The fall (Liadan)

Sans passer par la Grande Salle, Yeleen s'était réfugiée dans son dortoir en tirant les rideaux, loin d'avoir les épaules pour affronter le monde à cet instant. Elle avait pourtant tenue bon toute la journée, la tête haute, remarquant pourtant l'absence de Sean à tous les cours communs qu'ils avaient, mais feignant d'ignorer à quel point tout partait en miette à chaque seconde qui passait. Souriant à sa cousine, comme à Adil pour les rassurer, elle avait tenue dix misérables heures ce lundi avant de venir s'emmitoufler sous la couette froide de son lit, baissant la photo de Sean et elle qui trônait sur la table de chevet jusque là. Mais trouvant un des t-shirt du Gryffondor qu'elle avait prit comme un dernier souvenir de l'été, coincé entre ces deux oreillers, Yeleen souffla péniblement en sentant sa gorge se serrer comme au terrain de Quidditch. Respirer ... ne pas manquer d'air. Mais l'image de Sean entrain de lui tourner le dos et la quitter lui revenait sans cesse en tête, la forçant à serrer des poings pour ne pas hurler silencieusement. La douleur physique qu'elle ressentait en avalant les immondes potions de St Mangouste l'an dernier avait un gout de miel comparé à un cœur comprimé qui refusait de battre correctement.

Respirer, ne pas manquer d'air. Ne pas tomber, pas encore. Elle avait tenue bon pendant trois semaines en attendant qu'on leur livre Asel et Milo, puis Sean par la suite, en dernier, le regard totalement disloqué sans jamais le retrouver comme il avait pu être. Elle avait tenue les trois semaines suivante en le voyant se renfermer sur lui avant de totalement l'ignorer à partir du moment où ils avaient mis le pied à Poudlard. Qu'avait-elle fait de si mal?
Secouant la tête, elle essuya ses larmes avant de sursauter, entendant un bruit de l'autre coté du rideau. Ecarquillant les yeux, elle se releva de son lit, ses doigts se posant sur le tissus pour remarquer qu'elle n'était pas seule, contrairement à ce qu'elle pensait. Elle était rentrée dans le dortoir en inoculant tous ce qu'il y avait autour d'elle, commettant la première erreur en ne pensant qu'à elle à cet instant. Alors elle se leva sur la pointe des pieds, reconnaissant sa colocataire depuis le début de l'année dans son dortoir, sa co équipière de Quidditch également. Physiquement, elles étaient diamétralement à l'opposé l'une de l'autre mais la douceur qui émanait de chacun des gestes de la jeune fille avait fait en sorte que les nuits soient un havre de paix depuis un mois. Liadan était exceptionnellement calme à ses yeux, un air de déjà vu d'ailleurs dont elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus, bien qu'elle regrettait ne pas en savoir beaucoup sur la jeune femme depuis la rentrée, bien trop centrée sur les cours et sur tous ce qui était possible de faire pour éviter de penser à Sean.

Silencieusement, elle entendit un bruit, semblable à un sanglot et fut tétanisé par cette intimité dont elle n'avait pas l'habitude. N'avait-elle jamais remarqué à quel point Liadan était mélancolique ces derniers temps? Si elle le savait, mettant surtout cela sur le compte de la rentrée, d'une séparation difficile avec ses parents, son ancienne vie à Mahoutokoro. Elle la voyait souvent ouvrir sa boite sur son propre chevet, sans oser lui demander ni regarder ce que s'était, les deux jeunes filles respectant la limite du rideau pour ne jamais aller voir de l'autre coté. Leur dortoir était sobre, même si dernièrement, elles avaient décidé d'y accrocher quelques posters pour l'égayer de leur joueurs favoris. Entre @Hope Standford et @Fire Saetan, elles arrivaient encore à laisser échapper quelques sourires en coin avant que la douleur de les rattrape, toutes les deux à leur façon et chacun dans son lit. Mais ce soir, Yeleen ne put se résoudre à rester seule.

Profitant d'une torche encore allumée dans un coin de la pièce, la Serdaigle s'approcha doucement du lit de Liadan, dans un t-shirt bien trop grand pour elle, frissonnant alors que les températures s'étaient soudainement rafraichis pour la fin du mois.

"Hey" signa-t-elle dans un silence de plombs avant de serrer ses doigts sur la couette de la jeune fille, pour lui signifier sa présence. Le mot flotta dans les airs, brillant presque dans la nuit, la magie du sortilège de traduction faisant encore effet.

Les yeux humides, Yeleen sentait le nez lui piquer, par simple mimétisme en sentant l'affect de Liadan sous ses yeux. Elle n'avait probablement pas envie d'entendre quelqu'un lui parler, ni lui demander de le faire, aussi elle fit profiter du silence de son mutisme pour venir lui frôler le bras pour la tourner vers elle, s'agenouillant simplement près de son lit. Loin de vouloir rentrer dans son espace vital sans son autorisation, Yeleen n'observa pas le décor autour de son lit, attendant simplement que la jeune fille se sépare de ses draps si l'envie s'en faisait sentir. Elle n'avait jamais été tactile, sauf avec ses cousins proches ou son demi-frère et elle espérait seulement pouvoir lui faire un peu de bien, donner un peu de chaleur à Liadan qui semblait en avoir cruellement besoin.

"Quoi qu'il se passe, ça va s'arranger avec le temps."

Y croyait-elle elle même alors qu'elle sentait son propre cœur se faire piétiner de seconde en seconde? Le temps pouvait guérir bien des maux et des mots mais dans l'immédiat, elle préférait se dire que Liadan pouvait encore être sauvé de sa peine. Reposant le menton sur son matelas, elle passa sa main libre dans ses cheveux, comme pour tenter de calmer ses pleurs qu'elle devinait bien plus aisément maintenant.

C’est trop dur. De plus en plus, Liadan se fustige, se traitant d’idiote. Comment a-t-elle pu penser une seule seconde qu’elle pouvait y arriver ? Quitter l’école qui a été sa maison pendant huit longues années, ses amis, sa petite amie, et pour quoi ? Pour pourchasser une chimère, un fantôme au sourire doux qui lui apparaissait encore, en songe. Pour se rapprocher de la vie qu’on lui a arrachée, à la minute où on a pris celle, si précieuse, de Liam O’Connor. Quelle naïveté, de songer que ce serait facile. Qu’elle n’aurait qu’à poser le pied sur le Terrain de Quidditch pour sentir sa présence. Qu’elle pourrait trouver l’adresse de Braxton aisément, qu’elle retrouverait son parrain en un instant. Qu’il n’y aurait qu’à sourire au détour d’un couloir à un jeune homme qu’elle reconnaîtrait immédiatement, et que tout reprendrait sa place, instantanément. Le vide serait comblé. “You’re an idiot, idiot, idiot!” La dernière insulte est un cri étranglé, alors que Liadan fait irruption dans le dortoir, pour l’instant vide. Son sac à dos est jeté au sol, envoyant valser la toupie de bois sous le lit, sur lequel elle se laisse tomber. Ses grands yeux trop clairs sont déjà emplis de larmes, alors qu’elle agrippe la couette pour étouffer les sanglots qui commencent à la secouer. A quoi pensait-elle, réellement ? Poudlard n’est pas sa maison. Ce ne sont que de vieux murs froids, hostiles, dans lesquels elle n’a pas su trouver la chaleur qu’elle recherchait. « He forgot about you. » Les mots sont terribles. Ils la hantent, depuis ce jour, depuis que le professeur Clearwater l’a fait asseoir, après un cours. Lui brisant le cœur, irrémédiablement. Un gémissement étranglé lui échappe. Sean doesn’t know who you are. Après des années, à penser à lui, à se raccrocher à leurs souvenirs heureux, pour ne jamais oublier. Après des mois, à s’imaginer leurs retrouvailles. Une complicité immédiate qui se renouerait, qui coulerait de source. Parce qu’ils ont quasiment été élevés ensemble. Parce qu’on ne peut pas effacer la famille. C’est ce qu’elle pensait. Et elle a eu tort. Et à chaque jour qui passe, elle ne se demande pas si elle a fait une énorme erreur. Si elle ne ferait pas mieux d’abandonner, de demander qu’on la transfère de nouveau. L’abattement est énorme. Elle n’avait pas prévu ça. Elle n’avait pas prévu de devoir recommencer à zéro, réellement. Mais le filet de sécurité qu’elle espérait n’existe plus. Et il lui semble se noyer, tout bonnement. Et c’est sans doute ce qu’elle est en train de faire, dans ses larmes.

Il n’y a plus d’oxygène, depuis qu’elle a encore croisé son regard, au détour d’un couloir. Elle fait tout pourtant, pour l’éviter. Mais ils ont des matières en commun. Et leurs Salles Communes ne sont pas si éloignées. La brûlure est vive. Il lui manque. Et en même temps il n’est plus le même. C’est stupide. Mais elle a toujours pensé qu’ils se retrouveraient, un jour. Ça n’arriverait pas. Et cela la fait renifler, et … "Hey" L’influx d’air manque de lui faire tourner la tête, inspiration soudaine, peur due à la surprise qui la perturbe. La main sur la couette la fait se tendre une seconde, avant que les choses ne lui reviennent, du fin fond du gouffre dans lequel elle est plongée. C’est Yeleen. Ses lèvres s’écartent, tremblent, veulent prononcer des excuses. Mais rien ne sort qu’un couinement misérable. Elle ne sait même pas quand elle a ramené la couette au-dessus d’elle. Ni quand elle s’est raccrochée au petit Niffleur en peluche, lové contre son cœur. Le toucher la fait se retourner. Sa vision est brouillée par les larmes, et le spectacle qu’elle doit offrir, ses longs cheveux blonds collés à ses joues, ses yeux bleus teintés de rouge doit être des plus pathétiques. Et pourtant tout ce à quoi elle pense c’est qu’elle est en train de l’empêcher de se coucher et qu’elle est une horrible personne, à ne penser qu’à elle. "Quoi qu'il se passe, ça va s'arranger avec le temps." Le couinement est instinctif alors qu’elle essayait pourtant de se reprendre. Et elle secoue la tête avec la dernière des énergies, finissant par articuler : “No it won’t.” Daddy is gone. Sean is gone. Et personne ne pourrait les lui ramener. Elle ne veut même plus parler à Braxton. Pas maintenant qu’elle sait. Alors … mais il y a Yeleen. Yeleen qui lui caresse les cheveux. Yeleen qui… “You’re… crying too ?” Et le pire c’est qu’elle ne parvient pas à s’arrêter, même en sachant ça. Glapissement affolé : “I’m… I’m sorry!” Sa respiration est trop rapide et elle ne parvient pas à se calmer suffisamment pour parvenir à prononcer quoi que ce soit de cohérent. Elle ne parvient qu’à se décaler, offrant l’espace à côté d’elle, venant tirer en douceur sur le bras qui lui offre un peu de réconfort : “C… come. If you want…” Reniflement, alors qu’elle essaye de se calmer. Le doudou est abandonné, pour l’instant sous les draps. C’est sa nouvelle amie qu’elle considère. Qui la distrait, de sa propre peine, quelques secondes. Qu’est-ce qui peut bien arriver aux filles de ce dortoir, qui n’ont pourtant jamais fait de mal à qui que ce soit dans leur vie ?

La voix désarticulée de Liadan retenti dans les airs comme un espoir tordu par le temps. Rien ne s'arrangerait et la sentence qui tomba de ses lèvres ne fit que faire trembler les propres lèvres de Yeleen qui aurait aimé y croire un seul instant. Un petit petit instant que cette journée n'avait été qu'un cauchemar ambulant et qu'elle allait se réveiller dans l'appartement de Betty, les bras chaleureux de Sean autour d'elle. Dans la pénombre du dortoir, Yeleen s'empêcha de l'affoler alors qu'elle remarquait le sillon des larmes qui creusaient ces joues de porcelaine. Elle s'excusait, comme si c'était de sa faute et pourtant, elle n'avait rien fait.
Secouant la tête négativement et dans la hâte, elle se rendit compte que rien de ce qu'elle pouvait signer n'aller calmer la jeune fille qui semblait à cet instant bien perdue. Depuis combien de temps cachait-elle un mal être? Depuis la rentrée? Ou avant? Alors qu'elle lui tirait le bras pour qu'elle s'installe à coté, Yeleen remarqua une peluche entre ses bras, dont le regard lui rappela un instant celui brodé sur une ancienne salopette de @Sean Clearwater, la forçant à fermer les yeux. Un rien lui faisait penser au Gryffondor, elle savait qu'un éclat doré ou rouge lui ferait penser à lui et c'était à cet instant là inévitable.

Elle souffla doucement avant de grimper dans son lit, seul et étrange réconfort qu'elle trouva de mieux à faire. Deux étrangères, liées par une maison, un dortoir, un jeu et quelques posters, étaient entrain de se retrouver, la gorge remplie de larme dans un lit néanmoins confortable. S'allongeant à ses cotés, elle observa un instant le lit en baldaquin de la jeune fille, semblable au sien et leva les mains, pour signer d'autres mots qui illuminèrent un instant le visage de Liadan au fil de sa phrase.

"On dit qu'il faut en parler pour être apaiser... ou s'endormir d'épuisement."

Elle pouvait lui proposer une alternative aux pleurs, sans pour autant la forcer à parler de ce qui la tracassait à cet instant. Si le Quidditch semblait être une ligne directrice entre elles, elle sentait néanmoins qu'elles n'allaient pas se mettre à parler d'une nouvelle technique pour abattre la maison adverse au prochain match. La gorge serré, elle sentit une larme partir malgré elle alors qu'elle tentait vainement de mettre des mots simples sur des sentiments rompus.

"Qu'est-ce que tu as perdu?"

Ou s'était-elle perdu? Comment avait-elle fait pour s'égarer? Yeleen plissa les lèvres, heureuse de ne pas avoir de voix, pour ne pas s'entendre gémir de solitude à cet instant. Son pilier avait choisi de tomber, emportant avec lui des espoirs qu'elle n'avait jamais osé dévoiler.

Les larmes de Liadan lui brouillent la vue et pourtant, il lui semble très clairement voir celles qui ont laissé des sillons sur les joues de Yeleen, qui brûlent encore dans le rouge qui strie ses yeux. Et cela ne fait qu’en redoubler l’intensité. Cela ne s’arrange pas quand elle la rejoint, l’une sous la couette, l’autre en-dessous, étrange tandem formé par la force des choses, qui semble avoir plus en commun encore que ce qu’elles pensaient. Oh if you only knew. Mais pour l’instant, la Serdaigle se contente de rouler un peu sur le côté, pour se blottir contre la silhouette de l’autre fille, cherchant à recevoir autant qu’à donner un maigre réconfort. Ce n’est pas grand-chose. Mais ne pas se sentir complètement seule à couler, à se noyer dans cet abysse sans fond aidera sans doute à la remonter. Et à tirer l’autre vers le haut, aussi. Pour l’instant cependant, on entend surtout toujours ses sanglots, dans le silence de la pièce. Qui n’est pas brisé par les bruissements des doigts de Yeleen. Sachant qu’il lui faut lire, la O’Connor sort la petite peluche et s’en sert pour s’essuyer les yeux, pour suivre sans que les mots ne risquent d’être dilués par l’eau qui continue de s’en échapper : "On dit qu'il faut en parler pour être apaiser... ou s'endormir d'épuisement." Un rire sans joie, un peu étranglé y répond. C’est ce qui arrive bien souvent depuis la rentrée, elle finit par trouver les bras de Morphée, à défaut d’un calme relatif avant de sombrer. Et c’est ce qu’elle était partie pour faire. Ses dents capturent sa lèvre inférieure, alors qu’elle essaye de respirer, pour pouvoir formuler une réponse. Une qui soit satisfaisante.

"Qu'est-ce que tu as perdu?" L’inspiration est une de surprise, tant les mots sont précis et appuient sur son plexus. L’influx d’air est rendu en un gémissement douloureux, et elle ferme les yeux, un instant. Too much. I lost too much already. My dad. My identity. My way. Mais ce n’est pas pour ça qu’elle pleure ce soir. Liam O’Connor se dérobe encore à elle, et il le fera toute sa vie. C’est un autre deuil, qu’il lui faut faire. Et qui est beaucoup plus difficile. Et c’est au bleu du baldaquin qu’elle confie, dans un murmure étranglé : "Je suis venue ici… pour retrouver quelqu’un." Reniflement misérable, alors qu’elle essaye tant bien que mal de contenir les sanglots qui veulent revenir, qui la prennent à la gorge. Le cœur est lourd, alors que les traits de Sean passent sur le fond du velours qui les surplombe. "J’ai passé… des années à penser à lui." Six ans était trop vieux pour avoir un ami imaginaire, lui a-t-on dit. Toute sa vie, elle a raconté ses misères à celui qui ne pouvait pas les entendre, qui a été élevé avec elle, qui avait tout du frère, du meilleur ami, du complice, du confident. "J’ai toujours pensé… que le moment où on se reverrait… je me sentirais enfin… complète." Que cela lui rendrait une partie de son identité, que sa mère a effacée en niant tout ce qui s’est passé, toute son enfance au Royaume-Uni. Un espoir naïf. "Mais il… il a oublié." Les mots de Jameson Clearwater ont été terribles. Le croiser dans les couloirs, encore plus. Parce qu’il n’y avait aucun moyen pour lui de se souvenir de qui elle était. Parce qu’il n’en a aucune idée. "Je… n’ai jamais existé, pour lui." Et c’est trop, de l’entendre. Ses yeux se ferment et elle fond en larmes de nouveau, inconsolable. Et elle veut s’excuser, de toute ça, parce que ça ne doit pas faire le moindre sens. Mais tout ce qu’elle sait faire, c’est enfouir son visage contre l’épaule de Yeleen, en secouant la tête.

A sa question, elle entendit la respiration de sa colocataire se bloquer, laissant le son du vent frapper contre la tour être le seul à les bercer. Lui avouant qu'elle était venue à Poudlard pour retrouver quelqu'un après avoir passé des années à penser à lui pour se sentir enfin complète au moment fatidique, Yeleen souffla douloureusement, l'écho de ses paroles résonnant dans son propre cœur meurtri. Les yeux baissés sur la couette alors que la jeune femme se tournait vers elle, se confiant sur une peine sentimentale qu'elle ne pouvait que comprendre, elle se tendit au moment où elle vit ses cheveux d'un blond si particulier près de sa joue, lui avouant que la personne qui aurait donné un sens à sa vie ne se souvenait plus de lui, sans se rappeler du moindre souvenir La peluche entre ses doigts fins, Liadan tentait de rassembler ce qui lui restait pour ne pas sombrer dans l'oubli comme dans l'esprit de celui qui l'avait poussé à parcourir des centaines de kilomètres depuis l'Australie.

Les yeux dans le vague, Yeleen observa le nifleur, petite créature qu'elle assimilerait à vie à ce pyjama que Sean portait au moment où son parrain perdait la vie pour le protéger et fronça les sourcils. Si son cœur avait cessé de battre au moment où le Gryffondor lui avait avoué ne plus être heureux avec elle, sa tête s'activa soudainement alors que plusieurs images se superposaient soudainement. Les yeux bleus de Liadan, ce nifleur, ces souvenirs, ceux de celui qui n'en avait plus ... comme Sean. Se pourrait-il que la jeune femme cherchait le Gryffondor, lié par un passé bien plus profond qu'elle ne l'imaginait? Cela faisait plus d'un mois qu'elle avait forcément du voir Sean également, pour se rendre compte qu'il n'avait plus de souvenirs d'enfances, arrachés par la baguette de son propre père au moment où Liam avait cessé de respirer. Elle n'avait jamais remarqué le moindre détail lui prouvant qu'un autre enfant aurait pu être présent dans la vieille bâtisse, mais tout était allé si vite, l'attaque, l'explosion, Sean... concentré sur ce petit garçon, elle n'avait rien vu, à part la chambre d'un enfant. Mais elle était sure d'un seul fait, les O'Connors ne courraient pas les rues car si elle avait eu le temps de faire quelques recherches sur l'Auror, il était à présent évident qu'elle avait un lien très spécifique avec Liam.

Elle leva les yeux vers les larmes de l'autre Serdaigle, qui avait perdu ce qu'elle avait de plus cher. Sean. Cela ne pouvait pas être plus évident. Le blond de ses cheveux, ses yeux, elle ne pouvait qu'avoir un lien évident avec le parrain du Gryffondor, dont Sean n'avait cesse de vouloir en savoir plus. Et si Liadan était la réponse à tout?

Et si c'était Liadan qui le rendait heureux?

La boule qui lui rongeait le ventre sembla grapiller la moindre source de chaleur encore viable qui poussa Yeleen à passer ses propres mains sur ses bras pour se réchauffer, en vain. C'était à présent un peu plus évident, il y avait bien une autre personne capable d'apporter bien plus de soutient à Sean à cet instant. Fermant les yeux, se rendant compte que la seule force présente l'abandonnait, Yeleen tenta de calmer un souffle qui devenait erratique, tant la logique lui montrait que Liadan cherchait Sean et que l'inverse était très probable également. Elle, au milieu, ne faisait le bonheur de personne.

"Ce n'est pas sa faute s'il ne se souvient pas, il n'a pas eu le choix."

La gorge serrée, elle préférait encore s'effacer pour de bon pour permettre à Liadan de se déployer vers Sean.

"Tu devrais ... lui montrer le nifleur. Il avait le même. Détrompe toi, tu as existé, tu es importante."

Les mots étaient hachés, comme si elle s'écorchait les doigts et l'âme à chaque seconde. Plissant les lèvres, elle laissa malgré elle une autre larme couler alors que les épaules baissées, elle était entrain de perdre tous ce qu'elle pensait de si certaine dans sa vie. Se secouant la tête, elle se tourna vers Liadan, séchant une nouvelle fois les larmes qui retombaient sur l'oreiller avant de signer. Sean était ce qu'elle avait et celui qui aurait toujours la plus grande importance dans sa vie et s'il arrivait à trouver son bonheur quelque part ailleurs, sans qu'elle ne soit là, elle l'y pousserait elle-même.

"Tu lui es très importante, il a juste besoin d'un déclic. Je te promet que ça ira après ... "

Le savoir est une horreur à part entière. Ce que lui a fait subir, malgré lui, le professeur Clearwater, est innommable. La douleur la ronge, doucement, depuis le jour de la rentrée, depuis qu’elle a compris qu’elle n’était pas réellement la bienvenue entre ces murs. Qu’il n’y avait pas de place pour elle à Poudlard, contrairement à ce qu’elle a rêvé, espérer. Et même si des liens commencent à se tisser, des amitiés à voir le jour, sa routine à se roder, il manque cette pièce centrale du puzzle. Eux. Liam. Braxton. Sean. L’un ne peut pas être décodé sans les autres. Le second n’a pas encore été cherché, de peur d’être déçue, encore une fois. Quant au troisième… le troisième passe à côté d’elle régulièrement, sans la voir. Sans savoir. Et c’est insupportable. Et ça la fait craquer, régulièrement. La raison pour laquelle elle n’a pas encore rendu les armes et demandé à réintégrer Mahoukotoro est obscure. Elle ne veut pas décevoir sa grand-mère, qui l’a aidée, dans le dos de sa propre fille. Et il doit y avoir des souvenirs de son père, quelque part. Quelque chose pour lui dire que tout ceci n’était pas en vain. Yeleen bouge doucement et elle se décale. Ses yeux embués sont essuyés, et son esprit s’envole vers les leçons qu’elle prend, pour que sa colocataire n’ait plus à se servir de ce sort avec elle. Pour l’instant, c’est trop léger. "Ce n'est pas sa faute s'il ne se souvient pas, il n'a pas eu le choix." La justesse des mots devrait la surprendre. Pour l’heure, elle est trop bouleversée pour que ce soit le cas, comme si Yeleen savait tout, comme si elle avait parlé de l’Oubliettes. "I know." C’est sans doute une des parties les plus difficiles. Parce que même si c’est un deuil impossible à faire, même si c’est une plaie béante, elle est incapable d’en vouloir à qui que ce soit. Parce que personne n’a pensé à mal. Même si le résultat est le même.

"Tu devrais ... lui montrer le nifleur. Il avait le même. Détrompe toi, tu as existé, tu es importante." N’arrive-t-elle pas à lire, ou y a-t-il quelque chose qui cloche ? C’est compliqué, de naviguer dans le maelstrom d’émotions. Mais c’est le moment où la Serdaigle comprend. Où son regard glisse des mots au visage de la jeune femme à ses côtés. Et où ses lèvres se mettent à trembler, alors qu’elle demande : "You… you know… Sean ?" Il lui faut un effort pour tenter de se souvenir, ayant mis un point d’honneur à éviter le Gryffondor et à ne surtout pas s’intéresser à lui, à ne pas le détailler quand ils se trouvaient en présence l’un de l’autre, notamment en cours. Rien ne vient. Rien du tout. Aussi reste-t-elle complètement interdite. Les larmes se sont taries, alors qu’elle considère les arabesques qui se dessinent. "Tu lui es très importante, il a juste besoin d'un déclic. Je te promet que ça ira après ... " "I… no." Non. Elle ne pouvait pas. On lui avait très clairement fait comprendre que c’était une mauvaise idée. "Professeur Clearwater said… he doesn’t remember." Sa voix n’est plus qu’un souffle, alors qu’elle se rend compte qu’elle est en train d’étouffer le petit niffleur, qu’elle détache d’elle. Qu’elle lève, au-dessus de leurs têtes : "It’s… it’s is. Well… ours." Ils avaient tous les deux flashé, gamins, sur la dernière de la boutique, qu’ils s’étaient partagés, depuis, pendant quelques années. Jusqu’à ce que Braxton la lui donne, aux funérailles de son père. "But I’m not important. I’m… I’m no one, to him." Et cela fait doucement couler quelques perles supplémentaires sur ses joues diaphanes, et elle secoue la tête. Il ne sait pas. Et donc sa colocataire essaye simplement de lui remonter le moral. D’être gentille. En douceur, Liadan pose le niffleur sur l’épaule de la demoiselle, comme s’il pouvait lui apporter du réconfort. "How do you know him ?" Et elle a tellement d’autres questions. Mais elle n’est pas certaine de vouloir entendre les réponses.

Sean

Entendre son prénom des lèvres d'une autre fille lui donna le tournis durant quelques secondes qui lui semblèrent une éternité, le tournis lui prenant la tête, le coeur et l'esprit alors qu'elle voyait encore le sourire de son ami sous ses yeux. Ami... L'était-il encore? Non. Il lui avait tourné le dos avec une telle facilité qu'elle était certaine de ne rien mériter. Yeleen se reprit, alors que sa colocataire semblait ne pas comprendre, lui avouant que le professeur Clearwater lui avait dit qu'il ne se souvenait de rien.

Mais au moment où elle suréléva le niffleur au dessus d'elles, Liadan lui avoua qu'ils leur appartenaient et le coeur de Yeleen se serra égoïstement. Ils semblaient avoir partagé plus qu'une enfance ensemble, il lui semblait même évident que si Liam avait été le parrain de Sean, le père de ce dernier devait également avoir le même statut pour Liadan. Et si... Et si Liam était encore en vie, Yeleen pouvait être certaine que jamais Sean ne l'aurait regardé ni même accordé la moindre attention a leur rentrée a Poudlard. Liadan lui aurait apporté tous ce qu'il avait manqué durant sa jeunesse, les rires, les anecdotes, une expérience inouïe dans le monde de la magie sans aucune fuite chez les moldus. Il aurait été si sûr de lui dès son arrivée qu'elle aurait été transparente. Comme actuellement.

"C'est le cousin d'@Adil Mesli" signa-t-elle avec un automatisme mortuaire. Elle qui se souvenait encore du jour de la rentrée et de cet esprit de famille si particulier que partageaient les Clearwater, c'était une chance inouïe de pouvoir graviter autour d'eux. Sans avoir la force de parler directement de Sean, de ce qu'elle a pu être durant cinq années à ses côtés, elle tenta de mettre de côté ce poignard dans le cœur qui ne faisait que s'enfoncer plus profondément.

"Il y a quelques mois, il a vu des souvenirs avec ce niffleur. Il n'a eu cesse de vouloir savoir ce qui s'était passé avant. Tu es son histoire, il a besoin de savoir. Il a besoin de toi."

Le visage fermé, Yeleen souffla silencieusement en s'oubliant un instant, ne souhaitant que se terrer dans les couettes pour se sortir de ce mauvais rêve. S'oublier, c'était peut être la solution à cet instant pour se concentrer sur le visage de Liadan dont elle ne voulait plus voir de larmes. Elle se tourna alors vers elle, levant les mains entre elles pour les éclairer de quelques mois. Dans cet épisode où ils étaient tombés dans la pensine de @Braxton Clearwater, elle avait assisté à ce moment où Liadan avait perdu son père et en première loge tout comme Sean lorsque son propre père rata le Sortilège d'Oubliette.

"Je suis désolé pour ton père... Sean l'a honoré très longtemps en ayant le même patronus que lui."

Parler de Sean sans parler de ce qui les liait était presque reposant, malgré un coeur si meurtri qu'il aurait pu arrêter de battre qu'elle n'aurait rien remarqué. Parler de Sean, comme elle l'avait connu avant cet été, la rendait presque un peu amorphe, prenant des distances sur ses propres sentiments.

"S'il est à vous deux" reprit-elle en montrant sa peluche "alors vous avez encore beaucoup à partager."

Les liens entre tous les étudiants ont encore du mal à lui apparaître clairement, mais Liadan hoche la tête à la mention d'@Adil Mesli. La connexion entre les deux lui est connue, question qu’elle a posée au détour d’une lettre, ne pouvant s’en empêcher. Et ça aurait été une des premières choses qu’elle lui aurait demandées, si le professeur Clearwater ne l’avait pas interceptée avant qu’ils ne se voient. De lui présenter Sean. Ça aurait été si simple. Alors qu’en réalité, rien ne l’est. Même Yeleen semble croire que tout peut s’arranger, si facilement. Ce n’est pas le cas. Personne ne peut réparer ce qui a été brisé entre eux. Personne ne peut leur rendre des années à s’écrire en cachette. Elle y pense, à cette pile de lettres qui est dans sa malle, qu’elle avait prévu de lui donner. Quelle importance maintenant ? Son amitié est déplacée. Parce qu’il n’est plus celui qu’elle a connu. Parce que celui qu’elle a connu a été effacé. "I’m his past. You are his story," murmure-t-elle, sans savoir à quel point elle frappait juste. Ses amis, le quotidien à Poudlard, voilà ce qui est réel pour lui, voilà ce qui a du sens. Elle est… elle risquerait simplement de lui faire plus de mal. C’est ce qu’on lui a dit. Et elle est d’accord. Et elle s’en ferait, aussi. Il faut juste que ça passe. Il faut que ça arrête de le faire souffrir. Il faut du temps. Il n’y a que ça, qui guérit, lui a-t-on dit. Mais est-ce vrai ? Quand elle est là, à rechercher le moindre signe de l’existence de son père ? Probablement pas. Et c’est pour ça qu’elle n’est pas repartie. Parce qu’une part d’elle en a envie. Mais c’est si dangereux. Et ça fait tellement mal.

En miroir, elle roule sur son flan. Le niffleur tombe entre elles, pomme de la discorde a l’air des plus innocents. Ses mots lui font baisser les yeux, alors qu’elle secoue la tête, essayant de lutter contre le retour des larmes, qui s’étaient taries. Il lui faut quelques secondes, avant qu’elle ne murmure : "Thanks." Ses dents trouvent sa lèvre inférieure. Elle hésite. Et se lance. "What is it?" Son regard trouve le sien de nouveau. "Their Patronus." Même ça, elle l’ignore. Et sa colocataire, qui n’a pas connu son père, le sait. "My mom she… she doesn’t want to talk about him." Alors même ça, elle l’ignore. La conversation l’a épuisée, et sa tête repose sur son oreiller. Par réflexe, ses doigts viennent chercher la petite peluche, jouant avec. Et ce que dit la Serdaigle la fait sourire tristement : "It is just an old toy now." C’était davantage, avant. Il avait une histoire, une personnalité, des habitudes. Il avait été le témoin de tellement de parties de cache-cache, de bêtises dont il s’était fait accuser à la place des enfants. Et il est ramené à elle, dans un mouvement protecteur. C’était plus que ça, pour elle. Mais pas pour lui. Et elle ne laisserait pas ce moment arriver. Il était hors de question de lui faire du mal. "Professor Clearwater said he isn’t well. That I would risk to mess him up even more.” Ce ne sont pas les mots exacts. Mais c’est ce qu’elle a imprimé, retenu. "I’ll protect him. I’ll stay away." Et elle se protégeait, aussi. C’était peut-être d’ailleurs purement égoïste. Ça n’avait pas la moindre importance. Et en parlant d’égoïsme… Son attention se reporte sur la demoiselle à ses côtés. "And you? What makes you sad?” Parce qu’il n’y a pas de raison.

"Tu fais aussi parti de son histoire Liadan, n'en doute jamais. On ne rappelle peut être pas l'importance des sentiments à quelqu'un qui les a oublié mais lorsqu'il s'en rappelera, tu pourras en profiter."

Déporter son vide sentimental n'avait jamais semblé aussi simple alors que son coeur se refermait hermétiquement à chaque seconde, laissant la place à une jeune femme qui prendrait doucement plus d'importance dans la vie de Sean prochainement. Yeleen n'avait été qu'une transition, un entre deux qu'elle allait devoir accepter un jour refusant ce soir la douloureuse claque qu'elle repoussait encore. Elle avait fait parti de l'histoire de Sean, mais contrairement à Liadan, il avait choisi de l'écarter pour l'oublier. Mais loin d'avoir la force de contredire la jeune femme, la Serdaigle préféra taire toutes les informations qui pourraient la lier à Sean.

Elle lui accorda un sourire bienveillant, tentant de remplacer les peines de celle qu'elle pensait australienne jusque là par des souvenirs peut être plus doux.

"Une magnifique martre des pins." signa-t-elle, éloignant le souvenir de la baguette de Sean qui lui avait délivré pour la première fois son patronus en début d'année à pré-au-lard.

Elle lâcha même un sourire plus franc, se souvenant de la force avec laquelle @Braxton Clearwater les avait fait transplané quelques secondes plus tard, croyant à une urgence. Se concentrant sur ce qu'elle avait pu voir de la pensine, elle se souvenait de l'animal comme si c'était hier.

"Grand comme ça" ajouta -t-elle, sans mentionner que Sean avait changé de patronus depuis ce jour. C'était le dernier appel de Liam O'Connor envers son meilleur ami ce jour là, protégeant Sean et probablement Liadan qu'ils n'avaient pas vu. Où était-elle dans ce souvenir, quelles images avait-elle gardé de son père? "Tu lui ressembles. Les cheveux, les yeux..." si elle avait pu lui murmurer un secret, elle lui aurait même probablement confié la suite aux oreilles mais se contenta d'illuminer le niffleur entre elles "Tu as hérité de son courage en traversant autant de pays pour connaître ton histoire." qu'importe ce qu'en pensait le professeur Clearwater, Yeleen ne partageait pas cet avis. A ses yeux, Sean avait besoin d'une stabilité et de repère, quoi de mieux que de pouvoir retrouver ses souvenirs pour s'appuyer dessus et démarrer une vie entièrement sous contrôle?

Mais elle n'était pas là mieux placé pour savoir ce qui pourrait rendre Sean aussi heureux que possible.

"Suis ton coeur. Ne te bride pas." ne put-elle que lui dire, les épaules lourdes.

Sa respiration se bloqua à la seconde même où sa question lui revint comme un boomerang et Yeleen cacha ses tremblements en se retournant sur le dos. Comment avouer à voix haute qu'elle n'était pas suffisante pour celui dont elle était tombée amoureuse? Rien de tout ce qu'elle était à cet instant avait une quelconque importance face aux larmes de Liadan. Surtout pas ses propres sentiments pour Sean.

"Une rupture."

Dans le temps, dans le coeur. C'était un livre entier qu'elle était entrain de voir se déchirer et elle soupira silencieusement, le regard dans le vague. Elle n'avait plus aucune importance face à ce que Sean ne tarderait pas à découvrir.

"On a tous un lot de bonheur à apporter aux autres. Je suis certaine que vous allez pouvoir combler le vide que vous ressentez si vous vous parlez."

Sans oser toucher ce niffleur, elle eut un oeil dessus, se demandant où elle pourrait partir le jour où Sean retrouverait Liadan. Le plus loin possible serait le mieux, même le domaine des de Clare semblait accueillant à côté. Son égoïsme était bien la preuve qu'elle n'était même pas encore prête à se réjouir pour eux.

Les mots sont digérés en silence. Est-ce que c’est pareil, se souvenir qu’on avait des sentiments pour quelqu’un ? Que réellement les ressentir, les avoir cultivés pendant des années ? La réponse semble être négative. Sean et elle, ce ne sera jamais pareil. Alors pourquoi même essayer. Pourquoi se faire du mal, pourquoi lui faire du mal, si on leur avait arraché ce qu’ils avaient et qu’ils ne pourraient jamais l’avoir de nouveau ? "I don’t know. I don’t think so." Il n’y a que de l’abattement, ce soir. L’espoir s’est envolé. Et même si elles semblent se calmer, toutes les deux, ce n'est pas comme si elles avaient le sourire. La fatigue est en train de monter, l’épuisement prenant le dessus sur les deux colocataires. Des fantômes flottent autour d’elles, comme le Patronus dont Yeleen lui décrit. Il faudra qu’elle aille chercher exactement à quoi ressemble cet animal, mais les mots sont silencieusement répétés, pour les graver dans sa mémoire, avec déférence. Toucher un peu de son père du bout du doigt n’a pas de prix, pour elle. La visualisation viendra. Peut-être parviendra-t-elle-même à déclencher une vision, si son père avait déjà effectué ce sortilège devant elle. Elle pourra essayer. Et est-ce que le sien pourrait se métamorphoser, lui aussi ? Oh, comme elle l’espérait. Ce serait une manière pour elle d’être plus proche de lui. Et la Serdaigle continue de lui réchauffer le cœur. Un doux sourire nostalgique illumine son visage. "You’ve seen pictures of my dad ?" Elle ne lui en a pas montré. Pas encore. "But yes. It is what everybody is telling me." Qui est dur pour sa mère, de temps en temps. Pour ce qui est de son courage, en revanche, rien n’est moins sûr. C’est comme une petite fille perdue qu’elle se sent, depuis la rentrée, pas la conquérante au grand cœur que son père aurait sans doute voulu qu’elle soit. Et pour l’instant, son cœur a mal. Et n’a pas envie d’aller voir plus loin.

Et estime qu’on a assez parlé d’elle. Aussi ses yeux s’écarquillent-ils en entendant ce qui cause les maux de Yeleen. "A.. breakup?" Et elle qui est en train de l’embêter avec ses histoires. "I’m sorry, I didn’t know you were seeing someone." Elles n’en ont pas parlé, la jeune femme ne connait pas l’existence de Meilin non plus. Un pincement au cœur, en imaginant ce qu’elle ressentirait si sa copine décidait de la quitter. Ce n’en était pas passé loin, quand elle lui a annoncé vouloir déménager à l’autre bout du monde. En douceur, Liadan se rapproche d’elle pour venir poser sa tête sur son épaule, reprenant le Niffleur et le serrant contre elle. "You’ll make someone very happy. I am sure. And you will be too." Elle n’a plus envie de parler de Sean ce soir. Elle veut juste être là pour sa colocataire, autant qu’elle le peut – sans se douter une seconde que les deux sujets sont en réalité intimement liés. Quelques mots de plus sont échangés, le sortilège de traduction baignant la scène d’une douce lumière tamisée. Et elles finissent par s’endormir, lovées l’une contre l’autre, finalement épuisées par les émotions. Et au milieu, le petit Niffleur a un air grave. Comme s’il savait déjà ce qui les attendait.