Of monsters and men { Jade

S’il est des réunions dont Angel se passerait bien, il en est d’autres, en revanche, qu’il attend avec impatience. Et depuis son arrivée sur les terres britanniques, nul n’a su piquer son intérêt comme la directrice du département de Régulation des Créatures Magiques. Le destin a voulu qu’ils prennent leurs fonctions quasiment au même moment, les jetant tous les deux dans une arène inconnue. Si le poste du Médicomage est resté le même qu’à Santiago du Chili, l’établissement dans lequel il s’est trouvé n’a rien à voir. Sainte-Mangouste est une institution pluricentenaire, à l’aspect plutôt rigide et au fonctionnement bien établi. La Guérisseuse le précédant était de la vieille école, avec une approche tirée de manuels écornés. L’approche qu’il prend est plus expérimentale. Malgré le fait que ses classes ont été faites sur ces mêmes principes, sa pratique l’a poussé à se questionner sur la manière dont les choses sont abordées, en matière de soin, comme en matière d’appréhension des Créatures Magiques. Le nombre d’accidents dont il a été témoin et qui auraient pu être évités l’a convaincu que les approches ne sont pas les bonnes. Il faut de la sensibilisation, et une vision différente. Des choses que Jade Weimer semble décidée à apporter sur le sol qui est désormais le sien. Et il est évident qu’il fera tout ce qui est en son pouvoir pour y contribuer. C’est une entraide, saine, qui s’est mise en place entre eux. La différence d’âge est compensée par sa maturité et son sérieux, qui sont extrêmement agréables.

C’est la raison de sa présence au Ministère, endroit qu’il n’a pas réellement à fréquenter – et il n’en a pas tellement envie, maintenant que la présence de @Levana Rosenthal lui est connue, ainsi que son titre. Cependant pour l’heure, il semble que la chance lui sourit. Les contrôles sont passés sans encombre. Il connaît le chemin par cœur et se dirige vers la salle de réunion qu’ils occupent à chacune de leurs entrevues. Il salue au passage quelques personnes qu’il reconnaît, avant de prendre place dans la pièce. Les lumières répondent à la sollicitation de sa baguette. Il est le premier, et cela le fait sourire avec indulgence. Il n’est pas rare qu’ils doivent s’attendre l’un l’autre, s’il est retenu en urgence avec un patient, et si elle se fait attraper au détour d’un couloir par un collaborateur, ou a une réunion qu’elle ne peut écourter et qui débordent. Ils ne reportent jamais, préférant attendre. Son attaché-case est donc posé sur le bureau. La bouilloire et la cafetière posés sur le meuble s’agitent, ayant grand besoin d’un expresso, et prévoyant déjà toutes les options possibles pour son interlocutrice. Et il sort les rapports, notant les points importants à l’ordre du jour. Il y a notamment tout un volet sur des blessures liées à la lycanthropie, qui le font tapoter du doigt sur la table. Il ne sait pas quoi faire des nombres. On lui a fait un long briefing sur la Meute, à son arrivée. Et leurs victimes sont toutes passées par son service, par lui, précisément. Et c’est un pan de son travail qui est réellement inquiétant. Il espère pouvoir en discuter avec Jade, pour savoir quelle politique adopter. Ses soignants sont extrêmement nerveux, depuis qu’il est là, et ce, malgré les nouvelles mesures du gouvernement. Parce que eux voient la réalité. Sanglante et parfois mortelle.

Cela faisait quelques temps qu'elle proposait des ajustements de lois pour faire valoir les droits de certains hybrides dont la classification avait été réalisée par ses prédécesseurs au poste de directeur de son département. Une liste dressée de manière archaïque, sans même prendre en compte la sensibilité de chaque créature dont certains êtres qui en composaient avaient une véritable intelligence au point de pouvoir être considéré comme les égaux des sorciers constituant la communauté magique. Entre le bureau de liaison des Gobelins ainsi que les quatre services des animaux, des êtres, des esprits et des nuisibles à superviser, Jade s'attelait à la lourde tache de revoir toute l'organisation du département à zéro pour repartir sur des bases plus saines et plus actuels.

C'était dans cette optique de revalorisation que Jade menait l'ensemble de ses collaborateur sur plusieurs fronts. Si la classification était le fil rouge sur lequel elle gardait un ferme contrôle avant de pouvoir le proposer officiellement comme une nouvelle proposition de loi offrant un cadre plus respectueux qu'en 1820, elle avait déployé les autres employés du département dans le contrôle et la régulation pur. Entre le contrôle de la commercialisation des produits issus de créature, leur collecte qu'elle espérait dans le respect du bien être animal et les, Jade comptait sur leur entière dévouement aux créatures sans entraver les nouvelles valeurs qu'elle avait instauré, en majeure partie à contre courant des préconisations gouvernementales menés par Dunn.

"Bonjour Dr. de Fonollosa, je vous remercie de votre temps pour cette réunion."

Fermant la porte derrière elle en posant ces dossiers à table, elle prit rapidement une tasse de café sans mêle la regarder avant d'aller ouvrir légèrement les volets de la salle, délivrant une lumière magique des fenêtres pourtant situées sous terre. Cachés aux yeux des moldus, elle trouvait cela encore plus ironiques de cacher et de rabaisser d'autres créatures à leur tour. Passant ses doigts pour lisser un pli de son tailleur, elle revint rapidement près de son bureau en s'installant devant.

"J'ai eu vent de nombreux incidents ces derniers jours et j'ose espérer que vos équipes arrivent à souffler entre deux vagues." Entre les manifestations et les émeutes localisés, les sorciers ainsi que les lycans en pâtissaient à part égale sans qu'Adair Dunn ne sache faire autre chose que de vouloir améliorer éradiquer toute menace de lycans. Pourtant, la communication et compréhension de ces individus étaient tous ce que les loups demandaient, sans répéter les erreurs du passé. "Savez-vous ce que deviennent ces lycans qui passent dans votre service pour être soigné ?"

Le service de St Mangouste avait une politique de soin exigé par le gouvernement pour les lycans déclarés mais depuis peu, il lui semblait évident que peu d'entre eux ne se montraient aux yeux du publique, le danger les guettant aux moindre faux pas, la délation assurée par de nombreux sorciers désirant se sentir en sécurité. Posant sa tasse sur le bureau près des dossiers qu'ils avaient tous les deux posés dessus, Jade souffla sans le moindre sourire, légèrement crispé par la situation actuelle.

"Je sais qu'ils doivent être moins nombreux à se montrer en cas de maladie et en conséquence être bien plus sur les nerfs pour finir par provoquer d'autres incidents qu'on pourrait éviter."

Le statut des lycans devait clairement être revisité mais en attendant de pouvoir le faire, c'était les services comme ceux dont avait la chargé Angel, qu'incombaient la tâche ingrate de panser en bout de chaîne. Se penchant vers son dossier en l'ouvrant sur les points à aborder pour cette réunion aux allures directes sans perdre de temps, Jade était aussi sur le qui-vive que son invité. Désireuse de l'aider du mieux qu'elle pouvait, la jeune femme leva les yeux vers son collaborateur avec un fin sourire aux lèvres, mué par l'envie commune d'avancer avec leur temps.

"Quelles sont les points les plus urgents que nous pouvons éclaircir ensemble ?"

L’attente est de courte durée et la porte de la salle de réunion ne reste pas close longtemps, laissant entrer Jade Weimer, qu’il se lève pour saluer. "Mrs Weimer, bonjour. Merci à vous de prendre le temps de me voir." Ils ne sont pas les personnes les plus appréciées du Ministère ni de Sainte-Mangouste, c’est une certitude à l’heure actuelle. Cependant tous deux prennent leurs responsabilités à cœur et il est reconnaissant d’avoir eu droit à une telle partenaire, dans son affectation. Les difficultés semblent moins insurmontables quand vous avez quelqu’un de confiance avec qui les partager. Respectueusement, il lui laisse quelques minutes pour souffler et pour se servir un café, comme il l’a lui-même fait. La lumière artificielle le surprend, mais ajoute une touche un peu moins morne à la scène, empreinte de la gravité de la situation. Le répit est cependant de courte durée, étant l’un comme l’autre particulièrement occupés, la diligence et l’efficacité restent toujours de mise lors de leurs entretiens, ce qui lui convient tout particulièrement.

Un signe de tête montre son appréciation pour sa sollicitude envers ses équipes. "Le personnel est solide et expérimenté. Je veille à ce que chacun prenne les congés qui lui revienne et n’outrepasse pas les horaires règlementaires de la semaine." C’est un point d’honneur, pour l’homme. Le bien-être des patients passe aussi par celui de ses soignants, et surtout dans les circonstances actuelles, il semble primordial que tout le monde soit au mieux, physiquement et moralement, en arrivant le matin. Surtout avec leur nouvel afflux de travail, que la politicienne mentionne et qui lui fait lever un index, pour signaler que c’est un point dont ils doivent effectivement discuter. Il ne peut cependant qu’être d’accord avec ses observations, et renchérit sans attendre : "En réalité, il s’agit de l’un des points que je voulais évoquer avec vous. Les lycanthropes nous sont envoyés au tri en première instance à Sainte-Mangouste depuis mon arrivée et ce n’est pas normal." C’est un problème auquel il n’a été que très peu confronté par le passé, seulement avec quelques collègues mal embouchés et très clairement anti-lycans. "Notre service s’occupe des blessures causées par des créatures magiques. Pas à des créatures magiques. Et c’est une nuance qui est en train de se perdre, ce qui constitue un facteur de stress énorme, que ce soit pour les patients qu’on nous adresse ou pour mon équipe." C’est considérer ces sorciers non plus comme tels, et les parquer, les discriminer directement. "La plupart de ces patients que l’on nous adresse auraient en réalité leur place au service des pathologies magiques ou des accidents magiques. Mes équipes ne sont pas formées à gérer ce genre d’afflictions et nous devons batailler pour qu’ils soient acceptés dans les services dans lesquels ils ont leur place. Nous perdons énormément de temps pour nous occuper de nos patients, sans compter que les blessures s’aggravent dans certains cas parce qu’elles n’ont pas été prises à temps." Et c’est une véritable catastrophe, créant une odieuse cacophonie. "Nous avons fini par prendre l’habitude de demander aux spécialistes de venir dans notre étage, pour s’occuper des patients. Mais cela bloque les lits dont d’autres ont besoin." La situation en elle-même le révulse, mais il s’efforce, au cas par cas, d’opter pour la solution qui affectera le moins le patient qu’on lui a confié. Et c’est un art de plus en plus complexe.

"J’ai également comme demandé les rapports d’incidents cette fois de morsures ou griffures de lycanthropes," lui indique-t-il en poussant le dossier dans sa direction. "Un membre de la Brigade d’Intervention Magique s’est présenté à mon bureau la semaine dernière pour demander à la voir. Je l’ai informé que mes instructions sont de vous la remettre, et non à son département. Ma réponse n’a pas eu l’air de lui plaire." Il ne s’agissait sans doute pas d’un gradé, et il n’a pas protesté, se contentant de vider les lieux après avoir proféré quelques insanités qu’il n’est pas poli de répéter. Et surtout, qui n’ont pas de rapport direct avec ce qu’ils se disent. "Il peut s’agir d’une initiative personnelle. Mais je me suis dit que je me devais de vous le signaler." Il effectue une pause, se rendant compte qu’il la noie d’informations. Et baisse le regard sur les papiers entre eux deux. "Comme vous pouvez le constater, la lycanthropie sera une nouvelle fois au cœur de notre réunion." Alors qu’il y a énormément d’autres choses, plus réjouissantes dont ils auraient pu s’occuper, cette classification en premier. Mais la situation dans laquelle ils se trouvent est préoccupante, et mérite qu’ils s’y attardent.

Si le médicomage assurait que le personnel était arrangeant tout en veillant à ce que leur droit soit respecté dans leur lieu de travail, elle se rendit compte à travers ses explications qu’Angel retenait une pression énorme après avoir déchargé les épaules de ses guérisseurs. S’il tentait de contenir les conséquences des nouvelles propositions de loi passé par le gouvernement Dunn, il était certain que Saint Mangouste était le premier lieu où la disparité entre les soins pourvus pour les créatures et ceux pour soigner les blessures causées par ces mêmes créatures creusaient un fossé qui ne cessait de s’agrandir avec le temps. Surtout lorsque les moyens déployés n'étaient pas suffisants pour endiguer le problème, là où le Ministère de la Magie semblait fermer les yeux pour nier le problème.

Malgré le flot de ressentis qu’elle lu à travers les lignes, Jade nota attentivement chaque problème pour y tenter d’y trouver une solution. Une main écrivait à la hâte ce que le chef de service pouvait lui dire de la situation actuelle, l’autre main tenait fermement sa tasse de café sans encore la boire. Deux volontés étaient entrain de s'affronter, celle du Ministre en quête de contrôle et le reste du monde en quête de liberté.

"Les lycans vont manquer de confiance et ne plus se présenter aux séances de contrôle imposé par les règles du registre." commença-elle en reprenant également le probleme depuis sa base. "C'est une traque qui se prépare et j'aimerais pouvoir déplacer une unité mobile pour au moins aller voir ses familles qui sont probablement dans l'impasse, en plus d'être victime de délation par leur propre voisin."

Jade fronça les sourcils alors que les problèmes s'accumulaient sans que le département ne possèdent plus de moyens. Si st Mangouste et le Ministère travaillaient en étroite collaboration ces temps ci, c'était au détriment des lycans et ce ne pouvait pas être aussi clair qu'aujourd'hui. Elle leva ainsi les yeux vers Angel, sa plume tapotant du parchemin alors qu'elle tentait de trouver une solution pour ouvrir une première brèche.

"Il faudra dépêcher des medicomages de confiance, ces collègues qui sont dévoués à la cause sans faire de distinction entre les lycans et les autres créatures magiques. L'application de la loi sur l'obligation des soins devra se faire respecter et si vous n'avez pas les moyens de le faire sur votre lieu de travail, à domicile même du patient vous garantirait un accès direct, sans filtre. "

Il fallait réinstaurer une confiance entre les lycans et les medicomages, sans que les instances supérieures aient un œil braqué sur la situation plus que délicates. Sur une note de service, Jade y inscrivit alors un de ses contact au sein du comité de direction de la SPAF.

"Suivez les instructions du Ministère mais développer cette branche avec cette association permettra pour le Ministre Dunn de garder encore une bonne image. Mais la SPAF vous permettra d'effectuer le soin régulier des lycans." comme une couverture qui pourrait lui permettre une ouverture sur un monde qui manquait de confiance envers les sorciers. D'où l'importance de perdre les couleurs de st Mangouste durant ces déplacements et d'adopter celle de l'aide déjà proposée et acceptée par la plupart des sorciers.

"La lycanthropie sera toujours au coeur des discussions tant que leur statut ne soit pas constamment révoqué. Vous ramassez les pots cassés et notre département est toujours celui qui est pointé du doigt pour des manquements. Faisons alors en sorte que les principaux concernés ne manquent de rien. "

Elle jeta un coup d'oeil sur le dossier qu'il lui tendit sur les rapports d'incidents concernant les morsures et les griffures de lycan et s'adossa sur son siège en le lisant attentivement.

"Le nombre de cas a doublé en à peine un mois." si le ministère attendait des représailles provoqués, il en était servi.

"Vous avez pu isoler une trace de génome pour faire un premier lien entre les victimes ? Si la BPM tente d'intercepter ce dossier, il est possible que nous puissions avoir une longueur d'avance sur eux."