Blood ties are stronger than anything

Jesse était tranquillement posé chez lui, relisant quelques rapports financiers tout en appréciant le spiritueux qui avait eu sa préférence ce soir. Dans le liquide ambré, les glaçons en céramique tintait doucement entre eux en s’entrechoquant et sous ses yeux, les lignes du rapport défilait pendant qu’il les lisait avec la dextérité de l’habitude lorsqu’il s’agissait de déchiffrer les acronymes spécifiques à ce genre de rapport.

River était retourné chez lui, non sans lui avoir redemandé 15 fois s’il avait besoin d’autre chose ! Mais ce n’était pas le cas. Jesse avait promis à son secrétaire que ce soit il levait le pied et qu’après ces rapports il profiterait d’un moment détente. Et pour une fois c’était réellement ce qu’il comptait faire ! C’était donc le projet… Mais il ignorait à quel point il n’aurait de toute façon plus vraiment la tête aux affaires d’ici quelques minutes…!

En effet on frappe à la porte d’entrée de sa vaste demeure et la magie faisant le reste, ce petit coup porté contre le battant résonne dans toute la maison comme s’il avait été question de réveiller un mort !

Mme Hardcastle n’étant plus à la maison (et n’ayant pas vocation à jouer les valets de porte de toute façon), Jesse se lève. Il a un regard pour la pendulette au mur, se demandant qui s’invitait à pareille heure… Et lorsqu’il arrive dans le grand hall, Vaziri son elfe de maison est sur le point lui-même d’ouvrir. Poliment mais fermement, Jesse le renvoie à ses occupations avant de s’en occuper, ouvrant alors la lourde porte pour trouver derrière un petit bout de femme qui sentait l’embarras et la nervosité à dix pâtés de maison probablement !

“Bonsoir.”

Il perçait dans sa voix une légère surprise. Peut-être s’était-il plutôt attendu à voir une connaissance… Ou quelqu’un qui aurait eu tout l’air d’être sur le point de lui réclamer de l’argent ! Elle faisait d’ailleurs peut-être partie de cette seconde catégorie. En tout cas, son joli minois féminin lui disait quelque chose, c’était indéniable !

Elle était toute jeune, menue malgré son manteau par ces températures et ses lèvres en cœur était d’un joli rose humide. La jeune femme avait une coupe mi-longue qui encadrait un visage en longueur avec de jolis traits fins… Et Jesse a un “Ha !” en la remettant !

“Je vous reconnais.”

Et ignorant son air probablement surpris, il ajoute, la pointant du doigt qui tenait encore son verre :

“Vous êtes serveuse aux Trois Balais, c’est ça ?”

Jesse n’avait pas toujours la mémoire de tout mais il se souvenait effectivement avoir vu cette jeune fille en grande conversation professionnelle avec Hope, la joueuse de Quidditch américaine qui avait racheté l’établissement de pré-au-lard.

“Hé bien ? Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?”

Que diable faisait-elle là ? Était-elle perdue ?!

En une fraction de seconde, la jeune femme sur le pas de sa porte était passé d’un léger rougissement à une perte franche de couleur. Ca avait rappelé à Jesse les rares entretiens qu’il faisait passer lui-même. Celui pour le post de son secrétaire par exemple. Ça n'avait pas été le cas d’Ocean mais quelques candidates qui s’étaient présentées avaient ainsi rougit. Puis déchanté quand Jesse leur avait mis un peu de pression pour voir si elles étaient aptes à ce poste. Bref. Devant lui, sa visiteuse semblait soudainement vouloir rentrer dans un trou de souris et pourtant elle n’avait pas bougé, comme si ses deux pieds étaient coulés dans le béton. Il savait qu’il pouvait parfois impressionner, que ce soit physique ou de part une aura naturelle (sans fausse modestie) mais il y avait quelque chose d’autre sous tout ça. Ce n’était pas “comme d’habitude”.

Elle bredouille… Et tremble tellement qu’un instant Jesse a peur qu’elle ne finisse par s’évanouir ! Il se pousse donc pour la laisser entrer dans l’entrée de sa grande maison.

“Entrez, vous grelottez.”

Il referme la porte derrière elle afin qu’ils soient au chaud… Et parce qu’elle aurait eu l’âge d’être sa fille et qu’elle semblait si perdue, Jesse prend sur lui d’essayer de la réconforter un peu. “

“Est-ce que vous voulez une tasse de thé ? Ou de café ?”

Histoire de se réchauffer un peu d’avantage ! En tout cas, il avait acquiescé à propos de “Mlle Stanford”. La rencontre avait d’ailleurs été un tout petit peu décevante pour tout dire. Il adorait la joueuse et ça ne cesserait jamais. Mais il avait été un peu déçu par l’égocentrisme latent qu’elle dégageait. Mais puisque sa visiteuse affirme qu’elle n’avait pas osé le déranger :

“Parce que vous vouliez me parler déjà à ce moment-là ?"

Le mystère s’épaississait mais ce soir ça amenait un peu d’amusement dans sa voix. Disons que ça le distrayait de ce qu’il avait à faire et l’entendre hésiter sur presque chaque mot, mesurer ses paroles, chercher comment formuler ce qu’elle avait à dire… C’était presque attendrissant ! En d’autres circonstances il aurait pu s’en agacer mais là ? Ça le faisait ! Bon timing !

Finalement elle commence à aborder le sujet qui l’amène. Elle venait pour quelqu’un d’autre. Sa mère ! Et s’il ne remet pas Suzanne en une seconde, c’est que ça commençait à remonter à loin ! Avec la photo néanmoins le doute n’était plus permis et Jesse esquisse un sourire en coinçant la photo entre deux doigts pour la regarder un moment.

“Suzy ! Bien sûr je la reconnais.”

Et avec un petit sourire et clin d’oeil chaleureux pour la jeune femme il ajoute :

“J’aurais presque pu deviner, vous lui ressemblez beaucoup. Vous avez ses yeux. Mais je suis sûr que ce joli sourire vous le devez à votre père !”

Ce n’était pas celui de Suzanne ! Et il fallait être deux pour faire un enfant, n’est-ce pas ?

“Qu’est-ce qu’elle devient ? Et qu’est-ce qu’elle vous a dit à mon sujet ?”

Lui avait-elle révélé qu’ils avaient été amants ? Une histoire de quelques mois avant que Suzanne ne cesse de venir. Pour être honnête, elle avait essayé de la contacter plusieurs mois plus tard. Elle avait “quelque chose de très important à lui dire”. Mais Jesse était déjà un homme occupé à ce moment-là et il avait rencontré Valentina, qu’il ne voulait pas rendre jalouse en allant visiter une ancienne maîtresse !

"Ça ne me rajeunit pas en tout cas, mais ça me fait plaisir d’avoir de ses nouvelles. Elle va bien au moins j’espère ?”

Pour faire déplacer sa fille plutôt qu'elle-même !

Jesse avait peut-être l’habitude d’avoir du personnel, et il pouvait parfois se sentir un peu désemparé au moment de faire fonctionner quelques appareils dans cette maison, mais faire fonctionner la cafetière c’était dans ses cordes ! Son verre est reposé, encore à demi-plein, sur le comptoir de la cuisine pendant que la jeune femme s’installe. Elle semblait presque minuscule dans la pièce plus vaste qu’elle n’en avait l’air. Et avec le changement de température et de pression, ses cheveux avaient commencé à former ici et là comme un petit arc-électrique tout autours de sa tête, la rendant inconsciemment sans doute plus jeune encore qu’elle ne l’était aux yeux de Jesse.

« Désolé, je n’avais pas remarqué. Je ne suis pas resté longtemps. Je venais voir si la rumeur était vraie, comme trop de curieux je suppose. A propos de la nouvelle propriétaire des Trois Balais je veux dire. »

Et elle l’était. Alors ils avaient un peu discuté. Il adorait toujours la joueuse malgré le fait qu’ils n’aient eu aucuns atomes crochus en dehors de ça. Bref. Jesse n’est pas surpris pour ce qui est de dire à ce petit bout de femme quelle ressemblance elle avait avec sa mère ! Il a un clin d’œil complice ensuite à propos du compliment qu’elle fait à son père, taquinant :

« Les filles sont comme ça paraît-il avec leur père. »

Très proches, très « papa c’est le meilleur ».

« Notez bien que je n’ai pas de fille, rien qu’un garçon. Alors ce que je dis n’a rien d’empirique. »

La machine crache le liquide ambré puis noir dans une tasse ivoire et Jesse la récupère pour venir la poser devant la jeune femme, s’enquérant en même temps :

« Sucre, lait ? »

Il avait esquissé un sourire amusé devant la « mise en garde » mais puisqu’elle en rajoute un peu plus sérieusement, Jesse assure de manière un peu étonnée :

« Elle pense que je pourrais lui en vouloir pour ça ? Je n’ai pas pris ni donné de nouvelles non plus depuis 20 ans. »

Il n’aurait même plus su dire si c’était le nombre d’années exact ou une approximation pour être honnête. Réfléchissant un peu tout en s’installant en face d’elle, il convient :

« Je crois même me souvenir qu’elle a voulu me parler de quelque chose à un moment, après des mois de disparition. Mais pour être honnête, j’étais un autre homme à cette époque, beaucoup moins disponible. »

A cette époque-là, Jesse n’aurait peut-être même pas pris le temps de faire entrer une jeune fille comme celle en face de lui chez lui ! Il ne serait sans doute même pas allé jusqu’à la porte en vrai. Mais il avait changé. Ou tout du moins le changement s’opérait encore, il essayait de devenir un meilleur être humain. Lui qui n’avait jamais essayé de devenir quelqu’un d’hermétique avait finalement réalisé qu’il avait un peu merdé quoi.

« Mais tu… Je peux te tutoyer ? Tu dois avoir l’âge de mon fils. Je disais donc : mais tu ne m’as pas donné ton prénom je crois ? »

Quant au comédien de doublage, il voit « de très très loin » ce que c’est. Disons qu’il n’insiste pas trop ! Sa petite maman étant cracmol et son père sang mêlé, disons qu’il n’était pas complètement hermétique à la société moldue. En plus son propre secrétaire et ami agissait plus souvent comme l’un d’eux que comme un sorcier ! Il en allait de même avec River par exemple… !

« Je suis heureux pour elle, la famille c’est important. »

Il ne l’avait réalisé que bien trop tard et même maintenant il pouvait être encore relativement maladroit. En tout cas, ce que la jeune femme ajoute est un peu troublant et Jesse n’est pas certain de comprendre.

« Tu n’avais pas reçu de lettre pour Poudlard ? C’est surprenant. »

Et peut-être même que c’était un cas unique en son genre non ? Et pourtant, en le disant, il sentait qu’un simple oubli de lettre ne faisait pas tout et hasardant une question :

« Ou bien ta mère ne t’avait pas dit que tu étais une sorcière ? »

Il grimace un peu, malgré lui. C’est que c’était un coup à vous fabriquer un obscurial ça. Suzanne l’avait méchamment échappé sur ce coup-là à son avis !

Ça, Jesse pouvait le comprendre. Il aurait sûrement été tout excité aussi s’il avait eu la jeunesse et la naïveté qui semblait imprégner les traits de Nina encore. De la voir, c’était comme de regarder Melchior. Il réalisait soudainement comme le temps passait sans qu’il s’en rende vraiment compte. Et c’était un mélange de fierté concernant son fils mais aussi d’anxiété. Il avait passé ce cap au-delà duquel one ne se dit plus que « le reste de notre vie est devant nous » pour faire plutôt une sorte de décompte macabre. Après il n’était pas « vieux ». Il n’était juste plus « jeune » non plus.

« J’imagine. Il vous arrive de parler quidditch ? »

Parce qu’il était impossible de ne pas noter le plaisir évident qu’elle avait rien qu’à l’évocation de ce sport. Ça leur faisait un point commun.

« Je suis un grand amateur de quidditch moi aussi. Ça va sembler prétentieux de le dire comme ça, mais j’ai même fait l’acquisition d’une de mes équipes préférées lorsque j’étais gamin : les Chauve-Souris de Fichucastel. »

Une équipe irlandaise. Il supposait qu’elle verrait laquelle puisqu’elle était très amatrice !

« Tu joues ? Je jouais quand j’avais ton âge. Mais ça n’a jamais passé la rampe du simple hobby de mon côté, malgré mes ambitions. »

Celles dans les affaires avaient été les plus fortes au bout du compte. Quant à son fils, il est surpris sans l’être. Melchior était à Poudlard et elle devait l’être aussi non ? Il lui semblait probable qu’elle en ait encore l’âge.

« C’est bien ça. Vous avez peut-être des cours ensemble ? »

Le café est finalement reposé devant Nina tandis qu’il part à la recherche du sucre. Il n’en usait pas lui-même et comme cette cuisine était davantage la pièce de Mme Hardcastle que la sienne, il a besoin d’ouvrir quelques placard avant de mettre la main dessus. Il écoute Nina qui lui parle de sa mère et de ce qu’elle s’était inquiétée pour sa carrière. Elle avait été plus altruiste qu’il ne l’avait sûrement été envers elle pour être honnête. En tout cas Nina savait bel et bien pour les Chauve-Souris et un instant, Jesse se demande si c’est aussi ça qui l’amène. Le besoin de faire un stage, l’envie d’avoir l’autographe d’un joueur en vogue… ?

« Très joli prénom. »

Il a un petit « ha » dans la foulée en tombant enfin sur le sucrier. Jesse s’en empare, prêtant toujours une oreille attentive à la jeune fille. Il n’était pas favorable à ce que Suzanne avait fait. Il trouvait ça dangereux et bien qu’il ait une forme de tendresse pour les moldus (confère Mme Hardecastle ou sa petite maman cracmol), il trouvait que c’était l’avoir privé d’une part trop importante de son héritage. Pourtant il ne dit rien. Parce que ça ne le regardait pas et qu’au final Nina semblait s’en être plutôt bien sortit.

Jesse s’approche à nouveau d’elle, son sucrier dans les mains… Jusqu’à ce qu’elle parle de son père. Et il y a un moment de blanc. Est-ce qu’elle voulait dire que Suzanne lui avait parlé de son père ET de lui ? Il aurait aimé pouvoir se faire croire que c’était le cas. Mais Nina le regardait avec ses yeux de biche presque déjà larmoyant devant son silence obstiné. Elle cherche d’ailleurs soudainement à combler le vide, parlant vite et beaucoup, argumentant sur quelque chose qui ne faisait aucun sens pour Jesse. Comment aurait-il pu ignorer une chose pareille ?

Ca prend un moment encore à Jesse pour réaliser qu’elle a tourné les talons, en proie à de violentes émotions mais lorsqu’il rebranche, c’est pour lui courir à demi après, sortant sa baguette pour verrouiller la porte d’entrée de sa position dans la couloir.

« Bon, Nina… »

Il ne savait plus comment aborder le problème. Est-ce qu’il la croyait ? Toujours pas. Mais il était convaincu qu’elle, elle se croyait. Il ne la prenait pas pour une menteuse qui chercherait à l’escroquer. Il connaissait les requins et leurs méthodes alors si la jeune fille en était là, c’était la plus grande experte qu’il ait jamais vue.

« Je ne vais pas te mentir : je ne crois pas que je sois ton père. »

Jesse devait quand même la mettre devant le fait accompli.

« J’ignore pourquoi ta mère t’a dit quelque chose de ce genre mais je ne l’ai jamais connu enceinte. »

Il a un petit soupire.

« Reviens prendre ton café, tu veux ? On va en discuter. »

Ce disant, il a un mouvement de sa main qui tenait toujours le sucrier -et l’autre sa baguette- pour qu’elle retourne à la cuisine.

« Tu vas respirer un peu, te calmer et reprendre depuis le début, on va tirer ça au clair. »

Et si nécessaire il allait contacter Suzanne pour lui chauffer les oreilles !

« Tu veux un mouchoir ou quelque chose ? »

Elle avait les yeux si tristes, si brillants. Il se serait sentit coupable de ne pas lui proposer un moyen de sécher ses larmes, malgré son propre trouble !