Open your eyes

Quinze jours. Les mots lui parurent comme une sentence, son cœur descendant jusqu’à son estomac comme si on lui avait accroché une enclume. Quinze jours? Elle pouvait être loin désormais. Les sourcils de Nero se froncèrent, mais il essaya de cacher sa confusion derrière de la nonchalance. “M’attendre?” répéta-t-il, se demandant bien ce qui avait motivé son départ. Il se doutait bien que leur conversation avait été un facteur. Même si elle avait promis de rester, elle n’était pas liée à lui de quelconque manière, et ne lui devait rien. Il avait été clair à leur arrivée à Londres: ils étaient quittes.
Elle pouvait partir, il n’avait pas son mot à dire. Mais c’était une réalité difficile à avaler. Et il ne pouvait s’empêcher de se demander pourquoi elle était partie comme ça.

Il se força de nouveau à concentrer son attention sur Jameson, se forçant à ne pas pourchasser des fantômes. Il avait appris, plusieurs vies plus tôt, que courir après quelqu’un qui ne voulait pas être suivi ne menait à rien. Si Jameson avait raison, alors Iris avait disparu depuis longtemps, et il ne gagnerait rien à quitter le restaurant en trombe. Il pourrait attendre la fin de la soirée.
Il n’eut pas besoin de quémander des réponses sur ses questionnements, puisque Jameson déballa rapidement son sac. Son ami n’était pas du genre à garder ces choses pour lui, de toute façon.

La douane.
Au moins, ils n’étaient pas trop éloignés dans leurs réponses respectives.
“Je vais être franc, Nero.”
Nero avait des sueurs froides, mais cela ne l’empêcha pas de refléter le regard sombre de Jameson.
Il n’aimait pas la tournure de la conversation, ni le ton que son ami employait. Était-ce ce soir que Nero allait finalement être mis au pied du mur? Coincé comme un animal?
Jameson n’a pas eu assez eu de problème avec la Cynfeirdd, il a dû venir fouiner dans les miens durant mon absence?

“Qu’est-ce que tu essayes de me dire, Jameson, mh?” demanda finalement le MacGregor, en ayant assez entendu. “Que c’est une menteuse?”
Nero se força à se tempérer. La fatigue et le stress du départ d’Iris pourraient rapidement prendre le dessus s'il ne se méfiait pas. Il repris un ton plus doux, plus ouvert. “Qu'est-ce qui te fait croire qu'elle t'a pas dit la vérité?”

Enfin, Jameson conclut avec sa frustration sur la confiance. Peut-être était-ce la fatigue qui lui montait finalement à la tête, mais l’ironie de la situation envoya Nero dans un fou rire incontrôlable, réanimant la douleur dans ses côtes. Lorsqu’il réussit enfin à se calmer, il dû prendre quelques secondes pour respirer et tempérer les spasmes de souffrance dans sa poitrine.

“Bienvenue dans mon monde, mon frère.” conclut-il finalement, prenant une gorgée de son verre avec encore un rictus scotché aux lèvres, comme si ce serait suffisant pour oublier l’amertume de sa dernière conversation avec Iris.

La nourriture arriva, et si leur conversation lui avait légèrement coupé l’appétit, l'odeur alléchante de la viande raviva sa faim. Jameson fut le premier à s’emparer de ses couverts pour s’attaquer à son repas, et Nero ne put s’empêcher de le suivre malgré la lourdeur de la conversation qui pesait sur ses épaules.

Jameson continua de marteler le problème, assurant que son amie n’avait pas parue sincère, croyant qu’elle lui cachait quelque chose. Tu m’étonnes.
L’idée que Jameson se rapproche aussi près de la vérité rendait l’écossais mal à l’aise: cela signifiait qu’il se rapprochait de ses propres secrets. Mais Nero ne pouvait rien y faire sans que Jameson ait la présence d’esprit de réaliser qu’il tentait de le bifurquer, il ne pouvait qu’accepter ses approches en paraissant le plus naturel et nonchalant possible, espérant faire disparaître toute trace de suspicion.
C’était toujours plus facile à dire qu’à faire.

Il hocha la tête alors que Jameson parlait, l’encourageant à continuer, signifiant qu’il comprenait ce que son ami tentait d’exprimer. Continuant d’avaler des bouchées de son repas avec plus d’appétit qu’il ne croyait avoir, il prit quelques secondes pour avaler lorsque Jameson le questionna, secouant la tête à la négative.

“Désolé Jameson.” dit-il, sincère mais ferme. “Même si je savais ce que tu penses qu’elle te cache- ce que je ne sais pas,” nota-t-il “Ce ne serait pas à moi de te le révéler.”

“Iris a… elle est particulière sur sa vie privée. Elle a vécu beaucoup de choses, chez elle.” Son cerveau essayait de traduire ses pensées pour Nyéléni à une version d’Iris. Son regard s’assombrit, et il posa à son tour ses couverts pour observer son ami. “Elle ne me dit pas tout, même à moi. Avant mon départ on…” Il avait envie de se mordre les joues plutôt que d’avouer tout haut ce fait, mais il persista tout de même, espérant qu’étaler ses propres vérités le dissuadent de celles d’Iris. “On s’est disputés. Un truc de confiance, justement. Je...” Il seccoua la tête, réprimant un grognement. Il balaya l’air de la main comme pour chasser le sujet. “Une longue histoire, je saurais pas comment te l’expliquer.”

Il reprit sa fourchette et piqua sa viande à répétition, sans pour autant apporter la nourriture à sa bouche, la tête ailleurs. “Ne le prend pas personnellement. Elle a droit à ses secrets. Il y a des trucs qu’on préfère garder dans le passé.” Il releva les yeux vers Jameson, soutenant le regard du Clearwater. Si Nero parlait sur le ton de la conversation, c’était aussi un conseil sérieux. Son entourage avait appris à ne pas mentionner les sujets que Nero trouvait délicat, et si Jameson avait appris à le faire pour lui, il espérait qu’il pourrait respecter ce tabou pour Iris.
Même si ce n’était pas pour protéger les mêmes choses.

Jameson marmonna sur les démons du passé, et la nourriture de Nero prit soudainement un goût acide. Il ne pouvait bien évidemment pas lui dire, mais il sonnait un peu trop comme Nyéléni. Nero roula des yeux. “M’ouais.” ajouta Nero, visiblement peu convaincu. Les MacGregor n’étaient pas connus pour affronter les conséquences de leurs actions, pour des archéologues, leur propre passé ne les importait peu et pour une fois, Nero n’était pas l’exception.

Nero n’avait jamais compris comment Jameson pouvait s’ouvrir autant aux autres. À lui. Certes, il avait eu du mal à se relever de la mort de Caleigh, mais il avait été capable de l’avouer. Nero aurait voulu lui démontrer le même genre de confiance, le même genre d’ouverture. Ce n’était pas parce qu’il ne voulait pas, plus qu’il en était incapable. Quand Emma était partie, il s’était tût sur le sujet, répondant qu’au minimum de leurs questions. Le nom de sa fille ne traversait jamais ses lèvres.
Il ne savait pas exactement pourquoi il avait des mécanismes de défense différents de ceux de Jameson, mais démolir ses murs semblait impossible. De moins en moins avec l’âge, mais pas forcément facile ni plaisant. Il préférait éviter d’essayer.

“Tu sais que les Clearwater ont toujours été meilleurs à ce jeu que le reste du monde.” rétorqua Nero, histoire de ne pas laisser son ami parler à un mur. Tu vois, je fais un effort. ria-t-il intérieurement.

Nero eut un léger rire à la mention des mystères. “Y’a pas de mystère. C’est toi qui va chercher des puces.” dit-il en pointant sa fourchette vers lui, accusateur. Nero avait un sourire railleur au visage. “Elle te dit qu’elle s’en va, elle te donne une raison, si tu y crois pas c’est ton problème mon vieux.” Il seccoua la tête, presque amusé.

“Si tu veux du mystère, arrête de fouiller dans la vie privée des autres et va te mettre le nez dehors. Je suis certaine qu’Imelda aurait une tooooonne de questions à te faire résoudre.” se moqua-t-il en seccouant la tête, incrédule. Jameson souhaitait aller explorer alors que Nero venait tout juste de revenir, ne souhaitant rien d’autre que de se reposer… argh, il se faisait vieux. “Le terrain…” soupira-t-il, fatigué rien que d’y penser. Évidemment, Jameson pensait que Nero revenait tout juste de vacances, alors ça ne faisait pas de sens. “Ça te manque?”

Jameson continua à pestiférer contre l’attitude d'@Iris Faux-Orpin , que Nero choisit d’écouter que d’une oreille, préférant plutôt se concentrer sur son agneau. Il ne considérait pas avoir son mot à dire sur la situation, il avait autant, sinon plus à se reprocher qu’Iris. Et c’était un sujet trop récent les concernant, la plaie était encore à vif.

Lorsqu’enfin, Jameson réimpliqua Nero dans la conversation, celui-ci releva les yeux vers son ami, contenant son regard sombre. Si le MacGregor n’avait pas appris à contenir ses nerfs, il aurait presque pu sentir la sueur perler sur son front. Il lui sourit, avant de prendre une nouvelle gorgée. La conviction de Jameson, la confiance aveugle qu’il lui portait, rendait toute la situation pire. Si un jour la vérité éclatait, elle ferait encore plus de dommages. Nero ne pouvait qu’espérer qu’ils n’en viennent jamais à briser cette image que Jameson avait de lui, celle d’un meilleur ami sans reproche.  

“Tu m’as fait chier, mais pour d’autres raisons.” plaisanta Nero avec un rire, se forçant à calmer les battements de son coeur à un rythme régulier.
La conversation dériva sur les expéditions.

“Mh, Betty…” soupira Nero, se rappelant de la situation, étant bien conscient des vagues que @Braxton Clearwater avait pu causer. Il avait été présent pour la femme de Braxton, lorsque celui-ci était en planque, couvrant pour son ami qui semblait prendre sa famille pour acquis. Il s’était démené pour aider la moldue, avec les enfants, avec les menus travaux qu’une maison demandait, espérant que sa présence pallierait l’absence de Braxton et que celui-ci ne ruinerait pas la vie que Nero aurait tant voulu avoir. Cela avait longtemps été une source de désaccord entre les deux hommes, malgré leurs similarités. Finalement, Nero haussa les épaules. “Une expédition, c’est pas un engagement tu sais. Une semaine, au max.  @Fergus Clearwater et Lucy sont des adultes, ils peuvent se passer de toi un peu, toi aussi tu mérites de remonter la pente.” Nero pris une bouchée, avec un sourire en coin. “Même si ta manière de remonter la pente est d’aider des fouilles pour l’IDEM, à chacun ses méthodes.” ria-t-il.
Jameson pouvait prétendre que la vie sédentaire d’un professeur lui plaisait, mais Nero savait qu’un Gryffondor comme lui resterait toujours un Gryffondor.

Nero donna de petites claques encourageantes sur le bras de son ami, amusé par son plan pour reconquérir la Cynfeirdd. “Là je te reconnais!” s’exclama-t-il avec un enthousiasme d’adolescent. “Tu vas briser des coeurs mon loup.” ria-t-il, mi-moqueur, mi-encourageant.
Il ne demanda pas à ce que Jameson lui en donne des nouvelles, puisque le connaissant, le Clearwater lui en donnerait, que Nero le veuille ou non.

Et encore une fois, Jameson ramena le sujet de l’amour vers lui. Nero dû se retenir de rouler des yeux, c’était un pattern récurrent chez lui. “Revenir ici?” demanda Nero, choisissant volontairement de dévier le sujet le plus longtemps possible. “Je suis jamais parti.” Il haussa les épaules, un petit sourire supérieur à l’idée de faire tourner son ami en rond. “Les voyages ça compte pas. Je t’ai déjà dit que rester à un seul endroit trop longtemps, ça me rendrait fou.”

Mais sachant pertinemment que Jameson ne lâcherait pas le morceau, Nero soupira, plus sérieux. Il se recula plus confortablement dans son siège, ayant terminé son assiette, et croisa les bras sur sa poitrine s’en même s’en rendre compte.
“Tu viens me parler de tes problèmes de coeur, et dans la même phrase tu me demandes si ça me manque…” soupira-t-il avec un sourire amusé. “Une jolie sorcière du coin…” répéta-t-il, comme si les choix de mots de Jameson étaient une incroyable blague. “Tu sais, j’y pense plus vraiment. À une époque, je me suis dit que c’était plus dans mes cartes, donc j’ai arrêté d’y songer.”
“Il y a bien eu quelques femmes… récurrentes. Mais c’était pas comme ça.”
Son regard s’assombri. “C’est pas bon de vouloir un amour que tu ne peux pas rendre.”

Nero passa la main dans ses cheveux, plus courts qu’ils l’avaient été dans les derniers mois, songeur. Il était surpris de voir que Jameson avait ouvert une valve que Nero ne semblait pas capable d’arrêter, il fallait croire qu’être privé de connexion pendant si longtemps l’aidait à s’ouvrir. “Aujourd’hui… je sais pas.” Il jeta un regard intrigué vers Jameson, comme si c’était lui qui pourrait lui offrir la réponse. “Ça sonne bien, en théorie, j’imagine.” Il eut un silence, prenant en compte sa réalisation. “Mais je pense que je suis plus programmé pour ce genre de truc.”

« Mouais. On dit aussi que le passé nous rattrape toujours. Un jour ou l'autre, ses démons vont venir taper à sa porte, et elle pourra plus ne rien faire sinon que les affronter. »

Nero releva les yeux vers Jameson, son expression indéchiffrable. Si il avait bien appris à camoufler ses vraies intentions avec les années, cela ne voulait pas dire que les paroles de son ami ne lui glaçaient pas le sang.

Qu’est-ce que tu sais à propos des secrets? En as-tu réellement déjà eu?
Pendant un instant, Nero se demanda si Jameson serait un jour la raison qu’il aurait à affronter ses propres démons. Jusqu’à maintenant, il avait bien réussi à se tenir hors de portée, mais avec le discours de Jameson, il commençait à se demander si il ne serait pas celui qui finirait par lui mettre des bâtons dans les roues, avec ses questions et son entêtement.

Mais son meilleur ami finit par lui laisser une ouverture pour changer de sujet.
Satisfait que cette petite danse soit terminée, Nero posa ses couverts avec un soupir.
“Écoute,” dit-il avec un demi-sourire. “Visiblement t’es en train de devenir fou. À mon retour des vacances, je demanderai à Imelda si elle a pas un contrat pour nous deux. Une petite sortie, histoire de te faire prendre l’air.” Même si il s’agissait originellement d’une diversion quant au sujet d’Iris, Nero s’emballa lui même de sa proposition. “Comme ça, tes enfants auront pas à t’interner à cause de démence précoce.” conclu-t-il en levant son verre pour trinquer, l’oeil taquin.