Tout lâcher

Israfel eut un petit rire quand elle lui dit qu’une première fois c’était spéciale. Il voulait bien y croire. Il y avait cru un été avec Charlotte Belleflamme (@Asel Misra) où il s’était dit que tout était possible à même ses lèvres. Il était tout jeune à l’époque, dans les balbutiements d’une vie qu’il avait pourtant bien arrêté depuis son incident. Charlotte avait su l’allumer et lui s’était dit que quitte à être tout feu tout belleflamme, fallait au moins se consumer. Mais à la fin de l’été, au moment de la morne saison, quelque chose s’était insinué en lui. Comme un brouillard ou simplement la peur de voir son monde s’effondrait aussi. C’était à la même époque où Rosa était parti à l’hôpital et où il avait été gardé par Duny et Jenny.

Israfel baissa les yeux, toujours un sourire sur le visage, alors que Norà était hilare à ses côtés. Il tira sur sa clope avant de souffler doucement les volutes en colonne de prière silencieuse. Il savait pas pourquoi il avait soudainement pensé à Charlotte, parce que c’était pas la dernière et ça serait jamais autre chose que la première à qui il avait brisé le cœur. Parce qu’il était ce genre de garçon nul que les pères ne veulent pas pour leurs filles et ils avaient bien raison. Marin (@Adil Mesli) aurait pu lui mettre sur la gueule, Israfel n’aurait pas moufté. Ils avaient raison. Qu’est-ce qu’il était en train de faire là, à jouer avec Norà ?

Il inspira profondément, l’air froid lui ferait peut-être plus de bien que la fumée.

Norà, elle, n’avait pas perdu une miette de son monologue de pauvre mec des trottoirs. Il cligna des yeux en lui jetant un petit regard, pitoyable dans son habit d’étudiant froissé par la vie. Rosa lui disait tout le temps qu’il avait encore la vie devant lui. Qu’il avait encore rien vu du haut de ses dix-huit ans, mais lui avait l’impression d’en avoir vu assez parfois. Il avait un peu peur aussi, peur de mal finir, peur de finir comme… comme qui d’ailleurs ? Il avait pas peur de finir mal, Israfel, parce qu’il savait déjà ce que c’était la route qu’on empruntait quand on était comme lui. On finissait pas vraiment héros, et il voulait pas en être un de toute façon.

La rousse voulut s’écarter mais Israfel la tint contre lui, d’un air de dire pars pas s’teuplaît. Pas maintenant. Pas ce soir. J’suis qu’un con égoïste mais j’y peux rien.

« Parce que » répondit-il simplement, énigmatique, alors qu’elle avait de se poser des questions. Lui la regardait du coin de l’œil. Il avait l’impression d’avoir décollé toute la soirée et de soudainement revenir sur terre de plein fouet. C’était pas joli joli, c’était pas facile non plus. Quand on a passé l’année presque la tête dans les nuages de se rendre compte qu’on est rien de plus qu’un rampant de plus.

Qu’est-ce qu’il allait lui dire ?
Les pères m’aiment pas, parce que je brise le cœur des filles et j’ai l’impression que t’es amoureuse de moi. Et moi je crois que je suis en train de tomber amoureux et ça, tu vois, c’est pas possible Norà. C’est pas possible parce que l’amour c’est nul, parce que l’amour c’est fait pour les gens qu’en ont pas peur et moi j’ai pas envie de ça. Pas maintenant, pas demain, jamais. En fait si j’t’aime, c’est juste parce que j’ai pas envie d’être seul avec moi-même. C’est parce que j’suis qu’un con.

Il inspira profondément, portant à ses lèvres la cigarette qui allait éteindre en même temps toutes ses pensées. La nicotine l’anesthésia. Elle était là, toute douce, à chercher à rentrer dans son royaume et lui à la regarder d’un air désolé d’avance. Il savait même pas comment il en était arrivé à penser à son père, à Charlotte et à l’amour. A cause de l’alcool probablement, ou des lits.

Finalement, Israfel eut un petit rire en imaginant un moldu avec un… un quoi déjà ? Un fusil ? C’étaient les canons de feu dont parler parfois @Jameson Clearwater ? Le gamin s’imagina un instrument de torture, avec un petit rire étouffé.

« C’est pas possible. La prof', c’est genre un ogre. Ton père ça peut pas être pire que ça… » murmura Israfel, la tête légèrement penchée sur le côté, clope quasi consumée au bec.

D’un mouvement doux et simple, sans forcé, Israfel attira la jeune Millar contre lui. Il ferma les yeux, un peu fatigué par tout ce qui était en train de bouger en lui. Il savait pas pourquoi, peut-être le chaud froid ou juste l’alcool ou un peu tout ça à la fois, mais ça avait fini par donner une tambouille de sentiments trop nulle. Il éteignit ses dernières résistances sur les lèvres de Norà dans un ronronnement presque félin. Il ne la lâcha pas des yeux, ne faisant pas même attention à @Apolline Dunn qui passer en fond et les saluer.

« Je sais pas » souffla-t-il sur sa bouche, « je sais pas du tout, je… je crois que j’ai trop bu, ou t’es trop jolie et je, je fais… je pense à n’importe quoi, faut que tu m’arrêtes Norà » pigna-t-il presque sur sa bouche, laissant tomber sa clope avant de l’embrasser de nouveau, ses doigts glissant sur ses hanches, incapable de se coordonner avec lui-même, « parfois faut pas m’écouter, ok ? Je raconte que de la merde. J’suis… j’suis full of shit and dreaaaams » beugla-t-il sur sa bouche avant d’éclater de rire.

Norà elle était merveilleuse, parce que tout près d’elle, il ne pensait plus à aucune autre flamme que le rouge de ses cheveux et le brillant de ses yeux. Y avait quelque chose qui l’inspirait et le capturait tout entier. Un truc qui faisait qu’il pensait plus aux autres filles, aux Charlotte, aux fraises comme au chocolat. Un truc qui faisait qu’il pensait plus du tout et qu’il se laissait seulement aller contre elle, à vivre un peu à ses côtés, en espérant que le moment dure un peu longtemps.