Délicate de Minuit

Délicate de Minuit

feat.  @Edel Almadovar

Il n’y avait personne à cette heure du soir dans la salle commune de Serpentard, sauf peut-être Brynn. Sa tête blonde au milieu du vert ne jurait plus depuis longtemps, et ce même avant qu’elle ait été nommé préfète par Thomas Buchanan. Ce n’était pas son sang pur qui lui avait valu sa place mais bien sa bonne réputation au sein de l’école, et ce quoi que pouvait en penser le malheureux Sheraz Mahal.

Elle aurait dû être, comme tous ses camarades, plongé dans un sommeil profond, mais la pleine lune était toujours l’occasion de faire de belles choses en botanique. La nature, que ce fusse les animaux comme la faune, était bien plus sensible que le genre humain au magnétisme des planètes, au rythme des saisons et aux vacillements des températures. Quelques degrés ne signifiaient pas grand chose pour un homme armé d’un pull-over, en revanche, ça pouvait être la mer à boire pour un ours polaire ou même une simple et minuscule abeille.

Perchée sur un fauteuil, les pieds nus malgré que la pierre de la salle commune fut froid comme la glace, Brynn passerait encore pour une folle au milieu des autres. Les véritables sang-purs avaient cependant connaissance de la véritable force de son nom, et du fait que sa mère, Branwen, pratiquait des arts anciens, dits de vieille magie, et qu’on lui donnait le titre encore de druidesse du tertre ensorcelé de Gorsedd Arberth.

L’endroit était plus connu qu’il n’était foulé mais on y trouvait parmi les bois les plus magiques afin de faire les meilleures baguettes de tout l’Angleterre et pour peu, on y achetait aussi des ingrédients plus rares, comme des crins de licorne noire ou encore des larmes de dragon.

Le mystère autour du Tertre avait fini par éclabousser Brynn que beaucoup trouvait étrange sans jamais balayer la possibilité qu’elle fut comme sa mère, c’est à dire dangereuse.

Un bruit derrière elle la fit sortir de ses pensées, alors que la délicate de minuit avait depuis quelques minutes étiré ses longs pistils en dehors de ses pétales blanches aux reflets d’argent, ce qui lui donnait un aspect lunaire. Le parfum qui s’était répandu dans la salle était sans commune mesure, saisissant, fort et doux à la fois, sans jamais prendre à la gorge.

Derrière ses mèches blondes, les yeux de Brynn tombèrent sur le garçon qui rentrait visiblement d’un tour ou d’une balade à une heure bien tardive.
Elle le fixa, attendant quelques secondes, mais voyant que rien ne suivait, elle termina par siffler tout bas, sans hausser le ton :

« Tu es sensé être dans ton dortoir depuis longtemps. »

Un simple constat, quoi que donné à la seule lumière de la lune perçant dans les vitraux submergés du lac noir, ça donnait un air plus sinistre, plus théâtrale. Brynn n’avait pas particulièrement cherché l’effet ; la belle de minuit, pour maturer à sa pleine puissance, à son paroxysme, avait besoin des rayons lunaires. C’est ce qui lui donnait cet air aussi éthéré, aussi fantasque.

C’est sur la fleur qu’elle reporta son attention, tirant du bout de sa baguette un des pistils.

« J’imagine que tu as une excellente raison. »

Un sourire narquois passa sur les lèvres de Brynn alors qu’elle tirait un second pistil.

Délicate de Minuit

feat.  @Edel Almadovar

L’assurance était généralement une qualité.
Chez Edel Almadovar, cela s’apparentait à une calamité.
Comme s’il ne savait pas exactement où et quand s’arrêter et surtout, comme s’il imaginait qu’elle goberait tout ce qu’il lui dirait. La seule véritable réponse à sa première question aurait été un humble mais franc «aucune raison», mais au moins c’eut été honnête de sa part.

Enfin, on ne pouvait pas franchement s’attendre à mieux d’un Serpentard, quoi que Brynn était sur ce point à contre-pieds - nus, fallait-il le rappeler.

Ses yeux verts allèrent chercher la silhouette d’Edel, désormais assis dans un canapé, avant de se reposer sur son travail d’extraction du soir. Elle se remit au travail, arrachant un nouveau pistil qu’elle fit glisser dans une fioline courte et rondouillarde. À l’intérieur, les trois petits pistils ne touchaient pas le fond et étaient sans cesse remuer par ce qui semblait être un petit courant d’air intérieur. C’est que si les pistils accrochaient les porosités du verre, ils s’abîmeraient et ce n’était pas le but de la manœuvre.

La voix de l’Almadovar coupa de nouveau le silence, faisant hausser un sourcil à Brynn.

« T’attendre ? Pfft. Je suis pas ta mère que je sache. Je ne surveille pas vos entrées et vos sorties. Les autres préfets sont sérieux, ils me donnent les noms de qui fait quoi et qui fait perdre des points, alors pas besoin de faire attention quand tout le monde vous observe pour moi... »

Le ton était doucereux malgré le texte entre les lignes.

Gwent n’était pas connue pour courir après une quelconque coupe des maisons mais elle disait la vérité : elle discutait librement et sans discernement avec les autres préfets de maison qui ne manquaient pas de lui faire des rapports de quel serpentard avait pu être surpris au détour d’un couloir ou dans la bibliothèque, surpris à des jeux bien indécents parfois.
Il suffisait de voir la tête de @Sheraz Mahal, bégayant presque, quand ils avaient surpris un jeune couple un soir en pleine affaire, juste sur le bureau du profession @Jameson Clearwater. Le préfet de Poufsouffle avait été plus drôle que la scène au final.

De son côté, Brynn se fichait bien de savoir qui faisait quoi et quand on le lui rapportait, elle se contentait de hausser les épaules, exaspérée par les comportements d’enfants pourris gâtés de certains.

« Grimm ne jouera probablement pas. »
Elle releva légèrement la tête, fit une petite pause, faisant semblant de réfléchir, avant de rajouter en ricanant au sujet de @Michel-Ange Grimm :
« Pour ça, il faudrait qu’il arrive à enfourcher son balais, et vu comme ses chevilles sont gonflées, ça risque d’être compliqué. »

Son rire se transforma en un simple sourire alors qu’elle continuait à faire son petit manège, tirer un pistil à peine étirer hors de sa fleur naissante et la ranger dans la fioline, délicatement, avec toute la concentration dont elle était capable.

« Je n’ai besoin de rien, juste de finir la capture d’une essence de délicate de minuit pour parfaire mon... ma méthode », il fallait bien travailler le mouvement du poignet, le contrôle du wingardium leviosa et enfin, ne pas laisser s’échapper trop d’air de la fioline toujours-en-mouvement, « les délicates de minuit ne fleurissent qu’à la seule lumière de la lune et dégagent un parfum dont on dit qu’il détend l’instinct des prédateurs, notamment des loups-garous. La légende veut que les vélanes se lavent avec, ce qui rendaient plus beaux encore leurs cheveux. Par chez moi, on s’en sert pour les licornes. Ça a un aspect curatif. »

Elle reposa lentement sa baguette sur le côté, reposant la fioline sur le meuble avant de l’entourer d’un tissu particulièrement noir, filtrant ainsi toute autre lumière que celle de la lune. Brynn fit plusieurs nœuds, sécurisant le petit bagage, non sans une pensée pour @Viper Saito. Ses yeux se baissèrent en pensant au loup, avant de finalement jeter un regard à Edel.

« Mais j’imagine que si tu tardes ce soir, ça n’a pas grand chose à voir avec la lune ou les fleurs... »

Délicate de Minuit

feat.  @Edel Almadovar

Un petit rire passa sur ses lèvres alors que l’Almadovar la reprenait sur cette histoire de vélane. Elle leva seulement les yeux au ciel, préférant ne pas rétorquer. Il devait s’imaginer que comme sa famille était composée de quelques vélanes*, cela correspondait soudainement à toutes les vélanes du monde. De toute façon, s’il avait un soupçon de sang vélane, il connaitrait bientôt le délice de ce parfum, non pas parce qu’il était particulièrement et aussitôt enivrant, mais parce qu’il était aussi sournois et aguicheur qu’une créature de la lune.

Elle sera plus fort le tissu autour de la fioline, non sans jeter un regard à Edel qui avait visiblement décidé de ne pas aller se coucher. Ça n’était pas un problème en soi, mais généralement la seule présence de Brynn suffisait à chasser les quelques récalcitrants. Pas qu’elle était dangereuse, mais elle était préfète, comme il le disait si bien.

Un sourire ourla ses lèvres quand elle entendit la question dans son dos. Elle n’avait pas besoin de le regarder pour imaginer le sourire sur le visage d’Edel. Est-ce que ça se savait tant que ça pour @Viper Saito ? Peut-être, finalement. Ce n’était pas de sa faute. Au début, elle avait seulement trouvé ça drôle, son prénom. Viper. Et puis de fil en aiguille, il y avait eu toutes ces fois où elle avait cru voir quelque chose, cru le comprendre, comme on comprend un animal sauvage. Elle s’était imaginée un petit instant petit prince et lui renard, mais les loups n’étaient pas des renards et elle n’était princesse de rien, pas même du tertre où sa mère était bannie.

Du pull trop large de Brynn, la tête de Noodle, son serpent blanc, perça, se faufilant au milieu de ses cheveux pour lui donner un air de jeune méduse. Le serpent observa quelques secondes Edel avant de disparaître aux alentours de son cou.

« Mon serpent », répondit-elle après un petit instant, se tournant cette fois sur son tabouret. C’était bien évidemment faux mais à la voir si sûre d’elle, c’aurait été bien difficile de le remarquer. « La délicate de minuit, si tu n’avais pas compris, capture les pouvoirs vertueux de la pleine lune. Toutes les créatures de minuit l’apprécient et y trouvent du réconfort. Les créatures magiques blanches, également. Les sorciers-poètes disent qu’une goutte de sa sève est comme une larme d’ange. »

La fioline en place, toujours à l’obscurité dans son foulard, Brynn quitta son siège pour s’approcher d’Edel, la fleur dans la main. Au fur et à mesure que la Gwent s’éloignait de la seule fenêtre donnant un peu de lumière à la pièce, on put voir que la fleur elle-même émettait désormais une jolie couleur, luminescente et pâle.

Brynn la déposa sur la table basse qui désormais la séparer d’Edel.

« La première lueur du jour généralement brise sa beauté. Elle fane et meurt aussitôt que la lumière la touche. Comme les amours de nuit. »

Cette fois, le regard de Brynn se fit plus perçant sur l’Almadovar. Elle ne savait rien de ses escapades, mais s’il voulait jouer, elle pouvait elle aussi se montrer piquante comme un aspic.


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*Je pars du principe que c'est quelque chose qui est connu pour peu qu'on s'intéresse à la politique internationale en tant que sang-pur, de la même façon qu'on peut savoir que la mère de Brynn a été bannie par sa famille mais que ça ne l'empêche pas d'avoir un commerce florissant à l'extérieur.

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feat.  @Edel Almadovar

« Je suis une bien piètre professeur » souffla-t-elle en retour, avec un calme olympien. Toujours debout, de l’autre côté de la table, la fille-serpent observa avec une attention toute particulière le garçon qui ne savait pas quoi faire concernant la délicate, tout en cherchant à s’en soustraire. Un sourire pointa sur les lèvres de Brynn qui fit semblant de ne pas le remarquer et se posa dans un fauteuil, juste en face du canapé où était Edel.
C’est sur un ton presque sentimental qu’elle siffla : « Une nuit éternelle – condamner à la mort le monde pour une seule fleur… » Et maintenant qu’elle le disait à voix haute, elle entendait sa mère lui dire combien l’amour était cruel mais qu’il y avait du plaisir à prendre même quand l’amour se terminait, même quand il se séparait. Le secret résidait dans les souvenirs. On était jamais vraiment mort tout pendant qu’on se souvenait.

Les yeux verts de la petite blonde se levèrent sur Edel, avant d’avoir un sourire chafouin à son encontre.

« Vraiment ? »

Brynn s’enfonça un peu dans le fauteuil, plantant son coude dans le moelleux de l’accoudoir en cuir, et son menton dans le creux de sa paume. Ça lui donnait un air plus détendu, plus désinvolte, d’autant qu’elle croisait ses jambes et faisait sautiller son pied nu alors qu’elle reprenait, sur un ton léger :

« Leontopodium nivale, aussi appelée pied-de-lion, même si je préfère de loin l’appeler étoile d’argent. de la famille des astéracées, elle pousse principalement sur les plateaux en altitude et dans les replis des montagnes restées sauvages. Son nom, Edelweiss, provient de l’allemand et signifie noble et blanc. »

Les yeux de Brynn parcoururent le visage du jeune Almadovar, non sans un certain amusement, pour le jeune serpentard qui n’avait somme toute rien de blanc ou de pur.

Sur un ton plus doux, et plus bas, la jeune Gwent reprit, détournant son regard pour observer le serpent qui s’échappait de ses cheveux, longeant sa main et entamant une lente descente du canapé, peu intéressé par les élucubrations des deux jeunes gens :

« Il est de tradition, dans les montagnes et plus particulièrement dans le Tyrol, d’offrir un bouquet d’edelweiss à sa promise le jour de son mariage. En revanche, dans le langage des fleurs, l’edelweiss symbolise plutôt le noble souvenir d’un amour passé. »

Un petit silence s’installa, avant qu’elle ne reporte son regard sur Edel. Là où elle semblait désinvolte, son regard lui était implacable et féroce.

« Pour te répondre, j’en pense que c’est un drôle de prénom à donner à son fils, mais je suis très mal placée pour juger. Je n’ai pas de père après tout. »

Et c’était quelque chose qui ne semblait pas la chagriner outre mesure.
Branwen était sa mère et elle était son tout. Il n’y avait jamais eu de place pour un autre, pour un homme, dans leur monde de femmes.

Délicate de Minuit

feat.  @Edel Almadovar

Il y eut un petit moment de surprise, mais Brynn avait depuis longtemps réussi à dompter ce joli visage dont la nature l’avait doté. C’était a fortiori une force dans une famille où beaucoup aurait voulu la voir plus bas que terre, honteuse et souffrante de la condition à laquelle était punie Branwen depuis des années. Au lieu de ça, elle avait fait de sa prison son paradis, de ses chaînes des liens forts et de ses ennemis des amis.

Brynn baissa les yeux – tout ça pour le nom d’un homme qu’elle n’avait jamais cédé à personne, pas même à sa propre fille.

Les deux billes émeraudes se relevèrent alors qu’Edel tendait la main. Un dahlia noir s’offrait à la vue, simple et beau à la fois. Une drôle de fleur à bien y penser. Brynn eut un sourire amusé avant de la prendre entre ses doigts. La noirceur de ses pétales jurait avec le blanc pâle de sa peau. C’était amusant, d’autant qu’il lui venait presque aussitôt tout ce qu’elle savait sur cette fleur.

Le fait qu’elle soit originaire d’Amérique du Sud, et plus exactement du Mexique, qu’il s’agissait également d’une astéracées bulbeuses aux pétales larges et courts. Les cultivars pouvaient même être tachetés pour un look plus original.
Blanc, synonyme de séduction. Jaune ? La fidélité, contrairement aux idées reçues. Orange, une déclaration d’amour. Violet, un amour qui résiste à tout. Rouge ? L’amour éternel.

Mais le noir avait un quelque chose de plus viscéral, parce qu’il n’était pas vraiment noir en réalité, mais d’un rouge très foncé. A la lumière du soleil, la couleur était évidente. Dans la nuit en revanche, son surnom prenait tout son sens : chat noir.

Le noir était magique, gommant à la fleur toute son exubérance pour n’en garder que la beauté sauvage.

Brynn releva ses deux billes émeraudes sur Edel, tenant du bout des doigts la tige forte du dahlia.

« Un muflier », souffla-t-elle, comme s’il était évident que ça ne pouvait qu’être ça.

Elle aurait pu répondre un arum tacheté, la fameuse herbe à vipère, mais non. De toutes les fleurs, de tous les trèfles, de tous les boutons d’or, de toutes les bruyères ou les fougères, au-delà même du blé qu’elle affectionnait tant jusqu’à se coiffer parfois d’un épi, elle avait choisi spontanément le muflier.

« Il n’y avait pas de muflier à Gorsedd Arberth jusqu’à qu’un jour, une famille française venue acheter du bois magique, nous ait ramené des graines. Des mufliers à grandes fleurs, fleuries de l’été jusqu’à l’automne. Elles décorent le chemin que je vois quand je suis dans ma chambre, celui qui est le plus exposé à la lumière. » Un sourire simple, quoi qu’un peu taquin, passa sur ses lèvres : « Il n’y a que les bourdons et les gros insectes qui peuvent la polliniser, car sa corolle est lourde et épaisse, si lourde qu’il faut forcer pour la soulever. Ce n’est pas pour rien que le muflier symbolise le désir. »

Brynn eut un petit rire, avant de reposer doucement le dahlia. Elle ne jouait pas à ce genre de jeu, ni avec Edel, ni avec les autres, mais il était toujours amusant de voir que des siècles de botanique avaient donné à chaque fleur, à chaque pétale, une symbolique qui puisait ses racines dans leur observation de la nature.

Les plus jeunes avaient oublié d’attendre et d’observer le monde avec un regard curieux, sans haine.

« Les dahlias existent dans toutes les couleurs, mais pas en bleu. Est-ce que tu es capable d’en faire une bleue ? Est-ce qu'elle durera ? »

C’était dit de manière plus légère, préférant ne pas s’arrêter plus longtemps sur cette histoire de muflier. Et puis elle était véritablement curieuse.