A la cueillette [LIBRE]

Une brume lactée, silencieuse, gagnait un terrain de plus en plus grand dans les profondeurs de la forêt interdite. Les arbres, immuables et muets, observaient la silhouette qui s'y aventurait, baguette au bout éclairé en main, et qui avançait à pas feutrés. Un silence non absolu régnait dans ces bois, interrompus à intermittence par des hululements d'oiseaux nocturnes, qui communiquaient des informations apparemment précieuses, au vu des intonations ponctuelles et graves qui l'interloquaient à chaque fois.

Mais il essayait de ne pas trop se laisser distraire par les différents sons qui emplissaient le vide de cette soirée. Izariah se concentrait, un pied après l'autre, pour ne pas faire connaissance trop rapidement avec le sol mou, irrégulier et parsemé de racines qu'il parcourait. Il avait après tout une mission, simple, mais efficace, et il n'y avait pas meilleure période qu'à ce moment pour l'accomplir.

En effet, les champignons et plantes avaient de ça en commun qu'ils suivaient certaines règles naturelles pour croître, et que les Hommes devaient suivre d'autres règles naturelles pour les cueillir, sans en perturber les pousses futures. Et au vu des conditions météorologiques de ces derniers jours, ce soir-là était un bon soir pour récolter la plante Tue-Loup, précieuse car fortement à la mode depuis quelques temps.... D'où le plaisir de cette promenade nocturne, dans l'obscurité perverse et le froid glacial.

Cependant Izariah n'en était nullement dérangé. Certes, il devrait sans doute essuyer quelques reproches de la part de ses collègues s'ils apprenaient son escapade en solo, au vu des dangers qui dormaient dans cette forêt, mais le jeune Blackwood n'était nullement inquiet. Il s'agissait bien sûr d'un accès de confiance, qui pouvait lui valoir cher, mais l'héritier avait l'impression que peu de choses graves pouvaient lui arriver, même s'il sursauta quand même tel un farfadet lorsqu'il entendit une branche craquer quelques mètres plus loin de lui.

Se retournant, pointant avec menace sa baguette, prêt à lancer n'importe quel sortilège, Izariah haussa une voix qui se voulait assurée.

- Qui est là ?

Faites que ce soit un élève fut la pensée qui le traversa alors que ses yeux tentaient de percer le mystère qui se cachait derrière la silhouette qu'il entrapercevait.
 

Il n'aurait pas pensé qu'une divinité aurait entendu sa prière, lorsque sa lumière éclaira la silhouette d'une demoiselle d'une vingtaine d'années, le regardant de ses yeux ronds, mains en l'air, apparemment également surprise de sa réaction.

Certes, cette vision était bien plus plaisante que celle d'un troll des forêts, loup-garou ou même centaure, mais elle eut l'effet de lui faire monter rapidement son adrénaline.

- Bon sang Miss Salvadore, je peux savoir ce que vous faites ?

Baissant sa baguette, il observait la jeune fille, qui avait revêtu le manteau de sa maison, parsemé des couleurs serdaigle, et soudain un mauvais scénario se joua dans son esprit. Avait-elle donné rendez-vous à l'un de ses camarades, dans ses bois ? Si oui, pourquoi ? Pourquoi ne pas s'adonner à la fougue de la jeunesse dans l'enceinte chaud du château ? Par amour du risque ?
C'était encore un scénario logique, et pas vraiment malsain...
Ou bien, le suivait-elle ?
Et si oui, pourquoi.. ?

- J'espère que vous avez une bonne excuse pour être sortie des murs sécurisés du Château, en pleine nuit, qui plus est. Avez-vous la moindre idée des dangers qui cohabitent dans cette foret ?

La chose adulte à faire aurait été de prendre le bras de la jeune femme et de transplaner directement devant les massives portes de l'école. Mais apparemment, la serdaigle avait quelque chose à lui dire, car elle restait là, devant lui, peu décidée à déguerpir.
 

Elfy se raidit, elle n’avait pas pour habitude de se faire remarquer des professeurs. Bonne élève, assidue, elle ne faisait généralement pas de vague. Toujours le nez dans ses carnets à dessin en dehors des salles de classe, on pouvait même oublier sa présence. Elle était même presque certaine que si elle n’arrivait pas rappeler son nom, monsieur Blackwood aurait était bien incapable de la nommer.

«  Je suis désolé, je ne voulais pas vous faire peur. »

Elle ne savait pas si c’était réellement le cas, mais on dégaine rarement sa baguette quand on se sent en confiance. Evidemment elle ne représentait pas un quelconque danger vis-à-vis de lui, il lui faudrait des années avant d’égalé la magie de monsieur Blackwood.

«  Oui monsieur » dit-elle en baissant légèrement le regard et la tête alors qu’il la mettait en garder sur les dangers de la forêt interdite.

«  Je suis venue à votre rencontre parce que… Je… » Elle hésitait à dénoncer Cassandre. «  Je suis inquiète pour l’une de mes camarades. Elle n’est pas au château et elle se dirigeait vers la forêt interdite. »

Tant pis pour la loyauté, la sécurité de Cassandre était plus importante et ça ne serait pas arrivé si elle avait suivit les règles.

 

Il eut l'impression d'être un de ses pères qui surprenait son enfant en train de faire une bêtise, tant la jeune Salvadore avait l'air gênée de la situation, yeux baissés, iris fuyants. Mais l'heure n'était pas aux excuses et à la gêne, le plus tôt ils auraient quitté cette forêt, mieux ils se porteraient. Après tout, cela lui procurait une certaine pression de soudainement rencontrer une élève. En tant que professeur, il devenait totalement responsable de la serdaigle, et si c'était déjà beaucoup de travail de s'occuper de ses propres fesses, il ne comptait pas s'éterniser dans la forêt pour savoir à quel point ça relevait du job d'en rajouter une paire.

«  Je suis inquiète pour l’une de mes camarades. Elle n’est pas au château et elle se dirigeait vers la forêt interdite. »

Elle avait dit cette phrase d'une traite, comme si elle avait dû chercher un courage au fond d'elle-même pour lancer cette vérité. Izariah abaissa davantage sa baguette, plus dans une gestuelle de désespoir qu'autre chose.

Sérieusement ? Faire la baby-sitter ? A cette heure - là ? Dans cet endroit là ?
Et ses champignons alors ?

Mains sur les hanches, soupirant, Izariah passa alors une main dans ses cheveux, signes d'agacement profond.

- Et bien... On est dans du jus de citrouille...

Cette phrase, en temps normal, il ne l'aurait pas dite, puisqu'il faisait toujours attention à son langage, surtout en présence d'élèves, mais là la jeune femme de vingt ans venait de lui faire perdre toute sa bienséance. Réfléchissant, il observait attentivement Elfy, avant de porter son regard vers les ténèbres de la forêt, à l'affût d'un son qui pourrait ressembler à une quelconque voix humaine.
Or, rien.
Seul un silence de plomb, agrémenté d'une brume qui s'épaississait à vue d'oeil sous le chant des chouettes.
Heureusement qu'il n'était pas question de pleine lune (c'était le genre de détails auquel il valait mieux prêter attention en effet).

Soudain, une idée en tête, Izariah releva sa baguette, sans manquer d'adresser un regard assassin à Elfy.

Appare Vestigium

Prononça-t-il dans un souffle, créant une aura jaunâtre s'empreignant dans leur périmètre, mettant en évidence des traces d'un vert fluo.

- Ce sortilège doit vous parler vaguement, Miss Salvadore, si vous êtes aussi assidue que ce que je crois. Il met en avant les présences magiques passées depuis peu. Sauf que...

Sauf que honnêtement, Izariah n'aurait pas pensé être entouré de couleurs vert fluo... PARTOUT. Cela signifiait que la forêt avait été fortement agitée quelques heures auparavant, ce qui n'était pas clairement un bon signe. Forcément, n'étant pas garde-chasse ou gardien, Izariah ne pouvait interpréter ce qu'il voyait, mais tout ce qu'il pouvait dire, c'était qu'il était difficile de percevoir des empreintes humaines parmi les traces de sabots, pattes, griffes présentes partout autour d'eux.

- ... Si vous avez une moindre idée de leur point de rencontre, je vous suis...

Il rencontra le regard de la jeune femme, espérant qu'elle avait quelque chose à proposer, pour ne pas se retrouver à fouiller une forêt réputée immense en pleine nuit.
 

En deux ans au château, Elfy n’avait encore jamais entendu le professeur Blackwood jurait. C’était maintenant chose faite et elle n’osait plus parler, ne voulant pas l’agacer d’avantage et voir Serdaigle ce faire enlever des points pour son audace. Elle laissait ce trait de caractère aux Gryffondor, bien qu’il coulait dans ses veines le sang d’une mère qui fût autrefois rouge et or.

Silencieuse, elle attendit gentiment que le professeur la tienne informer de ce qu’il avait en tête, alors qu’il observait la fôret. Elle n’aurait certainement pas dût enfreindre le reglèment et le rejoindre, mais maintenant que c’était chose faite, elle ne se voyait pas rejoindre le château sans son autorisation.

«  Oui professeur » dit-elle alors qu’il lançait un Appare Vestigius. «  Sauf qu’il ne devrait en avoir autant » conclut-t-elle  en finissant la phrase de son enseignant. Elle venait de constaté la même chose que lui et ne faisait que réfléchir à haute voix. Que c’était-il passait ici ? Si Elfy était inquiète pour Cassandre quelque minute auparavant, ce sentiment venait nettement de grossir.

«  Je ne sais pas exactement. Je suis venue qu’une fois ici l’année dernière, mais Cassandre m’a parler d’une espèce de grotte avec… des toiles d’araigne ? Oui c’est ça je me rappelle. Avec une espèce de vieilles charrettes. C’était le point de rendez vous ».

 

Lorsque la jeune femme aux couleurs argent et bleutée mentionna une grotte remplie de toiles d'araignées, le sang d'Izariah ne fit qu'un tour. Sa bouche s'entrouvrit, comme pour dire quelque chose, cependant aucun son distinct n'en sortit.

Il avait été à Poudlard. Il avait été un élève assidu et sage, à l'image de son interlocutrice. Un concours de circonstance pouvait arriver, et vous entraîner au plus profond de la forêt interdite. Mais là, Izariah se demandait honnêtement si Elfy n'était pas entourée d'amis suicidaires. Jamais, même dans ses folles années, Izariah se serait aventuré dans la grotte arachnides.

Ca puait le mauvais plan que d'y aller.

Une partie du professeur désirait retourner au Château. Sécuriser la jeune élève, après lui avoir passé la roustée de sa vie qui ferait honte à plusieurs générations de serdaigles sages bien entendu, puis trouver du renfort. Toutefois, l'idée de réveiller ces congénères du professorat n'enchantait nullement Izariah. De un, bien qu'étant un adulte possédant une baguette magique obéissante et fonctionnelle, il n'était pas conseillé de se balader la nuit dans la forêt interdite au vu de la politique actuelle et du grand risque de tomber sur quelques sinistres personnages, même hors des soirs de pleine lune.
Forcément, le trentenaire avait prévu quelques potions pouvant servir en cas de rencontre, mais ça, c'était pour lui, en dernier recours, et non avec la sécurité d'une élève à gérer.
Bref, la situation était complexe.

- Bon... Il semble qu'il ne nous reste plus qu'à retrouver cette charrue.

Lança-t-il, à contrecoeur. Au moins, il savait dans quelle direction s'orienter, de mémoire lointaine. Une fois le garde-chasse leur avait montré cette fameuse grotte, de pleine journée, armés d'un bijou technologique qui ravissait le monde sorcier mais était d'une banalité pour les moldus : des sprays anti-insectes. Les créatures magiques insectoïdes étant particulièrement sensibles à ce type de produit, ils avaient pu approcher un tantinet cette grotte, mais son vague souvenir parvenait à procurer des frissons incontrôlés à Izariah.

Et le faire de pleine nuit, avec une élève, sans bombonne, c'était risquer la confrontation.

- Ne t'éloigne pas trop de moi Elfy... et cite-moi les sortilèges que tu connais, pour te défendre en cas d'attaque de.... araignée géantes ? En espérant que ce soit le pire qu'on croisera...

Il adressa un regard qui se voulait plus encourageant que meurtrier à la jeune fille mais ne put éteindre la lumière agacée qui scintillait au fond de son iris.