The One, the Best, the Futur (Sean)

Alors qu'il acceptait avec un sourire de l'accompagner, même si ce n'était que brièvement, elle commença à marcher à ses côtés, observant rapidement leur subtile différence de taille qui la fit sourire doucement. Elle fut ravie de comprendre ce que pouvait être le rugby et fut tout de même perplexe à l'idée de voir des joueurs courir et se faire mal. Après tout, les blessures étaient bien nombreuses au Quidditch et les coupes du monde de Quidditch en étaient la preuve vivante d'ailleurs. Charlotte, sa mère adoptive, était la première à grimacer lorsqu'on entendait dire qu'un cognard avait désarticulé un poursuiveur tandis que les sanctions ne pouvaient pleuvoir sur les joueurs dans de telle circonstance.

Il lui montra ainsi sa cicatrice au menton et Yeleen ouvrit doucement les yeux, les écarquillant presque. Les cicatrices restaient toujours peu visibles chez les sorciers, les médicomages étaient toujours à proximité pour effacer toute trace de ce genre, sauf s'il était absolument nécessaire d'avoir une cicatrisation naturelle ou que les soins avaient retardés suite à des blessures d'ordre magique. Son regard glissa quelque peu sur la peau immaculée de son cou avant de détourner son regard, consciente qu'elle n'avait pas pour habitude de fixer un homme de cette manière.

"Ça devait tellement lui faire peur de te voir rentrer ainsi" murmura-t-elle furtivement

Puis elle vit son visage se transformer quelque peu alors qu'il évoquait la présence d'une sœur à ses côtés avant. Elle se rendit compte qu'il avait certainement grandit au sein d'une famille qui devait être soudé et aimante quel que soit les épreuves, une mère avec un aspect plus qu'honorable.

"Ce n'est pas facile quand on a un métier où on prend soin des autres, on finit par ne plus compter son temps libre"

Yeleen baissa le menton, comme pour faire attention aux pavés sur lesquels ils marchaient. Elle se rapprocha presque un petit peu de Sean, sans trop le vouloir, au fur et à mesure qu'ils marchaient. Elle l'accompagnait d'ailleurs près d'un des escaliers qui descendaient un peu brutalement vers le lac dont les abords étaient remplis de galet. Elle avait découvert ce petit passage, peu emprunté contrairement aux autres, par le fait que les escaliers étaient remplis de mousse à certains endroits, rendant la descente un peu plus délicate.

Quand sa voix devint plus grave, Yeleen respecta son souvenir en gardant un silence éloquent tandis qu'ils continuaient de descendre les marches quelques peu glissantes avec la rosée du matin.

"Je dirais que c'est une autre forme d'énergie qui est sollicitée. Les moldus doivent effectuer plusieurs tâches avec la force de leur corps tandis que les sorciers ont tendance à utiliser la force de leur esprit mais les deux techniques demandent un savoir-faire pour être efficace..."

Si on inculquait aux sangs pur de prôner leurs origines sans se mêler à ce qu'ils avaient tendance à considérer comme "le commun des mortels", Yeleen préférait poser les deux peuples sur un même pied d'égalité. Après tout, les moldus et les sorciers pouvaient aisément pouvoir se compléter dans divers domaines mais c'était sans compter les principes trop traditionnels d'une partie de la communauté magique, encore trop ancrée dans le passé.

Elle haussa les sourcils avec un sourire avant de lui donner un léger coup de coude, presque automatique, avant de descendre la dernière marche qui les séparait du lac et de sa vue imprenable sur les montages écossaises qui bordaient Poudlard. Il lui semblait qu'il gardait un souvenir un peu amer de sa vie sans magie alors qu'il était un Clearwater. Si ça n'a pas été plus clair dans son esprit qu'il était un Clearwater qui avait grandi quasi entièrement chez les moldus, avec une vie si décalée par rapport à sa famille ancestrale qui ne manquait de rien, Yeleen se rendait compte que Sean était peut-être un peu brisé par celui dont il avait hérité le nom.

"Je me rappellerais de t'offrir une canne à ton anniversaire ... c'est quand du coup?"

Son regard exprimait certainement une forme de tendresse à son égard, sans once de pitié mais juste une compréhension de ce qu'il pouvait vivre sans être à sa place. Elle lui préférait l'innocence qu'elle voyait dans son regard quand elle le voyait en cours, même si cela ne faisait que cinq petite journée qu'elle l'apercevait.

Elle observa un moment l'horizon avant de répondre à sa question, souriant à la vue d'un geste si exagéré mais tant à l'image du monde où elle avait vécu. Pleins de non-dit derrière des visages froids, hautains. Des manières souvent superficielles à ses yeux, rien comparé à la vie qu'elle aimerait mené. Fronçant les sourcils, elle tenta d'en parler de façon relativement détaché, sachant qu'elle avait baigné dans un monde en se sentant bien marginale.

"On étudie, on doit s'appliquer à garder les épaules droites, apprendre à faire la conversation. On apprend l'art noble de savoir quelle type de boisson va avec quelle verre à table, à porter des talons hauts et savoir marcher avec même sur des pavés tremblants. On apprend à connaître chaque membre de chaque famille pour les saluer à chaque soirée, on tente d'éviter les frasques, les incidents parfois presque diplomatique pour ne pas faire plus de mauvaises presses..."

Elle dépeignait le monde magique tel qu'elle l'avait connu, emmurée dans une réalité absurde et de rejet. Elle savait que dans d'autres familles, le mode de vie était tout autre, sans de case "ennuyant" cocher dans leur tradition.

"J'ai appris à signer avec ma mère ... cela rendait la vie plus attrayante" ajouta-t-elle avec un sourire un peu plus chaleureux, joignant ses mains en même temps, lui montrant un aperçu de la langue des signes.

Si elle pensait ne pas pouvoir parler du milieu où elle avait grandi aussi facilement, elle fut surprise par ses propres mots. En apprenant à signer, Charlotte lui avait ouvert les portes de la douceur, notamment avec sa cousine Apolline avec qui elle s'était de plus en plus rapprochée avec le temps. Contrairement avec Lyssa avec qui elle s’était éloignée à son départ. Se rendant compte que c'était certainement à son tour d'être ennuyante alors elle se pencha pour prendre un galet et le lancer dans l'eau dans un plouf assourdissant. Au final, elle ne savait même pas faire de ricochet et se moqua d'elle-même d'un sourire pittoresque en se saisissant d'un autre caillou, le lançant en l'air d'un rythme régulier.

"Mais je pense que comme toi, je ne changerais peut-être pas ce par quoi je suis passée pour être ici, au bon moment et au bon endroit" glissa-t-elle en virant son regard sur lui, gardant un sourire chaleureux et peut-être un peu timide.

Yeleen le guidait à travers un passage glissant qu’il ne connaissait pas et qui menait apparemment au lac. La jeune fille s’était rapprochée de lui sur le sentier étroit et Sean ne put s’empêcher de se préparer à la rattraper au cas où elle glisserait sur le sol traitre alors qu’elle commentait ses blessures sportives, et le dévouement des personnels travaillant dans les métiers du soin. Sa camarade lui lança un petit regard taquin avant de reprendre la parole de sa voix calme et posée. Elle vint rétablir un équilibre un peu plus juste entre le monde sorcier et le monde moldu, arguant que les sorciers avaient également besoin de puiser dans leurs ressources propres, et travailler et renforcer leurs compétences pour mener à bien leurs projets. Tout ne leur tombait pas tout cuit dans la bouche…

Sean se rendait compte que malgré lui, il gardait encore un à priori négatif vis-à-vis du monde magique. Cette défiance datait de son enfance, quand il avait compris la différence de pouvoir entre son père et sa mère. Il avait de tout cœur souhaité ne pas être un sorcier car il ne souhaitait pas être rattaché au monde de celui qui avait tant fait souffrir sa famille. Les Clearwater l’avaient aidé à déconstruire ses préjugés sur les sorciers, mais une petite part de lui continuait à mépriser la magie qu’il reliait instinctivement à la fuite des responsabilités de son père.

Sa réaction avait au moins eu le mérite de faire sourire la Serdaigle qui le poussa, très légèrement, du coude. Sean surjoua le déséquilibre sur le sol humide des abords du lac, comme si la jeune fille avait usé d’un pouvoir surhumain. Son hypothétique vieillesse fut soulignée par la remarque de Yeleen sur son cadeau d’anniversaire. Le gryffondor lui lança un sourire charmeur, tentant de lui montrer le visage d’un jeune homme acceptant sans grand état d’âme tous les présents qu’on lui ferait, tandis que ses oreilles rougissaient traitreusement.

- C’est le 6 octobre… Et le tien ?

Les mots s’étaient coincés étrangement dans sa gorge… Lui demander cette information l’avait soudainement paniqué sans qu’il ne comprenne pourquoi. Le regard affectueux qu’elle lui avait lançé l’avait complétement déstabilisé et son corps ne semblait plus vouloir lui répondre.

Mais les yeux de la belle se voilèrent quand elle lui évoqua le monde froid dans lequel elle avait évolué. Tout semblait être ramené à une étiquette très stricte, et Sean ne put s’empêcher de la dévisager avec le cœur serré. Est-ce que Yeleen faisait partie d’une famille d’aristocrate ? A l’entendre, on aurait presque pu la croire rattachée à la famille royale… Une vision du minuscule l’appartement dans lequel il avait grandi, de la chambre partagée avec sa sœur, du carreau de la fenêtre un temps remplacé par un panneau de bois défila dans son esprit avant de disparaître aussi vite. Ils venaient de deux mondes bien différents, et cette idée le peina avec une intensité absurde.

Un éclair de gaieté transperça cependant dans la voix de Yeleen quand elle lui expliqua avoir appris la langue des signes avec sa mère en lui en montrant un aperçu. Sean l’observait silencieusement, tentant de retenir l’enchainement de ses gestes. Au fond de lui, il ne pouvait s’empêcher de remercier la destinée de lui avoir permis d’entrer dans cette incroyable université pour rencontrer des personnes comme Yeleen, même si tout semblait les séparer. La phrase que prononça à l’instant la jeune fille fit echos à ses propres idées d’une façon presque déconcertante, comme si elle avait le pouvoir de lire dans ses pensées. Tout en parlant, elle avait envoyé un caillou qui avait atterri dans l’eau de manière bien ridicule. Sean se retint de s’esclaffer et tourna le visage vers elle avec une expression choquée, un brin moqueur.

- C’était censé être un ricochet ça ? Non, ça ne va pas du tout, je ne peux pas laisser passer ça…

Avec un rire, Sean lâcha son sac sur le sol et se pencha en cherchant un instant pour ramasser deux galets d’une belle forme arrondie.

- Tout réside dans le choix du galet… Et puis… Tu devrais tourner un peu plus ton poignet…

Une lueur de malice brillait dans son regard alors qu’il citait ses propres conseils donnés un peu plus tôt dans la matinée. Il s'accroupit face au lac, et d’un geste sec, fit tournoyer le galet sur la surface du lac en le faisant rebondir plusieurs fois avant qu'il ne disparaisse dans les eaux sombres de l'étendue d'eau.

- Regarde, comme ça…

S’approchant de la jeune fille, il lui plaça le galet dans la paume de sa main, lui maintenant le poignet pour lui montrer la rotation à effectuer. Soudain très proche d’elle, il fut frappé par la douce chaleur qu’elle dégageait et qui l'enivra comme un parfum entêtant, lui donnant soudain très chaud. Mais il fut également très embarrassé par leur différence de taille qui devenait flagrante quand il se tenait juste à côté d’elle. Lui lâchant prestement le poignet, il s’éloigna d’elle en se raclant la gorge, passant de nouveau une main dans ses cheveux.

- Enfin, je crois que tu as compris…

Portant son regard sur le paysage tout simplement époustouflant que leur offrait l’horizon, il resongea aux paroles de la jeune fille. En lui lançant un regard en coin, il finit par ne plus y tenir et lui demanda.

- Excuse-moi, ça ne me regarde pas mais… Tu as appris à signer parce que ta mère est sourde ou muette ?

Dans moins d'un mois, Sean allait fêter son anniversaire et la perspective que seuls quelques petits jours le séparaient de sa propre naissance lui fit ressentir une émotion pour le moins étrange. Elle n'était même pas née en Angleterre, encore moins dans le même continent et pourtant, alors que tous les séparait, ils étaient là au bon moment, au bon endroit à tenter de jeter des galets dans un lac.
Elle ne releva qu'à moitié le fait de ne pas lui demander son anniversaire, peut-être n'avait-il pas envie de le savoir ou peut-être que ... qu'il n'avait juste pas envie de le savoir. Elle tenta d'en faire abstraction, se disant qu'il était même préférable qu'elle n'aborde pas le sujet, sachant qu'elle avait du mal à honorer sa date d'anniversaire sans penser à sa mère qui lui avait donné vie et qu'elle n'avait encore jamais remercié.

Mais lorsque Sean déplora son talent en lancée de galet, Yeleen commença à sourire avant de l'observer prendre des galets à terre.

"Tout un art, je vois" répliqua-t-elle, presque moqueuse en l'entendant lui indiquer un choix de pierre précise.

Elle haussa même un sourcil lorsqu'il lui ressorti le même conseil qu'elle mais elle ne put que se rendre à l'évidence alors que son galet rebondissait incroyablement vite sur la surface du lac. Et ce fut au moment où elle s'y attendait le moins qu'elle sentit la main de Sean prendre la sienne pour tourner son poignée. Les oreilles bourdonnantes, elle suivit son conseil au moment où il s'éloigna d'elle et lança le galet qui commença à faire quelques rebonds avant de s'enfoncer dans l'eau. Mais ce fut suffisant pour que la jeune femme puisse répondre à Sean qu'un seul sourire, sincère et délicat pour le remercier.

Aucun mot ne put franchir ses lèvres à cet instant, alors qu'elle sentait encore la main du jeune homme par-dessus la sienne, loin d'être habituée à ce genre de contact. Depuis petite, elle refusait le contact des personnes qu'elle ne connaissait pas, seule Charlotte et même Apolline venaient vers elle tandis qu'elle s'éloignait volontairement des autres. Il n’y avait qu’à voir Lyssa pour voir à quel point leur relation s’était dégradée avec le temps. Elle n'aimait pas qu'on la touche, elle savait de Charlotte que depuis petite, elle tentait d'hurler pour se soustraire des personnes qui tentaient, ne serait-ce, de lui prendre la main. Aucun garçon, aucun homme n'avait osé la frôler avec une pareille aisance, ce qui la surpris encore plus.

"Tu vois, tu me complètes !" s'exclama-t-elle avec un autre sourire en coin

Les moldus et les sorciers avaient le pouvoir de bâtir un monde meilleur avec des bases bien plus solides. Loin des chasses aux sorcières, loin du temps où Voldemort chassait les moldus. Elle admettait à voix haute qu'ils étaient bien différents, que ce soit dans leur origine, leur taille, leur couleur de peau mais qu'elle appréciait qu'il puisse lui apprendre des gestes que chacun pouvait penser comme normal. Le mélange de deux milieux semblait bien plus intéressant qu'elle ne le pensait.

Au moment où Sean lui demanda si c'était sa mère qui était muette, Yeleen eut un faux mouvement qui la poussa à faire tomber le galet sur les pieds. Confuse, elle fut presque heureuse de sentir le vent se lever et détacher quelques mèches de sa tresse qui la força à reprendre contenance avec quelques gestes, presque similaire au Gryffondor d'ailleurs. Elle aurait aimé lui dire qu'elle ne savait pas si sa mère était muette, si elle avait la même malformation inexplicable qu'elle, si ce trouble était héréditaire, si c'était juste un problème génétique ... elle n'en savait rien. Sean parlait pourtant probablement de sa mère adoptive, celle avec qui elle avait réussi à s'exprimer pour la première fois mais elle en fut troublée jusqu'au moment où elle reprit le galet qui était tombé, le triturant doucement entre ses doigts. Malgré sa potion, elle sentait sa gorge brulante, comme si les émotions prenaient d'un coup le dessus, grattant presque la pierre de ses ongles pour reprendre un sujet qu'elle ne voulait pas aborder, pas maintenant. Jamais, étant l'idéal.

"Non, c'est moi le soucis."

Elle détourna assez radicalement son attention de Sean, se rendant compte qu'il avait pris des pincettes pour lui poser une question personnelle et qu'elle lui avait répondu en tentant de mettre un maximum de distance entre la réponse et elle-même, se blessant toute seule. Elle lui montrait ce que tous les autres étudiants voyaient lorsqu'il la regardait, loin d'être abordable, loin d'être agréable.
Lançant de nouveau en tournant son poignée comme il lui avait si bien montré, Yeleen lança son galet encore plus fort, rebondissant deux fois plus que son premier essai. Le résultat fit naitre un léger sourire aux lèvres, sortant de son esprit une question si simple de la part de Sean. Elle aurait aimé lui dire qu'elle était désolée, qu'elle n'était juste pas prête mais à la vue de son regard si doux et pur qui s'imposait à elle, elle souffla presque péniblement.

"Je prends des potions pour ... ça mais elles sont loin d'être au point."

Elle baissa les yeux avant de saisir sa baguette entre ses doigts, de nouveau. Elle regardait l'outil de travail indispensable pour tout sorcier, qu'elle avait déjà tant de mal à manier. C'était uniquement pour pouvoir lancer des sortilèges correctement qu'elle prenait ses potions, elle ne les prenait pas pour le simple besoin de faire la conversation, puisqu'elle n'en avait pas l'utilité, du moins, c'était avant qu'elle soit à Poudlard. Un tout nouveau monde s'ouvrait à elle et sans ces potions, elle était certaine que la communication avec Sean aurait été encore plus différente. Elle était sure que rien ne l'aurait poussé à continuer à vouloir lui parler.
Sans le vouloir, elle gardait un souvenir amer de son enfance, malgré tout l'amour de Charlotte qui continuait d'agrémenter sa vie. Elle avait ce souvenir d'être regardé, photographié à en avoir mal aux yeux, d'avoir des personnes qui murmurent sur son passage. Si elle réussissait à faire front dessus, il était encore dur de parler d'un certain nombre de chose sans trembler, sans se retenir d'exposer tous ce qu'elle retenait depuis son enlèvement.

Elle leva les yeux vers Sean en tentant de lui adresser un petit sourire, assez léger pour prétendre à des excuses, pour continuer de revoir cette lueur si unique dans son regard. Tentant de déplacer le problème ailleurs, Yeleen secoua doucement son visage avant de se pincer les lèvres, se sentant un peu à côté de la plaque pour une question si simple. Il l'avait regardé attentivement lorsqu'elle avait utilisé le langage des signes, il était peut-être certainement juste intéressé par quelque chose qu'il ne connaissait pas, comme le monde des sorciers finalement.

"Tu voudrais que je t'apprenne à signer?" souffla-t-elle poliement

Sean regretta sa question à l’instant même où il la posait car il vit Yeleen lâcher son galet de surprise, en gardant les yeux baissés. Il semblait évident que le jeune homme l’avait mise mal à l’aise et qu’elle n’avait aucune envie de lui répondre. Malgré sa gène évidente, Sean ne parvenait pas à la lâcher du regard, suivant des yeux ses mèches de cheveux qui s’envolaient au vent, et les gestes inconscients de ses mains qui tentaient de les retenir. Son cœur qui battait si vite quelques instants auparavant sembla ralentir comme s'il voulait figer le temps. Il avait presque envie de la prendre dans ses bras, et de replacer lui-même cette mèche rebelle en lui demandant d’oublier sa question stupide. La chaleur qu’il avait précédemment ressenti en lui tenant la main revint l’habiter rendant cette image terriblement réelle.

Mais cette envie éphémère passa bien rapidement, et il eut de nouveau cette extraordinaire jeune fille devant les yeux, si mystérieuse, à la fois fragile et puissante, et dont il souhaitait tant en savoir plus. Yeleen finit par ramasser le galet et le tourna et retourna entre ses doigts, visiblement peu désireuse de poursuivre la conversation. Elle finit finalement par lui avouer, presque à contrecœur, que le problème la touchait personnellement.

Immédiatement après sa déclaration, elle sembla se refermer sur elle-même en se détournant et Sean eut soudain l’impression qu’un fossé infranchissable s’était formé entre eux deux. Il craignit un instant qu’elle ne choisisse de s’enfuir, le laissant seul avec ses regrets. Mais la jeune fille s’exerça de nouveau à son lancer de galet et petit à petit l’atmosphère se réchauffa. Après un ricochet particulièrement réussi, elle lui lança un faible sourire en poursuivant son explication sur ses traitements.

De nouveau, elle sombra dans un état proche du désespoir qui paniqua Sean. Elle prenait donc des potions… pour pouvoir s’exprimer ? Un milliard de questions se bousculaient dans l’esprit du jeune homme. Pourquoi la prise de ces potions lui renvoyait-elle un tel dégout ? Est-ce que c’était désagréable, ou douloureux ? Dans ce cas, pourquoi les prenait-elle ? Est-ce que ces potions créaient des complications ? Quelles répercussions cela avait-il sur sa façon de manier la magie ? Ses conseils sur le lancer de sortilèges lui revinrent en tête et notamment tous efforts qu’elle déclarait devoir faire pour être au niveau. Le cœur de Sean se serra en songeant à tout ce que cette petite phrase anodine pouvait cacher comme souffrances.

Malgré tout, Yeleen parvint à relever les yeux vers lui tout en lui souriant. Elle secoua la tête, avec toujours cette petite lueur de regret dans les yeux avant de lui proposer de lui apprendre la langue des signes.

- Oui, bien-sûr, s’exclama Sean avec enthousiasme avant même qu’elle ne termine sa phrase. Il avait tellement craint que la jeune fille s'assombrisse et ne veuille plus lui adresser la parole qu’il était soulagé qu’elle lui propose une manière de la connaître encore mieux. Avec un petit geste, il lui fit signe de patienter et en se concentrant, il tenta de reproduire les signes qu’elle lui avait montré un peu plus tôt.

- Est-ce que c’est correct ? Avec un petit rire, Sean suivit les nouveaux signes que lui montraient Yeleen, terriblement heureux de pouvoir partager ce moment privilégié avec elle. Après plusieurs signes de bases, il se mit à lui demander de nouveaux signes, et la manière de les associer. En quelques minutes, il pensait avoir acquis le vocabulaire suffisant pour lui poser sa question. Il lui fit alors un petit geste pour attirer son attention et signa maladroitement avant d'observer sa réaction avec des yeux brillants :

- Et toi… Quand… est… ton anniversaire ?

Surprise n'était qu'un faible mot lorsqu'il accepta qu'elle lui montre quelques signes, son sourire se faisant de plus en plus présent sur ses lèvres. Le regard encore un peu embué, elle ne put que baisser son visage quelques secondes en reprenant un certain aplomb, assez pour éloigner les sourds battements de son cœur. Elle en fut encore plus perturbée que lorsqu'il lui avait posé la question, comme si Sean avait le pouvoir de lui faire oublier n'importe quel tracas, les éloigner pour profiter d'un autre moment avec une facilité déconcertante.

Elle se mit ainsi à lui expliquer quelques signes basiques comme le bonjour, comment tu vas tout en lui donnant quelques moyens mnémotechniques afin de retenir quelques mots plus facilement. Avec des gestes volontairement lent et ample puisqu'il était nécessaire de comprendre et de voir la différence entre chaque ponctuation également, Yeleen fut ébahit de voir à quel point Sean pouvait si vite retenir ce qu'elle lui enseignait, aussi attentif qu'en cours même. Mais elle fut encore plus touchée de comprendre qu'il avait réellement envie de pouvoir communiquer avec elle, au-delà même des heures où elle pouvait s'exprimer à voix haute.
Les yeux pétillants, la jeune Serdaigle, l'observait de temps à autre avec un regard bienveillant tandis que son front se plissant sous l'effort qu'il fournissait devant elle.

Touchée n'était qu'un faible mot. Elle en fut radicalement confuse alors qu'il lui jetait de temps à autre des regards à lui faire perdre le fil du temps. Il était le premier garçon le plus expressif qu'elle n'ait jamais vu jusque-là et baissa le visage de temps à autre, sentant ses oreilles bourdonner à l'idée d'être prise pour une insensée. Mais elle ne pouvait qu'être frappée par son aisance à être aussi léger, à pouvoir passer à autre chose et positiver dans les moments les plus bas et surtout, à entrainer les autres à sa suite comme un phare.

Alors qu'il lui demandait quand était son anniversaire, Yeleen manqua un battement de cœur, un sourire perlant de nouveau sur ses lèvres. Spontanément, elle se rapprocha de Sean et bien qu'elle ne l’ait encore jamais guidée par ses propres mains, elle se saisit de ses poignées pour l'orienter dans la bonne direction, relevant ses doigts avec les siens d'un simple geste. Elle esquissa un sourire en coin avant de lui répondre à haute voix, tout en signant distinctement les chiffres.

"Le 31 Octobre mais je ne veux pas que tu m'offres ma propre canne à la fin du mois." prévient-elle en souriant

Elle s'attarda un moment vers Sean et au moment où elle voulut lui parler de nouveau, les yeux brillants avec une telle certitude, ils entendirent la cloche de Poudlard sonner les dix heures. L'entraînement des Gryffondors avait certainement commencé et elle se souvient qu'il avait parlé d'aller les épier avec son cousin. Se pinçant les lèvres, elle préféra ne pas le regarder davantage et firent marche arrière en silence alors que le bruit de l'eau du lac tintait encore dans ses oreilles. Accompagnant Sean jusqu'en haut des marches qui les ramenaient à la cour extérieur, elle prit quelques secondes alors qu'il était visiblement temps de lui dire au-revoir ou à bientôt. Ils allaient passer un weekend bien différent et espérait toujours pouvoir recroiser cette même intensité dans son regard les prochains jours.

Si l'avenir qui se dessinait devant Yeleen était remplie d'incertitude, dans toute la brume que lui imposait son passé et les extravagances de son père, elle ne se rendait pas encore compte que Sean pouvait devenir un pilier dont elle ne cesserait d'être fière.

En s'éloignant de lui, non sans lui avoir adressé un sourire en coin et un geste de la main, elle se retourna une dernière fois, prononçant un "Merci" entre ses lèvres tout en signant, comme l'heure précédente.

FIN