Open your eyes

L’Ensorcelé n’était pas l’endroit où il espérait aller après 2 mois de vagabondage. Mais comme si Jameson avait placé des espions à sa porte, Nero reçut une lettre alors qu’il avait à peine posé ses valises, l’invitant à l’y rejoindre quelques jours plus tard. Alors, il avait ingéré tous les remèdes magiques et non-magiques qu’il possédait pour se guérir suffisamment pour ne pas éveiller les soupçons de son ami, s’était rasé, coiffé, et paré d’une chemise propre. Pour être honnête, il aurait revêtu n’importe quoi pour revoir les siens, qui lui manquaient énormément après cet exil forcé.

Après tout ce temps, il ne reconnut pratiquement pas l’homme qui lui faisait face dans le miroir. Seule la grimace de douleur que son reflet lui renvoya lui confirma bel et bien qu’ils partageaient le même élancement dans les côtes, la même réalité.

Lorsque Nero mit le pied dans la brasserie, il ne put retenir un rire. La fatigue peut-être, mais la splendeur de l’endroit ne faisait que contraster d’autant plus avec les nuits passées dans la poussière et la chaleur, le sang et la sueur, planqué quelque part dans les fins fonds du Moyen-Orient, luttant pour ne pas faire la peau à son acolyte forcée,  @Neith Hayder.

Il balaya la salle du regard, pour finalement faire son chemin jusqu’à la table où un homme était assis: il aurait reconnu la silhouette de son ami entre mille. En approchant, il serra l’épaule du Clearwater avant de prendre place devant lui, un peu plus tranquillement que la normale pour éviter que son visage ne se torde sous la douleur.
“Joyeux anniversaire en retard mon vieux. Un demi-siècle.” dit-il avec un grand sourire.
Si Jameson avait pu connaître les épreuves traversées dans les derniers mois, il comprendrait peut-être plus la réjouissance démesurée de Nero de le voir, même si il n’était pas du genre à ouvertement le montrer.

“Merci beau brun, t'as l'air content de me voir, ça fait plaisir.”

Nero lui sourit, laissant le commentaire couler sur ses épaules comme une simple plaisanterie, mais intérieurement, il ne pouvait s’empêcher de penser à quel point Jameson n’avait aucune idée de la sincérité de ses sentiments. T’as pas idée.

Jameson appela le serveur, avant de se retourner vers lui. Le voyage. Nero ne put même pas retenir son rire, amusé par l’ironie de la question. Mais il avait l’habitude: depuis le décès de sa fille, Nero avait souvent navigué dans les mensonges, prétendant vouloir se ressourcer, ou même inventant une excursion au bienfait de l’IDEM, pour rassurer ses proches et justifier ses absences prolongées. Au final, il n’était pas si loin de la vérité: il avait vu beaucoup de pays en 15 ans. Mais il n’avait jamais vraiment voyagé. Le jour où il prendrait un bain de soleil sur une plage des Bahamas serait probablement annonciateur d’une apocalypse.

Si ses missions se prolongeaient souvent, et ses jeunes années avaient vu pires, il devait admettre, celle-là l’avait drainé plus qu’à l’habitude. La vieillesse peut-être, ou simplement cette petite peste de  @Neith Hayder qui empirait les choses? Ou peut-être la manière dont il était parti.

Il se contenta de sourire à son vieil ami, haussant les épaules. “Splendide, comme d’habitude. Ils ont égaré mes valises en Croatie, j’ai dû passer 2 jours avec les mêmes vêtements sur le dos. Sinon, tout était super.” Il avait l’habitude, cela ne voulait pas dire que les mensonges avaient bon goût, et fut reconnaissant à l’approche du serveur, qui offrirait une parfaite distraction pour transitionner subtilement vers un autre sujet. “Mais je dois avouer que la maison m’a manquée.” ajouta-t-il dans un soupir satisfait mais fatigué. Il se demandait parfois si Nero reflétait une image de son père, à force de disparaître. Ce n’était pas une pensée qu’il appréciait particulièrement.

Nero commanda un moscow mule sans alcool, et laissa Jameson commander à son tour. Une fois le serveur parti, l’écossais retourna la question vers un sujet qui l’intéressait beaucoup plus.

“Et toi?” Sa voix portait plus d’entrain. “Quoi de neuf? Deux mois, te connaissant, tu as trouvé un moyen pour éradiquer un département entier du Ministère ou d’ériger une nouvelle tour à Poudlard pendant que j’étais parti.” dit-il avec un sourire moqueur. Jameson n’était pas du genre à rester immobile très longtemps, même si il possédait une meilleure stabilité que Nero, il savait que c’était une erreur de voir en Jameson un volcan dormant.

Nero observa son ami un instant, pouvant presque voir les images défiler dans son esprit. Il n’était parti que depuis octobre, certainement, il n’avait pas pu rater tant de choses?

Pourtant, Jameson lui prouva le contraire en débutant son récit avec  @Maeve Cynfeirdd. Pris de court, Nero eut à y réfléchir longuement, les descriptions du Clearwater facilitant à faire remonter les quelques souvenirs. Une Serpentard, des airs de valkyrie. Si les souvenirs de Poudlard étaient flous, il se rappelait avoir vu occasionnellement une femme correspondant à cette description, de passage au Marché aux Trolls. Il n’en dit rien, et se contenta de froncer les sourcils, se demandant bien où il voulait en venir. “Ça remonte… j’ai pas entendu parler de cette fille depuis Poudlard.” commenta-t-il pendant que Jameson prenait une gorgée de son whisky. Nero l’imita avec son propre verre, analysant le regard de son ami avec appréhension.

À son explication, le MacGregor avala sa gorgée de travers et du lutter pour éviter que Jameson le remarque, probablement sans grand succès. Automatiquement, le regard de Nero se dirigea vers la main gauche de son ami. Cet été à la taverne, il y avait bien eu une alliance, mais elle n’était plus là. Donc Jameson ne se payait pas sa tête?

Nero observa Jameson un instant, bouche-bée, laissant un silence planer quelques secondes. D’une part, il était particulièrement heureux que Jameson avance, traversant le deuil de Caleigh. D’une autre, quelque chose dans cette conversation lui donnait l’impression d’avoir à nouveau 18 ans, discutant des filles assises aux autres tables, et du même coup, la maturité qui allait avec.

Dans un autre contexte, Nero aurait probablement pris la chose plus sérieusement. Peut-être était-ce la fatigue, ou le fait de ne pas avoir eu la chance de penser à des sujets aussi futiles dans les derniers mois, Nero craqua: il tenta de réprimer un rire, pour finalement le laisser s’échapper de sa gorge, sonore et chaleureux.

“Jameson Cleawater en pince pour une Serpentard!” s’exclama-t-il. “J’aurai tout vu!” Il se rappela soudainement toutes les piques que les jeunes MacGregors et Clearwaters s'étaient envoyés sur leurs maisons respectives.
Il réussit à calmer son fou rire, expirant avec un sentiment de satisfaction. Cela faisait une éternité qu’il n’avait pas rit ainsi. “C’est des bonnes nouvelles, vieux frère.” dit-il, plus sincèrement, agrippant le bras de son ami avec une bonne poigne rassurante. "Je suis heureux pour toi." Il soutint le regard du Clearwater, empathique, serra son bras encore une fois, pour finalement se reculer. “Vous avez dû… Arrêter?" répéta-t-il incrédule, levant son verre à ses lèvres. Il scruta le visage de Jameson un moment, il pouvait le lire comme un livre. Il ne mentait pas, ça Nero en était sûr. Aussi désolante pouvait être la situation, c’était agréable de voir qu’il y avait un avenir après la douleur. “Ça ne te ressemble pas, il me semble.” Nero commenta, un sourcil levé.
“Alors, quelle est la prochaine étape?” demdanda-t-il. Aussi entêté Jameson pouvait-il être sur sa propre situation conjugale depuis le départ d’Emma, 25 ans plus tôt, Nero ne pouvait pas croire que le Clearwater accepterait sa situation sans livrer un plus gros combat. D’expérience, le cinquantenaire avait plus d’énergie à dépenser, à moins qu’il ne l’utilisait que pour lui faire la morale sur son propre célibat. Dans tous les cas, Nero voyait là l’occasion parfaite pour lui rendre la monnaie de sa pièce.

La moquerie est un succès, offrant à Nero une réaction qui le satisfait. Il fit son possible pour retenir le sourire espiègle de sur ses lèvres, tâchant de rester sérieux face à la situation que son ami traversait. Mais c’était si plaisant, il y avait tant d’années qu’ils n’avaient pas pu parler de ce genre de choses sans réel crainte de remonter des démons à la surface.

Nero écouta en silence. Ils bossaient ensemble? Cette information le tiqua, ne se rappelant pas avoir entendu parler d’une nouvelle professeur dans l’établissement, pas qu’il se tenait réellement au courant de ce genre de choses. Mais, pour une raison qu’il ignorait, il avait l’impression de connaître le métier de  @Maeve Cynfeirdd. Ils ne s’étaient pratiquement jamais reparlés depuis Poudlard, mais il avait la sensation qu’il oubliait quelque chose.
“Vous travaillez ensemble?” le MacGregor finit par demander, ne trouvant pas réponse à son questionnement, espérant que Jameson l'illumine.

Il fit la liste des points communs que Jameson lui listait. Nero prit une gorgée de son verre, haussant un sourcil. “Mh.” Il pouvait voir que Jameson était peiné. Mais Nero ne s’était jamais cru très bon avec les mots, incapable de savoir quoi dire pour consoler son ami, ou quoi ne pas dire pour ne pas retourner le couteau dans la plaie. Il opta plutôt pour le raisonnement. “Je comprend que c’est elle qui a mis fin à votre entente…? Autrement, à t’écouter parler, t’as pas l’air de l’homme le plus heureux par la décision.” Il haussa les épaules. Pourquoi se tourmenter volontairement? Le problème lui semblait si simple à régler, après des mois à pourchasser des cauchemars. “Tout briser? Depuis quand ça t’as déjà arrêté? On est plus jeunes, Jameson.” Il tapota son verre, ne sachant pas trop comment expliquer son point. “Qui tente rien n’a rien.” conclut-il, agacé par sa propre voix, entendant plutôt celle de son père.

Jameson redirigea le sujet, et Nero eut l’impression de frapper un mur. Passer d’une conversation qui lui semblait si agréable et enfantine, à la sensation de se faire pousser d’un précipice. Il arrêta de respirer un instant. Son départ? Non. Elle avait promis. La première chose qu’il avait faite, après son arrivée, quelques jours plus tôt, c'était d'aller vérifier. Avant même de mettre la clé dans sa propre porte, il s’était rendu au Chemin de Traverse. Il ne l’aurait jamais abordé, pas dans son état, il n’était pas prêt. Mais il avait levé les yeux au ciel, vers sa fenêtre d’appartement. Rien que pour s’assurer, pour se rassurer. La lumière jaune se déversait dans la nuit, chaleureuse, et Nero avait senti une pression se soulever de sa poitrine. Elle était restée, elle était toujours là.
Elle lui manquait. Mais il était rentré chez lui, attendant d’être guéri avant de faire face à la réalité, ne se sentant pas prêt à recommencer la discussion là où ils l’avaient laissé. Pour l’instant, savoir qu’elle était chez elle, en sécurité, avait été suffisant. Elle lui avait promis qu’elle serait là à son retour.
Mais il avait été idiot de penser que seule @Iris Faux-Orpin pouvait allumer une lumière. Peut-être étaient-ce les propriétaires? Elle avait promis.
Justement. Il avait promis aussi. N’était-ce pas le problème de leur dispute? Il ne la pensait pas capable de le blesser ainsi, mais la simple pensée lui tordait l’estomac.

Il se redressa sur sa chaise, essayant de ne pas trop réagir. Nero savait pertinemment devant qui il était assis. “Son départ?” demanda-t-il, sa voix soudainement basse, si rauque on aurait pu croire un grondement menaçant. “Quel départ?”

Nero espérait que ce soit une blague, mais Jameson n’ayant jamais entendu parler de cette promesse faite, il ne pouvait pas savoir. Et si il savait, il comprendrait pourquoi ce serait une très mauvaise blague.

Psychomage.
Soudainement, Nero compris pourquoi il avait l’impression d’avoir déjà vu que nom de Maeve Cynfeirdd quelque part, post-Poudlard. Il avait probablement lu son nom sur les listes sans fin qu’on lui avait données, à l’époque, le priant de parler à quelqu’un. Comme si ça changerait quoique ce soit. Nero réprima un rire jaune et laissa Jameson continuer.

Il hocha la tête à la mention de Poudlard. Donc elle était sa collègue, mais pas réellement.
“Tu en as parlé à Lucy?” s’enquit Nero. Si il gardait physiquement ses distances, cela ne voulait pas dire qu’il ne gardait pas l’enfant dans le fond de ses pensées.

La conversation tourna, et l’humeur de Nero fit de même.

Jameson expliqua où elle était partie. Nero ferma les deux brièvement, prenant une gorgée de son verre pour garder les apparences. Il eut du mal à avaler. “Je vois.” dit Nero, sobrement. Une amie d’enfance. Nero savait bien que c’était un mensonge quelconque. Si il avait participer à forger l’identité d’Iris Faux-Oprin, cela ne voulait pas dire qu’il connaissait toutes les histoires qu’elle avait pu inventer pour crédibiliser son passé. Cela voulait dire qu’il n’avait aucune idée d’où elle avait pu aller. “Elle t’as dit jusqu’à quand elle comptait partir?” tenta Nero, même si il savait pertinemment que c’était plutôt un voyage de style permanent. Elle l’avait avertie, non?
Nero commença mentalement à préparer son plan. En sortant d’ici, il irait directement chez elle. Pourrait-il trouver où elle était allée?

Puis, comme pour sortir Nero de sa tourmente personnelle en lui offrant une tourmente plus tangible, Jameson décida de poser des questions. Évidemment qu’il voulut poser des questions, il était comme ça Jameson, un ami en or mais une facilité à causer des problèmes.
Le stress de Nero passa de l’avenir au présent. Merde.

Nero prit une nouvelle gorgée. Haussa les épaules. “Pendant un de mes voyages.” déclara-t-il. Si ce n’était que de lui, il en serait resté là. Le plus vague possible, espérant ne pas défaire un mensonge qu’Iris aurait pu précédemment lui dire. Mais connaissant Jameson, ce ne serait pas suffisant, il ajouta donc: “On s’est croisés, on est devenus amis. Elle voulait essayer la vie à Londres, alors elle m’a suivi au retour." Il était prudent. C’était tout ce que Jameson saurait. C’était tout ce qui s’était passé.

Lorsque le serveur revint, Nero n’avait pas la tête à manger, et encore moins l’estomac. Il se repositionna légèrement sur son siège, impassible face à la douleur de son flanc. “Je vais prendre ce qu’il va prendre.” dit-il en pointant Jameson.