Private bar * Noma*

J’éclatais d’un rire simple et cristallin, mais qui s’arrêta quelque peu lorsqu’il me parla de ma carrière. Soudain, le décor s’effaça autour de moi et je ne vis que Noma, comme au bout d’un immense Tunnel en train de me parler… donner du bonheur aux gens.. ? Carrière en suspens ? Je le regardais sans vraiment le voir, un léger sourire vide de toute expression sur mon visage. Est-ce qu’il avait raison ? Est-ce que je n’étais pas passer tant que cela à côté de ma vie ? En tout cas, il me remonta le moral. Sans le montrer, je baissais les yeux vers mon verre dans un regard désolé.

« Tu as peut être raison… Mais ça me fera pas reprendre la batte tu sais... »

Derrière mon verre, des yeux rieurs apparurent. Alors qu’il se mit à beugler All Stars contre Poudlard, je montais, assise sur mon propre bar et je commençais à taper dans mes mains en direction de Noma.

« Attrapeur et Capitaiiiiiine, Nomaaa Karmaaaa ! »

J’applaudissais. Mimant une foule en délire et faisant tourner mon poing à tue-tête avec un rythme effréné. Les yeux dans les yeux, je finis quand même par me calmer et je soupirai en regardant l’heure qui tournait et qui avançait malgré tout.

« Je vais fermer. Mais tu as toujours pas répondu à ma question. »

Je ne savais plus vraiment si je lui avais posé sous ses termes, ou même si je lui avais réellement posé. Quoi qu’il en soit, un mystère tournait autour de Noma et je voulais l’élucider. D’ailleurs, il tournait autour de beaucoup de personne et j’avais souvent la même question à leur égard…

« Est-ce que ça passe avec le temps? »

Et l’allégresse tomba d’un coup. Mon visage s’affaissa et la lumière sembla s’éteindre dans le bar et dans mes yeux. Est-ce que ça passait ? La solitude ? La dépression ? Le fait de ne plus se sentir à sa place nul part ? J’avais tout raser et tout recommencer pour savoir si c’était mon environnement qui était nocif ou… peut être que c’était moi.

« Je veux dire… Je veux pas t’embêter avec ça… Mais… Tu crois qu’un jour, j’irai mieux ? »

L’alcool n’avait jamais fait bon ménage avec moi et c’était pour cette raison que j’essayais d’arrêter. Voilà que j’étais redevenu comme à chaque fois, à l’état d’un enfant apeuré. Et que je me mettais à poser des questions totalement existentielles à quelqu’un qui n’était pas si proche que ça de moi… Mais en même temps, avais-je réellement des gens proche ?

« C’était.. c’était une question débile. J’voulais pas t’emmerder avec ça. Bien. On va les mettre dehors, ça me fera décuver. »

D’un bond agile malgré l’état d’ivresse, je sautais de mon bar où j’étais assise et je commençais à prendre le premier venu, celui qui avait exploser ma vitrine. Avec lenteur mais force, je commençais à le faire rouler comme un boudin vers l’extérieur du bar. Arrivé à la moitié, je fixais brusquement Noma.

« On est amis ? »

J’allais scellé ça officiellement. Après tout… Mes amis se comptaient sur les doigts d’une main, et j’étais là pour m’en faire et changer de vie non ? Alors autant commencer en mettant des jeunes dehors et en se confiant sur des questions existentielles de la vie. J’avais lu qu’on commençait comme ça, dans un livre. En philosophant.

PRIVATE BAR

xx.xx.22, Three Broomsticks.
ft. @Hope Standford

D'un soupir enivré, ses lèvres se fendirent d'une inclinaison joueuse et ses paupières se plissèrent d’une décontraction sincère et égayée, avant que sa glotte ne se déride d’un éclat clair et enjôleur. Légèretés éthyliques, élans des excès ambrés, l’alcool n’était guère étranger dans cette distraction passagère, mais baigné des réjouissances, le sorcier se sentait plus que vivant, s’abreuvant allégrement des rires et sourires de la bonde, besoin nécessaire afin d’affronter la cruelle réalité qui finissait toujours par la rattraper. Ces instants privilégiés, partagés en toute franchise surpassaient tous les affronts extérieurs et de ces tentacules fumeux, répit bref et salvateur. Pulsation de sirènes embrumées, Noma leva son verre à l’acclamation de la batteuse. Il était loin le temps où son nom résonnait des accords fiévreux d’une foule en délire, le visage irradiant d’une teinte embarrassée, les joues embrasées d’une carnation piquée en fard, le Kahuna se massa la nuque, secouant farouchement son soûl pour se débarrasser des échos d’une gêne indomptable. Plus que tout, les applaudissements de la jeune femme le ramenaient dans une ère de laquelle il avait fait le deuil, âge doré où bercer d'une innocence brute, il se voyait encore sur le toit du monde, ses désirs d'une justice sous le coude, avant que la charpente ne cède sous le poids d'une nature impitoyable.

La question de l'aubergiste le fit redescendre rudement, le firmament se teinta d'un pavillon monochrome, l'allégresse du moment se volatilisa dans l'éther pesant et le renvoya à ses propres échecs. La lippe pincée de ses incisives, un rictus salé pointa le bout de son nez et caché derrière un Graal vidé de son élixir, d'un souffle fané, ses traits se fermèrent. Tout comme la fadeur d'un hiver laissait toujours place à l'épanouissement d'une saison apprêtée d'une oriflamme incandescente, Karma aimait à croire qu'il en était de même pour le genre humain, les désillusions n'étant qu'une passade si l'on décidait de tourner les pages noircies de ses propres erreurs. Suivant l'ancienne internationale du regard, cloisonné d'un mutisme pathologique, il refusa de répondre. Était-il bien placé pour apporter un conseil à cette dernière, alors que lui même se ressassait et revivait ses naufrages personnels dans le huis clos d'une solitude ? D'un raclement de gorge, il déposa le cul de son tumbler sur le comptoir et d'une impulsion maladroite, il quitta le confort relatif de son assise. Les Trois-balais tournoyant dans un ballet vaporeux, le Kanaka tituba aux côtés d'Hope et d'un pas trainard et incertain, il charria sa carcasse vers cette jeunesse pleine à crever.

Passant son bras sous l'aisselle de celui qu'il avait salement amoché, ses iris, extasiés d'un enthousiasme gâté, s'amarrèrent à la silhouette de la tenancière. Un sourire timide brisa l'amertume siégeant en maîtresse funeste sur son minois. D'un hochement de tête frileux, répondant d'un silence moribond, l'Américain souleva le bougre sans effort, son pouce battant le rappel contre la cage thoracique de la belle au bois dormant dans l'espoir fragile de le réveiller d'un sommeil pochardé. En vain. « Est-ce qu'on a réellement besoin de se l'entendre dire pour se considérer comme des amis ? J'estime qu'on l'était avant et que les choses n'ont pas changé même si on s'est perdu de vue et que nous avons pris des chemins différents. » Encouragé par le caractère intimiste de leur échange, ses dents affranchies d'une risette rincée d'une candeur authentique, les lignes de cette gueule d'ange retrouvèrent de leur gloire euphorique. « Et si tu veux vraiment savoir. Oui, le temps fait des miracles, il faut juste savoir se pardonner et assumer ses choix, le reste viendra tout seul ! Ne regrette rien et ne te laisse pas dire ce que tu aurais dû faire ou non, c'est la clé pour réussir à s'acquitter du poids des remords. Et si tu veux en parler, je suis toujours là tant que la boisson est gratuite. » D'un clin d'œil complice arrosé d'un gloussement guilleret, s'il pensait ce qu'il préconisait et qu'il serait toujours présent pour ceux qui constituaient son cercle d'intimes, l'hypocrisie d'une résolution qu'il n'était pas à même d'appliquer lui arracha un haut-le-cœur.

Sans réfléchir, mes bras entourèrent le cou de Noma et je le serrai contre moi de toutes mes forces. Quelques larmes perlèrent et je les essuyais sommairement. La pudeur fit que je ne voulais pas qu’il me voit les larmes aux yeux donc je m’essuyais dans son dos. Je le lâchais et je déclarais un simple et timide :

« Merci Noma. »

Le libérant, je m’essuyais encore sommairement les yeux et je détournais le regard gêné. Finalement, je l’aidais à balancer les deux malfrats dehors, mais je pris soin quand même de veiller à ce qu’ils aient les couvertures et les coussins. J’avais même mis une bassine au cas où ils vomissent.

« La boisson sera gratuite pour ça… T’es vraiment quelqu’un de bien. Pour ce soir, tu me dois rien, c’est moi qui te doit beaucoup. »

Je restais dehors avec lui. Il était temps de rentrer se coucher. C’était le moment fragile où l’alcool commençait sa pente descendante et où je savais que j’allais broyer des idées noires. Ca avait d’ailleurs déjà commencé et c’était pour ça qu’il valait mieux que je reste seule. Avec un sourire désolé, je regardais l’heure et je déclarais d’une voix un peu timide.

« C’est pas que je te mets dehors mais je dois aller en ville assez tôt demain… C’est jour de marché. Tu peux venir avec moi si tu veux, si tu travailles pas ! »

J’avais repris mon attitude un peu guillerette. Je refusais qu’il reste, parce que j’avais besoin d’être seule, un peu avec moi même pou réfléchir. Observant les deux étudiants, je les regardais avec un air nostalgique dans le regard. Un léger sourire en coin, je poursuivis avec ces paroles, qui je savais serait les dernières de la soirée.

« Prends soin de toi Noma. »

PRIVATE BAR

xx.xx.22, Three Broomsticks.
ft. @Hope Standford

Pris au dépourvu, le tireur d'élite sentit l'étreinte de l'ancienne batteuse se refermer sur lui. Force fébrile, anesthésie à l'empirisme alcoolisé, Noma resta brièvement pantois, avant de rompre l'immobilisme. Ses bras s'enlacèrent autour de la silhouette de la blonde, chaleur humaine aux bienfaits lénitifs, étau à la tendresse plaisante. Emprunt d'une délicatesse dégrisant, d'une paume prévenante, sa main embrassa son dos d'une caresse bienveillante. S'il ne distinguait guère l'expression de son visage dans cette embrassade, il devinait une tristesse-pudique, sanglot évident de la jeune femme face aux craintes lui appartenant, mais qu'il imaginait assez bien pour ne pas chercher à l'arracher à cet instant de réserve. Un rictus pincé courant le long de ses lèvres, faisant preuve d'une certaine retenue, le kahuna s'abstint de toute réponse, et ce, malgré une gratitude surpassant les sanglots. D'un soupir à l'empathie marquée, il s'affranchit d'un hochement de tête simpliste et subtile.

Leur proximité rompue, Karma se refusa de croiser un regard qu'il se figurait encore humide d'une plainte silencieuse. Ses pommettes accusèrent une carnation rosée, brillance d'une gêne et d'une impuissance devant la reconnaissance de Standford. Du revers de ses phalanges, il aspira naïvement à chasser les preuves d'un embarras cuisant, sans réellement y croire. « Tu n'as pas besoin de me remercier… J'espère sincèrement que tout rentrera dans l'ordre. Et tu sais que si tu as besoin de parler ou même de te défouler, tu peux toujours me sonner. » Appuyant son invitation d'un nouveau clin d'œil, son index creusa toutefois, avec timidité, le derme de son cou. S'il excellait à défendre une fierté froissée, le kanaka encaissait assez mal les compliments de front. Et après tout, il lui était tout à fait naturel d'être là dans les bons moments, comme les épisodes de faiblesse ; sa vision de l'amitié ne s'arrêtait pas aux flâneries et aux idioties éthyliques. Si ces maigres conseils avaient su réconforter la barmaid, alors cela lui suffisait amplement.

Comprenant qu'elle s'apprêtait à fermer boutique, l'américain s'empressa de retourner à l'intérieur, récupérant son manteau tout en glissant quelques gallions sur le comptoir, dédommagement pour l'insolence d'une jeunesse enivrée. Et d'un raclement de gorge, la tournure des événements le berçant d'un inconfort, il s'affaira à débarrasser le plancher des Trois Balais de ces occupants encombrants. L'un après l'autre, ils les installèrent aussi commodément que possible contre la devanture de l'établissement. Un sourire sincère et rincé d'une empathie cristalline, il la prit dans ses bras d'une accolade enthousiaste. « Je ne te promets rien, mais je vais essayer de me libérer… Fais attention à toi ! Et ne t'inquiète pas pour nos apprentis mages noirs, je m'en occupe. » Relâchant sa prise, il se recula, ce même air béat brossé d'une affection spontanée balayant ses rides fatiguées, avant de s'effacer clopin-clopant, telle une ombre, dans le clair-obscur d'une nuit à son paroxysme vers le spectre à peine apparent de l'université magique.