Volare, cantare [ft. Lucy]

Aram avait mis en œuvre certains de ses talents pour s’assurer que lui et Lucy passent inaperçus et ils avaient fini par atteindre sans mal les pelouses du château. L’interdiction de transplanner était certes handicapante, mais le transplannage n’était fort heureusement pas le seul moyen de transport pour le peuple nomade des tziganes. Le Romanez avait attendu d’être à l’orée des bois qui parsemaient l’accès au vaste lac bordant le château avant de tourner un clin d’œil de fripouille vers la jeune fille. Enfournant deux doigts dans sa bouche, il lança un bref sifflement vers une créature qu’ils ne pouvaient pour l’heure ni voir ni entendre. Rapidement cependant, ils purent percevoir un bruit de sabots frappant contre le sol, qui alla en s’intensifiant. Finalement, ils finirent par discerner la silhouette d’un sublime Kladruber à la robe gris nuit qui s’arrêta devant eux en hennissant nerveusement.

- C’est Khuro, l’esprit galopant de mon endaja, expliqua brièvement Aram en se tournant vers Lucy, tout en flattant l’encolure de la bête.

S’il avait voulu davantage briller aux yeux de la jeune reporter, il aurait raconté qu’il était le seul Romanez à réussir le maîtriser en tant que fils de la Chovihani, en plus de cette dernière. Mais à quoi cela aurait-il servi, puisqu’il n’aurait bientôt plus ce pouvoir, alors qu’il se détournait de cette responsabilité – laissant avec plaisir les rennes du clan à un autre Romanez qui serait sans doute plus sage et plus puissant que lui.

Avec un sourire toujours aussi voyou, il attrapa la taille bien trop fine de la sorcière pour la hisser en amazone sur le dos du cheval, lui intimant de s’accrocher à sa crinière. Lui-même sauta avec l’aisance que donne l’habitude à l’arrière du cheval, n’ayant nul besoin de s’accrocher pour tenir en équilibre, bien qu’il fût plus que tenté d’effleurer les épaules nues de la sorcière. Serrant ses jambes contre le corps de l’animal, Aram lui fit reprendre son trot à l’aide d’un nouveau sifflement. Khuro s’élança, avec la fougue qui l’habitait, les faisant longer le lac aussi noir que le ciel étoilé qui le surplombait. La scène était auréolée d’une lueur féérique, alors qu’ils ne semblaient être éclairés que par l’éclat de la lune.

Les Romanez voyageaient à dos de cheval depuis la nuit des temps, ces fantastiques et fidèles compagnons leur permettant d’emporter avec eux tout leur habitat. Leurs fêtes, leurs jeux, leurs traditions impliquaient bien souvent la présence de chevaux qu’ils devaient monter sans selle en y faisant des acrobaties plus périlleuses les unes que les autres. Aram n’avait pas été en reste durant sa jeunesse, et son apprentissage en Espagne lui avait permis de perfectionner son adresse à dos de cheval. Mais avec un style de vie de plus en plus sédentarisé, ces pratiques avaient tendance à se perdre au sein des endaja, et de nombreux compagnons galopants avaient été relâchés dans des espaces naturels protégés où ils restaient cependant réceptifs à des appels de leur endaja si toutefois ils désiraient y répondre.

Ne souhaitant épuiser Khuro plus que de mesure, Aram lui fit atteindre la crète qui surplombait Pré-au-Lard avant de le faire s’arrêter d’un autre petit sifflement. Sautant au sol, il aida Lucy à le rejoindre en lui attrapant de nouveau la taille – décidément bien trop mince. A peine se furent-ils détournés que Khuro avait déjà disparu dans la nuit sombre qui l’avait englouti. Mais Aram ne lui accordait déjà plus d’attention, se dirigeant vers un cercle de pierre à même le sol qui avait abrité un feu de bois il n’y avait pas si longtemps que cela. Des branches étaient encore présentes, à moitié consumées. Il s’approcha de l’âtre, passant sa main au-dessus pour y faire apparaitre de petites flammes. Puis, de la poche de son manteau, il attrapa un petit sachet avant de se tourner vers Lucy.

- Tu connais la poudre de cheminette ? Eh bien, celle-ci est un peu similaire mais fonctionne avec notre réseau de feux à nous. Reste bien collée à moi ma belle !

Est-ce qu’il avait réellement besoin de la tenir aussi serrée en l’attirant à lui comme il venait de le faire ? Il ne prit pas soin de l’en informer alors qu’il lâchait la poudre sombre dans le feu dans lequel ils entrèrent aussitôt. Les flammes les avalèrent avant de disparaître aussitôt que leur rôle fut accompli. Quand ils sortirent de l’âtre, ils étaient parvenus sur une autre colline, qui ne donnait non plus sur le petit village écossais, mais bien sur la ville de Londres, dont on reconnaissait au loin les lumières et les bâtiments bien connus de la capitale. L’endroit où se tenaient Lucy et Aram ne semblait pas payer de mine à première vue. Il y avait là quelques maisonnettes en tôle, des détritus, et surtout quelques personnes qui les observaient de travers en se réchauffant autour d’un brasero. Ce n’était certainement pas le genre de lieu dans lequel Lucy devait avoir l’habitude de traîner. Pourtant, sans perdre son enthousiasme, Aram lui prit la main pour qu’elle le suive alors qu’il se dirigeait vers les personnages à la mine patibulaire.

Les hommes surveillaient la porte d’un mur qui ne donnait sur rien étant donné que la baraque était en ruine. Un rideau était toutefois tiré sur cet abri de misère qu’ils semblaient si jalousement garder. Aram échangea quelques mots avec eux en romani et ils évoquèrent soudain le mot gadji en louchant sur Lucy et sa sublime tenue que la suie avait quelque peu ternie. Mais finalement, l’éloquence d’Aram parut les convaincre puisqu’ils s’écartèrent pour les laisser entrer. Aram souleva un pan du rideau, faisant galamment passer l’étudiante devant lui. En s’engouffrant à travers cette petite entrée de fortune, Lucy pu découvrir un tout autre décor qui ne ressemblait en rien à celui qu’elle venait de quitter.

Des roulottes de bois peintes en de vives couleurs formaient un gigantesque cercle au centre duquel brulait un feu tout aussi impressionnant aux diverses nuances apportées par des poudres jetées dedans. Un groupe d’hommes et de femmes jouaient d’instruments en chantant avec des voix graves et envoutantes alors qu’au-dessus d’eux voltigeaient des guirlandes lumineuses qui ne semblaient accrochées à rien d’autre qu’au ciel. D’autres tziganes tapaient dans leurs mains, alternant entre le rythme et le contre-rythme, s’aidant parfois de leurs pieds pour marquer le tempo. De nombreux danseurs tournoyaient, agitant partenaires, châles et jupes de manière impressionnante comme s’ils étaient grisés par la musique alors que des enfants couraient en riant autour d’eux. Au loin, certains semblaient s’improviser chefs cuisiniers tandis qu’une délicieuse odeur de viande griller venait chatouiller leurs narines. Une véritable fête, ainsi que l’entendait Aram – bien loin de l’atmosphère sinistre qu’ils avaient quitté à Poudlard.

- Bienvenue dans mon monde Lucina, lui murmura-t-il avec un sourire en lui attrapant de nouveau la main, tandis que son autre glissait déjà délicieusement sur ses hanches. Tu veux bien danser avec moi ?

La jeune sorcière accepta sa proposition et avec un sourire ravi, Aram l’entraîna au centre du cercle en la faisant lentement tournoyer avant de coller son corps contre le sien, suivant avec un certain sens du rythme la musique qui s’élevait au-dessus du feu. Sa sublime robe magnifiait son corps menu, dévoilant ses épaules d’une blancheur de nacre. Aram ne pouvait s’empêcher de les observer d’un air appréciateur avant de replonger ses pupilles dans les siennes.

- Merci d’avoir réussi à détourner l’attention des Aurors tout-à-l ’heure, lui lança-t-il avec un accent légèrement plus marqué alors qu’il se retrouvait dans son élément. J’ai cru comprendre que ça t’avait causé quelques soucis auprès de ton cousin ?

Le Romanez connaissait suffisamment l’organigramme du Ministère de la Magie britannique pour reconnaître parmi les agents les différents membres du clan auquel appartenait la jeune fille. Le Congrès Tzigane lui avait fourni des éléments sur chacun d’entre eux, qu’il avait complété par ses propres recherches. A sa grande déception, il n’avait pas croisé celui qu’il aurait cependant pris le plus de plaisir à revoir : @Saúl Ochoa. Leur rencontre prochaine ne saurait cependant tarder, et au-delà de sa mission, Aram s’en réjouissait d’avance.

- C’était sans doute un peu déraisonnable de ma part de me jeter comme ça dans la gueule du loup, mais hey… Il faut croire que je peux pas résister à une telle invitation…

Avec un petit rire, il la fit de nouveau tournoyer avant de replacer sa main dans la sienne, nouant chacun de ses doigts aux siens en prenant soin de ne pas gêner sa prise en raison de ses nombreux anneaux.

- Alors, comment se porte ton université de sorcellerie, poursuivit-il sur un ton badin, continuant avec un certain plaisir à lui faire la conversation. Pas d’autres marches de morts-vivants à déplorer ? Tes études te plaisent ? Il eut une légère grimace à cette idée, car imaginer des tonnes de pages à lire et à recopier suffisait à le rendre malade. Tu envisages vraiment devenir Auror ?

On pouvait pleinement percevoir son incrédulité dans son ton et sur les traits de son visage qui se plissait légèrement. Pour le rom, il n’y avait rien de plus aberrant que de chercher à enfermer la belette sauvage qui vivait en elle dans une cage aussi assommante. Lucy avait bien plus à offrir au monde que de faire respecter des règles désuètes qui continuaient à opprimer tous ceux qui ne correspondaient pas aux normes de ce petit pays aux mentalités étriquées. Il pensait avoir cependant suffisamment cerné l’ancienne reporter pour savoir que cette voie-là ne lui correspondrait pas.

Mais soudain, le rythme de la musique changea et de nombreux danseurs se placèrent autour du cercle en frappant des mains, contemplant avec grand intérêt ce qui allait se passer au plus près du feu. Aram attira Lucy près de lui pour lui montrer qu’à présent, il n’y avait plus que deux danseurs dont les pas de flamenco parfaitement maîtrisés hypnotisaient tous les autres. Les deux tziganes dansaient avec autant d’embrasement et de passion que le grand feu derrière eux. La femme utilisait son châle pour enlacer et délaisser son compagnon dont les gestes semblaient l’effleurer pour l’approcher et l’éloigner sans jamais vraiment la toucher. Avec un sourire connaisseur, Aram frappait lui aussi dans ses mains en rythme avant de se tourner vers Lucy.

- C’est beau n’est-ce pas ? Tu veux aller au centre du cercle toi aussi ?

Aram savait que le clan avait une grande importance dans la vie des écossais, mais apparemment, celle qu’il avait sous les yeux ne se gênait pas pour critiquer un Clearwater quand le besoin s’en faisait sentir. Le rom lui adressa un large sourire en levant ses sourcils pour apprécier pleinement la fougue de la belette sauvage, se contentant de hocher silencieusement la tête. Il préférait pour l’heure ne pas avoir à donner son avis sur la famille de la jeune fille qui devait sans doute savoir aussi bien les descendre que les défendre.

Mais Lucy s’emporta, passant de son cousin à elle-même, arguant qu’elle n’aurait jamais dû l‘inviter. Aram garda la même mimique en l’observant avec un certain engouement. Il aurait pu la contredire, lui expliquer qu’il était tout-à-fait conscient des risques qu’il avait pris en connaissance de cause mais se préféra se taire. Une part de lui trouvait absolument charmant le fait que la jeune femme s’en veuille à ce point de l’avoir mis en danger. Du reste, il avait remarqué que quand elle s’énervait, le visage de Lucy s’animait d’une flamme qui la rendait magnifique.

Malgré tout, le sourire du Romanez se figea quelque peu pour laisser place à la stupéfaction quand la sorcière évoqua son plan de carrière qui impliquait d’ouvrir un bureau d’enquête privé. Voilà qui était des plus intéressants, et qui semblait bien mieux convenir à son esprit indépendant. Cette orientation arrangeait également grandement les affaires du tzigane, car il se projetait très bien avec la carte d’une détective privée dans la manche en cas de coup de poker. Et le fait qu’elle s’éloigne de ses deux collègues auprès de qui elle semblait tant s’amuser n’était pas pour lui déplaire. Surtout ce vélane de Saúl Ochoa…

La danse qui se déroulait sous leurs yeux paraissait fasciner la future investigatrice qui avait le mérite de parvenir à suivre le rythme de la musique. Aram avait croisé quantité de petits européens qui peinaient même à taper dans leur main le temps d’une seule chanson, aussi, il appréciait le fait que Lucy ne soit pas complètement à contre-temps. Avoir le sens du rythme était important pour le sorcier qui considérait cela comme une qualité des plus estimables. Mais la jolie écossaise devint légèrement plus rose quand il lui proposa de rejoindre le feu des projecteurs.

- Je ne te laisserais danser le flamenco avec personne d’autre, lui murmura-t-il avec un sourire taquin.

Il se débarrassa d’un geste théâtral de son lourd manteau brodé, attirant ainsi déjà une bonne part des regards et des murmures sur lui. Mais le sorcier finit d’intriguer la foule en rejoignant le centre du cercle alors que les deux danseurs lui cédèrent leur place avec des airs amusés. Aram gardait le visage baissé, fermant les yeux pour se concentrer alors que lentement ses mains se mirent à suivre le rythme de la musique, d’une manière étrange, comme si elles étaient reliées à d’invisibles liens.

Soudain, il releva le menton, sa main désignant Lucy alors que la musique s’intensifiait. Les fils inapparents existaient bien car ils contrôlaient – en partie seulement - les gestes de la jeune femme, lui permettant de le rejoindre en recopiant bien plus facilement les mouvements qu’il lui proposait. Lucy n’avait qu’à se laisser aller à la magie du rom pour se mouvoir aussi bien que la danseuse précédente. Oh elle pouvait se dégager de l’emprise si elle le désirait car c’était comme si Aram avait positionné les petits pieds de l’étudiante sur les siens pour la faire suivre ses pas.

Autour d’eux, certains tziganes observaient la danse avec intérêt, tandis que d’autres semblaient si bien pris dans leurs chants et leur musique qu’ils paraissaient s’oublier eux-mêmes. Les enfants continuaient à courir en riant s’approchant de plus en plus de la viande qui grillait en frémissant, dégageant l’odeur la plus alléchante.

La danse d’Aram et de Lucy était belle à voir et pour les témoins de cette scène, il ne faisait aucun doute que le couple partageait une certaine intimité aux vues de leurs gestes complices et sensuels. Aucun membre de la communauté présent ce soir n'aurait pu se douter qu’Aram n’avait jusqu’alors jamais osé le moindre geste d’affection envers Lucy. Mais emporté par la fièvre de cette soirée, il ne pouvait plus se contenir aussi bien. Plongeant son regard sombre dans les yeux clairs de la sorcière, il se pencha vers elle dans un geste final alors que la musique ralentissait, avant de l’embrasser tendrement. Car comment terminer une danse si ce n’était avec un baiser ?

Alors qu’il l’aidait à se redresser avec un sourire, la piste de danse se remplissait de nouveau de nombreux danseurs qui avaient compris le signal comme marquant la fin de ce duo. Le Romanez conserva sa main posée sur le dos de la sorcière en l’observant attentivement sans se dérider.

- Tu veux manger quelque chose ? Ou boire un verre peut-être ? Je préfères te prévenir cependant, tout est plus fort chez nous, et il te faudra sans doute associer les deux.

Aram observa un instant la main de Lucy posée dans la sienne avec un léger sourire avant de hausser les épaules.

- On est pas obligé de boire de l’alcool…

Il l’entraîna derrière elle, savourant pleinement la chaleur de sa paume contre la sienne. Le Romanez commençait à vraiment apprécier la petite écossaise, il le ressentait du fond de ses tripes. Et comme toujours, cette sensation avait un petit côté grisant très vite accolé à un sentiment de panique. Aram avait horreur de toute forme d’attache, et les relations amoureuses en faisaient souvent partie. Il était rare de voir deux personnes de lier l’une à l’autre sans finir par perdre ce feu de liberté qui les faisaient tous briller d’une si spéciale lueur.

Aram était un fils du vent, il avait ça dans le sang. Aussitôt qu’un semblant de routine s’imposait à lui, le rom choisissait de fuir. Battre le pavé, partir à l’aventure, vivre de nouvelles et passionnantes épopées. Il n’était pas de ceux qui pouvaient se complaire auprès d’un feu de cheminée à attendre que l’hiver passe. Un oiseau de passage ne faisait que des haltes temporaires avant de reprendre son envol, et cette main liée à la sienne pouvait très bien signer sa perte. Pourtant, loin de la lâcher, il la fit tournoyer sur elle-même en s’approchant du comptoir, se plaçant derrière elle pour désigner les bouteilles qui s’alignaient sur la table.

- Tu as ici du jus de fruit aux épices, et là du jus de mangue au lait et au sucre. C’est très bon, tu verras. Ça vient d’Inde… Là-bas, tu as des eau-de-vie… Je te les déconseille. On s’en sert aussi pour désinfecter des plaies…

Son nez effleura la chevelure de la jeune fille, reniflant discrètement son parfum avant de finalement se dégager d’elle en effleurant au passage le bas de son dos. Il se dirigea droit vers les bouteilles transparentes dont il lui avait dit le plus grand mal pour se servir un petit verre.

- Je vais sans doute bientôt devoir quitter l’Angleterre, lui annonça-t-il alors de but en blanc. Enfin, d’ici quelques semaines, quelques mois… Tout dépendra du rappel au Congrès qui ne devrait pas tarder… Je repasserai sans doute voir mon endaja pour leur rapporter des nouvelles de la famille de Russel. J’aimerai beaucoup pouvoir emmener @Elijah Jordan et Amy avec moi pour qu’ils apprennent à maîtriser leurs pouvoirs tziganes mais ils ont l’air d’avoir la tête aussi dure que leur irlandaise de mère… Ils seront pas faciles à convaincre…

Il haussa les épaules avec une moue dubitative avant de relever la tête vers l’écossaise.

- Tu pourrais essayer de leur parler ? De les convaincre ? Ils accepteraient peut-être plus si tu venais toi aussi avec eux ? Qu’est-ce que tu en dis ? Tu n’aurais pas envie de découvrir un peu plus nos us et coutumes ?

Du menton, il désignait la fête qui battait son plein autour d’eux.

- Tu trouves pas qu’on est le peuple le plus beau et passionnant qui existe sur terre ?

La jolie belette dans sa robe de princesse lui donnait l’impression d’être surgie d’un monde parallèle, offrant le beau spectacle de sa prestance à ses yeux impies. Mais derrière la poudre sur sa peau, et la jolie coiffure savamment relevée, les deux iris de la reporter brulaient toujours de ce feu impitoyable qui pouvait tout détruire sur son passage.

En plongeant dans ce regard, Aram sû qu’il était bel et bien damné. Alors qu’il ne s’était pour l’instant aucunement lié à elle, si ce n’était par un simple et bien chaste baiser, il se sentait déjà consumé par l’intensité de ces flammes. Alors qu’il n’avait pu qu’envisager un retour sur sa terre natale. Le Romanez senti qu’elle taisait un certain nombre de choses, ce qui était sans doute salvateur car il avait parfois l’impression qu’une simple parole de sa part pouvait être aussi violente qu’un sortilège en pleine poitrine. C’était plus fort que lui… Aram avait toujours été attiré par les femmes fortes et indépendantes, aussi impétueuses que le courant d’un torrent que rien ne pouvait faire dévier de sa route. Les jolies minettes aussi douces que lisses étaient évidemment bien agréables, mais une nuit en leur compagnie suffisait généralement à faire s’évaporer ce charme particulier avec lequel elles se drapaient.

Lucy était d’une toute autre trempe. Par bien des égards, elle lui rappelait son premier amour, @Levana Rosenthal, tout en étant bien différente. Plus sauvage encore, tout en conservant sur elle un vernis dissimulateur qui pouvait tromper les moins observateurs. Envahi par une bouffée d’émotion qui tenait en partie à la nostalgie de sa propre jeunesse et à la chaleur de l’alcool ingéré, il secoua la tête en soupirant, s’asseyant sur la table, juste en face de Lucy.

Attrapant son visage de ses mains rugueuses, il plongea son regard noir dans le sien pour tenter d’y lire ses pensées les plus secrètes.

- A quoi tu penses, mi vida, murmura-t-il sans attendre de réponse en retour. Il secouait la tête, mais c’était le propre éparpillement de ses idées qui le perturbait. Surtout quand les deux pierres azures de ses yeux étaient ainsi rivées sur lui.

La jeune écossaise lui avait indiqué qu’elle essaierait de convaincre les Jordan mais que l’idée d’une exploration un peu plus approfondie du peuple tzigane n’était pas pour lui déplaire. Avec un sourire carnassier, les mains du Romanez quittèrent le visage de la jeune fille pour aller effleurer sa taille, l’attirant un peu plus contre lui, alors que l’Ecosse ne lui avait jamais parut aussi exotique et intrigante – poussant sa curiosité à vouloir en découvrir toutes les merveilles.

- C’est vrai que je n’ai jamais rien vu de plus beau, lui souffla-t-il en réponse, son regard ardent détaillant chaque détail qu’elle lui offrait, de la courbure de ces cils à la rougeur de ses lèvres bien dessinées.

 Il se tut un instant, se laissant enivrer par le parfum qu’elle dégageait, maintenant avec elle une intense proximité que leur duo n’avait jusqu’alors jamais connu. Le souffle de Lucy courait délicieusement sur son visage et il ferma un instant les yeux pour profiter de cet instant de partage. Mais quand il les rouvrit, le spectacle de la jeune Clearwater ainsi collée à son corps lui fit perdre le peu de moyen qu’il lui restait et il plongea de nouveau ses lèvres sur les siennes, goutant un peu plus longtemps à leur parfum aux senteurs de mangue et de sucre. L’une de ses mains attrapa un peu plus fermement sa taille alors que l’autre écartait son menton pour pouvoir lui souffler quelques mots que le désir venait déjà hacher.

- Il faudrait déjà vérifier si le mode de vie et de voyage tzigane te conviendrait… Nos maisons sur roues sont assez impressionnantes… J’aimerais bien te montrer ça, mais je ne sais pas si c’est assez extraordinaire pour une redoutable reporter comme toi…