Eire N Scotland *Jameson*

Souvent, j’entrais dans cette classe sans frapper. J’étais le Directeur des Serdaigles, il était celui des Gryffondor. Collègue de Sortilège et Enchantement… Et surtout ami depuis presque 25 ans. Enfin ami… A cette idée, un léger sourire se dessina sur mon visage, au moment où je levais la main pour exceptionnellement frapper à cette porte. Oui, Jameson était ce qui s’approchait d’un ami.
Donc… J’entrais finalement sans frapper.

« Ce n’est que moi, je voulais savoir si tu avais une minute. »

Je baissais la tête, vers un dossier dans la main. Bien sur le dossier était totalement vide, mais je n’avais pas encore déterminé si je devais lui en parler ou non. Le coeur gros, j’arrivais enfin à lever le nez vers ce bon vieux Jameson. Debout à quelques pas de l’entrée, j’arrivais finalement à trouver le courage de lui dire…

« C’est pour des conseils en parentalités. Je crois que j’ai merdé avec ma propre fille, et que ça va être difficilement rattrapable. »

Je balançais le dossier vide qui s’ouvrit sur un pupitre d’étudiant. Avec un sourire désolé, j’haussais les épaules et je cherchais un moyen de décrire le plus synthétiquement et clairement la situation. Avec une grimace, parce que j’avais encore mal d’en parler, je pesais alors mes mots.

« On va dire que j’ai été un fort et direct, mais… Qu’elle l’avait cherché. En gros, elle m’a blessé, et j’ai voulu taper plus fort. Etant donné que je connais un peu le caractère de cette chère Lucy… Je voulais savoir si tu t’étais mis un jour dans cette mauvaise posture et… comment t’avais fait pour rattraper le coup. »

Passant une main derrière ma nuque, je lui accordais un sourire assez étrange. En fait, j’étais un peu gêné de parler de ça avec Jameson. La plupart du temps, on passait notre temps à se chamailler, ou rentrer en compétition puéril pour des adultes émérites et responsables… on n’était pas vraiment exemplaires. Mais ça, bien sûr, les étudiants n’en savaient rien du tout.

« Et je crois qu’il me faut un verre... »

J’inspirai parce que ce que j’allais dire aller me faire mal à l’égo.

« Du bon whisky écossais... »

Tout le monde savait que le meilleur whisky du monde était IRLANDAIS. Mais bon, il valait mieux faire profile bas. Je voulais véritablement arranger les choses avec ma fille… Elle me manquait déjà profondément. Alors que ça ne faisait que deux jours qu’on s’était disputé.

Je m’assis sur la chaise, avec mon petit sourire en coin provocateur. C’était une petite habitude qu’on avait avec Jameson. Se charier, se bousculer… comme des adolescents qui n’avaient jamais grandis en réalité. Alors que je le regardais verser son whisky moyen dans mon verre, je pus remarquer en cet instant à quel point on avait tous les deux vieillis. Et à quel point on avait le même point commun. Celui d’avoir toujours un regard de jeune homme de 25ans.

« C’est Siobhan. J’ai du mal à la suivre en ce moment. »

Je baissais mon regard sur mon verre et je bus quelques gorgées. Allez. J’allais tout lui balancer. De toute façon, si quelqu’un avait le mérite d’être au courant c’était bien Jameson. Normalement j’aurai du me tourner vers Braxton mais… Etant donné ses problèmes qu’il avait lui même concernant sa paternité…

« Je lui ai menti toute sa vie. Je lui ai caché ses origines de Demi-Vélane. J’ai volontairement omis de lui dire la vérité. Parce que quand ils sont nés, Finn et elle… J’ai promis à Ether de ne jamais rien leur dire. »

Je baissais les yeux et ces derniers devinrent rapidement plus humide. Sans pleurer bien évidemment car même si la douleur était encore bien là avec le temps, mon âme s’y était clairement habitué. Et si quelqu’un pouvait bien évidemment me comprendre là dessus, c’était la personne en face de moi. C’était pour ça que j’avais honte de rien. Même pas de mes sentiments.

« Sa famille, les Gavalagh sont divisés en deux catégories de ce que j’en ai compris. Des demi-vélane manipulateur qui ne veulent que le mal des sorciers, et des chasseurs de Vélane qui ne veulent que l’extinction de ces êtres. »

J’essayais de résumer tout ce que je savais à Jameson. Les mains jointes devant moi, le verre sur la table ; on aurait pu penser que je ressemblais à un petit Gryffondor surpris en train d’avoir fait une connerie, venant dans le bureau de Jameson. A ceci prêt et Merlin soit loué, que j’avais un verre de whisky devant moi, aussi mauvais soit-il.

« Quoi qu’il en soit, quand j’ai rencontré Ether, j’ai vite compris qu’elle était en fuite après quelque chose, ou quelqu’un qui voulait sa mort. Jamais elle n’a osé ouvertement m’en parler, mais nous nous sommes retrouvés en mauvaise posture plus d’une fois. »

Il y a quelques semaines, j’étais retombé sur ce Clan qui avait voulu éliminer ma fille. Et j’avais du intervenir. Ce que je n’avais pas dit à Siobhan, c’est qu’il y avait une situation de déjà vu, dans notre jeunesse avec sa mère, ou nous avions du déjà fuir et se protéger de ce Clan étrange.

« Et quand elle est morte, je n’ai pas trouvé le courage de rompre ma promesse… Rompre sa promesse faites à quelqu’un qui n’est plus là Jameson c’est... »

Ma gorge devint véritablement douloureuse. Signe qu’elle était en train de se nouer.

« C’est comme la trahir et la laisser partir pour toujours. »

Je terminais mon verre d’un cul-sec assez rapide. Puis je me resservais, comme chez moi. De toute façon, je savais que j’allais finir cette bouteille au vu de la conversation.

« Bref. Elle l’a appris par elle même et aujourd’hui elle m’en veut. Et je sais qu’elle va prendre des risques inconsidérés et se mettre en danger. Mais… elle est adulte et… je peux rien faire si elle ne veut pas que j’intervienne dans sa vie. »

J’avais déjà bu la moitié du verre. Il était meilleur au bout du deuxieme verre non ?

Je restais les mains jointes devant mon verre tout en écoutant Jameson. A un moment même de la conversation, je m’étais demandé ce que je faisais là. Pourquoi je n’étais pas plutôt aller chez Maeve… Peut être parce que j’avais peur d’être jugé, et surtout condamné par cette dernière. Même si elle savait une partie de l’histoire. Quand il évoqua comment nous étions à Poudlard, je me mis à glousser.

« Hum. J’étais… Tu le sais très bien. Peut être le Serdaigle le moins réservé de l’école. Studieux mais parfois… Pas tellement ! Puis, oui. Il y a eu la Guerre. »

Mon visage s’assombrit un peu. Après tout je ne parlais de cette dernière qu’avec ceux qui l’avait vécue avec moi. Braxton et Jameson faisaient partis de ceux là. Et quand bien même je n’aimais pas particulièrement en parler. D’ailleurs il me rappela qu’elle était là la grande différence entre mes enfants et moi. Je m’étais battu pour qu’ils vivent dans un monde où il n’est que leurs propres problèmes à penser.

« Tu penses donc qu’il aurait été judicieux que je rappelle à toute ma famille, qui a je te rappelle une passion incontestée pour les êtres et les créatures fantastiques, que mes enfants sont en partie Vélane ? »

Je le regardais d’un air un peu ironique. Avec cette promesse, j’en avais évidemment profité pour tout mettre sous le tapis. Pour faire un peu oublier, les rares fois où on allait à Castel Korrigan, que mes enfants étaient avant tout des Sorciers… Mais évidemment, les vieilles rancoeurs familiales restaient tenaces et j’avais pris la décision de ne plus y aller du tout. Laissant un Clan tout entier gouverné par un vieux sénile.

« Disons que tu es une catastrophe, mais je pense qu’il n’y a plus que moi qui est la mémoire assez longue pour m’en rappeler... »

Je bus quelques gorgées, le regardant d’un air amusé. Après tout ici, il était le Professeur Clearwater. Un professeur et Directeur de maison. Tous les étudiants l’admiraient et je doutais sincèrement que n’importe lequel d’entre eux trouve l’estime comme il s’estimait devant moi. Je posais mon verre et je déclarais d’une fois calme et mesuré.

« Bien évidemment, nous en avons parlé et… C’était une catastrophe. Je ne sais pas comment on peut hériter d’un trait de caractère sans avoir connu la personne. Parfois, j’ai l’impression de voir Ether et ses airs farouches. Et moi j’ai été le roi des imbéciles. Je lui ai plus ou moins fait comprendre que je ne pouvais rien pour elle et que… je ne pouvais pas l’aider. Mais c’est de la lâcheté. En réalité, je peux. Mais c’est au dessus de mes forces. »

J’avais relevé mon regard vers Jameson d’air presque implorant pour qu’il m’aide à trouver une solution plus efficace que « Vous avez essayé d’en parler ». Parce que j’avais besoin d’aide plus précise. En fait, j’avais juste besoin qu’on me secoue un peu. Je crois que c’était pour ça que j’étais ici. Si j’avais été voir Maeve, elle m’aurait secoué, mais différemment. Là j’avais besoin d’un électrochoc en venant ici.

« A chaque fois que je croise son regard j’ai vraiment l’impression de voir sa mère. Je ne suis pas expert dans les pouvoirs des vélanes, mais je sais comment compenser les difficultés que cela peut entraîner. Seulement, j’y arrive pas. C’est du pur égoïsme mais c’est au dessus de mes forces. Tout là dedans me ramène à elle et... »

Je regardais Jameson dans les yeux. Et j’étais aussi là pour ça. Parce qu’on était veuf tous les deux, et je voulais aussi savoir si c’était moi qui avait un sérieux problème ou si c’était une généralité. Est ce que ce fichu vide et ce fichu comble partirait un jour ? Est-ce que la douleur allait s’en aller ou est ce qu’on apprenait à vivre avec comme un animal blessé avec des séquelles ? Je n’en savais trop rien et je voulais savoir.
En fait, petit à petit je prenais conscience que le problème, c’était juste moi.

« …et ça j’ai du mal. Pourtant j’essaie de faire des efforts. Je l’ai écouté quand elle m’en a parlé. Je l’ai tiré d’un mauvais pas. Mais… Les souvenirs auxquels cela me renvoient sont encore trop douloureux. C’est un putain d’égoïsme, et je l’ai jamais été Jameson. »

Je terminais mon verre et je le reposais d’un seul coup, un peu sec. Je me détestais. Je me sentais mal, parce que je savais que j’étais un mauvais père. Quel père faisait ça à ses propres enfants ? Faire passer son confort personnel avant celui de sa progéniture ? Aucun. C’était pas sensé fonctionner comme ça, et pourtant, même avec toute la volonté du monde, j’allais à contre-sens.
Au final c’était pas un conseil que j’étais venu chercher. Mais juste une claque ou un coup de poing dans la gueule pour me réveiller.

J’écoutais Jameson avec attention. Mes yeux allèrent ça et là dans la pièce d’un air distrait et n’importe qui aurait pu imaginé que je n’écoutais pas. Au contraire, j’enregistrais bien ce que Jameson était en train de me dire. Je l’enregistrais, je le distillais et j’en gardais que le meilleur dans un coin de mon esprit. Avec un léger sourire en coin, je me contentais de déposer me verre vide sur la table et de dire :

« Je ne suis pas tellement venu chercher une solution, je suis venu chercher réconfort. »

Malgré toutes nos engueulades, tous nos mauvais coups, tout ce que les autres et les étudiants pouvaient fantasmer et imaginer entre nous deux en tant que directeur de maison… Jameson n’en restait pas moins qu’un ami. Un très vieil ami, toujours là et dans toutes les tourmentes.

« Tes paroles me chauffent le coeur. Mon paternel dit toujours que c’est dans l’adversité que ses amis qu’on reconnaît ses vrais amis. Je vais pas passer le bureau pour te serrer dans mes bras… T’aurais peur qu’on nous prenne pour des amants si quelqu’un rentrait hein… Mais sache que le coeur y est. »

Je levais mon verre avec un léger sourire. Puis je continuais à regarder le décor de cette salle tout en réfléchissant à ses paroles. Laisser couler… Lâcher prise. Les laisser revenir quand ils en avaient besoin. Je savais que Jameson n’avait pas éduqué seul ses enfants, contrairement à moi. C’était peut être pour ça, que j’avais du mal à lâcher l’affaire.

« Contre-sens. »

J’avais levé le doigt comme un étudiant. Je savais que je pouvais être détestable quand je faisais ça, aussi j’exprimais le fond de ma pensée.

« C’est un contre-sens. Maeve est ma belle sœur, et leur tante avant d’être une psychomage. Ca ne marcherait pas avec eux. Et je ne veux pas qu’elle soit mise au courant pour le moment… Si elle l’apprend… Je vais gérer un problème à la fois. »

J’allais me lever. J’amorçais un petit mouvement, mais finalement, je me rassayais.

« Oh, et je suis au courant pour vos roucoulades. Donc évite de lui parler de cette conversation... »

Finalement, au lieu de partir, je reposais fermement mon cul sur la chaise et je me resservis même un verre. Je me prêtais à sourire.

« Les gens oublient qu’à Poudlard, les tableaux vont de pièces en pièces…En tout cas, toutes mes félicitations, j’espère que son remariage sera aussi beau que le premier. »

Les yeux rieurs, je l’observais par dessus mon verre et je bus quelques gorgées. Cela faisait un long moment que je voulais aborder le sujet mais que je n’en avais pas eu l’occasion à cause de mes propres problèmes à gérer.

« Plus sérieusement. Tu as raison. Je vais laisser un peu les choses se décanter, et trouver un moyen de veiller sur eux de loin. »

J’avais déjà ma petite idée. Il y avait un soldat fidèle qui n’attendait que d’être missionné par son oncle. Avec un autre sourire, je posais mon verre.

« Je suis heureux que Maeve soit passé à autre chose, malgré la promesse que je lui ai fait de ramener mon frère sous sa forme humaine. Et encore plus avec toi. Ca fera de toi… mon nouveau beau-frère si mes calculs sont exacts. »

Je savais bien que ce n’était pas aussi sérieux. Et… est-ce que je faisais ça juste pour emmerder Jameson ? Oui. Mais je l’aimais ce vieux con d’écossais. Alors autant lui prouver mon amour en le tourmentant un peu.

Je me levais alors qu’il venait de parler de Maeve. Je m’étais levé avec calme, mais un peu vite. Finissant mon verre d’un trait, alors qu’il était à trois quart plein. Visiblement c’était très sérieux. Assez sérieux pour qu’il envisage le mariage comme une réelle possibilité. Avec un soupire, je poussais ma chaise et je me contentais de dire d’une voix sans timbre :

« Je suis très content que tu l’as rende heureuse, si c’est le cas Jameson. Et je ne veux que son bonheur. Seulement le jour où je rendrais forme humaine à mon frère, ne t’attend pas à ce que cette vie tranquille ne dure… Ce n’est absolument pas une menace, au contraire, je te préviens juste. Je connais mon frère, et je sais quel sera sa réaction. »

Beaucoup pensaient que j’étais fou de croire que mon frère allait revenir un jour. Mais ce jour arriverait, j’en étais certains. J’allais récupéré la chair de ma chair. J’allais accomplir le travail de toute une vie… Après… chacun agirait en adulte et comme bon leur semblerait. Je n’étais pas là pour prendre de partie, même si j’avais toujours été loyal avec mon frère.
Je savais qu’ils s’étaient promis de passer à autre chose si jamais la malédiction durait trop longtemps, ou si c’était irréversible. Mais… entre les mots et les actes, il y avait toujours un monde.

« Merci pour le whisky, tes conseils m’ont été précieux. Quand je vois ce que Fergus et Lucy sont devenus, je sais que j’ai fait le bon choix en venant te voir pour te demander ton avis. »

Je me dirigeais vers la sortie. Tout était encore un peu confus dans ma tête et au final j’étais reparti avec plus d’éléments de doute que d’éléments positifs, même s’ils ne touchaient pas le même sujet. En réalité, voir que Maeve et Jameson avaient commencé une relation avait mis en évidence quelque chose de bien plus grave à mes yeux…
J’étais le dernier à croire au retour de mon frère et en ma capacité à y arriver. Et quand on était le dernier à croire en quelque chose, et surtout en soit… C’était bien plus difficile que prévu. Mes épaules se voûtèrent dans un sentiment d’impuissant. Avant d’être arrivé à la sortie, je me tournais quand même vers Jameson.

« Je vais aller voir Maeve, je crois qu’on a beaucoup de chose à se dire elle et moi. »

Par où est-ce que j’allais commencer avec elle? Mon incapacité à gérer ma relation avec mes enfants, ou visiblement son manque de confiance en moi quand au fait que j’allais lui ramener son mari en chair et en os ? Tout commençait à me faire perdre espoir.

« Mais d’abord je vais aller m’en jeter un petit au Veritaserum. »

Et après, je finirais certainement par me foutre sur la gueule avec un Loup Garou dans un duel en cage comme d’habitude. J’étais un faux calme, et quand je voulais décompresser, je ne lésinais pas sur les moyens. Il fallait que Braxton me rejoigne.