鬼の居ぬ間洗濯
(Oni No Inu Ma Sentaku)
Aux abords du coteau, l'apparente quintessence d'une flore se miroitant sur l'onde était parvenue à pâlir l'omniprésence d'une dualité canine. Ainsi, à l'éclat d'une diaphanéité embrasant les éléments, l'ombre du loup s'était retranchée au plus profond de sa tanière, s'évanouissant à l'éclosion des spectres de Nyx enflammant de son plumet laiteux le vallon. Ses instincts primitifs endormis, le jeune homme se laissa volontiers porté par les extraits de lune jonchant la douce pente et arrosant l'atmosphère de leur parfum singulier à l'étrange fadeur. L'esprit enivré des va-et-vient des délicates de minuit baladés d'une caresse venteuse et captant la rosée polaire, un sentiment de nudité anima le louveteau. Défait de son épaisse fourrure, le japonais appréciait autant qu'il détestait cette vision bleue et insipide. Incapable de décrocher son regard de ce flanc de colline lunaire, la tendresse d'une voix cajolant ses tympans le transcenda d'une normalité longtemps enviée et si énigmatique, quasi irréelle. Immobile à la croisée des opposés, dans le clair-obscur de l'aube, les reflets du champ de nacre se marièrent à l'onyx docile de ses iris et l'ultime écho sélène d'une mère astrale sur le déclin dansa au creux d'orbites rivées sur le miroir lisse et pur du plan d'eau. Et aux derniers battements de cette reine de la nuit expirant dans la blancheur de l'horizon, la présence de l'héritière du terre se fit rassurante, comblant à elle seule cette amère sensation d'une solitude nouvelle, ce manque qui l'avait emplis avec fracas et déferlait contre la digue d'une âme à la dérive perdant peu à peu pied sous les assauts d'une beauté à l'onguent de poison-remède.
Rêveur, charmé sous les lyres narratives de la nymphe, la chaleur humaine de leurs doigts entrelacés affrontait le Borée froid d'une carence, d'une absence coulant tout contre son myocarde apaisé. S'arrachant au spectacle du talus aux allures de ravin envoûteur, les pupilles de l'Ōkami cherchèrent à s'accrocher au jade éclairé et distant de la préfète. Sans doute aspirait il à se persuader que le Temps n'était guère parvenu a étendre son universelle emprise sur Gorsedd et avait, dans sa miséricorde, préservé la singularité de cette parenthèse, d'où le fugitif semblait tirer une certaine légitimité au bonheur simple de la vie. Il lui aurait été bien naïf de croire que la terre avait cessé d'exposer ses flancs à l'astre matinal juste pour leurs beaux yeux, leur accordant le sursis d’une idylle fragile scellée dans la tiédeur des draps. Pourtant, au gré d'une légende contée, le manteau de jais d'une sorgue d'hiver se blondit et dans le sillage d'une croissance solaire timide, les poussières sélénites s'éteignirent l'une après l'autre comme sifflées par les corolles filandreuses d'un massif se flétrissant en de simples boutons argentés, ne laissant sur la toile de l'Olympe qu'un azur pâle et vide. Le cœur du yōkai se serra, irrigué des embruns sauvages de son alter ego, il se sentit à nouveau entier, recouvrant sa plénitude ordinaire à jongler entre cette part animale susurrant ses besoins et cette innocence humaine papillonnant d'un bien-être élémentaire. Et tandis que Phébus entamait son céleste séjour tout en radiant le sous-bois de sa parure dorée, un instant de flottement enveloppa les deux amants d'une légèreté permissive.
Tel un animal s'enduisant d'une liberté recouvrée, noyé d'une fougue envie de se dégourdir les sens, son loup galopait clandestinement, inondant avec passion une fréquence cardiaque malmenée. Perché sur le monticule de terre, les reflets à l'or blanc d'une chevelure douchée des sourires généreux d'un levé de soleil l'éblouirent sans qu'il ne parvienne à détacher son regard de Brynn. Comme hypnotisé par les propos sifflant de la serpentine, le lycaon approcha timidement son visage de celui de l'enfant du tertre. Sa respiration se fit myriade de frissons écumant son derme chaud et d'une délicatesse attentionnée le museau du Jinroh vint flirter contre l'arête de son fin jumeau. Si l'ennemi des mortels ne s'était fait plus pressant, le sang-mêlé se voyait déjà à s'abreuver des fables féeriques retraçant l'éclosion de Grosedd Arberth jusqu'aux prémices d'une Lune pleine et enchanteresse. À bien des égards, les réminiscences d'une insouciance enfantine baignait l'esprit de l'hybride et le ramenait à cette époque où l'idéal se fondait sur l'ignorance avant que la cruelle réalité ne la rattrape. La main de la jeune sylvaine glissa alors contre le torse de la bête, ainsi le contact de l'écaille de la naïade apposé sur le cuir du nippon calma la ruée d'un organe écharpant sa cage thoracique. Assagi d'une blandice angélique, chien de nuit en garçon de l'Est pansèrent la fortuite séparation et les amandes du serpent errèrent au creux des nuances de verts dangereuses se jouant des ombres et éclaircies du petit jour.
Les mots de la Gwent se firent louanges et succombant tout entier pour elle, le Dokuja esquissa un élan d'allégresse sincère parfait d'une pudeur spontanée. Il lui avait fallut une presque décennie d'un isolement délibéré, d'une nature déguisée à l'abri d'un rempart bâti d'une indifférence avant d'éprouver une nouvelle fois l'aménité d'une compréhension absolue et empreinte d'un intérêt moindre. Une unique nuit avait suffit à dévoiler à cette âme blessée le chemin d'une convalescence méritée, à ôter de ce cœur meurtris par l'exil le fardeau des déboires passés. À ses côtés, il se sentait plus léger, résolu à ouvrir son myocarde au quatre vent, à apprécier la vie de la plus simple des manières, à aimer et être aimer en retour sans se soucier des peurs guidant sa conscience. Au creux des bras de la galloise, le lycanthrope s'était enfin trouvé un roc sur lequel se reposer sans réserve, auprès duquel il pouvait apprivoiser ses craintes. Qu'importe ce qu'il avait à offrir, qu'importe le prix à payer, il était prêt au plus grand des sacrifices si cela lui valait à nouveau de goûter au subterfuge d'une réalité à la fragrance taillée à même l'utopie lointaine d'un rêve. «Je reviendrais…» Une promesse cachetée d'un murmure et si la pulpe de ses lèvres se languissait de cette proximité, elles n'eurent que l'avarice d'une tentation ajournée, gardant pour le lendemain les délices d'une nouvelle étreinte. Ses doigts cueillirent le menton de la jeune femme et déposant un baiser sur le front de la blonde, ses yeux luirent d'une gratitude catégorique.
Son index chassa de ce doux visage une mèche joueuse et s'imprégnant pour la dernière fois de son odeur, de la mélodie de son cœur battant de concert avec le sien, un mouvement de recul anima la vipère. Les mains ancrées aux hanches de la sylphide, Viper hocha nerveusement la tête à la malice d'une demande. L'arôme d'une rupture précoce planait sur les amants interdits à l'aurore d'une échéance tant redoutée et égoïstement repoussée. L'entrain d'une explosion vivace venait pourtant à sonner le glas d'un tête à tête suspendu dans l'espace-temps. À l'expiration d'une ellipse prodigieuse, le gamin d'Orient sourit finalement. Le gage de leurs retrouvailles consacré au regard de l'Empyrée, l'Ōkami se réjouissait déjà d'une lune des neiges estampillée d'un engagement réciproque, qu'il comptait tenir. «On se revoit très vite…» Sans demander son reste, rendu amer par le départ, mais impatient de voir poindre l'aube de leur prochaine rencontre, il rompit la contiguïté de leur corps. Et arborant une mine à l'éclat fébrile, le loup-garou dévala la colline d'une glissade contrôlée, emportant avec lui les greffes d'une journée à la magie sans pareil. La gorge nouée et le cœur lourd, au pas de course, le fugitif s'élança dans le noueux d'une cavale assumée, le pavillon de l'espoir battant ses couleurs dans son sillage, avant que sa silhouette ne s'évanouisse dans le lustre boisé du futaie.