Cracks In Our Foundations

Cracks In Our Foundations

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26 novembre

Il ne restait plus grand chose à faire pour préparer son départ. Sortir de la vie d'Iris Faux-Orpin ne se ferait pas si aisément. Elle s'était beaucoup trop attachée au quotidien de la secrétaire et beaucoup trop longtemps peut-être. Elle posa un regard doux sur la cafetière ventrue que lui avait offert Franck pour son premier Noël à l'Institut. Son premier Noël tout court d'ailleurs, ça ne faisait pas partie des traditions de son pays natal. Doucement, elle glissa l'objet dans un carton parfaitement à sa taille, qu'elle referma douloureusement.

Elle aurait voulu partir dans la minute, après cette conversation avec  @Yeleen Sô . Mais elle n'avait pas pu s'y résoudre, ayant donné sa parole à Nero. Pourtant parfois, il lui semblait qu'il ne reviendrait jamais. Dans ces moments-là, l'inquiétude lui faisait presque oublier les préparatifs du départ qu'elle ne voulait surtout pas précipité. Ça aurait attiré l'attention.

Elle avait inventé une histoire cousue de fil blanc pour ses propriétaires. Une dans laquelle Gemma s'était émue aux larmes avant de la serrer dans ses bras. Imelda ne ferait pas tant de chichi. Elle eut un sourire en pensant à elle. Il valait probablement mieux lui laisser sa lettre de démission dans son bureau en partant, ce serait l'occasion de présenter la jeune femme qu'elle avait trouvé pour faire l'intérim. Une certaine Ruby, très compétente au demeurant. Iris n'aurait rien laissé au hasard.

Elle ouvrit la porte du bout du pied, disparaissant derrière une brassée de chutes de papier et de cartons plus haute qu'elle et, pour le coup, qui lui masquaient suffisamment la vue pour qu'elle ne se voit pas rentrer littéralement dans un Jameson Clearwater qui s'attendait sans doute à un meilleur accueil.

Déséquilibrés, ils n'étaient pas loin de redescendre dans les bras l'un de l'autre mais Nyéléni était preste et l'ancien briseur de sorts aussi...

« Ca va ? Rien de cassé ? », demanda-t-elle, toujours secourable comme à son habitude.

Son petit trait d'humour la cueillit la main dans le sac, ou plutôt dans ses cartons de déménagement. En voilà une qu'elle n'avait pas prévue. D'ailleurs, une vague de honte lui passa sur le visage comme elle se rendait accessoirement compte qu'elle avait posé un jackalope à son ami le Professeur de Sortilèges.

« Oh ! mais... notre cours. Je suis confuse, vraiment. »

Autant dire qu'elle ne savait plus où se mettre et si ça n'était que ça. Sa petite négligence venait de la propulser dans un scénario auquel elle n'avait pas pensé et qu'elle ne savait pas comment diriger. Bien loin d'être habituée à recevoir, elle savait d'avance qu'elle n'arriverait pas à se débarrasser de Jameson Clearwater si aisément. Le Directeur de Gryffondor était une vraie fouine et, de ce qu'elle avait pu remarquer, il tolérait assez mal d'être contredit. Nul doute qu'il allait adorer le projet d'évasion de Mrs Faux-Orpin. Alors autant ne pas tourner autour du pot. Nyéléni était de ce genre de personne à préférer confronter le problème tout de suite.

« Je m'en vais Jameson. Je rentre à la Nouvelle Orléans. », lâcha-t-elle presque de but en blanc, le regard bien fixé dans le sien.

Elle dégageait cette forme de détermination qui aurait découragé quiconque de la contredire mais elle n'était pas née de la dernière pluie. Il y avait quand même peu de chance que cette annonce passe comme une lettre à un hibou postal.

« C'est pour ça le tri, les cartons... », précisa-t-elle en le débarrassant de l'amoncellement qu'il avait tant bien que mal retenu sur son épaule. Justement, son regard s'arrêta sur un sac en papier qu'il tenait toujours à la main et qui ressemblait à s'y méprendre à un dîner qu'ils auraient pu partager.

Ses grands yeux sombres replongèrent dans ceux de Jameson. Là, vraiment, elle ne savait plus quoi dire.

Elle se retint de lui dire que ça n'était pas si mal de se regarder le nombril. Très franchement, rien au monde n'aurait pu la mettre plus mal à l'aise que d'avoir fait défaut. Il faudrait qu'elle rattrape le coup d'une manière ou d'une autre mais ce ne serait possible que sous condition de temps or du temps, elle ne savait pas exactement si elle en avait.

Bien sûr, la réaction de l'écossais ne la surpris en rien. Quoi que, son premier réflexe, celui de passer à table, avait quelque chose d'assez incongru. Elle ne l'avait pas à proprement parler invité à entrer mais maintenant qu'il était là, au milieu des cartons et du reste, elle n'allait pas le foutre dehors non plus. Faisant de son mieux pour ne pas afficher sa gêne devant le petit sous entendu graveleux qu'il glissait - peut-être par vengeance pour ce fameux lapin - elle se jeta un regard autour d'eux, avisant le carton qui contenait la vaisselle. C'était un petit carton comme d'ailleurs la majorité des autres qu'elle avait commencé. Elle avait très peu d'affaire. Juste le strict nécessaire. Cela n'était pas choquant au quotidien quand on voyait le tout disposé dans l'appartement lui-même assez petit, mais réduit à quelques caissettes si.

Tandis qu'elle disposait deux couverts sur la table basse et que lui sortait sa commande du sac, elle le regardait faire, avec ses manières d'ours attachant, tout feu tout flamme, près de la menacer de lui coller aux basques comme une sangsue si elle ne lui expliquait pas en long en large et en travers les raisons de son départ.

Il fallait espérer que l'histoire de l'amie d'enfance passe aussi bien qu'avec ses collègues de l'IDEM, ceux qui ne posaient pas trop de questions.

« Une de mes amies d'enfance vient de perdre son mari et son fils. Elle n'avait pas d'autre famille alors je vais aller vivre avec elle, le temps qu'elle passe ce cap. »

La voilà en train de prier intérieurement qu'il réagisse comme la plupart des gens face au deuil. Ne pas poser plus de questions. Ne pas remuer le couteau dans la plaie. La voilà qui, intérieurement, est en train de se dire que s'attendre à ça de la part de Jameson Clearwater... avec un peu de chance, l'estomac parlerait le premier.

Mais ce ne fut pas l'estomac, plutôt le miroir avec une relation, elle, bien réelle. @Nero MacGregor . Elle laissa plâner un petit silence, les yeux posés sur son assiette encore vide. Il y avait toujours chez Jameson cette tendance à enjoliver voire inventer des choses qui faisaient que Nyéléni préférait toujours tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de dire quoi que ce soit de sa relation avec qui que ce soit, et a fortiori leur ami commun.

« Je sais... qu'il est absent. Nous nous sommes disputés juste avant qu'il parte. J'ai promis que je serais là quand il reviendrait... »

Une petite part d'elle-même avait sincèrement besoin de parler de cela. Dans le même temps, elle ne pouvait pas se permettre d'aller raconter à qui que ce soit leurs divergences d'opinion sur la nécessité ou non de tabasser et plus si affinité le premier détective douteux croisé au coin de la rue. Elle eut un soupir profond et finalement un long regard pour Jameson. Pourrait-elle au moins tenir cette promesse ?

Elle ne fut pas le moins du monde surprise de la manière dont il prenait les choses. Jameson Clearwater avait le nez fin, ce qui en faisait un ami dangereux pour elle. Mais elle n'avait pas demandée à être jetée sur sa route. Cela, elle le devait à Imelda MacGregor. Quant à @Nero MacGregor, elle se devait bien de prendre quelques précautions pour ne pas en dire plus qu'il ne l'aurait voulu.

« J'attends le retour de Nero pour partir oui. Mais contrairement à ce que tu penses, la plupart de mes collègues de l'IDEM sont au courant. Je ne pars pas comme une voleuse. C'est vrai que je t'ai honteusement laissé en plan mais ça n'était pas volontaire. Ne le prends pas comme ça s'il te plait. »

Elle avait cette douceur naturelle dans la voix, comme une volonté de ne pas entrer en conflit. C'était presque instinctif chez elle même dans la situation de stress intense où elle se trouvait depuis plusieurs semaines déjà. Jameson ne lâchait pourtant rien. Ce vieux roublard ne goberait pas l'histoire de l'amie d'enfance, il faudrait donc qu'il fasse avec ce qu'elle accepterait de lui donner.

Incapable d'attraper quoique ce soit avec ses baguettes (décidément...), elle se résigna à aller chercher des couverts dans un des cartons qu'elle avait laissé ouvert. La nourriture était délicieuse au demeurant.

« Dans ce cas parlons d'autre chose. Comment tes étudiants abordent-ils la pratique sans baguette finalement ? »

Elle aussi pouvait être ouvertement roublarde. Puisqu'elle ne pouvait pas lui dire pourquoi elle partait, et qu'il ne pouvait pas accepter son explication de départ, elle lui donnerait de la transparence. A sa manière...

Elle le fusilla du regard quand il s'amusa, avec la désinvolture la plus totale, à défaire les cartons qu'elle avait remplis un à un. Un coup du plat des deux mains sur la table suffit à faire retomber les affaires encore en suspens, comme si elle avait rompu le lien entre le sorcier et l'objet. Elle le gourmanda du regard tandis qu'il faisait mine de rien, son éternelle attitude de gamin à conneries brandie comme un étendard.

« Tu ne vas pas pouvoir rester éternellement pour m'empêcher de faire ces cartons tu sais. », souligna la malienne en croquant à son tour dans un nem bien chaud.

Habilement, en le laissant guider la conversation, elle profita qu'il s'engageait sur un autre sujet pour s'y engouffrer elle aussi. Discuter de sa dispute avec leur ami commun lui semblait bien moins risqué, quoiqu'il faudrait tout de même prendre garde de ne pas trop en dire.

« Une petite crise de confiance. Rien de bien méchant mais tu sais ce que c'est : quand on est en colère on se dit des choses qu'on n'aurait pas dites autrement. Le ton est monté et ça s'est fini sur des au revoirs plutôt cordiaux. J'aurais préféré qu'on ait l'opportunité d'en reparler avant qu'il parte. Tu sais, ça me laisse une désagréable impression d'avoir laissé quelque chose en suspens... et ce déplacement dure plus que je ne l'avais imaginé. »

C'était le moins qu'on pouvait dire. Quant à avouer qu'à la longue elle commençait sérieusement à s'inquiéter... il n'y avait qu'un pas. Mais elle ne pouvait pas lui parler de la gourde que Nero avait - volontairement ? - laissée derrière lui en partant. Seul moyen de communication sûr. Ni du pourquoi elle ne pouvait pas le contacter si facilement. Mais finalement ce qui l'inquiétait, quoiqu'elle en dise, c'était de ne pas savoir dans quel état serait ce qu'ils avaient laissé en plan quelques semaines plus tôt.