Hopeless Opus — ft. Maeve Cynfeirdd

Maeve & Siobhán
Never-Utopia

Hopeless Opus

24 janvier 2023.

Siobhán avait toujours tenu en horreur les mensonges et les secrets, peu importait leur origine. Mais quand ils provenaient d’un membre de sa famille, de quelqu’un qui lui était cher, la donne changeait. Parce qu’on lui avait toujours appris l’honnêteté, la droiture. Parce qu’on lui avait enseigné la loyauté, parce qu’on l’avait éduquée à la vérité pure. Et aussi parce qu’elle ne supportait pas l’idée qu’on pense pouvoir la berner.

Ces derniers temps, tout dans l’attitude de Maeve, inhabituellement taciturne, laissait présager qu’elle était en train de mentir effrontément, ou de garder un lourd secret. Ses choix, aussi, venaient renforcer ces impressions. Parmi eux, la reprise subite de son poste de psychomage au Ministère alors qu’elle avait dédié chaque jour de ces dernières années à trouver le moyen de sauver celui qu’elle aimait de la malédiction qui l’avait frappé.

Définitivement, quelque chose clochait.

Siobhán savait remarquer ce genre de détails mieux que personne, elle qui vivait les émotions des autres parfois plus intensément que celles qui lui étaient propres. Manque de chance pour sa tante, il était encore plus difficile pour elle de lui mentir ou de la laisser dans le secret. Maeve s’était toujours tenue au chevet de sa nièce. Au décès de leur mère, la vie avait donné à Siobhán et à Finn une seconde chance, celle de pouvoir grandir auprès d’une femme tendre, aimante, qui les chérissait comme s’ils étaient ses propres enfants. Et c’est ainsi que les liens du cœur avaient détrônés ceux du sang. Jamais elle ne combla totalement le vide qui pesait leur âme, mais elle veillait jour après jour à leur bonheur, et c’était simplement suffisant. Alors, pendant 21 ans, les deux femmes avaient appris l’une de l’autre au point de se connaître aussi bien qu’une mère pouvait connaître sa fille, aussi bien qu’une fille pouvait connaître sa mère.

Pour mettre un terme au doute, et parce que poser des questions furtives à Maeve à propos de ce qu’elle cachait n’avait rien donné, sa Serpentard de nièce avait décidé de trouver les réponses, seule, comme elle en avait l’habitude ces temps-ci. Cette fois en revanche, cela impliquait, non pas d’aller fouiller dans les affaires et le passé de parfaits inconnus, mais de plonger la tête la première dans les mystères de la principale intéressée.

Le plan de Siobhán était bien rodé. Il l’était toujours, lorsqu’il s’agissait d’arriver à ses fins.

Elle savait que Maeve gardait constamment son bureau ouvert lors de ses permanences à Poudlard. Seuls ceux qui ne remplissaient pas les conditions de la limite d’âge inversée resteraient toujours bloqués à l’extérieur. Du haut de ses 21 ans, la rouquine avait donc attaqué un lundi après-midi, à l’heure où elle savait sa tante occupée aux côtés de la directrice de l’université. Elle s’était glissée silencieusement dans le couloir du 5ème étage jusqu’à la fameuse pièce, s’assurant au préalable que personne ne l’avait suivie ou aperçue. La porte s’était fermée derrière elle dans un petit claquement sonore, après qu’elle se fut faufilée à l’intérieur. Le parfum de Maeve lui monta immédiatement aux narines. Avec lui, flottait une douce odeur regret, celui de s’immiscer insidieusement dans cet espace qui n’était pas le sien.

Le bureau en ligne de mire, Siobhán passa rapidement à autre chose, et prit la liberté de s’asseoir sur la chaise de la maîtresse des lieux. Chaque élément était soigneusement posé à sa place. Cette idée fit naître un petit sourire sur le visage de la vélane, parce qu’il était évident qu’elle avait hérité de ce profond sens du détail.

Justement parce que Maeve ne laissait rien au hasard, la vert et argent nourrissait l’intime conviction que les parchemins qui trônaient au centre du meuble ne pouvaient contenir les informations qu’elle recherchait. Par acquis de conscience plus que par certitude, elle souleva malgré tout quelques feuilles pour en observer le contenu et tenta un Aparecium peu persuadé, qui n’eut bien entendu aucun effet. La vérité était ailleurs. Un deuxième coup de baguette adroit suffit à ouvrir les tiroirs du bureau où dormaient des babioles et d’épais dossiers que Siobhán tenta d’éplucher, mais dont le contenu ne se révélait pas à elle. Par soucis de confidentialité, pensa-t-elle. Et, dans l’un de ces tiroirs, un parchemin vierge. Un seul, isolé. Son empressement de découvrir quelconque indice la priva de cette information précieuse. Elle avait préféré se lever pour inspecter les environs, intriguée par une magnifique lyre dorée qui trônait fièrement sur une étagère. Ses doigts fins caressèrent mécaniquement les cordes et leur douce vibration fit résonner en elle des souvenirs lointains. Ses nuits d’enfant avaient été plus d’une fois bercées par cette douce mélodie lorsque le noir devenait trop pesant. Maeve lui répétait que chaque note de musique avait sa part de magie et que la pureté de ces sons suffisait à éloigner les créatures les plus sombres.

Un sourire large et sincère se dessina brièvement sur le visage de la jeune femme, avant de s’effacer subitement lorsqu’elle aperçut un tas de parchemins vierges vaciller à quelques centimètres de l’instrument de musique. Ils ressemblaient à s’y méprendre à celui que Siobhán avait aperçu quelques instants plus tôt dans le tiroir du bureau. Le rythme de son cœur s’accéléra alors que son cerveau bouillonnait. Pourquoi Maeve avait-elle aussi bien rangé ce morceau de papier, en dehors de tout dossier ? Elle devait avoir une bonne raison de vouloir le garder près d’elle, à l’abri dans un tiroir. Un simple Aparecium n’avait juste pas suffit à la révéler.

Le regard de l’Irlandaise scrutait le mur, à la recherche du moindre indice avant de s’arrêter sur la lyre. Une lumière alluma ses yeux verts.

Maeve croyait en la magie de la musique, et il n’était pas impensable qu’elle en ait fait la clé de voute de ses secrets. C’est en tout cas ce Siobhán s’était imaginé avant de se mettre à jouer machinalement quelques accords, que son cerveau n’avait visiblement jamais oubliés.

Sur le bureau, le parchemin restait inanimé, laissant planer dans l’air un arrière-goût de frustration. Plusieurs soupirs plus tard, la jeune femme décida de continuer de jouer à l’instinct, par plaisir de laisser ses mains voyager entre les cordes, jouer cette mélodie qu’elle connaissait encore par cœur malgré le temps qui s’était écoulé.

Siobhán avait les yeux fermés malgré l’urgence de la situation et ne se rendit même pas compte de ce qui se passait devant elle, alors que le contenu du parchemin révélait ce qui s’apparentait à un emploi du temps. Celui d’un homme dont l’identité lui serait familière. Seule la fin du morceau la tira de ce moment de ce moment de grâce pour la ramener à la réalité. À l’instant où elle attrapa le parchemin pour le consulter, elle comprit enfin ce que Maeve manigançait.

Siobhán n’aurait jamais pu oublier le nom de celui qui était à la fois à l’origine de la malédiction de son oncle, du désespoir de sa tante et de la tristesse infinie de son père.

Alors qu’elle entendait des pas rapides s’approcher dans le couloir, elle fit disparaître d’un coup de baguette toute preuve de son passage. Le parchemin et la lyre reprirent silencieusement leur place et leur apparence pendant que Siobhán restait sagement assise au bureau de Maeve.

Elle reconnaissait sans mal la cadence de la démarche de sa tante qui s’apprêtait à rejoindre son bureau.

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ANAPHORE

Hopeless Opus
23 janvier 2023

Cela faisait partie de ses obligations de psychomage assermentée. Faire son rapport au Ministère régulièrement sur les élèves suivis à sa demande, dont faisait partie @Mayline Smith et quelques autres. Elle avait en revanche l'habitude de tenir informée la Directrice Mahyar de ce qu'elle jugeait intéressant de lui faire savoir. Rien de plus. Quoiqu'il en soit, les deux femmes avaient pris le pli de ce rendez-vous régulier et c'était pour le mieux. Cela faisait partie des rares lundis où le bureau de la psychomage n'était pas ouvert en continu de minuit à minuit. Mais généralement, à cette heure-là, il n'y avait guère foule sur le divan moelleux.

Le froissement de plumes d'Haxxan, la chouette, la précéda dans le couloir avant de bifurquer par l'une des fenêtres à arceaux vers le parc. Maeve Cynfeirdd, égale à elle-même, se dirigeait avec assurance vers son bureau. Derrière elle, le froissement de sa longue robe de sorcière rouge profond - une couleur qu'elle affectionnait particulièrement - ajoutait à la fière silhouette quelque chose de presque régal. Quelle ne fut pas sa surprise de trouver une version d'elle-même plus jeune et plus irlandaise, installée à son bureau, avec son meilleur air de rien affiché au culot.

« Siobhán, quelle bonne surprise. Tu te questionnes sur ta vocation ? » taquina la galloise avec dans la voix un petit je-ne-sais-quoi inquisiteur.

Pour non seulement avoir veillé à ses premiers pas, pansé ses premiers bobos mais également avoir fréquenté la même maison, Maeve savait que sa filleule n'était pas venue l'attendre ici sans une arrière pensée. Elle ne manifestait pour autant aucune inquiétude. Ici, ses secrets étaient bien gardés et ceux de ses patients mieux encore. Quant à Siobhán, elle ne s'y tromperait pas. La tournure de la question n'était pas anodine. Il fallait lire entre les lignes, une façon encore courtoise de lui demander si la pêche avait été bonne. Habilement, elle avait choisi de s'installer à son bureau, ouvertement là où elle n'aurait pas dû se trouver plutôt qu'être prise complètement la main dans le sac. C'était suffisamment fin pour plaire à Maeve, pas pour la rouler complètement dans la farine.

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Aucun instant depuis son entrée dans le bureau de Maeve n'avait été consacré à la recherche d'une quelconque excuse justifiant de sa présence dans un lieu où elle n'avait, en toute objectivité, aucune raison de se trouver.

Pas une seule seconde Siobhán n'avait envisagé un retour anticipé de sa tante dans ses quartiers.

Pas un seul moment, même pendant la préparation de son plan, elle n'avait imaginé un prétexte à lui servir sur un plateau d'argent.

Même au cas-où.

Et alors que Maeve la toisait du regard, la questionnant à la fois avec sa voix douce et avec ses yeux profonds, elle ignorait sans doute que le cerveau de sa nièce était en ébullition, à la recherche d'une preuve certifiant qu'elle avait toutes les bonnes raisons du monde d'être là alors même que ce n'était pas le cas. Et tout ceci, sans laisser ni le doute déformer son visage, ni son désarroi faire trembler sa voix, malgré les dangereuses informations qu'elle venait d'obtenir, sans quoi Maeve comprendrait immédiatement que quelque chose clochait.

Au lieu de ça, la Korrigan continuait de faire comme si de rien était, se dirigeant vers la psychomage pour l'embrasser affectueusement. La tendresse qu'elle éprouvait pour cette mère qui ne l'avait pas vue naître était réelle. Sincère. Ces marques d'amour qu'elles s'offraient étaient ce qui se rapprochaient le plus de la normalité, et il était hors de question de s'en éloigner.

« Je t'attendais », avait simplement lâché Siobhán comme si ça n'était pas déjà une évidence.

Ce n'était pas tout à fait exact — en fait, il aurait été plus simple qu'elles ne se croisent jamais — mais c'était une manière comme une autre de lui faire comprendre qu'elle avait une bonne raison d'être ici, même si Maeve l'avait probablement déjà compris.

Siobhán savait qu'elle marchait sur un fil, particulièrement fin et fragile. C'était d'autant plus vrai que la femme qui lui faisait face l'avait élevée et lui avait tout appris.

L'une comme l'autre pouvaient difficilement se duper.

Ses pensées s'entrechoquaient dans sa tête alors que la Serpentard essayait toujours de trouver ce qu'elle allait bien pouvoir raconter à cette femme qui savait tout d'elle — et qui lui mentait pourtant tout autant. À sa manière.

Consciente qu'elle allait devoir jouer de ruse et de subterfuges pour détourner son attention, une idée trouva soudainement sa place parmi toutes les autres. Comment avait-elle pu ne pas y penser plus tôt ?

« Je me demandais si j'étais passée à côté d'indices évidents à propos d'un certain... Jameson — c'est bien ça ? Et que je n'avais simplement pas su les voir... Ou si tu avais effectivement tellement bien caché ton jeu qu'il a fallu que Blo hurle cette information dans mes oreilles au détour d'un couloir pour que je sois au courant de l'existence de cet homme dans ta vie. »

Ce n'était même pas du bluff. Et ce n'était pas non plus vraiment un mensonge. @Blodeuyn Cynfeirdd, que Siobhán considérait comme sa petite sœur, avait visiblement du mal à digérer que Maeve puisse entretenir de nouvelles relations en dehors de son mariage avec celui qu'elle appelait encore son oncle, malgré la malédiction qui l'avait touché.

Au départ, il n'était pas question pour sa nièce de mentionner de telles questions alors qu'elles étaient d'ordre privé.

Mais, elle n'allait pas faire la fine bouche alors qu'elle avait probablement trouvé sa porte de sortie.

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ANAPHORE

Les prunelles bleues glacées s'attardèrent longuement sur la petite étudiante, cherchant la faille à cette présentation si impeccable. Une réponse si simple lui tira malgré elle un sourire intérieur. Siobhán n'était pas à proprement parler sa fille, mais elle faisait partie de ces adorables têtes blondes ou rousses qui s'étaient si souvent lovées contre son giron qu'elle en venait parfois à ne plus faire la différence. A eux deux, @Luke Korrigan et Eochaid avaient élevé une sacrée petite tribu. Des enfants qui avaient grandi ensemble, si proches, que leurs liens étaient plus ceux de frère et soeurs que de cousins. La galloise posa les poings sur ses hanches, ne tranchant pas encore en faveur de la ruse ou de l'honnêteté. Siobhán avait toujours ce petit minois innocent ... il était si tentant de se laisser prendre.

Sans doute consciente qu'il en faudrait un peu plus pour convaincre sa marraine, l'étudiante prit sur elle d'étoffer un peu, ce qui acheva de détourner l'attention de Maeve une bonne fois pour toute. Il fallait dire que la mention de @Jameson Clearwater avait largement de quoi monopoliser ses réflexions. Sans doute trop habituée à entendre les remontrances de ses filles et de son beau-frère, Maeve croisa à nouveau les bras sur sa poitrine, fronçant légèrement les sourcils. Il y avait un petit mois qu'elle s'était remis à fréquenter le Directeur de Gryffondor, cette fois sans clause de non engagement et, le moins qu'elle aurait pu dire, c'était que cette relation lui faisait un bien fou. Avoir à ses côtés quelqu'un qui pouvait se targuer de comprendre réellement ses préoccupations de cheffe de famille mais aussi lui permettre de laisser tout cela de côté le temps d'un petit moment de jeu, ça n'avait pas de prix. Elle n'avait pas franchement cherché tout cela, au contraire assez frileuse à l'idée qu'un autre homme puisse prendre autant de place qu'Eochaid avait pu en prendre. Mais à quarante quatre ans, elle s'était montré suffisamment mature pour accepter les choses comme elles se présentaient. Les deux tourtereaux avaient beau ne pas s'afficher, ils ne faisaient rien non plus pour être vraiment discrets, leur complicité imbibant l'air ambiant chaque fois qu'ils se retrouvaient dans la même pièce.

« Eh bien on ne peut pas dire que je me sois tellement cachée. », répondit la blonde, un brin amusée en y repensant, « Est-ce que je dois m'attendre à une autre leçon de morale ? Si c'est le cas sache qu'elle me passera très probablement dessus autant que celles de tes cousines et de ton père... », accorda Maeve d'un ton doux et presque frondeur, bien loin de la levée de bouclier à laquelle avait eu droit Blodeuyn chaque fois qu'elle s'était permis un coup d'éclat à ce sujet.

C'était pourtant simple, Maeve n'entendait pas qu'on lui dise ce qu'elle avait à faire mais, curieusement, elle pressentait qu'avec Siobhán ce serait différent. Elle n'avait déjà pas cet air de j'accuse que les autres semblaient brandir chaque fois qu'il était question du fameux "Jameson".

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Il y avait une tension dans l'air qui avait subsisté jusqu'à ce que la voix de Maeve résonne dans son propre bureau. Le silence de sa marraine avait plongé Siobhán dans un état de détresse interne qu'il lui fallait à tout prix réussir à masquer, sans quoi ses dernières tentatives de se maintenir à flot allaient échouer. La Korrigan savait que Maeve savait. Et forcément, cela rendait toute tentative de mensonge beaucoup plus compliquée.

Mais à en croire la réponse qui avait brisé leur mutisme, c'était le bon sujet de conversation qui avait été propulsé sur le devant de la scène. Le bon prénom qui avait été mentionné. Celui qui l'avait immédiatement animée et qui avait suffit à faire naître dans ses yeux une étincelle. Rien que pour ça, Siobhán comprit immédiatement qu'elle serait en désaccord avec @Blodeuyn Cynfeirdd et @Luke Korrigan — même si, dans le cas de ce dernier, il s'agissait d'une attitude qui devenait presque habituelle, ces derniers temps. Et elle ne se gêna pas pour annoncer la couleur de ce dissentiment.

« Une chance alors que je ne sois jamais d'accord avec eux. Qui je suis pour te faire une leçon de morale ? Personne n'est mieux placé que toi pour écouter ton cœur et décider s'il faut le suivre ou non. Moi, je n'entends pas ce qu'il te conseille alors je n'ai rien à dire. »

Une pause suivie d'un petit rire sincère.

« ... Et heureusement que je n'entends pas ce qu'il te dit, d'ailleurs. »

Siobhán prit un instant pour observer Maeve. Cette femme qui lui avait tout donné, sans jamais rien demander en retour, si ce n'était un peu d'amour. Cette femme qui ne lui devait rien, et qui avait littéralement changé sa vie, si rapidement après sa brusque arrivée dans le monde. La meilleure façon de la remercier était probablement de lui accorder un soutien inconditionnel dans les choix qu'elle opérait, y compris s'ils déplaisaient au monde entier. Surtout s'ils déplaisaient au monde entier. Sa réaction était la preuve que personne n'encourageait ses sentiments. Pourtant, ils étaient la démonstration d'une réelle force de caractère qui lui était propre et que Siobhán, au fond d'elle, avait toujours secrètement admiré. Maeve était le reflet de la femme qu'elle aspirait à devenir.

Et c'était parce qu'elle lui portait un amour absolu que Siobhán se devait de la protéger des seules mauvaises décisions qu'elle s'apprêtait à prendre. Et contrairement à ce que laissait supposer Maeve, elles ne concernaient en rien @Jameson Clearwater. Non. Sa détermination innée nourrissait de plus sombres projets, bien plus dangereux que de tomber amoureuse d'un autre homme que son mari. Les preuves de son obscur projet restaient marquées dans un coin de la tête de sa nièce, dotée d'une excellente mémoire photographique.

« Est-ce que tu l'aimes ? »

Cette question était tout sauf anodine, derrière ses sonorités naïves. Siobhán avait réellement besoin de savoir à quel point elle pouvait faire confiance à Jameson pour la suite.

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ANAPHORE

Le doute levé, imperceptiblement, Maeve se détendit. Si elle avait cette facilité déconcertante à étouffer dans l'oeuf toute velléité de lui adresser la moindre réclamation, il fallait bien avouer que devoir sans cesse réimposer ses limites avait quelque chose d'épuisant. Bien sûr, c'était un ressenti qui passait totalement inaperçu quand elle coiffait ce masque d'intransigeance qu'on lui connaissait bien. Cela suffisait généralement à décourager quiconque de gratter un peu le vernis pour s'apercevoir qu'il y avait tout de même des sentiments là derrière. Ou peut-être était-ce que le sujet d'Eochaid était une écorchure à vif sur chacun d'entre eux. On ne pouvait y mettre le doigt sans lever des hurlements de protestation et de douleur mêlés.

Elle répondit en écho au petit rire de sa nièce.

« C'est une excellente chose en effet. »

Maeve n'était pas particulièrement connue pour sa retenue, en revanche sa fougue tant à la chasse que dans le quotidien ne laissait que peu de doute : mieux valait ne pas savoir ce qu'elle avait dans la tête ou même dans le coeur s'il devait se trouver un homme pour agrémenter ses nuits. D'ailleurs, en dehors de @Blodeuyn Cynfeirdd , personne n'avait vraiment osé la confronter à ce sujet. Du moins, pas directement.

A nouveau ses yeux bleus perçants détaillèrent sa nièce mais cette fois c'était avec une forme de complicité. Le sujet de sa présence dans le bureau s'était escamoté au second plan sans que Maeve ne s'en aperçoive vraiment. Il reviendrait sans doute une fois qu'elle serait seule dans la pièce, à chercher des indices inexistants d'objets déplacés et autres marques d'indélicatesse.

Siobhán l'observait à son tour, les rouages discrets de ses réflexions échappant parfaitement à la galloise. Jaugeait-elle simplement ses réactions pour se faire une idée de qui était vraiment Jameson ? C'était fort probable, d'ailleurs sa question suivante, à peine cavalière, ne fit rien pour contredire cette théorie. Maeve se donna tout de même le temps de la réfléxion et, chose inhabituelle, son regard se déroba un instant, comme si elle pesait le pour et le contre ou bien, comme si elle savourait intérieurement la réponse à cette question. Un petit pli doux qui ne disait pas son nom passa sur ses lèvres.

« Je pense qu'il y a de ça oui. », finit-elle par répondre, assez modestement. Elle avait assez peu d'occasions de parler de ses sentiments quand on y réfléchissait. L'exercice était loin d'être désagréable pour autant, « Il y avait longtemps que je n'avais pas éprouvé un tel degré de complicité avec quelqu'un... c'est... », son regard s'habilla de cette petite lueur espiègle que Jameson avait le don d'allumer sans le moindre effort, « Presque libérateur à vrai dire. »

Finalement son regard se posa sur celui de Siobhán, franc et confiant comme d'ordinaire.

« C'est le genre de rencontre que je vous souhaite, au moins une fois dans vos vies. Je vois déjà ton père s'arracher les cheveux s'il pouvait avoir une oreille à rallonge dans ce bureau. »

Cette fois c'est un rire franchement amusé qui passa ses lèvres. Elle ne pouvait s'empêcher d'avoir une petite pensée pour @Luke Korrigan .

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Les yeux de Maeve s'allumèrent à nouveau. Les lueurs sagement contenues dans ses pupilles brillaient encore plus intensément que lorsque le prénom de @Jameson Clearwater s'était échappé entre les lèvres fines de la Serpentard, un peu plus tôt. Plus elle en parlait, plus le visage de sa tante s'éclairait. Mieux encore ; il se libérait. Il y avait une connexion entre elle et cet homme qui était loin d'être anodine, et qui sonnait comme une évidence.

Voir Maeve s'illuminer ainsi et étinceler de bonheur à la simple mention de ce lien qui les unissait suffisait à satisfaire Siobhán. Cette dernière avait beau ne rien connaître à l'amour, elle ne pouvait que souhaiter à ses proches de vivre ce sentiment avec toute la sincérité qu'il induisait. Même si elle restait persuadée qu'aimer était synonyme de souffrance, elle n'allait pas empêcher à qui que ce soit de se laisser plonger avec dévouement dans cet état de grâce.

« Est-ce qu'il te rend heureuse ? »

La question était différente. Car on pouvait aimer quelqu'un et vivre éternellement malheureux, comme Maeve l'avait expérimenté lorsque Eochaid avait été frappé. Et si son amour pour Jameson était une fenêtre ouverte sur un état de volupté et de quiétude, alors il n'y avait rien d'autre qui comptait. Parce que Siobhán avait assez confiance en Maeve pour se fier à ses choix. Si elle avait désigné Jameson pour l'accompagner dans ces jours qui restaient à s'écouler, alors il n'y avait rien d'autre à faire que de la pousser dans ses bras. Et d'aller informer dès que possible cet homme sélectionné sur le volet des plans à venir de celle qu'il aimait.

« Il y a quelque chose qui m'échappe, quand je t'entends parler. Pourquoi Jameson est-il aussi impopulaire aux yeux de Blo et de papa, hm ? Ils ne lui font pas confiance ? »

Au fond d'elle, Siobhán savait bien ce qui les gênait. À leurs yeux, le fait que Maeve choisisse Jameson signifiait qu'elle tirait un trait sur Eochaid. Qu'il ne reviendrait plus. Qu'elle n'y croyait plus assez pour continuer à se battre. Qu'ils devaient y croire pour elle, eux qui avaient déjà du mal à y croire tout court. Cette liaison était le reflet d'un abandon. Or, tout portait à croire le contraire. Maeve n'abandonnait personne, jamais. La Korrigan qui lui faisait face en était la preuve vivante, elle qui était avait été destinée si tôt à grandir dans ce monde terrible sans l'amour d'une mère pour la guider. Et aujourd'hui, la petite fille devenue adulte n'avait manqué de rien, ou presque.

Mais s'il y avait le moindre doute sur sa personne, Siobhán devait le savoir avant de se ruer dans son bureau pour lui expliquer ce qu'elle avait découvert.

« Il peut être tranquille à ce sujet. C'est bien la seule chose à laquelle je ne me risquerai pas, même pour l'embêter tu sais. C'est un jeu trop dangereux, je le laisse aux autres. »

Avec Maeve, ces conversations étaient simples, naturelles. Mais Siobhán n'avait jamais fait part aussi nettement de ce refus d'aimer et d'obtempérer. À personne.

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ANAPHORE

Curieusement, une réponse aussi transparente n'empêcha pas l'arrivée d'une autre question. Maeve tiqua sans rien perdre de sa bonne humeur. Fallait-il y voir une manière de s'assurer qu'elle, la matriarche, avait sa part de bonheur ? Quoiqu'il en soit il y avait quelque chose de touchant dans ce petit interrogatoire.

« Qu'est-ce que c'est ? Un examen de passage en règle ? », renvoya-t-elle taquine, « Tu sais, je t'ai toujours dit de ne jamais compter sur les autres pour faire ton bonheur. », sois l'artisan de tes propres réussites, c'était ainsi qu'elle le leur formulait depuis tout petit et avec insistance, « A mon sens c'est la base d'une relation saine. »

Est-ce que Jameson la rendait heureuse ? Certainement oui, mais elle comptait bien ne pas être en reste pour ce qui était de construire ces petits bonheurs insignifiants qui maintenaient le tout ensemble. Comptait sur l'autre pour toucher à cela c'était inviter une forme de déséquilibre, de le relation de dépendance, dont elle n'avait jamais voulu. Eochaid avait eu un temps se tord de la porter aux nues. Elle soupçonnait, malgré tous les efforts qu'il faisait pour s'en départir, qu'une part de lui avait continuer à porter ce regard sur elle jusqu'à la fin. Ca n'avait rien de répréhensible ou de vraiment désagréable. C'était la petite part de folie dans le fond de son regard, celle qui lui chavirait le coeur et la rendait incapable de dire non à cet homme-là. Celle qui subsistait dans la retenue de l'ours. Jamais, il ne s'était montré véritablement agressif avec elle. Il tenait ses distances, refusant de se laisser approcher à moins de trois mètres, quand il ruait toute griffe dehors vers d'autres visages qui auraient dû lui paraître tout aussi familiers.

Avec Jameson, les choses étaient différentes. Plus équilibrées. Sans doute, le nombre des années y était pour quelque chose. Pas de jeu de dupes ni de piédestal. Juste l'intense plaisir d'être ensemble. Cette drôle d'idée de pouvoir s'appuyer l'un sur l'autre. Ça n'était pas si simple à expliquer.

« Il est impopulaire parce qu'ils craignent qu'il ne prenne la place d'Eochaid. Tu sais, l'amour, en théorie, est une très belle chose mais je mettrais au défi quiconque de vivre dans l'idée de l'amour des années durant tout en devant accepter l'idée de devoir se quitter pour de bon. Il n'y a que dans les livres que ce genre de choses existent. », il était suffisamment rare d'entendre Maeve se confier sur ce qu'elle ressentait vis-à-vis du couple qu'elle formait avec Eochaid. Elle avait toujours prêté l'oreille aux pleurs et au reproches des autres sans entrer dans le jeu de se justifier ou d'y opposer sa propre souffrance. C'était une femme digne et solide. Pas le genre à chercher la sympathie ou l'approbation de quiconque. « Si @Blodeuyn Cynfeirdd , @Luke Korrigan et Freya, voient cette relation d'un mauvais oeil, ce n'est pas tellement du fait de Jameson. C'est surtout parce qu'ils y voient un aveu de renoncement de ma part. C'est bien mal me connaître pourtant... »

Mais elle ne pouvait s'empêcher de le leur pardonner, sachant que c'était avant tout l'amour qu'ils portaient à un père, un frère, qui parlait à travers leurs reproches. Elle ne pouvait pas leur demander de se mettre à sa place à elle. Luke, parfois, pensait s'y essayer mais cela tournait généralement au vinaigre entre eux. Comme cette fois toute récente où il avait jugé bon de ne pas l'informer de ses visites à Eochaid et quand, revenant à demi écorché, il avait fini par admettre préférer le voir mort que dans cet état. Comment auraient-ils pu se comprendre ?

Sans vraiment avoir tendu la perche à dessin, Maeve se surprit à recueillir cette drôle de confession de la part de Siobhán. Une autre qu'elle aurait sans doute paniqué de l'entendre tenir des propos si radicaux. L'amour, un jeu dangereux. Cela fit sourire la galloise.

« Oh tu sais, c'est le genre de chose qui ne tient généralement pas compte de ce qu'on a décidé ou prévu. » Le genre de choses à vous tomber dessus sans crier gare, au détour d'un jeu innocent, d'une rivalité de fantoche ou même sans raison particulière. Elle était bien placée pour le savoir à quarante quatre ans. L'amour n'était jamais un choix. « Luke est un père, et comme tous les pères, il ne sera jamais tranquille là ce sujet parce qu'il le sait. »

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Pour tout comprendre et nourrir l’insatiété maladive de la curiosité, il fallait poser des questions. Pour obtenir les informations attendues, il fallait que quelqu’un soit prêt à servir les réponses sur un plateau d’argent, sans quoi il était alors vain de s’interroger.

Heureusement, Maeve se laissait sans peine séduire par le jeu de ce petit interrogatoire surprise, semblant avoir oublié qu'elle avait trouvé Siobhán dans son bureau alors qu’elle n’avait strictement rien à y faire. Heureusement, le sujet de conversation était au cœur de l’actualité brûlante du moment dans son cœur, celui que l'on lisait partout dans les gros titres de ses pensées. Heureusement pour sa filleule, elle avait besoin d’en parler à quelqu’un qui comprenait, plutôt qu’à ceux qui cherchaient à pointer son bonheur du doigt.

« Tu préfèrerais que j’aille interroger Blo ou mon père à ce sujet ? », demanda-t-elle en riant doucement.

Cette question là n’attendait pas réellement de réponse. Au vu de la façon dont Blodeuyn avait parlé de Jameson la première fois, il y avait fort à parier qu’elle se tuerait à énumérer la liste des raisons pour lesquelles Maeve se trompait de route. Pour ce qui était de son père… il était tout bonnement hors de question de lui poser à nouveau des questions avant un bon bout de temps.

« De toute façon j’ai ma réponse », ajouta-t-elle avec un petit sourire en coin sur le visage. « Il suffit de regarder tes yeux quand tu parles de lui. Ils brillent. Et ton visage. Il est apaisé. Ça donnerait presque envie… »

Elle laissa cette dernière phrase en suspens, le temps d’une pause, pour en revenir aux raisons qui la poussaient a agir ainsi.

« J’ai besoin de savoir que tu as le meilleur à tes côtés, c’est tout. Comme Finn et moi avons eu la chance de t’avoir toi quand on est nés. C’est aussi simple que ça. »

Il fallait admettre que Maeve avait toujours privilégié le bonheur des autres avant le sien, et que Siobhán ressentait aujourd’hui ce besoin criant de la savoir heureuse. Peut-être était-ce pour éviter de se sentir redevable et coupable, à chaque instant. Avec Eochaid, la jeune Serpentard s’était sentie impuissante. À la fois envers ce qui lui arrivait, mais aussi envers la détresse que Maeve avait du ressentir toutes ces années, bien qu'ayant toujours pris soin de l'enfouir devant les siens. Bien sûr, il n’y avait rien que l'Irlandaise aurait pu faire de plus que son père ou que Maeve, tous deux sorciers accomplis et talentueux. Mais l’injustice quant aux affres de la vie qui avaient décidé de frapper sa tante et presque mère l’avait saisie, elle qui avait toujours été là pour veiller à ce qu'il n'arrive rien aux jumeaux. Elle qui avait toujours été là pour les protéger. Y compris des créatures de la nuit.

« Ce n’est pas parce que tu en aimes un autre que tu oublies ceux qui étaient déjà là avant. Ton cœur est grand, Maeve, il a de la place pour tout le monde. Tu nous l’as montré si souvent. L’amour ne se divise pas, il se multiplie. Blo et mon père le savent, au fond. Que personne ne prend jamais la place de personne. Et que même ceux qui finissent par quitter nos vies ont toujours une place, là, bien au chaud. »

Par réflexe, Siobhán avait posé une main à l’emplacement supposé de son propre cœur. Une craquelure légère résonna dans ses entrailles lorsqu’elle pensa à sa mère. Encore. Parce qu’elle avait beau ne jamais l’avoir connue, parfois, la douleur de son absence était telle qu’il semblait qu’elle prenait tout l’espace vacant. Elle n’osait imaginer ce que Maeve devait ressentir à l’égard d’Eochaid, avec qui elle avait partagé plusieurs années de sa vie. La souffrance devait être assez grande pour que quiconque se sente légitime d’en rajouter encore en la faisant culpabiliser.

« Je n’appelle pas ça renoncer. C’est avancer. »

Siobhán avait vu les papiers dans le tiroir de son bureau. Et elle n’y avait trouvé aucune volonté de renoncer. Bien au contraire. Elle y avait vu toute la preuve de son attachement et de sa fidélité à Eochaid. Seule une loyauté profonde pouvait justifier la mise en danger de sa propre vie.

Mais elle ne s’étendît pas sur la question, parce qu’elle craignait de finir par se révéler. Elle préféra rester butée sur les idées qu’elle se faisait de l’amour. Par peur, sans aucun doute, de souffrir comme Maeve avait souffert avec le départ d’Eochaid. Par peur, très certainement, d’endurer un jour ce que son père avait enduré avec la disparition de sa mère, qui était avant tout la femme qu’il avait choisie pour la vie.

Il était saisissant de constater à quel point les décisions que l'on prenait lorsque l'on était enfant pouvaient impacter celles qui interviendraient des années plus tard. Siobhán avait toujours eu peur d’aimer, précisément parce qu’elle avait peur de perdre. Sans compter qu’elle était aujourd’hui incapable de savoir si les sentiments des autres envers elle étaient sincères ou s’ils étaient le fruit de ce pouvoir magnétisant qu’elle exerçait sur eux.

« On ne peut pas contrôler nos sentiments mais on peut choisir de les montrer ou non… Et quand on décide de les montrer à quelqu'un... Qui sait prévoir ce que l'autre va en faire ? Personne. Alors, non je ne prends pas le risque, même si j'admire ceux qui s'y jettent à corps perdu. »

Ses yeux s'étaient égarés dans le vide, quand elle avait prononcé ces mots. Elle ne se voyait pas aimer, parce qu'elle n'avait jamais rencontré personne pour lui donner envie d'essayer. Mais elle restait persuadée qu'il s'agissait là d'un choix.

« Quant à papa, il n’est jamais tranquille sur rien de toute façon. C’est bien le problème. Mais il n’aura jamais rien à craindre à ce sujet. Et moi non plus, d'ailleurs. C'est beaucoup plus simple comme ça. »

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An té nach bhfuil láidir ní foláir dó a bheith glic

ANAPHORE

Un fin sourire en coin accueillit la proposition d'évoquer la question avec Blodeuyn ou Luke. L'idée en était presque risible mais se l'imaginer valait le détour. On aurait pu s'imaginer les mettre tous les trois ensemble dans une pièce et leur laisser le champ libre au débat. Même Freya qui était la plus mesurée des trois, n'aurait pas mâché ses mots. Siobhán ne s'attarda pas sur cette idée, dévoilant un peu plus la raison de toutes ses questions.

« C'est adorable mais tu sais que tu n'as pas à te faire de souci pour moi mh ? » Maeve était ce genre de personne à pratiquer des coupes franches au détriment de tous ceux qui ne lui valait rien. Quelques uns s'y étaient essayé sans jamais vraiment réussir à s'accrocher. Elle eut un petit sourire attendri en y repensant. Encore une chance que @Jameson Clearwater n'était pas le genre à prendre les jambes à son cou sans quoi les critères de Siobhán auraient eu tôt fait d'avoir raison de ses élans romantiques. Mais ça n'en était pas moins adorable de vouloir veiller à ce qu'elle soit heureuse. Cette attention la toucha plus qu'elle n'aurait su le dire quand bien même elle refusait de laisser Siobhán endosser cette responsabilité.

Comme elle l'avait toujours dit, chacun se devait d'être responsable de son propre bonheur. Les gens se rendaient rarement compte du fardeau et de la pression qu'ils déchargeaient sur les autres à trop vouloir remettre leur bonheur entre leurs mains. Elle espérait avoir pu inculqué cette idée au moins à ses enfants. Tous ses enfants, qu'ils partagent ou non son sang des premiers bardes.

Sans surprise, Siobhán livrait l'analyse la plus juste et la plus objective de toutes. Sans aucun doute, elle savait ce que c'était que l'absence, tout comme Luke et Blodeuyn d'ailleurs. Maeve eut un petit pincement au cœur. Il lui semblait que les orphelins avaient fleuri aussi nombreux que les pâquerettes sur la plaine herbeuse en face de Caer Cynfeirdd et ça n'avait rien pour lui plaire. Elle avait beau avoir fait de son mieux pour les aider à grandir, à se construire, à devenir des adultes, les mots qui tombèrent de la bouche de Siobhán laissait percevoir sans la moindre équivoque la plait béante laissée par l'absence.

Maeve toisa longuement l'étudiante avant de s'approcher d'elle et de lui caresser doucement la joue. Un pâle sourire effleurait ses lèvres, juste avant qu'elle ne brise le silence :

« Tu as raison : on ne peut pas contrôler ses sentiments et parfois, quand on les tait, qu'on les refoule. Ils peuvent devenir dévastateur. Plus encore que de prendre le risque que d'être blessée. Cela fait partie de la vie Siobhán. Quoique nous fassions, la vie nous blesse mais elle nous couvre aussi de joies et de bonheurs. A condition de ne pas descendre du train en marche. »

Elle savait qu'elle comprendrait la métaphore. Vouloir se préserver de la souffrance était un réflexe naturel, mais persévérer au point d'en faire une ascèse revenait ni plus ni moins à cesser de vivre. Du moins du point de vue de Maeve. Combien de mages noirs avaient commencé comme cela ? Combien d'autres avaient simplement fini sur son divan avec des regrets et leurs pauvres yeux pour pleurer ? Ce n'était certainement pas ce qu'elle espérait pour Siobhán.

Heureusement ce brave @Luke Korrigan allait encore leur servir d'exutoire.

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