The One, the Best, the Futur (Sean)

Cela faisait quelques jours que la rentrée de Poudlard avait annoncé un tout nouveau monde pour Yeleen. Le cœur battant, elle observait les hiboux pleuvoir sur la masse d'élèves présents dans la Grande Salle alors qu'il s'agissait du premier samedi après une semaine de cours intense.
Elle ne pensait pas pouvoir se passionner aussi vite à ce nouveau monde, elle qui avait été si cloitrée dans le domaine des de Clare durant toute sa vie. Bien sur, elle avait baigné dans la magie dans l'état brut où il était conservé au chaud dans leur famille. Mais Poudlard, c'était une autre ouverture d'esprit, elle voyait ce château comme une nouvelle façon de pouvoir s'exprimer. Elle vit @"Apolline Dunn" pointer le bout de son nez à travers la porte de la Grande Salle et lui adressa un sourire alors qu'elle venait lui tendre son câlin matinal, l'air de dire bonjour en silence, comme lorsqu'elles étaient chez elle. Elle la vit s'installer à la table des Gryffondor, sentant des regards lui bruler la nuque. Si les Dunn avaient une belle réputation, les de Clare n'en avaient plus aucune, surtout que le jour de sa rentrée fut le jour où son géniteur était sorti de prison. Mais elle croisa un regard, le plus innocent qu'elle n'avait jamais vu à son encontre jusque là. Pourtant, elle n'eut guère l'occasion de lui adresser un sourire en coin, comme depuis le jour où ils avaient été tous répartis en première année, qu'elle vit un aigle royal entrer par une des nombreuses fenêtres de la Grande Salle, en grande pompe.

Yeleen posa un pied sur le banc des Serdaigles où elle s'était posée jusque là, heurtant son genou contre la table qui sursauta en même temps qu'elle. Ce hibou, elle pouvait le reconnaître de loin, rien que par ses yeux perçants. Elle eut la forte impression qu'il venait du domaine des de Clare et eut l'envie de s'enfuir sans vouloir, ne serait-ce que toucher le courrier qui lui était destiné. Elle n'avait pas envie d'avoir de ses nouvelles, pas maintenant ni jamais.
Alors elle bondit par-dessus son siège, bousculant certainement son voisin qui devait vouloir prendre son jus de citrouille tranquillement, et commença à marcher de plus en plus vite vers la sortie, se cachant presque sous ses cheveux à peine coiffés.
L'aigle hulula presque furieusement, comme aurait pu faire son maitre et Yeleen sursauta avant de commencer à courir tandis que l'aigle volait à ses trousses. Ce fut presque logiquement qu'il la rattrapa près de la porte, lui fourrant la lettre entre les mains avant de repartir sans demander son dû. Yeleen s'était arrêtée momentanément à l'embrasure de la porte, sans savoir quoi faire d'une lettre dont elle ne voulait pas. Elle dut néanmoins se pousser pour laisser rentrer les fantômes de Poudlard et commença alors à avoir réellement chaud, le souffle court. Il fallait qu'elle sorte.

Elle se précipita vers les extérieurs, encore vide de monde. Après tout si les étudiants n'étaient pas encore en plein rêve dans leurs dortoirs pour leur première grasse matinée, ils étaient tous en train de manger et elle fut très vite dans une des cours extérieure de Poudlard, celle pourvue de divers statues dans une place entièrement faite en pierre. La pluie de la veille avait même créée un léger bassin dans un des coins et Yeleen en profita pour jeter la lettre sans le moindre état d'âme. Fronçant légèrement les sourcils, elle tenta de se détendre sentant les nerfs lui bloquer les épaules et souffla, bruyamment, se pensant seule.

Mais elle entendit des bruits de pas à côté d'elle et leva les yeux vers celui qui s'approchait inexorablement de sa présence, avec ce même regard innocent. Elle eut un léger mouvement de recul face à sa présence, sur ses gardes, sans savoir pourquoi un Gryffondor viendrait à elle. Généralement, les autres camarades de classe jasaient sous son passage, reconnaissant certainement son visage pour l'avoir vu à de nombreuses reprises dans la Gazette en compagnie de sa mère adoptive. Elle s'estimait heureuse de ne pas voir de journalistes à Poudlard, peut-être était la raison pour laquelle elle appréciait déjà ses premiers jours dans cette école.

Son regard fut impassible face au jeune homme, sans encore lui laisser le temps de s'habituer à le voir seul. Jusque là dans les cours communs, elle n'avait fait que croiser son regard, loin d'être insistant mais très ... Respectueux, ce qu'elle ne comprenait pas car elle n'en avait pas l'habitude. Elle sentit sa gorge se nouer alors que les potions qu'elle avait prises quelques instants plus tôt commençaient à faire effet. Mais elle maintenait un certain silence, attendant qu'il lui dise pourquoi il était devant elle, jonglant entre la patience et la fébrilité à chaque battement de cœur.
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La serdaigle avait croisé son regard et Sean baissa immédiatement les yeux, gêné d’avoir été pris en flagrant délit en train de la dévisager. Cette fille de sa maison, Apolline, était allée lui dire bonjour. Elles devaient se connaître… Sans doute étaient-elles liées d’une manière ou d’une autre… Pourtant elles ne se ressemblaient pas vraiment… Mais après tout, lui et @Adil Mesli n’étaient pas franchement identiques non plus. Sean jeta un œil à son cousin qui faisait le pitre en faisant tenir deux pichets de jus de citrouille en équilibre l’un sur l’autre, motivé par les exclamations qui fusaient autour de lui.

Cela ne faisait qu’une semaine qu’ils étaient arrivés à Poudlard et Adil était déjà entouré d’étudiants prêts à rire à ses blagues. Sean n’avait pour sa part encore lié peu de liens avec ses camardes de maison, bien qu’il ait déjà retenu tous leurs prénoms. Les premiers jours, chacun essayait d’impressionner le groupe en montrant le nombre de sortilèges qu’ils connaissaient déjà. Certains se targuaient même d’avoir illégalement utilisé la magie en de nombreuses occasions chez eux. Sean ne connaissait aucun sort et tentait d’écrire phonétiquement et de décrire tous ceux dont il était témoin en-dehors des cours.

En se taisant, il tentait de cacher son incompétence et espérait pouvoir passer inaperçu le temps qu’il rattrape le niveau des autres. Une attitude bien loin de la bravoure Gryffondor… Quand on avait déposé le Choixpeau sur son crâne quelques jours auparavant, la décision du couvre-chef magique n’avait pas été aisée, et il hésitait beaucoup avec la maison Serdaigle. Sean savait que sa cousine Lucy avait été dans cette maison mais son désir de suivre son cousin Adil avait été la plus forte et le Choixpeau l’avait écouté.

Quelques instants après, un silence s’était fait quand une jeune fille s'était avancée pour être à son tour répartie. Tous les regards étaient sur elle et les chuchotements semblaient peu flatteurs. Étonné, Sean l’avait observée, tentant de comprendre l’agitation qu’elle créait. Il fut presque instantanément frappé par le sentiment de solitude qu’elle dégageait. Tous les commentaires du monde semblaient glisser sur elle comme si elle n’y prêtait aucune attention, et pourtant son regard expressif portait loin à travers la foule. Elle fut envoyée à Serdaigle et Sean s'était un instant demandé s’ils auraient été amis s’il avait finalement été réparti dans cette maison. Leurs yeux se croisèrent un instant et le visage si fermé de la jeune fille semblait taire tellement d’émotion que subjugué, il ne parvint pas à détourner son regard.

Depuis, il ne pouvait pas s’empêcher de la rechercher dans la foule des étudiants. Elle était souvent en retrait, tout comme lui. Il remarquait qu'elle agissait parfois comme si elle vivait dans une bulle, n’interagissant pas ou peu avec les étudiants qui l’entouraient. Pourtant, à chaque fois, son regard brillait d’une étincelle qui ne demandait qu’à contaminer le reste du monde. Bien souvent, il fut tenté d’aller vers elle, et d’amorcer une conversation car il brulait d’en savoir plus sur elle, ne serait-ce qu’entendre le son de sa voix ! Mais à chaque fois, l’air distant et presque agacé qui émanait de la jeune fille l’en dissuadait et il tournait les talons avant même qu’elle n’ait pu l’apercevoir.

Ce matin ne faisait pas exception, et Sean n'avait pas pu s’empêcher de l’observer de loin. Il s’était détourné bien sûr quand elle avait croisé son regard. Et les pitreries d’Adil l’occupèrent suffisamment jusqu’à l’arrivée tant attendue des hiboux. Presque involontairement, ses yeux se tournèrent de nouveau vers la table des Serdaigle pour tenter d’en savoir plus sur cette si étrange étudiante. Allait-elle recevoir un colis ? Est-ce qu’un vrai sourire illuminerait enfin sa figure ? Mais contre toute son attente, elle semblait au contraire presque en colère, voire presque terrifiée… Les yeux levés vers le faux ciel du plafond, elle se leva sans ménagement, provoquant quelques catastrophes autour d’elle. Sean se leva machinalement pour suivre des yeux la fuite de la jeune fille, poursuivie par un volatile particulièrement insistant. Ce dernier finit par la rattraper et elle semblait vraiment hors d’elle en quittant la Grande Salle.

Sans un mot d’explication, Sean délaissa sa propre tablée pour se précipiter à la suite de la serdaigle afin de ramasser l’objet qui s'était échappé de son sac dans sa course. Une minuscule petite plume qui semblait bien trop petite pour pouvoir écrire correctement… Sans demander son reste, il passa la porte de la salle, cherchant du regard la fugitive. Le Gryffondor la vit prendre le chemin de la cour extérieure et la suivit en maintenant une distance respectueuse. Une fois à l’extérieur il fut embarrassé de la voir jeter son courrier au sol. Elle s’était sans doute éloignée pour n’avoir aucun témoin à son geste, et à la traquer discrètement ainsi, il en avait été malgré lui le spectateur.

Estimant qu’il était dès lors nécessaire de se manifester, il s’approcha d’elle non sans une grande réserve. Imperturbable, elle leva un visage résigné vers lui alors qu’il se figeait à quelques pas d’elle.

- Désolée, je ne voulais pas te déranger, commença-t-il en triturant la bride de son propre sac. Mais… Tu as fait tomber quelque chose de ton sac !

Précipitamment, il lui tendit l’objet trouvé comme si ce dernier pouvait prouver toute sa bonne foi. Comme il ne pouvait ignorer ce qui venait de se dérouler sous ses yeux, il pointa du menton l'enveloppe à terre et continua avec un faible sourire en coin:

- Agaçantes ces publicités hein ? Au fait je suis Sean, Sean Clearwater, enchanté !

Elle observa cette plume tendue un instant avant de s'en saisir doucement, prenant soin de ne pas lui frôler les mains, tant la plume était petite entre les siennes. Elle la glissa dans la poche arrière de son pantalon avant de poser sa main sur ses lèvres, signant par automatisme.

Merci

Un murmure dépassa ses lèvres, stable mais pas encore assez fort pour être entendu tel quel, lui indiquant qu'elle communiquait souvent avec la langue des signes. Son regard s'encra dans le sien, découvrant une candeur originale et sincère dans la lueur de ses yeux bruns et elle ne put s'empêcher de lui adresser un sourire en coin lorsqu'il se présenta à elle.

"Je sais"

D'une voix claire et posée, sans prétention ni artifice, sans qu'elle ait eu besoin de se racler la gorge comme elle avait un chat coincé dedans. Elle osa passer sa main dans une mèche de ses cheveux pour la coincer derrière l'oreille, tentant de se rendre un peu plus présentable de bon matin.

"Apolline a une mémoire eidétique"

Sa cousine ne parlait pas d'elle à qui le veut bien entendre, gardant soin de préserver leur relation familiale loin des oreilles d'autrui. Alors dès le lendemain, c'était bien Apo qui s'était empressée de lui faire un tour de table rapide, fière de si bien retenir ce qu'on pouvait lui apprendre et Yeleen avait retenu son visage et son prénom, appartenant au Clan Clearwater. Après tout, il faisait parti des familles ancestrales du monde Magique, connue et reconnue parmi la communauté des sorciers. Elle les savait différent du monde dans lequel elle avait grandi, pour n'en avoir jamais vu aucun durant les soirées mondaines.

Et il resplendissait d'une fraicheur à lui couper le souffle.

"Yeleen"

Un autre sourire en coin vint sur ses lèvres, comme pour lui dire bonjour. Elle n'était pas à l'aise avec son nom de famille, encore moins depuis quelques jours à chaque fois que les professeurs faisaient l'appel. Elle savait qu'elle devrait s'y faire pendant sept longues années et que son arrivée à Poudlard mais elle n'avait pas envie de se le rappeler elle-même, plus que les journalistes s'empressaient déjà d'en faire couler un sang d'encre. Elle n'avait pas envie qu'il la voit comme un des leur, pas aujourd'hui. Elle préférait faire honneur à sa mère qui l'avait nommé ainsi, juste Yeleen.

"J'aurais le moyen de m'y désabonner un jour."

Son regard dévia sur sa lettre dont le sceau des de Clare transparaissait sous ses yeux au contact de l'eau. Il était rare qu'elle en parle et prononcer cette simple phrase à voix haute était lourde de sens. Elle ne s'était jamais conformée à leurs règles, elle ne le ferait jamais. En attendant d'avoir assez de courage pour se libérer d'une telle emprise, elle préférait faire profil bas dans le monde des sangs-purs. Sa gorge commença se serrer et elle préféra se détacher de la lettre au moment où elle y lut son prénom, virant son attention sur Sean Clearwater.

"Tu devrais tourner un peu plus ton poignet, en enchantement. Je suis sûre que ça irait beaucoup mieux"

Attentive, elle avait eu tendance à observer ses camarades de classe pendant les cours d'enchantement, n'étant elle-même déjà pas très à l'aise avec les sortilèges puisqu'il fallait maintenir une voix parfaitement stable pour les réaliser, ce qui était relativement difficile pour la jeune femme. Elle le voyait studieux, très calme, presque derrière un autre jeune homme, Adil Mesli, qui s'assurait de mettre les projecteurs sur lui pendant que ce Clearwater, patient et appliqué, prenait des notes, fronçant de temps en temps les sourcils pour mieux comprendre. A côté d'Adil, il semblait même être la personnification du calme, exemplaire et d'une limpidité incroyable.

Elle avait l'impression de voir une version d'elle-même, comprenant par la suite que ce Mesli était une branche des Clearwater également. Si Yeleen était dans l'ombre de la renommée des de Clare, contrairement au Dunn qu'Apolline représentait depuis sa naissance, Sean lui, n'était pas écrasé sous le poids des traditions. Il semblait les aspirer avec honneur et élégance.

"Enfin je dis ça, je dois aussi faire beaucoup d'effort pour être au niveau." ajouta-t-elle afin de ne pas paraître orgueilleuse avec un simple conseil

Il n'avait peut-être pas besoin d'elle pour progresser, son cousin ou même l'ensemble des Gryffondors devait se serrer les coudes pour progresser ensemble. Connaissant Apolline, elle serait même certainement la première à vouloir réaliser des cours de révision commune pour l'ensemble de la promotion afin de maintenir un bon niveau global.

La Serdaigle ne lui répondit pas immédiatement, observant l’objet qu’il lui tendait et Sean cru un instant qu’il ne lui appartenait pas. Mais alors qu’il allait remballer son trésor, la jeune fille s’en empara délicatement du bout des doigts et la rangea dans sa poche en lui faisant un signe de la main. Un faible souffle dépassa ses lèvres alors qu’il y lisait le mot « merci » sans en entendre le son.

Sean écarquilla les yeux en se passant la main dans les cheveux de surprise. Est-ce qu’elle était muette ? Comme avait-il pu passer à côté de cette information ? Soudain tout s’expliquait : ce léger retrait, cette manière d’observer le monde avec ce regard qui semblait si perspicace, tout en communiquant si peu en retour… Mais alors qu’il se croyait si malin d’avoir enfin déchiffré la belle, elle le perturba de nouveau en le fixant droit dans les yeux pour lui répondre d’une voix cette fois-ci très claire.

Elle connaissait son nom ? Cette fille était vraiment un mystère ambulant… Elle continuait de l’observer comme si tout ceci était un test et qu’il était clairement en train d’échouer. Pourtant, nulle animosité ne perçait dans son regard, une simple et franche curiosité. D’un geste, elle replaça une mèche derrière son oreille et ce simple geste offrit un léger répit à Sean qui se rendit soudainement compte qu’il retenait sa respiration depuis tout ce temps. Comme si elle lisait dans son regard son désarroi, la jeune fille accepta de lui donner son indice : Apolline… Sa camarade Gryffondor avait apparemment appris tous leurs prénoms, et les avait énoncés à son amie de Serdaigle. Qui les avait retenus. Du moins le sien. Cette idée était particulièrement plaisante et Sean se prit à sourire discrètement et camoufla son émotion en toussant derrière son poing.

Yeleen… La seconde à laquelle il apprenait son nom, il sut l’éclat que renvoyait son visage quand elle souriait. Sean comprit à quel point il avait été impatient de découvrir ce visage souriant. Et ce sourire n’était pas apparu grâce à un hibou, mais il lui avait été simplement destiné parce qu'il était allé la saluer. Ce n’était qu'un petit rictus lancé du coin de sa bouche, mais déjà, il avait l’impression qu’une petite fissure laissait transparaître ce qui se trouvait derrière son masque imperturbable.

Trop rapidement à son goût, elle effaça l'émotion de son visage en se tournant, et lança un regard peu amène à l’enveloppe dont l’encre commençait à doucement s’effacer, diluée dans l’eau de la flaque dans laquelle elle était tombée. Elle souhaitait s’en désabonner… Sean ne chercha pas à en savoir plus mais le ton amer de sa phrase laissait supposer une douleur profonde qui la blessait aujourd’hui encore. Le cœur du jeune homme se serra en se demandant à quel point ce qui se trouvait dans cette enveloppe avait un rôle à jouer dans l’attitude en retrait de Yeleen.

Mais lorsqu’elle tourna de nouveau son regard vers lui, elle le stupéfia de nouveau en lui donnant un conseil de lancer de sortilège, ajoutant qu’elle avait également des efforts à produire de son côté avec une humilité admirable. Sean ouvrit de nouveau de grands yeux en balbutiant sans pouvoir s’empêcher de sourire.

- Tu.. tu m’as vu en cours ?

Lui qui pensait être celui qui l’observait à la dérobée depuis une semaine apprenait qu’il s’était fait prendre à son propre jeu. L’idée que Yeleen l’ait remarqué en cours était à la fois grisante et terriblement gênante. Est-ce que sa prise de baguette était si pitoyable que cela ? Il y avait de quoi être embarrassé… Et dans le même temps, il ne pouvait passer outre le conseil d’une personne qui semblait mieux maîtriser que lui le sujet. Sean s’empressa alors de sortir sa baguette en se tournant de côté afin de ne plus lui faire face par mesure de précaution. Comment savoir s’il n’allait pas la toucher par accident ? Mieux valait prévenir que guérir… Il fixa sa baguette d’un air concentré en tournant son poignet, tentant de suivre le conseil de la Serdaigle.

- Comme ça ?... Wingardium Leviosa !

Le petit caillou qu’il pointait de sa baguette se souleva lentement dans les airs sous le regard émerveillé de Sean qui se tourna vers sa professeure sans pouvoir cacher sa joie.

- Tu as vu ça ? Du premier coup ! Merci pour le conseil !

Il fit tourner de nouveau son poignet plusieurs fois d’affilée, comme pour s’imprégner du geste et qu’il devienne de plus en plus naturel, et sourit en secouant la tête.

- Aussi simple que ça… Comment as-tu su ? Tu as l’air de bien maitriser la question, continua-t-il en se tournant de nouveau vers elle, son accent écossais transparaissant au fur et à mesure de son enthousiasme. Ma mère est moldue et comme c’est elle qui m’a principalement élevée, je suis assez novice en magie…

Il sembla surprit de savoir qu'elle l'avait observé en cours et pendant un instant, elle se demanda pourquoi. Après tout, il était normal de regarder autour de soi en première année mais il fallait se rendre à l'évidence qu'elle observait souvent les Gryffondor, se demandant un instant si elle y aurait trouvé sa place si elle n’avait pas demandé à aller chez les Serdaigles. Leur promotion semblait déjà être bien soudée et elle se rendit compte que son observation pouvait certainement porter à confusion.

"Oui ... parce que j'étais derrière toi ce jour-là."

Mais lorsqu'il se tourna légèrement en sortant sa baguette, ce fut bien Yeleen qu'il surprit en tentant de mettre en pratique rapidement son conseil. Elle se décala légèrement tout en observant son poignée ainsi que le mouvement qu'il devait réaliser pour la leçon qu'ils avaient apprise dans la semaine. Il la tourna un peu plus en biais, accompagnant son sortilège avec bien plus d'assurance et de perfection qu'en classe. Mais ce regard qu'il lui jeta, alors qu'il venait de réussir du premier coup le sortilège de lévitation, la déboussola quelque peu. Elle n'avait jamais eu le droit à ce genre de regard, d'émerveillement, de surprises autre qu'avec sa mère adoptive. Alors elle lui répondit par la positive par un simple mouvement de tête, sans toutefois pouvoir exprimer sa joie autrement qu'avec un nouveau sourire en coin. Il se débrouillait vraiment très bien, ses intonations étaient déjà très bonnes, c'était juste le petit détail qui lui avait manqué et qu'il venait de s'approprier haut la main.

"Ta baguette, elle t'a choisie pour que tu l'apprivoise en retour. Y'a pleins de petits gestes que tu peux arranger pour vous harmoniser, quelques soient les conditions" expliqua-t-elle simplement en sortant sa propre baguette.

Elle aussi, elle ne l'avait que depuis la rentrée et elle avait encore du chemin à faire pour la connaître. C'était loin d'être évident le soir, elle n'avait que la journée pour s'accorder le temps d'un instant et de trouver le bon appui sur ses doigts. Pendant un moment, elle observa leurs deux baguettes en souriant légèrement, vu leur différence de taille et de bois. Chaque baguette était vraiment unique, comme il l'était. Alors lorsqu'il lui annonça qu'il avait grandi dans le monde moldu, elle enchaîna à sa suite, comme pour le rassurer, sans plus de cérémonie.

"Tu te débrouilles très bien Sean, c'est inné."

Elle glissa sa baguette dans sa poche avant de regarder ce membre du clan Clearwater dans les yeux, un sourire en coin arrivant spontanément. Il n'était pas rare que les membres de cette famille comptaient des moldus parmi eux, contrairement à sa propre famille qui n'était composés que de mariages arrangés entre différentes familles de sang pur, toujours dans la bourgeoisie, pour les rendre encore plus fermés que jamais. Sean n'avait peut-être pas baigné dans le monde magique mais assimilait très vite les bases, il ne faisait sans nul doute qu'il se montrerait d'ici peu très ingénieux.

"J’ai eu un bon modèle dans la maison."

Elle préféra répondre un peu de façon évasive à sa question, n'étant pas encore très à l'aise avec le fait d'annoncer qu'elle avait vécu avec une famille recomposée. Il était inconvenant de dire que Charlotte n'était que sa mère adoptive, elle l'avait élevé comme sa propre fille, sans être troublée par le fait de ne même pas lui ressembler, vaguant de demeure en demeure sans trouver le bon endroit pour s’épanouir. Et il était encore plus étrange de lui annoncer qu'elle connaissait Apolline bien avant Poudlard sans soulever d'autres questions.

"Elle doit être fière que tu ais intégré cette université." ajouta-t-elle pour chasser une lueur de fierté évidente dans ses yeux. Ce n'était pas une fierté vis à vis d'elle mais de lui. S'il avait été élevé par sa mère, elle devait être tout autant fière de le savoir à Poudlard, suivant les traces de sa magie. Elle savait Charlotte fière d'elle, avoir réussi à décrocher une place malgré son handicap n’était pas aisé, mais une grande partie d'elle lui manquait à l'heure actuelle. Par automatisme, comme lorsqu'elle signait, elle porta furtivement sa main près de son cœur, sans avoir des mots à rajouter par-dessus. L'amour était un langage bien plus universel qu'on ne le pensait.

"Alors... vous avez prévu quoi aujourd'hui avec ton cousin?" demanda-t-elle d'un ton un peu plus détaché

Adil Mesli était le premier à lui avoir mis la main par-dessus l'épaule à la rentrée, se vantant et acclamant Sean comme étant son cousin préféré. Durant toute la semaine, il était rare de le voir sans sa compagnie, même dans les couloirs. Alors pour ce premier samedi, elle sentait qu'ils allaient forcément passer une bonne partie de la journée ensemble.

Yeleen lui répondit avec un nouveau sourire en coin en hochant la tête, un signe d’assentiment évident qui réchauffait le cœur du garçon. Les yeux de la jeune fille se plissaient en l’observant, pour se protéger de la lumière du soleil et sa tête se penchait sur le côté pour mieux le toiser d’une manière tout à fait unique. Sean se rendit compte qu’il l’observait sans bouger et se tourna en se grattant distraitement l’œil pour se donner une contenance.

La Serdaigle sorti sa propre baguette magique et la présenta au jeune homme en expliquant que les baguettes les avaient choisies, et non l’inverse, et qu’ils devaient maintenant apprendre à se connaître l’un l’autre pour travailler ensemble. La baguette de Yeleen semblait plutôt courte, avec un bois couleur brique. Celle de Sean était plus grande, et plus sombre. Il s'était déjà apperçu qu’elle réagissait mieux quand il se montrait sûr de lui, qu’il savait ce qu’il faisait et pourquoi il le faisait. C’était à croire qu’il ne pourrait jamais lancer de sorts à contre cœur, sa baguette ne le laisserait pas faire. Il comprenait aussi qu’il n’y aurait que le temps et l’entraînement qui lui permettrait de tisser un lien fort avec ce canalisateur de magie. Mais alors qu’il examinait sa baguette, Yeleen le félicita, l’appelant par son prénom et de nouveau il la fixa d’un regard stupéfait, la bouche entrouverte esquissant l’ombre d’un sourire, ses yeux exprimant toute la joie qu'il tentait de dissimuler.

Yeleen sembla un moment songeuse, avant de reprendre la parole pour expliquer qu’elle avait eu un bon exemple chez elle. Sean en déduisit que Yeleen avait eu au moins un parents sorcier. Mais voyant que la jeune fille restait évasive sur sa famille, il préféra se concentrer de nouveau sur son mouvement de poignet, afin de montrer à la jeune fille qu’il ne chercherait pas à lui tirer les vers du nez. Mais inconsciemment, son regard revenait de manière incessante sur elle, et sur la lueur hypnotisante qui brulait au fond de ses yeux. Elle évoqua la fierté qu’avait dû ressentir sa mère en apprenant qu’il était un sorcier, et un instant, il eut comme l’impression qu’elle ressentait elle-même cette même immense estime pour lui. Il en fut tellement déstabilisé qu’il laissa retomber son bras le long de son corps sans savoir quoi répondre. Voyant qu’il ne réagissait pas, elle l’interrogea sur ses activités du week-end et sur son cousin. Avec un sourire, Sean se passa la main dans ses cheveux avant de hausser les épaules.

- A vrai dire, je n’en sais rien… Si les entraînements de Quidditch commencent, on ira surement jeter un œil… Il y a sans doute une fête qui s’organise dans la Salle Commune de Gryffondor… Et pour ma part, j’aimerai bien réviser un peu les notions qu’on a apprises cette semaine…

Il se tut soudainement en plissant les yeux et pencha la tête sur le côté, alors que son accent anglais prenait soudainement le pas sur son accent écossais.

- Tu… connais mon cousin ? Forcément, tout le monde connaissait Adil… Finalement, le fait que Yeleen connaisse son nom et l’ait déjà observé… Il devait sans doute tout cela à son extravagant cousin. Bien que cette idée l’agace légèrement, il prit sur lui pour voir le bon côté de la situation. Avoir un cousin aussi social se révélait utile quand il s’agissait de nouer des liens avec les autres étudiants. Du moins c’était le cas tant qu’il ne s’était pas encore trop fait d’ennemis. Il soupira en souriant, secouant légèrement la tête avant de s’assoir à côté de Yeleen.

- Tu sais, je trouve que les personnes moldues comme ma mère, qui voient une personne de leur famille rejoindre un monde inconnu et dangereux mais donnent tout-de-même leur bénédiction, sont vraiment courageuses. Je me suis demandé si j’avais atterri à Gryffondor grâce au côté intrépide des Clearwater, mais je me demande si je ne tiens pas ce courage plutôt du côté de ma mère.

Il s’empourpra en riant gauchement, stupéfait de parler aussi librement de lui ainsi. Expliquer à une fille qu’il venait de rencontrer qu’il se trouvait courageux, vraiment y’avait pas mieux pour se distinguer du cousin…

- Et sinon, toi, tu as des plans ?

Il était rare qu'elle puisse observer un jeune homme aussi attentivement. Depuis son plus jeune âge, elle avait grandi dans un monde presque aseptisé de présence masculine en dehors des nombreuses soirées mondaines où faire acte de présence était primordial. En retrait, Yeleen apprenait à décortiquer les gestes, les paroles, les mots subtiles qui faisaient de ce monde est cercle vicieux, se mordant entre les pattes avec des sourires hypocrites.

Mais lui, il l'a regardait avec quelque chose de tellement indéfinissable qu'elle se demanda un moment si elle n'avait pas quelque chose coincé entre les dents. Et si elle avait beau chercher un autre point d'accroche pour se soutirer de son attention, elle ne faisait que revenir vers lui, inexorablement. Mais après tout, lors des discussions les plus polies, ne regardait-on pas son interlocuteur droit dans les yeux?

"C'est un bon planning pour aujourd'hui... Mais tu peux déjà rayer les cours d'enchantement de tes révisions."

Elle lui adressa un sourire en coin alors qu'il lui demandait si elle connaissait son cousin. Le petit sourire se transforma en un sourire moqueur, s'accompagnant d'un regard amusé à son encontre.

"Ton cousin n'est pas un exemple de discrétion et à vrai dire, Apolline m'a déjà vanté ses mérites."

Elle se rendait bien compte qu'elle citait bien souvent la Gryffondor, tout comme elle y pensait tous les jours. Mais elle avait grandi ainsi, dans son ombre et n'en sortant que rarement. C'était pourtant l'occasion de prendre un peu de recul sur un bouclier qu'elle n'avait plus à ériger pour se protéger.

"C'est ma cousine."

Pour la première fois de sa vie, elle avait pris le choix de retourner les rôles. Elle n'était pas la cousine d'Apolline mais c'était cette dernière qui était relié à elle. Un rapport de force bien sûr inutile entre Apo et elle mais pour Yeleen, c'était le premier pas en dehors des chantiers battus.
Ce fut à ce moment-là qu'il prit l'initiative de s'installer près d'elle, coupant le souffle de Yeleen par sa seule proximité. En cours, cela ne la dérangeait d'être à côté d'un camarade de classe, se passionnant assez vite pour l'enseignement et oublier à côté de qui elle était. Même lorsqu'elle était à table, elle mettait une distance par automatisme, croisant les jambes et se montrant volontairement encore fermée aux discussions. Mais là, ce fut différent. Si elle pensait se crisper à son approche, anodin pourtant, elle vira son regard au sien, attentive à la moindre lueur que le soleil lui renvoyait. Ses propres jambes restèrent décroisées et elle se surprit même à les étaler un peu plus devant, comme pour s'installer plus confortablement, presque à l'aise malgré qu'elle ait dû être piquée au vif.

Le courage, il en parlait avec une telle sincérité qu'elle en fut touchée. La peur que pouvait provoquer l'inconnu pouvait résulter sur deux choix : le confronter ou le fuir. Tandis qu'il lui disait qu'il avait certainement hérité son courage de sa mère, elle comprit qu'il n'avait que très peu connu son père. Après tout, les Clearwater étaient réputés pour être de vraies têtes brûlé, de bons vivants et d'un courage dans faille lorsqu'il fallait protéger et combattre pour les siens. Du moins, c'était ce qu'elle avait appris dans ces livres. Il tirait son nom de son père mais avait certainement la sagesse de sa mère en plus, ce qui rendait Sean encore plus original à ses yeux.

"Certainement parce qu'elle sait que tu n'es pas seul ici et que tu peux te découvrir autrement."

Elle posa ses mains contre la pierre où ils étaient tous les deux posés et une fois de plus, Yeleen sembla prendre un peu de distance. Elle avait l'impression que chacune de ses phrases faisaient écho en elle alors qu'ils ne se connaissaient pas il y a quelques jours. Comment pouvait-il savoir sinon qu'elle devait aussi se connaître et se reconnaître dans cette somptueuse école ? Avoir le courage de plonger tête la première dans une liberté dont on semblait en avoir été privée jusque-là? La magie, ce monde, cette puissance qu'ils pouvaient contempler rien qu'en regardant les murs de pierre qui érigeaient le magnifique château de Poudlard.

"C'est quelque chose qu'on souhaite tous à nos proches, de s'épanouir."

Elle baissa les yeux vers Sean avant de cligner des yeux, les rayons de soleil se reflétant encore vivement dans les yeux.

"En tout cas, tu fais honneur à ta maison même si tu aurais été parfait à Serdaigle avec ce côté studieux." ajouta-t-elle en rendant la conversation peut être un peu moins tournée vers une philosophie qu'il partageait déjà visiblement très bien.

"Tu devrais aller à cette fête, tu as dimanche pour les révisions et récupérer de la soirée si jamais."

Il était tout de même notoire que la maison Gryffondor faisait partie des maisons où l'alcool, pourtant bien interdit de circulation à Poudlard, coulait à flot. Mais Sean allait certainement s'en rendre compte sur le tas et découvrir les coulisses de leur école en un rien de temps ainsi. Lorsqu'il lui demanda ce qu'elle comptait faire aujourd'hui, Yeleen se rendit compte qu'il s'agissait du premier weekend end sans sa cousine. Un premier weekend end où elle allait pouvoir marcher où elle voulait, sans rester enfermé.

"J'ai aussi pensé aux entraînements, j'ai cru entendre dire que c'était les entraînements de l'équipe des Serpentards. Le cours de vol m'a ..."

Elle perdit soudainement un peu ses mots et fronça les sourcils en se rendant compte que son cœur battait réellement fort. Tenir le balai de l'école et faire son premier vol avaient été plus qu'une joie, ça l'avait délivré comme si son esprit avait été enchaîné toutes ses années. Elle s'était relaxée pendant la petite demi-heure de vol et en voulait à présent bien plus. Elle se mit alors de nouveau à observer le ciel et continua de lui parler, se confiant à lui avec une évidence déconcertante.

"J'ai eu l'impression de me connaître, comme si on avait juste enlevé un drap qui cachait un miroir. C'était spécial."

Elle étira ses lèvres d'un simple sourire à l'évocation de ce simple souvenir, même si elle de rendait compte que sa façon de concevoir l'heure de vol pouvait être un peu étrange. Elle s'humidifia les lèvres, les sentant sèches comme lorsqu'elle était dans les airs et se tourna vers Sean, désireuse de l'entendre parler. Il avait parfois cet accent anglais mêlé à un accent écossais qui la déstabilisait légèrement, comme si sa moitié Clearwater prenait parfois le dessus sur l'autre moitié de sa mère. Elle eut encore un sourire aux lèvres, trouvant cette particularité assez agréable.

"Tu as eu un moment comme ça, cette semaine?"

La réflexion de Sean semblait avoir fait rire Yeleen qui lui indiqua qu’Adil n’était clairement pas du genre discret, et de nouveau, elle cita Apolline comme étant son indicatrice. La Serdaigle sentait sans doute le regard interloqué de Sean sur elle et crut peut-être devoir se justifier en expliquant qu’elle et la Gryffondor étaient cousines. Intégrant cette information, le jeune homme se tut en acquiesçant discrètement, laissant la jeune fille libre de poursuivre si elle le souhaitait ses explications.

Mais il commençait à se rendre compte que Yeleen ne divulguait aucune information superficielle et non nécessaire sur elle-même. Tout dans son être semblait prioriser l’écoute de ceux qui l’entouraient, et l’analyse de leurs attitudes. Ses réponses étaient sans aucun artifice : aussi nettes, éclatantes et directes que le rayon de soleil qui perçait les nuages pour se poser sur eux. Elle semblait à l’instant réfléchir à son discours barbant sur la notion de courage, et sa mine concentrée l’amusa tout en le perturbant.

Clairement Yeleen semblait faire partie de ces rares personnes qui écoutaient réellement les gens, analysaient leurs paroles qui restaient gravées en eux. Cette attention à l’autre semblait presque irréelle, d’une vulnérabilité sans pareille. C’était peut-être cet éclat de pureté dans son regard qui avait capté l’attention du jeune homme dès la première fois qu’il l’avait perçu. Une fragile flamme de candeur qui donnait envie de tout faire pour la protéger. Et pourtant, il sentait aussi chez Yeleen une force et une énergie soigneusement confinée derrière le masque imperturbable de son visage.

Profitant qu’elle ne l’observe pas, Sean laissa son regard glisser sur ce fameux visage un peu plus longtemps que de nécessaire. Quand il se rendit compte de sa conduite, il se reprit en tournant vivement la tête de côté, espérant qu’elle ne se soit pas aperçue qu’il la dévisageait sans aucun savoir-vivre. Mais la jeune fille reprit la parole, en revenant sur son idée concernant la bravoure de sa mère, jugeant que cette dernière devait également souhaiter pour ses enfants qu’ils puissent suivre leur propre chemin. L’épanouissement de ses proches devait être l’un de nos souhaits les plus chers, selon elle.

Les yeux de Yeleen se posèrent sur Sean, en l’observant à travers ses longs cils qui la protégeaient du soleil. Des tréfonds de ses pensées, elle était revenue à l’instant présent et il pouvait sentir toute son attention portée sur lui. Selon elle, bien qu’il fasse honneur aux Gryffondors, il aurait très bien pu être dans sa propre maison. Sean se détourna en rougissant, sachant pertinemment que ses oreilles le trahiraient, alors qu’elle lui conseillait de se rendre à la soirée organisée le soir-même. Elle enchaînait avec ses propres plans pour le week-end et sembla pour la première fois depuis qu’ils discutaient perdre le contrôle sur ce qu’elle souhaitait lui dire.

Étonné, Sean ne put s’empêcher de la dévisager de nouveau, brulant de découvrir ce qu’elle semblait avoir tant de mal à exprimer. Un sourire éclairait le visage de Yeleen et ses yeux brulaient d’une intensité qu’il ne leur connaissait pas encore. Le cœur du jeune homme battit un peu plus rapidement en ayant simplement été témoin de cette émotion de pure joie libératrice se dessiner sur ses traits. Il sentait qu’il gravait cette image au plus profond de lui et qu’il n’aurait de cesse à l’avenir de souhaiter la voir réapparaître sur le visage de la jeune fille. Le cours de vol avait apparemment été une révélation pour elle. Un sentiment de liberté qu’elle semblait avoir recherché toute sa vie durant.

De nouveau, le visage de Sean s’assombrit le temps d’un instant en songeant à ce qu’avait pu vivre la jeune fille pour qu’elle recherche à ce point à s’échapper dans l’adrénaline que procurait le vol en balais. Le sourire n’avait pas quitté Yeleen alors qu’elle lui demandait s’il avait déjà expérimenté ce genre de sentiment. Il garda les sourcils froncés en se repassant leur première semaine à l’école. Il avait bien vécu une certaine forme de libération à quitter sa famille pour se rendre dans ce lieu fabuleux, se sentant un peu moins responsable de sa mère et de sa soeur aussi loin de son foyer. Cependant, il avait senti une autre forme de pression le paralyser, l’obligeant à ne pas laisser passer cette opportunité et donner constamment le meilleur de lui-même. S'il ne devait songer qu'à première leçon de vol, elle l’avait particulièrement marqué, mais pas de la même manière que Yeleen, et c’est avec un sourire crispé qu’il lui répondit.

- Non, pas avec un balai en tout cas… Son premier vol avait été catastrophique et lui avait provoqué la peur de sa vie. La voltige n’était clairement innée chez lui. Rien que le souvenir de cette expérience suffisait à lui soulever le cœur et il posa ses mains sur ses genoux comme pour se raccrocher à la stabilité du sol. Il tourna le visage vers la Serdaigle avec un sourire en coin.

- Mais par contre, ça me donne envie de te voir sur un balai ! Tu aimerais pouvoir intégrer l’équipe de Quidditch ?

C'était la première fois qu'elle profitait d'une matinée à Poudlard sans avoir le rythme des cours en salle, des courses dans les couloirs et l'envie pressante d'aller à la bibliothèque entre deux matières. Être là, posé dans cette cour alors qu'il n'était pas prévu qu'elle ne parle à qui que ce soit ce matin-là, lui semblait être un signe inespéré de souffler un peu. Et la présence de Sean, quoi que très silencieuse depuis quelques minutes, lui apportait un certain répit.
Lorsqu'il lui parla de l'éventualité de passer les essais pour intégrer l'équipe, Yeleen eut un léger sourire en coin malgré un léger voile dans son regard. Elle souffla doucement, se rendant compte que sa vie semblait être fait de haut et de bas, sans lui laisser le temps de profiter de quelques minutes de liberté. Elle aurait tant aimé pouvoir faire des essais, intégrer l'équipe de Quidditch mais les potions encore trop instable qu'elle prenait lui interdisait pour le moment toute activité sportive, elle qui avait dû déjà avoir une autorisation médicale pour un simple court de vol dans la semaine.

"Je ne sais pas... enfin c'est peut-être un peu tôt. Je vais plutôt me contenter d'observer les entraînements pendant un moment, histoire de maîtriser déjà la théorie des différentes techniques. J'ai entendu dire qu'il y en a plus d'une quarantaine."

Digne d'une Serdaigle, elle s'était très vite renseignée avant même d'entrer à Poudlard et d'une façon plutôt posée, elle avait presque détournée la question, se sentant dans tous les cas pas encore prête à se lancer sur un balai devant une foule d'étudiants. Elle préférait encore un peu se tapir dans l'ombre, sans la crainte de voir les journaux scander des gros titres comme "La jeune de Clare s'envole pendant que son père s'écrase depuis sa libération". Et peut-être que d'ici-là, Sean serait même plus à l'aise sur un balai, qui sait.

Elle fit alors une petite moue avec ses lèvres, se rendant compte qu'elle préférait entendre Sean lui parler davantage sur lui. Son silence si respectueux lui faisait du bien, elle semblait se sentir plus à l'aise avec lui. Une étrange impression à vrai dire, comme si elle retrouvait une place confortable à l'entendre parler, avec son timbre de voix si particulier. Elle se rendit compte qu'il s'agissait peut être d'une curiosité quant à la manière dont il pouvait vivre au-delà de ses murs car si elle avait une bonne idée de ce que les étudiants issus de familles de sang purs pouvaient faire de leur temps libre, elle n'avait aucune idée de ce que le monde moldu avait à offrir puisqu'elle n'y avait jamais mis les pieds. Avec tous les principes où les de Clare se sentaient supérieur aux autres, ils se désintéressent volontairement des moldus en se privant pourtant d'une culture certainement très enrichissante.

"Tu pratiquais quelque chose avant de venir à Poudlard ?"

Quelque peu maladroite sur les mots qu'elle prononça poliment, elle se crispa légèrement en se rendant compte que sa curiosité ne venait pas du monde moldu en lui-même mais du jeune homme qui se montrait si prévenant avec elle. Elle n'avait pas envie de le brusquer ni d'être envahissante dans son envie de le voir s'ouvrir un peu plus avec elle. Ses yeux étaient si expressifs et attentifs qu'elle ne put que lui adresser un sourire en coin, profitant du vent qui se levait pour se recoiffer correctement en nouant ses cheveux en une natte désintéressée.

"A vrai dire, je n'ai pas jamais quitté la communauté magique. À part il y a quelque jour, à la gare de King Cross" avoua-t-elle à demi-mot

Réseau de cheminée, des elfes de maison qui s'occupaient de tout, même des courses, une île fortifiée et sécurisé pour ne laisser approcher aucun moldu, des préceptes sorciers pour leur éducation, des bibliothèques remplis de livres traitant des guerres parfois en rapport avec le monde moldu mais sans jamais rentrer dans les détails, leur propre mode de vie en société sans la moindre étincelle magique... Yeleen ignorait tout du reste du monde. Ce n'était pas par honte qu'elle venait de lui énoncer ce fait, ce n'était pas non plus pour excuser sa manière peut être déplacée de lui poser la question. C'était juste ainsi qu'elle avait vécu, comme lui de son côté dans un monde qui lui semblait pourtant bien plus merveilleux que le sien.
Elle avait l'impression d'en voir un bel aperçu dans les yeux de Sean.
Ils venaient presque de deux mondes différents et leur rencontre, malgré les gardes qu'elle gardait érigé, lui donnait envie d'aller au-delà de ce qu'elle avait toujours connu. Sean lui faisait rater quelques souffles d'ailleurs et elle préféra poser son regard ailleurs, sans réellement savoir pourquoi elle n'arrivait pas à le regarder très longtemps dans les yeux sans avoir une chaleur sur les joues.

D'ailleurs, elle glissa une de ses mains sur son visage avant de glisser sur sa nuque, comme pour se rafraîchir, se redressant légèrement sans rompre l'attention qu'elle accordait au Gryffon. La pierre était tout de même dure et elle préféra se lever avant d'adresser un regard pétillant à Sean, l'incitant à la suivre. Elle avança de quelques pas, les mains dans les poches de sa veste, l'air un peu plus décontracté.

"Tu viens?"

Une demande si simple qu'elle murmura avec un sourire en coin avec l'envie de marcher un peu.

Yeleen hésitait suite à la question du jeune homme qui semblait la renvoyer à d’autres problématiques de sa vie. Elle finit par lui expliquer qu’il était encore trop tôt pour se poser la question des sélections en équipe et Sean hocha la tête, montrant qu’il était plus que d’accord avec elle. Ce sport restait l’un des plus dangereux qu’il connaissait, et bien que la magie médicale soit épatante, elle ne pouvait pas faire de miracles pour autant. Il arrivait que des étudiants soient blessés de manière irréversible suite à un accident particulièrement violent, et il détestait l’idée de voir Yeleen - ou d’autres étudiants de première année - prendre des risques inconsidérés. Ses pensées volèrent vers Adil et il ne douta pas un instant que son cousin ferait absolument tout ce qui était en son pouvoir pour intégrer l’équipe des Gryffondors au plus tôt.

Un ange passa au-dessus d’eux alors qu’ils étaient chacun plongés dans leurs pensées et cette tranquillité était tout sauf pesante. Il était rare de rencontrer ces personnes avec qui les moments de silence étaient aussi nourrissants que les échanges. Sean inspira profondément et l’air vivace de cette matinée de septembre chassa les idées noires qui lui avaient encombré l’esprit un peu plus tôt. Alors qu’il jetait de nouveau un coup d’œil à sa camarade, elle lui demanda à brûle-pourpoint s’il avait eu d’autres activités sportives avant son arrivée à l’Université de sorcellerie. Puis, comme si elle regrattait sa question, elle voulut se justifier en lui expliquant qu’elle ne connaissait absolument pas le monde non-magique.

Sean lui lança un regard interloqué, abasourdi par l’idée qu’aujourd’hui encore certains sorciers vivaient dans l’ignorance totale du mode de vie moldu. Cela ne paraissait cependant pas être un choix de sa part, simplement un fait immuable qu’elle lui énonçait presque comme une confession. Sean se concentra, réfléchissant à ce qu’il choisirait de raconter à une personne découvrant son monde pour la première fois, mais un geste de la part de la jeune fille le déconcentra. Le soleil devait avoir chauffé sa peau qu’elle caressait délicatement de sa joue, glissant sur la ligne de sa mâchoire, jusqu’à son cou. En retenant son souffle, Sean suivit le tracé de ses doigts alors qu’il entendait les battements de son coeur tambouriner dans ses oreilles. Il fallut que la jeune fille se lève pour qu’il reprenne ses esprits, en clignant plusieurs fois des yeux avant de retrouver une respiration normale.

Son attitude avait dû profondément embarrasser Yeleen et il craignit qu’elle ne tourne les talons en le laissant seul avec ses réflexions. Pourtant, c’est avec ce même sourire en coin qu’elle l’invita à se lever pour marcher à ses côtés. La surprise laissa place à la joie et Sean se leva à son tour, sans doute un peu trop brusquement, avant de replacer la lanière de son sac à doc sur son épaule. En se grattant la tête pour se donner une contenance, il la suivit avec le coeur toujours en surchauffe, souhaitant à tout prix pouvoir répondre à sa curiosité.

- Chez moi, j’ai fait un peu de rugby… C’est plus ou moins l’équivalant du Quidditch mais au lieu de voler, on court ! On tombe de moins haut du coup, mais les chocs sont quand même violents… Avec un petit rire, il lui désigna une très légère entaille qu’il avait sur son menton, souvenir d’un plaquage particulièrement sanglant. Enfin, j’ai dû assez vite arrêter parce qu’on devait participer à des championnats et ma mère n’avait pas le temps de m’amener aux matchs.

Sean marqua une pause en regardant droit devant lui, un sourire de fierté se dessinant sur son visage.

- Ma mère est infirmière dans un hôpital, elle travaille énormément, et elle ne choisit pas ses horaires. Du coup moi je devais garder ma petite sœur. Elle a trois ans de moins que moi…

Avec un regard attendri, il frotta inconsciemment son doigt sur son nez en repensant à ces soirées passées à tenter de faire manger sa capricieuse de petite sœur, et à jeter tous les restes pour éviter que sa mère s'inquiète. Ces souvenirs tendres étaient toujours mêlés à une pointe d’amertume liée à l’épuisement de sa mère, sa culpabilité et sa tristesse qu’il mettait sur le compte de l’abandon de son père. Quand il reprit la parole, sa voix avait un ton bien plus grave, presque éraillée.

- Je pense que les moldus sont plus responsables car ils doivent vivre pour toujours avec les conséquences de leurs actes, sans pouvoir espérer s'en sortir avec des tours de passe-passe. La moindre action dans le monde non-magique demande beaucoup de temps et d’effort… On est sans doute plus limités dans nos moyens et en même temps, je trouve que tout se vit plus intensément, comme le plaisir qu'on a à savourer un repas simple après une dure journée de travail...

Se rendant compte de la tournure plus sombre que prenait la conversation, Sean se reprit avec un rire. Il se passa la main dans les cheveux en reprenant son accent écossais pour s'exclamer:

- J’ai l’air d’un vieux ? J’ai l’air d’un vieux ! C’est ce que ma mère me dit tout le temps ! Dans ces cas-là il faut m’arrêter sinon tu risques de prendre 10 ans rien qu’en m’écoutant ! Sans se départir de son sourire, il ferma brièvement les yeux avant de se tourner vers sa partenaire de marche, la désignant d’un petit geste de la main en se baissant dans une posture théâtralement respectueuse.

- Et alors, à quoi occupe-t-on ses journées quand on vit dans un monde exclusivement magique ?