Ahlan wa sahlan

Ca n'était peut-être pas Noël mais ça en avait un petit goût pour Asel. Ayant pris des gardes à Ste Mangouste pour prolonger son stage entre les fêtes, elle n'avait pas eu une minute avec Adil alors cette invitation tombait à pic. Elle s'était réjoui, choisissant avec autant de soin que possible une tenue qui montrerait qu'elle avait fait un effort. Charlotte était partie en vacances en Suisse avec une bande de potes. Il ne fallait donc pas compter sur son secours là-dessus. Elle ne voulait pas en faire trop non plus alors elle avait jeté son dévolu sur un jean taille haute, une paire de bottines noire et un t-shirt oversize marin qui apporter une petite touche d'élégance. Un soupçon de maquillage (merci à Charlotte pour la bombe à canon laissée sous le sapin de Noël) et elle s'était envolée sur son balais à cropcircles, faisant bien attention d'éviter le rase motte, pour des raisons évidentes.

Atterrissage en douceur - @Michel-Ange Grimm avait un certain talent pour cela - elle arriva toute guillerette, devant le petit pavillon en bord de mer des Mesli. C'est Adil qui lui ouvrit, profitant que son oncle n'était pas à portée de vue pour cueillir un baiser à ses lèvres.

Elle lui colla un tape derrière la tête :

« J'espère que tu ne sors pas ce genre de blague devant ta tante. Essaie donc te t'imaginer ton petit cousin de 4 kilos passant sa tête pour faire coucou hum. Je pense que tu vois le truc... »

Un petit sourire moqueur vint se greffer sur son visage de peste lutine avant qu'elle n'entre, refermant la porte derrière elle pour ne pas inviter le froid à l'intérieur. Amastan arriva sur ses entrafaites. Encore une fois, c'était lui qui s'était mis aux fourneaux et il la salua chaleureusement comme à son habitude.

« Mon grand-père vous a préparé des petits gâteaux. Et ça c'est pour tante Elli, de la part de ma mère. »

Quelques tisanes du cru des soeurs Leczinska, tout à fait indiquées pour les quelques jours à venir. Ça avait tout de même son importance étant donné les relations cordiales entre l'oncle d'Adil et la mère d'Asel depuis la mention d'un éventuel projet de mariage.

« J'étais de garde encore ce matin. Les vacances ce sera pour février je pense. », répondit-elle avec un sourire enthousiaste, elle ne rechignait jamais à la tâche. Un petit regard à Adil, en butte avec son oignon lui tira un petit rire. Elle se promettait de venir abréger ses souffrances dès qu'elle aurait pu dire bonjour à la tante Ellie. « Je vais dire bonjour à Tante Ellie et je reviens si vous avez besoin de moi. »

Là dessus, elle souffla un petit conseil à Adil et s'éclipsa pour aller retrouver la future maman. C'était vrai que son ventre était énorme mais elle se garda bien de toute image déplacée.

« Bonsoir tante Ellie. Je vous ai apporté des chocolats. »

Elle lui présenta une minuscule boîte dans le plat de sa main. A l'intérieur, bien plus de douceurs qu'on aurait pu imaginer y faire entrer et pas n'importe lesquelles évidemment.

« Vous arrivez à dormir un peu ? »

Pour avoir grandi dans une famille très nombreuse, Asel savait bien qu'à ce stade de sa grossesse, tante Ellie ne devait plus pouvoir tenir en place.

Elle avait évoqué de possibles vacances en février sans vraiment avoir réfléchi la question. Alors quand Adil sauta sur cette remarque pour glisser l'idée d'un voyage à l'étranger, Asel se dit qu'elle aurait dû tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de l'ouvrir. Il faut dire que les voyages ne lui avaient guère réussi, pour le peu qu'elle avait fait. Ses bras et ses jambes gardaient une myriade de petits points blancs pour en témoigner et le gouvernement chinois devait avoir sa photo ainsi que celle d'Adil comme persona non grata quelque part dans ses bureaux. Mais elle ne voulait pas gâcher l'ambiance alors elle ne pipa mot, se contentant d'offrir un petit sourire poli à cette suggestion.

Elle sauta sur l'opportunité d'un bonjour à Ellie pour s'éloigner un peu et chasser l'idée de ce voyage. Avec un peu de chance... non il n'y avait aucune chance qu'Adil oublie une idée pareil. Il était bien trop romantique pour ça et il n'avait pas choisi n'importe quel pays. Il devait avoir une idée derrière la tête, il faudrait donc en reparler plus tard, seul à seul.

La sgitheanach se retint de pouffer en voyant comment tante Ellie venait de se débarrasser du gryffondor, ni vue ni connue. Elle savait bien pourquoi, pour avoir vu ses tantes tourner comme des gryffons en cage dans les dernières semaines de leurs grossesses... et la prévenance des papas, frères et autres hommes n'étaient curieusement jamais vraiment bienvenues dans ces moment-là. Pour autant, quand Ellie lui annonça avoir perdu les eaux une heure auparavant - et il fallait parier que c'était à la louche - Asel et ses grands yeux de chouette mordorés eurent une expression d'étonnement très marquée.

« Une heure ? Ahem... contractions toutes les ...? »

Elle aurait juré l'avoir vue grimacer aux moins quatre fois depuis le début de la conversation. Ben justement : la voilà qui grimaçait à nouveau.

« Ellie je ne voudrais pas vous affoler mais... je pense que ça vaudrait sérieusement le coup que je vous examine... et je dirais même qu'on va faire ça discrètement pour ne pas affoler nos deux Mesli là-bas parce qu'à mon avis si ce n'est pas pour ce soir, ce sera pour demain grand max.

Elle avait volontairement baissé d'un ton pour qu'on ne puisse pas comprendre ce qu'elle disait depuis la cuisine. Elle n'en disait encore rien mais, à voir les grimaces d'Ellie, il y avait fort à parier que le travail était déjà bien avancé... restait à espérer qu'elle lui fasse suffisamment confiance pour la laisser l'examiner.

Asel acquiesça, pragmatique. Il était déjà surprenant qu'Ellie ait pu faire semblant jusque là. Notre sgitheanach évalua les options qui s'offraient à elles, offrant son aide à la tante d'Adil pour se relever. La pression sur son bras en disait long. Une vraie écossaise Mrs Mesli.

« Ellie, écoutez-moi. On va s'installer ici, ce sera très bien. Amastan, je vais avoir besoin que vous me prépariez une eau à 37,5° sans impureté aucune. », demanda-t-elle le plus sérieusement du monde. Ça n'était qu'un prétexte pour évacuer le futur papa qui semblait déjà au paroxysme de son stress sans pour autant l'évincer vraiment. « Mais d'abord, vous allez m'aider à l'allonger sinon il va falloir prouver que vous avec une bonne réception et ça me paraît un peu tôt pour initier le petit au rugby. »

Elle planta son regard dans celui d'Amastan, sûre d'elle.

« Ellie, quand celle-ci sera passé vous nous donnerait le signal. On va vous renverser en douceur d'accord ? Adil ? Tu pourrais me chercher des coussins bien moelleux, une grande couverture à laquelle vous ne tenez pas trop, du linge propre ? » Elle lui sourit avec amour. C'était autre chose que la mise bas de Pim's dans la bergerie tout de même. « C'est maintenant. Le bébé arrive. », fit-elle pour répondre à sa dernière question.

La contraction était en train de redescendre, elle pouvait le sentir sous sa main qu'elle avait délicatement posé sur les reins d'Ellie. Son autre main était posée sur son épaule, prête à effectuer le renversement en douceur pour lequel elle avait sollicité l'aide d'Amastan. Une fois à l'horizontale, ils la déposeraient délicatement sur la couverture qu'Adil aurait probablement amenée entre temps.

Dans l'agitation générale, Amastan et Adil essayaient de trouver leur place, gérant l'afflux de stress et d'excitation du mieux qu'ils pouvaient. Cela faisait partie des choses sur lesquels le Dr Aslan avait longuement insister avant de l'embarquer sur un accouchement. Cette place des hommes et de la famille qu'il fallait ménager et accompagner au mieux sans rogner sur les impératifs au bon déroulement de l'accouchement.

Certains avaient besoin de rester au contact, d'autres de se tenir plus éloignés. C'était ce qu'on lui avait dit aussi, chercha-t-elle au mieux à ménager la patience d'Ellie et l'impatience d'Amastan en leur offrant des portes de sortie et d'entrée autant qu'elle put.

Ellie était installée, le souffle rauque et le ventre tendu. Ce petit bout ne tarderait plus à montrer le bout de son nez. Asel se positionna de façon à pouvoir la guider au mieux. Elle eut un sourire attendrit.

« Je sens déjà ses cheveux... »

Il y avait tout de même quelque chose à être présente dans ce moment-là auprès des Mesli. Quelque chose d'unique, qui ne se reproduirait pas de si tôt. Elle ne savait pas pour combien de temps ils en auraient avant de pouvoir accueillir ce bébé comme il se devait mais une chose était sûre, c'était maintenant qu'il fallait être là où s'éloigner un peu.

Pour Adil se fut la seconde option. Asel lui sourit avec amour avant de se recentrer sur Ellie.

« Quand vous vous sentez prête Ellie. », indiqua la jeune femme en voyant que les contractions s'intensifiaient.

Elle la guida patiemment, n'hésitant pas par moment à quitter sa position pour venir lui apporter le réconfort de son épaule. A la serrer dans ses bras. Les choses se passaient très bien mais hors le contexte sécurisant de Ste Mangouste et les enchantements qu'Asel n'était pas autorisée à pratiquer en tant qu'interne, il fallait qu'Ellie ait les reins solides. L'étudiante aurait pu passer outre mais quand il s'agissait de ses patients, elle ne se permettait aucune action irréfléchie ni entorse au règlement.

« C'est très bien c'est très bien Ellie. Vous y êtes presque, il arrive. Il arrive. Il est là. Ça y est c'est fini. Il est là. Bonjour petit bonhomme... tu nous fais entendre ta belle voix ? Tiens regarde, c'est mieux comme ça hein ? Voilà. »

Elle posa l'enfant sur le sein de sa mère, se retirant un peu du cocon que les Mesli auraient sûrement besoin de former autour de ce petit miracle. Le front en sueur, la petite brunette tira sa baguette d'ambre pour faire disparaître toute la logistique de ce grand moment, profitant de l'émotion générale pour s'occuper de remettre un brin d'ordre, chose que les Mesli auraient beaucoup moins le temps de faire désormais.