One last time

Le frottement mat du tissus sur les pavés l'accompagna jusqu'à son petit bureau, où la bûche de Yule ronronnait toujours, somnolente dans l'âtre de la cheminée. Il faisait une chaleur douce et enveloppante ici et la lumière tamisée donnait envie de s'installer sur le divan avec un bon livre jusqu'à tomber de sommeil. L'odeur puissante de la sauge, ajoutait au décor une manière de caractère et une note agréable.

Maeve dénouait ses longs cheveux d'un tour de baguette, quand le cliquetis de son sortilège de limite d'âge inversé la fit se retourner vers la porte qu'elle venait de fermer. Les cheveux en désordre, elle ne put réprimer ce sourire facétieux qui pointait toujours le bout de son nez quand elle croisait le regarde Jameson Clearwater. Elle ne dit rien. Passant une main dans ses cheveux pour défaire les tensions qu'avaient laissé son chignon tressé, elle observait son compagnon de jeu sans encore réduire la distance qui les séparait.

La dernière fois qu'ils avaient eu l'occasion de passer du temps ensemble, ils s'étaient quitté sur ce qui ressemblait plus qu'autre chose à une rupture. Elle aurait pu parier qu'il était reparti avec le même goût amer qu'elle dans la bouche. Pourtant, ça avait été leur accord tacite dès le départ et elle savait bien pourquoi.

Elle ne fut pas surprise par sa demande. Dans d'autres circonstances, sans doute aurait-elle été le voir la première avec la même requête. Curieusement, depuis qu'ils s'étaient quittés devant le Senedd Cwrw, deux mois auparavant, ses draps n'avaient plus été froissés que par elle et, sans vraiment l'avoir fait exprès, elle s'était recentrée sur le travail, et sur ses sombres projets.

« Jameson... », commença-t-elle sans trop savoir où elle allait. Elle baissa le regard sur les volutes de sa robe de cendres pour se donner le temps de réfléchir à ce qu'elle allait dire, « Tu n'as pas besoin de me convaincre de quoi que ce soit. Je ne peux pas prétendre savoir ce que tu vas me dire mais à ta place je sais ce que moi je dirais... C'est... »

Elle eut un soupir qui remontait du tréfonds de son âme. Les lèvres pincées, elle cherchait encore ses mots.

« Ca va sonner comme une phrase de "connasse de Serpentard" mais j'ai aucune envie de te faire souffrir... encore. »

Elle savait que les quelques coupes d'hydromel qui avaient précédé cette conversation ne feraient rien pour arranger les choses. Elle savait qu'à un moment où un autre, elle ne pourrait pas en dire plus.

Robe des Cendres de Maeve:

Son rire lui réchauffa le coeur. Bien loin de jouer un jeu de dupes - elle en avait passé l'âge - Maeve avait tout comme Jameson bien conscience que le temps de leurs petits amusements sans conséquence était révolu. Leur courte abstinence n'avait en rien terni les choses. Elle aurait dû être dérangée par cette présence importune à un moment où la fatigue commençait à se faire sentir. Elle ne l'était pas. Elle se plongea toute entière dans ce court regard qu'ils échangèrent, intense et doux à la fois mais elle ne chercha pas à le retenir quand Jameson rompit le contact. Elle, ne le quitta pas du regard.

Elle appréciait cette manière qu'il avait de tout lui donner. Ca ne lui enlevait rien de sa superbe. Il n'avait pas ce penchant pathétique des quelques amants ridicules qui avaient pu la supplier de les promouvoir à une place plus noble, plus enviable, que celle de vulgaire gigolo. A ceux-là, elle avait ri au nez, avant de tourner la page définitivement. Maeve n'aimait pas les geignards. Elle n'aimait pas qu'on la contredise si on n'avait pas le cran de lui tenir vraiment tête. Elle n'avait ni pitié ni respect au fond de son coeur pour ce genre de cinémas, qu'elle trouvait avant tout méprisables. Mais Jameson n'était en rien venu chercher sa pitié ou une quelconque revalorisation de leur relation. Elle serra doucement la main qui prenait la sienne, écoutant toujours sans l'interrompre.

A son tour, elle finit par baisser les yeux sur leurs mains jointes. Elle eut un petit sourire sardonique. Un pli discret, presque cruel envers elle-même. Au fond d'elle, elle n'avait aucun doute sur ce qu'elle ressentait. Ça n'avait rien à voir avec Eochaid. Il n'y avait pas lieu de comparer. Mais elle savait, au fond d'elle, que la présence de cet homme dans sa vie était comme la note de miel dans sa coupe d'hydromel. Elle avait en Jameson un alter-égo avec qui partager ses jeux autant que ses difficultés. Quelqu'un qui saurait la faire enrager juste ce qu'il fallait pour la rendre heureuse.

Elle l'avait dit à @Blodeuyn Cynfeirdd. Ça n'était pas le regard des autres qui la retenait. Les autres ne partageaient pas son lit déserté d'amour ni ses longues heures de solitude.

« Je ne demande pas mieux. », elle releva les yeux vers lui, toujours affermie dans ses décisions. Elle pesait le pour et le contre, gardant à l'esprit ce qu'elle aurait à faire à court terme et les répercussions quand ça aurait. Lui en parler pour ne lui dire les choses qu'à demi-mot ? Ça n'était pas son genre et quoiqu'il arrive désormais, il aurait à souffrir des conséquences si conséquences il y avait. A elle de tirer sa baguette du jeu pour qu'il n'y en ait pas. Il n'y avait rien qu'elle puisse répondre qui aurait pu sonner juste. Alors elle ne dit rien de plus sur l'instant, posant ses lèvres sur les siennes, caressant sa barbe rugueuse avec cette intensité qui avait toujours été la sienne.

A quoi bon nier l'évidence quand elle était si plaisante ? Devant le pub gallois, après cette scène magistrale de jalousie, elle avait dû mettre des limites mais ces limites n'avaient finalement fait que les rendre malheureux tous les deux.

« Je suis prête à oublier tout ce que je t'ai dit avant mais il y a des choses qu'il faut que tu saches. », souffla-t-elle sur ses lèvres.

A l'évidence, elle avait tranché. Si elle s'engageait là-dedans avec lui alors elle ne voulait rien avoir à cacher. Mais pour l'heure, elle avait, semble-t-il, des préoccupations autrement plus légère que le meurtre d'un haut fonctionnaire de l'État.

De la retenue ou des caresses, elle n'aurait su dire ce qui électrisait le plus l'air ambiant. Quand elle était avec Jameson Clearwater, il semblait que ses épaules s'allégeaient. Entre eux, il y avait un espace de liberté que seuls ils ne semblaient pouvoir toucher du doigt. Ils rayonnaient dans la présence l'un de l'autre, galvanisés par des âmes redevenues adolescentes. C'était quelque chose d'aussi indéfinissable que plaisant. Si jusque-là, elle s'était gardée de laisser penser qu'elle aurait pu perdre le goût des aventures inconséquentes pour la saveur de ces moments passés ensemble, elle avait eu plus que le temps de se faire à cette idée. De là à abonder ces trois mots qui ne franchissaient pas leurs lèvres, il n'y avait qu'un pas. Maeve en avait pleine conscience.

Sa petite moquerie sur les Serpentards lui tira une moue amusée. Elle plongea son regard dans le sien comme il amorçait une approche. Pour une rare fois, elle le laissa prendre l'initiative sans chercher à le dominer, croquant avec une tendre passion ce baiser profond. Ses mains le cherchaient déjà sans qu'elle s'en rende vraiment compte et lui, répondait sans hésitation à cette requête avide. Le froissement si caractéristique de sa robe de cendres, au moment où il posait ses mains sur elle la fit sourire de plaisir. Les bras déjà autour de sa nuque, elle lui adressa un regard presque satisfait lorsque Jameson temporisa, revenant à ce qu'elle venait de lui dire.

Dans le petit bureau de la psychomage, la bûche de Yule ronronnait, prodiguant sa chaleur et sa lumière tamisée, vacillante, si bien à propos.

« J'ai encore quelques cordes à mon arc pour lever la malédiction de mon mari et, quoiqu'il arrive, je les jouerai. Ça ne sera probablement pas sans conséquences c'est pour notamment cette raison que je ne voulais pas qu'on s'attache... plus officiellement. »

Pour des raisons évidente, elle n'avait aucune envie de nouer avec lui ce lien s'il devait l'entraîner par le fond. Ses yeux bleus glacés se relevèrent vers ceux de Jameson. Un instant, il pouvait y voir cette détermination implacable puis un pli plus doux à ses lèvres vint tempérer le tout. Ses projets d'assassinat n'étaient pourtant pas la seule raison. Quoiqu'elle en dise, l'option ou plutôt les sentiments de @Luke Korrigan, Freya et @Blodeuyn Cynfeirdd pesaient aussi leur poids dans la balance. Mais Maeve était la fille de Geraint Cynfeirdd. Elle serait toujours capable de choisir, le plus rationnellement du monde, sa propre voie vers le bonheur.

« Quoiqu'il advienne, pour moi ça ne changera rien entre nous. », ajouta-t-elle après coup.

Quand elle parlait de conséquences, ça n'était pas la libération d'Eochaid qu'elle avait en tête. Mais en s'entendant l'évoquer, elle pouvait facilement imaginer Jameson se figurant une place de troisième roue du carrosse. Il n'était pas question de ça. Cela aussi devait être clair.