with magic soaking my spine (dariush)

Le léger craquement aurait trahi le mouvement de la sorcière, mais il fut inaudible face à l’assourdissant rugissement de la bête qui exprimait fortement sa colère.

Dani réapparu à l’autre extrémité de la clairière rocheuse, accrochée précairement contre un pic rocailleux, haletante. La froideur de l’hiver commençait doucement à s’installer, mais ici, c’était difficile à percevoir. Elle tenta de reprendre son souffle, en profitant pour observer le dragon qui tentait de repérer celle qui avait dérangé son sommeil. Même si elle était activement chassée, l’éclat dans ses yeux trahissait un certain plaisir, malgré le frisson qui lui parcourait la colonne. Elle observa les muscles de l’animal qui se retourna lentement dans sa direction, suivant la courbe de son échine pour remonter jusqu’à sa tête massive. Elle croisa son regard au même moment que celui-ci la repérait. Elle se crispa, se prépara à disparaître, mais risqua un dernier coup d’oeil admiratif. Une erreur, peut-être. Elle entendit le son guttural et immanquable du feu qui s’accumulait dans sa trachée. La sorcière se couvrit derrière le mince pic de pierre sur lequel elle était appuyé, espérant l’utiliser comme bouclier. Son ventre se noua, anticipant déjà la douleur. Elle savait qu’elle avait mal calculé, qu’elle n’aurait pas le temps de disparaître.

Une bouffée de chaleur l’enveloppa alors qu’elle disparaissait dans un nouveau craquement, cette fois quelques kilomètres plus loin. Le bruit du transplannage, cette fois, fut étouffé par son propre cri, un hurlement de douleur qui déchira le silence du champ dans lequel elle s’effondra, ses genoux incapables de la supporter, affaiblis par l’éclair de souffrance qui attaquait son dos. Elle agrippa l’herbe humide entre ses mains, tentant de calmer les spasmes. Après quelques minutes de halètements, elle risqua un regard, tentant difficilement de retourner la tête pour observer l’ampleur des dégâts. Elle chuchotta des jurons, et releva doucement une bretelle de sa camisole, d’une main tremblante, réactivant une douleur aveuglante, elle n’entendit même pas l’écho lointain du rugissement d’un dragon privé de sa proie. Elle avait eu de nombreuses brûlures au fils des années, ça faisait partie du métier. Mais ça ne signifiait pas qu’elles n’étaient pas moins douloureuses avec le temps. Elle préférait celle qu’elle pouvait traiter seule, celles qui ne couvraient pas, idéalement, la moitié de son dos. Elle se mordit la langue, les larmes aux yeux en voyant les cloches déjà se former sur son épaule. Meeeerde.

Dani savait qu’elle aurait à se faire traiter proprement pour celle-là. Le trajet ne serait cependant pas une partie de plaisir.
Elle prit encore quelques minutes pour se remettre sur ses pieds, et quelques autres pour se préparer mentalement, enveloppée par la noirceur de la soirée tombante. Enfin, elle prit une grande respiration et disparut dans un craquement.


Dani atterri devant les portes de Ste-Mangouste. Elle étouffa un cri à nouveau, le transplannage ravivant la douleur, mais réussi à se maintenir sur ses pieds. Elle se redressa et passa les portes de l’hôpital, prenant de grandes respirations pour se maintenir calme.
Aucune raison de paniquer, tu as fait ça des centaines de fois. La douleur avait une manière particulière de faire sonner des alarmes dans la tête de n'importe qui.

Elle suivit les directions jusqu’aux urgences et s’arrêta au comptoir, se maintenant à peine debout.
“Je pense que j’ai besoin de voir un guérisseur.” dit-elle entre ses dents, tentant un sourire amusé, essayant d’ignorer sa camisole trouée, laissant apercevoir son dos meurtri.

Malgré son arrivée récente dans le pays, un regard familier apparu dans son champ de vision déjà brouillé par la douleur. Elle avait déjà vu ce guérisseur, quelque chose qui la rassura un peu, une preuve de plus qu’elle était déjà passé par là et que tout irait bien. Elle reconnaissait son accent. Elle força un sourire à son commentaire, presque heureuse qu’on l’associe aux bêtes, ignorant le ton de reproche. “Qu’est-ce qui a vendu la mèche?” plaisanta-t-elle avec un sourire qui se tordit en grimace de douleur, alors qu’un nouveau spasme venait l’assaillir.

Elle se laissa guider par l’homme jusqu’au box, et obéit machinalement à ses demandes, plus concentrée à respirer calmement que de porter attention à ce qu’il disait. La chaleur dans son dos était lancinante, aveuglante, et même si elle adorait son métier, à cet instant précis, elle ne pouvait se maudire pour ce dernier regard trop curieux qui lui avait coûté de précieuses secondes.
Assise sur le lit, elle entendit vaguement Dâriush lui demander poliment si il pouvait poser ses mains sur elle. Dans une toute autre situation, elle aurait particulièrement apprécié cette pudeur, quelque chose qui faisait écho à sa propre prudence dans les dernières années. Mais à ce moment, la douleur semblant pulser dans tous les nerfs de son corps, elle avait envie de lui hurler qu’elle s’en fichait avec la férocité d’un animal, tant qu’il pouvait l’apaiser.  Elle vit rouge.
“Mr. Aslan, sans offense mais je-” Elle s’arrêta, la respiration saccadée.Elle prit une grande respiration, qui sembla la soulager assez longtemps pour qu’elle redevienne elle-même.

“Oui, oui. N’importe quoi tant que tu fasses que ça s’arrête.” souffla-t-elle avec un sourire désolé, qui se transforma à nouveau en grimace. La douleur lui faisait perdre ses marques de courtoisie, confuse à la manière dont elle devait s’adresser à lui, mais ne s’entendant à peine parler de toute façon.

Elle retirerait bien son pull elle-même, mais elle savait pertinemment que la douleur serait trop insistante, elle n’aurait jamais la force de le faire seule. Alors elle aggripa le bord du lit et serra, anticipant les frottements cauchemardesques du tissu contre sa peau. De son souvenir, l’homme était doux, bon dans ce qu’il faisait. Elle s’accrocha à cet espoir en espérant qu’il fasse vite, optimiste envers son soignant.

Elle avait serré la mâchoire, s’attendant à retenir un cri, paré pour la douleur. Elle se crispa lorsque Dâriush compta, appréhendant la vague de douleur qui la submergerait. Dani prit une grande inspiration, mais fut prise de court par la sensation qui l’enveloppa. Le cri qu’elle retenait dans sa gorge se changea en une expiration de soulagement, tremblante. Elle était trempée. “Ingénieux.” dit-elle, avec un sourire tremblant, mais sincère. Le bref soulagement inattendu et le relâchement de l’adrénaline commençait doucement à embrumer son esprit dans une vague d’allégresse, lui permettant de se détendre lentement, mais sûrement. Le guérisseur lui demanda de s’allonger sur le ventre, et elle obtempéra, se sentant désormais un peu trop exposée.

Elle écouta, pouvant entendre Dâriush murmurer à lui-même. Si elle tendait suffisamment l’oreille, elle pouvait presque entendre les engrenages dans la tête de l’homme alors qu’il réfléchissait.

Alors qu’elle sentait quelque chose la recouvrir, il lui posa une question. Ses yeux s'écarquillèrent inconsciemment, et elle ouvrit la bouche pour répondre sans hésitation.
“Un Noir des Hébrides.” dit-elle, un large sourire s’était dessiné sur ses lèvres, comme si sa brûlure n’était plus qu’un vague souvenir. “Je n’ai pas eu la chance d’en voir beaucoup dans le passé, ils sont…” elle s’arrêta, pratiquement en manque de mots. "Fascinants, à leur manière."


Puis, repensant à son assaillant plus spécifiquement, sa poitrine se serra d'excitation. “Une beauté.” s’extasia-t-elle, les yeux brillants. “C’est un juvénile, presque à maturité. Il est sous observation depuis quelque temps, on pense qu’il va bientôt chercher à marquer un territoire et confronter la matriarche. En ce qui me concerne, je pense qu’il ne fait pas le poid, mais ce n’est pas rare que les jeunes se tentent à quelque chose de stupide. Dans tous les cas, je serais curieuse de voir l’affrontement.” Elle repensa à ce regard qu’il lui avait lancé lorsqu’il l’avait aperçu, quelques heures plus tôt à peine. “Je me suis un peu trop approchée, il m’a repérée. Je l’ai cherché.” Avec une petite grimace, elle se redressa légèrement le temps de croiser ses bras et reposer son menton sur ses avant-bras, pour rendre sa position plus agréable.

Elle cligna des yeux, réalisant qu’elle avait ignoré la majorité des questions de l’homme qui faisait tout son possible pour l’aider. “Il n’est pas encore à maturité, ce n’était que des flammes normales. Je n’aurais pas donné cher de ma peau si il avait quelques années de plus sous les écailles.” Dani, les yeux rivés sur le mur en face d’elle, ne voyait rien d'autre que les images du début de la soirée, son regard perdu dans ses rêveries.
“Tu savais que le feu d’un dragon mature pouvait facilement faire fondre pratiquement tous les types de métal? Et…” Elle eut une grimace, revenant soudainement à la réalité. “Je m’égare. Désolée.”
Elle seccoua la tête, tentant de chasser l’embarras. “J’ai cette tendance à me perdre dans le sujet. Et dire qu’il n’y a que quelques années de ça, je n’avais que faire des dragons. Désolée, je ne voulais pas te casser les oreilles avec mes lézards.” Elle se mordit la langue, tiraillée entre l'envie de se confondre à nouveau en excuses, comme elle avait été conditionnée à le faire, et la raison - à savoir qu'elle n'avait rien fait de mal.

Elle risqua un peu de douleur pour tourner la tête, essayant d’observer le guérisseur par-dessus son épaule.
Elle eut un petit sourire gêné, cherchant son regard pour un peu de validation, cherchant à rapporter la conversation vers l’homme. “Ça t’arrive, de te perdre pendant des heures dans des sujets qui te passionnent? Tu penses la même chose de la médecine?” demanda-t-elle, réellement intéressée dans la réponse.

Lorsque le guérisseur lui dit de ne pas s’excuser, elle lui offrit un sourire, mais détourna les yeux. “Ne t'excuse pas d'avoir fait de ta passion, un métier.” Ce n’était pas réellement ce qui s’était passé. Pas exactement.
Était-ce une passion, ou une obsession? Voyait-elle tant de potentiel dans les dragons par intérêt, ou par envie de se prouver quelque chose à elle-même? Elle n’était pas certaine de savoir où elle se situait quant à ce sentiment. Les dragons l’animaient, la stimulaient, la fascinaient, certes, elle savait que son intérêt n’était pas venu tout de suite. Dani se souvenait la flamme de colère qui l’avait habitée durant sa scolarité, celle qu’elle avait reconnu dans ces animaux. Aurait-elle autant de passion dans la voix si elle n’avait pas une théorie à prouver?
Au fond, son amour pour ces bêtes était venu graduellement, la passion s’était bâtie à chaque échelon qu’elle avait pu grimper dans sa carrière.

Dâriush avait à la fois raison, et tort. Mais Dani n’avait pas la force de contredire un commentaire si anodin, préférant préserver la simplicité de la conversation. Ceci dit, elle mijota cette réflexion un certain temps, seule avec ses pensées alors que le médecin quitta le box un moment, revenant peu de temps après avec une fiole qu’elle assuma être une sorte de crème.

Dani ne put s'empêcher de sourire, et de regarder une fois de plus derrière son épaule lorsque l’homme répondit la cuisine, bravant la douleur simplement pour croiser son regard. Dans ses yeux à elle brillait une étincelle de surprise et d'engouement, son regard cherchant à vérifier si il était sérieux.

Avant qu’elle puisse lui demander pour confirmer, ceci dit, il l’averti de l’imminente douleur. Elle regarda à nouveau droit devant elle, appuyant son menton sur ses mains, ravalant sa question. “Ça devrait aller.” rassura-t-elle, en guise de réponse, ignorant la grimace de douleur qu’elle tira lorsqu’elle sentit le remède effleurer sa peau. Heureusement pour elle, Dâriush semblait délicat dans son application.
Ses traits se détendirent bien vite alors que la gelée commençait à faire effet, brûlante mais apaisante. Si elle voulait entendre parler de la cuisine de Dâriush, elle laissa le silence planer un moment, tendant l’oreille pour l'occasionelle incantation de l’homme dans une langue qu’elle ne connaissait pas. La phonétique lui rappelait les dialectes du Moyen-Orient, elle n’aurait jamais pu la différencier des autres, n’ayant pas eu la chance de voir beaucoup du reste du monde. La curiosité la démangeait, mais une partie d’elle-même ne voulait pas risquer de déranger la quiétude du moment, alors pendant quelques secondes, Dani ne se contenta que de fermer les yeux, se concentrant sur la voix du guérisseur, tentant d’ignorer les picotements de sa peau luttant avec et contre le remède.

À son grand plaisir, c’est lui qui brisa à nouveau le silence pour reprendre la conversation.
Elle l’écouta dans son dos, alors qu’il parlait de cuisine. Elle pouvait entendre l’homme s’animer, presque comme une mélodie, et elle sourit, étant presque capable d’ignorer l'agressif parfum stérilisé de la pièce pour les remplacer par ceux, alléchants, qu’il décrivait.

Si elle ne partageait pas son doigté pour la médecine, et lui son amour pour les dragons, ça, elle pouvait comprendre. Elle n’aurait jamais appelé la cuisine une passion, simplement parce que le mot ne semblait pas assez fort, ou trop optionnel. Mais elle avait toujours donné une place spéciale à la nourriture dans son cœur. Chez elle, l’amour de la cuisine était une obligation. C’était une activité, un remède, un appel au rassemblement, une manière de célébrer, une raison de célébrer, une offrande, un art et un besoin. Loin des siens, elle ressentait rapidement le vide que laissait l’absence de sa famille, mais la cuisine était une manière de les retrouver et de les honorer, le temps d’un repas.

Alors que Dâriush parlait, elle pouvait presque sentir son ventre gronder. Elle n’avait pas énormément mangé, et les descriptifs culinaires de l’homme lui donnaient l’eau à la bouche. Lorsque celui-ci marqua une pause pour reprendre de l’onguent, elle risqua à nouveau un regard derrière elle pour l’observer parler. Un petit rictus glissa sur ses lèvres alors que celui-ci passa de récits culinaires à ordonnance de médecin, avant de passer au jardinage.

Son sourire s’élargit.
Elle ne connaissait pas beaucoup Dâriush. Après tout, elle n’était pas arrivée depuis si longtemps, même si son dossier médical de Ste-Mangouste était déjà impressionnant quant à la proportion de temps qu’elle avait pu passer au Royaume-Uni, ses visites ne justifiaient pas une grande connaissance de son guérisseur.

Mais sous ses yeux, elle pouvait apercevoir deux hommes. Un professionnel de la santé. Et entre ses phrases, elle pouvait voir le reflet de l’homme qu’il devenait lorsqu’il retirait son veston blanc. Cela lui réchauffa le cœur: elle aimait que les autres s’ouvrent à elle, avec de simples petites questions, il était si facile d’embellir la journée des autres, sans même qu’ils le réalisent.

Enfin, elle eut un petit rire claire lorsqu’il employa les mots “tu sais, ce petit sentiment de satisfaction d'apporter quelque chose à la terre…” la sortant de son écoute attentive. Elle ne savait pas réellement. “J’aimerais tant te dire que je sais ce que tu veux dire, mais je dois avouer que je n’ai pas particulièrement le pouce vert.” Dani avait dû laisser à  @Naivy Rai la responsabilité des plantes de l’appartement. Malgré tout l’amour que la caribéenne avait à leur donner, ses plantes finissaient trop souvent en de tristes cimetières botaniques. “Mais la scène me semble très apaisante.” ajouta-t-elle avec un sourire détendu. “Ton jardin doit être magnifique.”

Elle marqua une pause, ramenant malgré elle son regard devant elle. Elle aurait préféré lui faire face pour discuter, mais son cou tordu commençait à lui faire mal.
“En revanche, je vois très bien ce que tu veux dire sur la cuisine.” dit-elle au mur, les yeux brillants. “Ma mère avait cette expression qu’elle répétait comme un vieux disque… el único remedio para el cuerpo, la mente y el estado de ánimo.” Une expression qui faisait toujours rouler des yeux son père, même s'il était le premier à offrir des friandises à quiconque passait une mauvaise journée. “Le seul remède pour le corps, l’esprit et le moral.”
Elle soupira silencieusement. Ce n’était pas toujours suffisant, mais ça ne nuisait jamais.
Dani se retourna à nouveau vers Dâriush, encore une fois animée par de l’enthousiasme peu contenu. “J’ai passé un marché avec des agriculteurs du coin pour des produits frais!” Elle en était très fière. “La cuisine c’est…” Elle chercha ses mots un instant. Plus sérieux qu’une passion, moins qu’un devoir, pas tout à fait un intérêt ou un souvenir. “Important, pour moi.” Fini-t-elle par conclure. “Ma manière à moi de garder les pieds sur terre.” Elle n’expliqua pas plus, préférant plutôt céder à sa curiosité directe.

“J’aimerais que tu me partages une de tes recettes, si tu le veux bien.” Dani lui offrit un large sourire, similaire à celui d’un enfant qui quémande. “Tu pourrais même me l’apprendre?”

Dani nota sa réponse. L’Iran. Voilà donc l’accent mystère. Elle eut un petit sourire. Elle n’avait jamais eu la chance de discuter de l’endroit avec quelqu'un qui y avait vécu, n’ayant imaginé ce pays qu’à travers les pages de ses livres et manuels de géographie. De chez elle, certaines contrées lui avaient souvent paru bien loin, presque inatteignables, quand elle était plus jeune. Elle se rappelait toujours de l’excitation qui avait parcouru sa classe lorsqu’ils avaient eu un professeur remplaçant provenant de l’Australie: les jeunes enfants l’avaient tous trouvé exotique, lui et son accent. Sa sœur en particulier, qui lui avait cassé les oreilles sur la faune et la flore de l’Australie pendant des mois après sa visite.

Aujourd’hui, adulte, elle avait l’impression que plus de portes s’offraient à elle, ses recherches, notamment - et le fait d’être une sorcière - rendait les voyages plus accessibles. Sa curiosité bouillonnait face aux possibilités.

Ceci dit, la réponse du guérisseur piqua l’intérêt de Dani. Il avait bien dit qu’il voulait offrir l’Iran à sa famille à travers sa cuisine et son jardinage? Pourtant, chez elle, c’était bien l’inverse: c’était ses parents qui lui avait transmis sa culture - ses cultures. L’heureux mélange d’accents, de croyances et de coutumes lui étaient venu par eux, pourquoi Dâriush “offrait-il” l’Iran? Pendant une seconde, elle se demanda si il était adopté, mais l’accent était beaucoup trop prononcé pour ça. Elle ne risqua pas de poser la question, préférant voir si l’homme répondrait éventuellement à ses questionnements.

L’iranien continua de parler de cuisine, et elle l’écouta en silence, la raideur de ses muscles commençant doucement à disparaître, sa respiration ralentissant. L’adrénaline avait joué son rôle, mais désormais détendue, Dani appréciait la quiétude du moment.
“Non, je n’en ai jamais mangé, mais ça semble délicieux.” commenta-t-elle à sa question, les yeux à demi-fermé.  

Elle tourna la tête pour observer Dâriush qui s’était déplacé, reposant sa joue sur ses bras repliés. Elle tenta de retenir toutes les recommandations qu’il lui donnait, mais son attention fut vite jetée par la fenêtre lorsqu’il lui dit de rester loin des dragons. “Je ne peux rien promettre.” Elle lui rendit son sourire, pétillante. Malgré tout, elle se pensa capable d’éviter le terrain pour les prochains jours, de toute façon, elle avait une pile entière de données à compiler qui l’attendait sagement sur son bureau.

Dâriush accepta sa requête, et les traits de Dani s’étirèrent en une expression de surprise et d’excitation, les yeux brillants et le sourire jusqu’aux oreilles. “Vraiment?!”  Si elle n’était pas clouée sur le lit, elle aurait peut-être sauté de joie. “Merci!” Elle se força à se calmer, facilement emballée par ce genre de simplicité. “Ça semble délicieux. J’ai déjà hâte de l’essayer.” dit-elle avec un sourire poli, mais une excitation difficilement contenue.

La mention des vêtements lui rappela vite que son haut était récemment devenu liquide. Allongée sur la table et mise en confiance par des thèmes qui l’animait, elle avait oublié ce détail important, mais l’inconfort revint vite. Elle voulait bien respecter les directives médicales, mais pas question qu’elle sorte de l’hôpital sans quelque chose pour se couvrir.

Elle étira son bras et attrapa sa baguette toujours accrochée à sa hanche. D’un petit coup, elle utilisa un sortilège informulé pour un vêtement propre. Celui-ci se manifesta quelques minutes plus tard en entrant dans le box jusqu’à elle. Elle l’aggrippa avant qu’il puisse tomber au sol, mais de par sa couleur, elle pouvait déjà deviner de ce qu’il s’agissait: une blouse d’infirmier. Le tissu sentait la lessive. Elle observa l’étiquette, non pas pour savoir si le vêtement était à sa taille, mais pour s’assurer qu’il n’appartenait à personne. Elle savait que certains hôpitaux gardaient une quantité de vêtements pour que leurs employés puissent se changer, mais elle savait aussi qu’ils n’étaient pas pour elle. Dani releva les yeux vers Dariûsh, à mi-chemin entre de l’embarras et une demande. “Je vais vous le rendre, promis.” dit-elle, presque timidement. “Et je vais le retirer dès que je serai chez moi. Pas de tissus pendant une heure.” répéta-t-elle, rapidement, comme risquant de se faire réprimander. Elle risqua un sourire et se le glissa rapidement par-dessus les épaules, évitant de faire un spectacle d’elle-même. Elle s’en fichait lorsque la douleur contrôlait toutes ses pensées, mais maintenant plus détendue, son regard était fuyant.

Une fois habillée, elle se redressa. Le vêtement était ample, définitivement pas à sa taille, et l’uniforme lui donnait l’impression de porter un costume. “Ce n’est pas trop ma couleur.” dit-elle avec un sourire malicieux, essayant de défaire son propre malaise. Elle avait l’impression de voler quelque chose. Dani se força à reporter son attention sur le guérisseur. Elle prit sa potion, et lorsque tout fut réglé, elle se dirigea vers la sortie, non pas sans un dernier regard vers Dâriush.

“Tu peux m’envoyer un hibou à l’IDEM pour la date et l’heure, j’y suis la plupart du temps.” Sa voix trahissait toujours cette excitation. Elle lui sourit, reconnaissante. “Merci, Mr. Aslan.”