plissés, il fallait être présentable.

River n'avait pas l'habitude d'être entouré d'autant de monde. Il aimait sa solitude, sa petite grotte, son univers. C'était là qu'il se sentait le plus épanouie. Ou dans les bras d'un homme musclé, au chaud sous des draps. Mais pas ici. Son éditrice avait un peu bu, elle rigolait fort. Elle avait de la présence et savait parler aux convives. Elle n'arrêtait pas de dire que "tout était parfait". C'est vrai, cette soirée était parfaitement organisée. River n'aurait jamais pu faire mieux. Mais il ne remarquait pas vraiment tout le travail qu'il y avait derrière. Pour lui, c'était un moment horrible, un enfer auquel il espérait s'échapper le plus rapidement possible.

Il aurait voulu voir Ocean débarquer, ou même Jesse. Mais les proches n'étaient pas conviés pour cet évènement. Seuls les personnalités et les gens de marques. C'était une promotion, une façon de mettre en avant un nouveau genre d'écriture, de littérature. Il fallait que le gratin de la Bande Dessinée sorcière soit présente. C'était un moment de gloire, un moment important pour River. Une sorte de tremplin dans un monde de requins. Mais plus il essayait de se forger une fausse image de lui, plus il avait chaud. Terriblement chaud.

- Ca va ? lui demanda son scénariste.
- Oui, oui ... j'ai ... besoin de boire quelque chose de plus fort, répondit River en tapotant l'épaule de son partenaire.

Il ouvrit les boutons de sa chemise pour laisser respirer sa peau, puis jeta sa veste de costard sur un siège abandonné. Il se fraya un chemin parmi les convives et attrapa une coupe de champagne sur le premier plateau en argent qu'il vit passer sous son nez. Une femme vêtue d'une robe en satin vert, lui attrapa le bras. Elle avec un rouge à lèvre sombre, des yeux puissants et un sourire qui mettait mal à l'aise le dessinateur.

- Vous êtes River Hardcastle ? Le dessinateur de la BD ? Je dois dire que j'ai adoré votre sty ...
- Oui, oui ! Pas le temps !

River coupa court à la conversation. Ca le gonflait, il n'avait pas envie de parler de lui, de son art, de répéter inlassablement les mêmes choses. Il étouffait. Sa chemise était trempée de sueur et il n'avait qu'une hâte, quitter cet endroit. Il joua de ses épaules pour se diriger vers la sortie, sauf que son Editrice l'intercepta. Elle était vêtue d'une longue robe noire avec un décolleté plongeant, dont un collier de perles noires se perdait dedans. Ses cheveux tout aussi noirs étaient remontés en un chignon complexe dans lequel elle avait glissé un ruban mauve et quelques papillons dorés, très petits, qui se glissaient entre ses boucles.

- River, où allez vous ? N'oubliez pas que vous avez votre discours dans un quart d'heure.

Merde ... le discours. River leva les yeux au ciel.

- Ah oui le discours. Je n'y manquerai pas.
- Mais dites moi ... vous êtes tout transpirant ! Allez donc vous changer, vous ne pouvez pas apparaitre devant tout le monde dans cet état !

Il sourit bêtement, un peu crispé, puis pivota sur ses talons pour déguerpir d'ici. Il était même prêt à prendre la fuite et galoper dans les rues de Londres pour ne jamais affronter tous ces regards. Mais au moment même où il s'apprêtait à quitter le roof top, son corps percuta un autre. Sa coupe de champagne à la main, il renversa son contenu sur le costard impeccable de Muzan Senju.

- Oh désolé ! Je suis vraiment navré ... attendez je ... vais rattraper ça.

Il sortit un mouchoir de sa poche et commença à tâter la chemise et la veste gâchée par l'alcool. Un coup de baguette magique aurait pu tout arranger, mais les baguettes étaient proscrites et mises au vestiaire.

- Ca sera plus pratique avec un coup de baguette magique ... on devrait peut-être aller aux vestiaires. Je ... peux m'en charger ?

Un bon prétexte pour fuir la soirée. Oui, c'était un excellent prétexte. Mais qui laisserait la star de la soirée s'en aller aussi facilement hein ?

Merde ...

Comment s'échapper de cet endroit si ce jeune homme ne souhaite pas aider River ? Il le regarde d'un air dédaigneux. Comment pouvait-il savoir que la laine de boursouf ne se lavait pas à coup de baguette magique ? Et puis d'ailleurs, c'est quoi cette matière ? La laine de boursouf ... River n'en avait jamais entendu parler. Bon, après tout, il n'avait jamais été très attentif en cours de Soins aux Créatures Magiques et avait quitté Poudlard assez rapidement pour se donner à temps plein au dessin. Chose qui finalement payait aujourd'hui/

Mais la remarque cinglante de cet homme fit reculer d'un pas River. Son visage se contracta d'un grand mépris. Lui aussi pouvait regarder les gens de haut. Ca pouvait arriver à tout le monde d'être pressé et de ne pas faire attention. Cet homme ne faisait-il jamais d'erreur ? River serra les poings pour essayer de se calmer et ne pas lui envoyer tout ce qui lui passait d'odieux par la tête.

- Vous avez un problème avec les dessins pour enfants ? Au moins j'ai le mérite d'avoir du talent, alors que vous ... vous êtes qui d'abord pour me parler comme ça ?

River ravala sa fierté et secoua la tête. Son éditrice n'était pas très loin et faire des vagues maintenant, ce n'était franchement pas la meilleure idée. Alors il leva une main en avant, coupant l'inconnu dans son élan.

- Ecoutez ... je proposais simplement de réparer les dégâts que j'ai fait à votre veste en laine de boursouf. On peut essayer d'arranger ça avec de l'eau et du savon ... je sais pas ... les toilettes sont là bas.

Une nouvelle tentative de s'échapper de cet endroit. Le tout était de quitter le rooftop pour s'enfuir vers la rue animée. Il espérait que l'idée fonctionne, même si peu convaincue par l'expression de cet homme.

Rooftop Madness

ft  @River Hardcastle
Septembre 2022 - Evening
OOTD

Soyons très honnêtes, Muzan n’en avait rien à faire de sa veste, ou de sa chemise. Certes, la facture était de très bonne qualité et il l’avait choisi avec soin et attention ce soir, afin de paraître toujours aussi impeccable que d’habitude. Cela ne voulait pas dire pour autant qu’il y tenait. Il ne mettrait jamais rien de vraiment précieux à ses yeux pour une occasion aussi insignifiante. Alors une de ces pièces-là, époustouflante pour le commun des mortels mais remplaçable pour Muzan, ce n’est pas grave si elle est ruinée. Il a une nièce entière remplie de vêtements, si grande que l’on pourrait y loger une famille nombreuse et que des enfants pourraient réaliser un cache-cache inoubliable en son sein. Bref. Muzan se fichait que sa veste soit perdue. Par principe, cependant, et car il était Senju Muzan, il était hors de question de laisser passer un tel affront à sa personne. Affront qui ne fait que grandir, alors que visiblement, l’autre ne sait même pas qui il est. Non, évidemment qu’il ne sait pas. Ils sont de monde si radicalement différents que Muzan n’aurait jamais connu l’auteur lui-même s’il n’avait pas été payé en son nom. Il l’oublierait instantanément, si cela était le genre de Muzan d’oublier des choses.

L’insolence grimpe d’un cran alors que l’autre lève la main pour l’empêcher de parler, lui rappelant avec un agacement certain un geste pour faire partir une mouche ennuyeuse. Il n’a aucune envie de s’isoler avec cet homme, mais il finit par y réfléchir, se disant qu’il n’y avait pas besoin d’être vu avec des vêtements sales, et il y avait une certaine satisfaction à l’imaginer tenter de le nettoyer comme un vulgaire larbin – non pas que Muzan le considérait mieux que cela, en cet instant. “Après vous.” Sa voix est soudainement mielleuse, et il se demande si le dessinateur flaire le danger, alors qu’il le suit jusqu’aux fameuses toilettes. Le côté des hommes est pour le moment désert. “Appréciez-vous votre soirée, Mr Hardcastle ?” La douceur dangeureuse de sa voix ne le quitte pas, si différente du froid polaire d’auparavant. Mais qui revient, très rapidement. “Vous devriez. Mon assistant fera savoir dès ce soir à votre éditrice que ni mon entreprise, ni plus aucune autre agence d’évènementielle n’acceptera un projet pour vous. Par ailleurs,” il tapote d’un doigt le col de sa veste, “ceci sera décompté en frais supplémentaires. Et oui, cela vaut beaucoup de vos petits dessins.”

hrp: