s'arrimer à la décadence x sheraz

Le Boggart. L’épouvantard, sujet crucial pour les étudiants en Défense Contre les Forces du Mal. Considéré comme une créature par le commun des mortels, seuls les puristes de ta noble discipline en perçoivent sa véritable nature : un Non-Être. Il est vraisemblablement question d’une Apparition Spectrale d’Origine Non-Humaine. Une de tes spécialisations, après avoir parcouru le monde et ses demeures hantées. Poltergeists, spectres et fantômes, détraqueurs et autres épouvantards. Un sujet absolument passionnant, tout comme, il faut l’avouer, ce pêché mignon qu’est le vaudouisme.

La salle de classe est baignée dans un silence glacial - comme durant chacun de tes cours. Il n’existe pas une conférence du Professeure Amonwë où le bruit ose s’inviter. C’est non négociable. Les talons hauts de la sorcière vêtue d’une robe taillée dans les ténèbres arpente le parquet de bois brun et tacheté de mille et un motifs ésotériques. Des tracés complexes, tantôt runiques, tantôt issus de la culture africaine, avec parfois des vévés, en hommage aux Lwas, divinités vaudous que tu vénères depuis ta scolarité à Uagadou.

Les bras croisés sur ta poitrine, les prunelles lumineuses et vives qui se posent sur le futur étudiant. Sheraz Mahal, disciple de Poufsouffle. Souvent, cette pensée effleure ton brillant esprit : et si tu avais étudié ici, à Poudlard, dans quelle maison aurais-tu été répartie ? Serdaigle, très certainement. Certains font preuve d’une ambition carriériste, d’une finesse d’esprit et d’une grande volonté de pouvoir. De quoi, au fond, bien te représenter. Le Savoir, c’est le Pouvoir. Fière, tu t’es toujours montrée intransigeante envers toi-même, ainsi qu’envers les autres.

Mahal, donc, aux prises avec un … Ta première réaction est de te figer complètement. Stoïque, silencieuse, alors que l’hilarité générale ose gagner les bancs de cette salle de cours. Ta mâchoire se crispe aussitôt. Un Peter Pan, un enfant sur une fenêtre. L’homme à la robe jaune et noire entame une sorte de sprint, le visage effaré. “Silence !” tonnes-tu alors que tu lèves la main dans un geste théâtral. Le garçon qui allait alors s’enfuir par la haute porte est soudainement projeté en arrière. Il tombe sur le sol dans un bruit fracassant. Une expression dubitative traverse ton visage pâle. Tu reprends rapidement le dessus alors que le silence est de nouveau maître en ces lieux, tous les regards tournés vers ta personne. “Je ne tolère pas cette attitude détestable. La moquerie n’a pas sa place dans ma classe. Aussi, lors de notre prochain cours, je vous donnerez pour travail de dégraisser les bassins de l’élevage de Kappas. L’on raconte que ces créatures ont un penchant vicieux pour le sang humain et la strangulation”. Ton terrible regard s’éternise sur l’assemblée. “Maintenant, tout le monde dehors !”

Pour un né moldu, le cours du Professeur Amonwë avait quelque chose d'à la fois très excitant et de totalement terrifiant. Comme si l'élégante professeur avait pu concentrer dans sa salle de classe l'essence même du fantastique, ses peurs d'enfant les plus sombres dans un environnement parfaitement maîtrisé - du moins il l'espérait. L'intitulé de ce cours l'avait toujours fait sourire jusqu'à ce qu'il ne mette le nez dans son premier livre d'histoire de la magie. Quoiqu'il en fut, après cela, il ne s'était plus jamais avisé de sourire mais il ne pouvait s'empêcher de ressentir une forme d'excitation.

Ce jour-là, le programme promettait un véritable challenge. Se confronter à sa plus grande peur : le scénario idéal de tout bon film d'heroic fantasy. Sur le principe, Sheraz se sentait d'attaque à affronter ce qui voudrait bien se présenter. Probablement une mante religieuse géante ou un amas grouillant de chenilles processionnaires. Des bestioles qui le répugnaient au plus haut point. A se poser la question, il n'avait pas vraiment idée de ce à quoi il serait confronté ce jour-là. Tous les grands classiques étaient en train d'y passer. Il n'y avait guère que le pigeon de Griselda Lovely qui avait laissé la classe perplexe mais la jeune femme s'était assez bien tirée d'affaire. Voyant les quelques lettres qui la séparaient de la Serdaigle dans l'alphabet s'amenuiser, Sheraz se tenait prêt, baguette en main.

Et le voilà qui se lève, son tour venu. Il avait potassé le sujet en long en large et en travers. Riddikulus. Quelques syllabes qu'il faudrait projeter avec conviction le moment venu, bien droit dans ses bottes. Le jeune homme observa la malle. Chaque détail, du vernis aux ferronneries captant son attention méticuleuse alors que les charnières bien huilées se mettaient en action. Mais il ne se passa d'abord rien. Une fumée informe, pas de quoi prendre ses jambes à son coup, bouillonnait au-dessus de la gueule béante de la malle et il fallut encore quelques minutes pour que le tout ne commence à prendre forme.

On pouvait distinguer ce qui ressembler à l'encadrement d'une fenêtre. Sheraz fronça les sourcils, interrogeant le Professeur Amonwë du regard un bref instant, sans comprendre. Il savait qu'il fallait rester centré sur la malle. De l'autre côté de la fenêtre, une magnifique nuit étoilée, presque surréaliste et puis, une ombre nouvelle qui commençait à prendre forme. Une silhouette à vrai dire et bientôt un garçon à l'âge indéfinissable que Sheraz identifia comme Peter Pan. Il ne voyait toujours pas le rapport avec l'épouvantard jusqu'à ce que le garçon se retourne vers lui, l'oeil brillant d'une lueur maligne,  pour lui tendre la main.

Sans qu'il ne comprenne pourquoi, le préfet de Poufsouffle sentit son coeur s'emballer. Il ne comprenait toujours pas mais intérieurement c'était l'affolement général. D'ailleurs ses cheveux avaient commencé à changer de couleur avant même qu'il n'esquisse le premier pas en arrière. Ses mains crispées, incapables de retenir sa baguette qui retombait sur les pavés dans un bruit sonore. L'air lui manquait et à mesure que le garçon en costume vert approchait sa main, Sheraz sentait la peur le pétrifier à l'idée insupportable d'être entraîné de l'autre côté de la fenêtre. La main du garçon était désormais tout près de l'empoigner. C'est alors que, sans crier gare, le Poufsouffle fit volte face, la pupille réduite à un minuscule point étriqué dans ses yeux sombre. Voilà qu'il se mettait à fuir, manquant trébucher sur son propre sac qu'il avait laissé au pied de sa chaise, dans le corridor central. Il n'avait plus qu'une idée en tête, prendre la porte - elle était bien assez majestueuse pour ça - et mettre le plus de distance possible entre ce gamin sans âge et sa petite personne. Le plan se serait déroulé sans accroc si la porte avait bien voulu coopérer. Mais pour Sheraz Mahal ce jour-là, ce fut comme une grande claque. La porte le projeta vers l'arrière, sans doute mue par la volonté du gamin à la tunique verte. Alors qu'il retombait lamentablement sur le dos, son cerveau irrigué par l'affolement général ne pouvait qu'attribuer la faute à l'épouvantard. Plus tard, il lui paraîtrait logique que ce coup bas soit venu du professeur Amonwë elle-même.

Ses cheveux étaient encore à en train de passer la gamme complète des couleurs sous l'effet de la panique quand ses camarades commencèrent à vider les lieux au pas de course. Il en aurait bien fait de même si la porte le lui avait pas fait voir trente-six chandelles quelques secondes plus tôt.

Par réflexe, il se retourna, groupé sur lui-même comme une de ses chenilles poilues répugnantes qu'il s'était attendu à voir sortir de la malle. La silhouette ténébreuse du professeur Amonwë le surplombait. Difficile de faire autrement que de la regarder avec ses grands yeux de chien battu honteux. Dans son torse, il avait l'impression que son palpitant essayait toujours de s'enfuir. Ses cheveux continuaient leur manège quoiqu'à un rythme moins cadencé, signe qu'il allait finir par retrouver un semblant de calme.

Contrit, Sheraz se redressa douloureusement. Le sortilège de répulsion ne lui avait pas fait le moindre mal mais la réception avait été rude. Il avisa sa baguette un peu plus loin. Son sac à demi renversé.

« Je... », fit-il en signifiant d'un geste maladroit qu'il allait lui aussi ramasser ses affaires et partir.

Et dire qu'il n'aimait pas se donner en spectacle...

La violente désinvolture par laquelle la porte a projeté l’étudiant en arrière s’avère déconcertante. Autant pour lui que pour l’ensemble des étudiants. Peut-être ne s’attendaient-ils pas à ce que tu puisses dégainer ta magie aussi vite ? D’ailleurs, sans doute ne se sont-ils pas rendu compte d’où cela provenait dans un premier temps ? La panthère aux origines égyptiennes ne manquent vraisemblablement pas d’un don certain lorsqu’il s’agit de surprendre son public. Une claque, littéralement. Tu ne manques d’en sourire, le rictus mauvais au coin de tes lèvres maquillées de carmin.

Le surplombant, ton aura ténébreuse doit être terrifiante. Qui rêverait de cette scène à part ce cher et masochiste Professeur @Luke Korrigan . Par pitié, pourquoi faut-il que tes pensées se tournent vers cet individu dont l’odeur de chien mouillé est omniprésente lorsqu’il est présent dans la salle des enseignants ? La nature de métamorphomage semble reprendre le dessus chez l’étudiant dont la chevelure passe du rose au jaune en un quart de seconde. La honte est perceptible dans son regard. Un œil qui laisse à penser à celui d’un malheureux Croup. “Ne me regardez pas de la sorte, Mahal”, prononces-tu, sèche.

Ton regard suit le sien jusqu’à sa baguette et son sac renversé. “Debout”, ordonnes-tu tandis que tes pas te mènent déjà à quelques mètres de l’endroit où vous vous teniez. L’étudiant finit par se redresser, tu devines à la suite de ses mots qu’il envisage de quitter la pièce. “Non, vous ne sortez pas d’ici”. De dos, élégante mais dangereuse courbure de hanches qui finit par se retourner. “Sheraz Mahal. Je m’interroge au sujet de votre épouvantard”. Les iris rivés en sa direction, le voilà toisé avec rigueur. “Je n’en ai jamais vu de semblable”, finis-tu par admettre.

Les bras croisés sur ta poitrine, tu fais signe de te suivre au disciple de Poufsouffle. Vos deux silhouettes traversent un immense cercle rituélique tracé à même le parquet foncé dans une encre noire - les plus imprudents imaginent qu’il s’agit d’une toute autre substance, du sang séché par les années ? “Je dois dire que rares sont ceux qui attisent ma curiosité de la sorte. Je parle des étudiants”. Le silence est maintenu un instant alors que tu viens t’asseoir sur le rebord du bureau professoral. “Je peux vous aider à maîtriser cet épouvantard, Mister Mahal”. L’offre est lancée, le Souaffle étant dans son camp. Pour autant, aucune demande n’a été formulée clairement. Tu n’es pas du genre à offrir ta supervision sans contrepartie.

@Sheraz Mahal

D'ordinaire, le professeur Amonwë était la créature la plus captivante de la salle - du moins selon Sheraz. Sans qu'il n'en soit à la trouver à son goût, il devait bien reconnaître qu'elle dégageait l'aura dangereuse d'une mante religieuse et imposait le respect d'une fée Morgane. Mais là l'épouvantard remportait haut la main la palme de la captation d'attention. Le pire dans tout cela c'était que cet élan de peur primaire qui l'avait fait détaler comme un lapin, il était même incapable de l'expliquer. En soi, qu'y avait-il de si effrayant dans l'image du Peter Pan à la fenêtre ? Il ne l'avait jamais su même si d'aussi loin qu'il pouvait s'en souvenir, ses parents avaient toujours éviter de le coller devant ce film. Jusqu'à présent, Sheraz c'était toujours dit que ça avait avoir avec sa condition d'enfant adopté. Les disney n'étaient guère pensé pour ce genre de public même si ça ne l'avait pas empêché d'en prendre sa dose au même titre que les autres enfants et ado de son âge.

La voix d'Amonwë cingla, le sortant de ses introspections. A y bien regarder, dans un disney, la professeur de Défense Contre les Forces du Mal aurait fait une merveilleuse Maléfique. Espérons seulement que les toutes fraîches péripéties du préfet de Poufsouffle n'aient pas réveillé le dragon. Obéissant au doigt et à l'oeil, le jeune homme se releva, défroissant rapidement sa robe de sorcier comme s'il avait anticipé quelque remarque sur son manque de tenue. Apparemment il ne fallait pas compter mettre plus de distance entre lui et la terrifiante malle.

Sheraz fronça les sourcils. Elle s'interrogeait ? Lui aussi, mais il n'était pas sûr qu'il faille le dire à haute voix, d'ailleurs pour être honnête, il ne savait trop quoi répondre à cette dernière remarque de sa professeur.

« Et... hum... c'est grave ? »

Sa voix s'étrangle dans son gosier devant la stupidité de cette question.

Pendant ce temps, ses cheveux commençaient à peine à retrouver un semblant de teinte noire.

En même temps que les mots passaient sa bouche, il se flagellait intérieurement de s'être senti obligé de répondre quelque chose. Néanmoins, il la suit dans cet étrange cercle au sol qui a toujours attisé sa curiosité. Dire que certains, comme Griselda Lovely ou encore @Amy Jordan étaient persuadés qu'Amonwë pratiquait des sacrifices humains dans sa salle à ses heures perdues. Comme si c'était le genre de choses que la Directrice Mahyar aurait laissé passer...

« Je suppose que ce serait plus sage que d'essayer d'éviter les malles jusqu'à la fin de mes jours en effet... »

Un petit trait d'humour, signe qu'il reprenait du poil de la bête malgré les poils toujours dressés sur ses bras.

« Mais je vais être transparent avec vous Professeur Amonwë : je ne comprends même pas en quoi ce type à la fenêtre peut être effrayant. J'ai juste... perdu le contrôle. »

Et je ne suis pas certain de vouloir retenter l'expérience tout de suite aurait été la parfaite conclusion à cette phrase.

L’effroi règne en Maître dans cette salle de cours où les Arcanes Noires sont enseignées - tout du moins, en théories, les façons de s’en prémunir. Obéissant et respectueux, l’étudiant de la maison d’or se redresse, il défroisse sa robe sous tes yeux perçants, prévenant, avant même que la réprimande ne tombe à ce sujet. Est-ce que cela est grave ? La voix de l’homme semble ne pas être en mesure de terminer sa phrase. Comme si cette dernière était empêchée, freinée. “Je l’ignore”, dis-tu seulement, observant avec attention sa chevelure brune reprendre le dessus sur l’arc-en-ciel dégoutant - tout le monde connaît ton goût prononcé pour le noir - qui s’était épris de lui. Vraiment, les métamorphomages ont le don de te fasciner.

“Les épouvantards, comme les patronus, donnent un aperçu de l’état émotionnel et psychique du sorcier”. Tu marques une pause, les paupières fermées le temps d’un instant, les mains dans le vide, comme si tu t’imprégnais des énergies ésotériques de ce cercle ensorcelé dont l’aplomb est omniprésent dans cette vaste pièce. Tes lèvres s’étirent en un rictus ironique. Oui, tu es réceptive à son humour. Le tien, dit-on, est corrosif, incisif, rare. Ton regard se plisse, attentive à ses dires : il évoque une perte de contrôle. “Perdu le contrôle ?”, reprends-tu à sa suite, soucieuse d’en savoir davantage à ce sujet. “Je ne pense pas qu’il soit question d’une simple perte de contrôle, Mister Mahal”.

Vive d’esprit, tu sais que cette situation relève d’une complexité accrue. Tes phalanges se resserrent sur le bord du bureau, la manucure de tes griffes claquent contre le madrier de chêne dans un rythme lancinant, angoissant pour quiconque n’est pas à l’aise avec le silence. “S’il est seulement question d’une perte de contrôle, j’imagine que vous n’aurez absolument aucun mal à vous confronter de nouveau à cet épouvantard ?” Tu as insisté de façon volontaire sur cette idée de renouveler l’expérience. “Puisqu’il en est ainsi …” Dans les airs, ta main droite s’élève et dessine des arabesques. Les pupitres et autres chaises s’éloignent sous tes ordres informulés, ne laissant en évidence plus qu’une grosse malle aux serrures ciselées.

“Bien, Sheraz Mahal, je vous demande d’ouvrir cette malle dès que vous vous sentirez prêt à le faire et d’affronter votre plus grande peur. Je pense que cette fois-ci, rien ne saura vous déstabiliser, n’est-ce pas ?” Et tu te mets à faire le tour de ce vaste cercle tracé à l’encre noir sur le bois sombre et brun du parquet. “Je compte jusqu’à zéro, Mahal”. Chassez le naturel, il revient au galop. “Cinq … Quatre … Trois …” Les chiffres sont énumérés au rythme de tes talons qui claquent sur le chêne. “Deux …” Tu arrives à proximité d’une armoire regorgeant de mixtures étranges et ensorcelantes. Une armoire en fer forgé aux dessins tracés dans le métal avec une précision folle. Cela a toujours été très intriguant pour toi. “Un …” Tu t’apprêtes à achever le compte-à-rebours, quand soudain …


@Sheraz Mahal

Je l'ignore n'est pas le genre de chose que le cerveau méticuleux et couard d'un Sheraz Mahal aime à s'entendre dire. Par défaut, il penche naturellement vers l'option la plus désagréable parmi une infinité de possibilités. Est-ce que c'est grave ? Probablement dramatique. Mais la décharge d'adrénaline replacera le curseur à une latitude plus raisonnable, probablement entre le simple oui et le nous verrons bien.

Quant à mettre en relation son état émotionnel avec l'état d'escalabilité d'un élément d'architecture aussi banal que la fenêtre sortie de la malle à épouvantard... curieusement, quelque chose en lui se braque totalement à cette idée. Et tandis que le professeur Amonwë sourit à son trait d'humour, quelque chose en lui est en train de se terrer le plus loin possible, hors d'atteinte de tout soupçon de conscience.

Elle est ne laisse pourtant rien filer, minutieuse, presque méticuleuse avec ses ongles qui marquent une mesure glaçante sur le bureau. Bien sûr qu'elle voudrait l'y recoller tout de suite. Sheraz déglutit aussi discrètement que possible. C'est qu'il n'aime pas se donner en spectacle. Ses cheveux ont retrouvé leur belle couleur aile de corbeau, il n'aimerait pas se retrouver à nouveau confronté à une nouvelle crise disco. Les meubles laissent place, dociles, et voilà qu'elle l'attend, au milieu de la fosse aux lions - ou plutôt à l'épouvantard - la Malle.

Retenant tant bien que mal un regard affolé à son professeur, le jeune préfet délit ses doigts. Les claquements de talon, le compte à rebours... il ne serait pas surpris de découvrir que le Pr Amonwë ait fait partie du club de théâtre dans sa jeunesse. Rien ne saurait le destabiliser... une petite voix intérieure, sardonique, ne manque pas de corriger un un défaut de syntaxe. Un rien, oui. Son coeur s'emballe déjà rien qu'à la vue de la malle et il ne s'explique pas pourquoi.

« Professeur ! », l'arrête-t-il. Sheraz se tourne vers elle, rétif. Il laisse passer quelques anges devant cet aveu un peu honteux, « Je ne préférerai pas. »

Son regard gêné implore merci. Mais la veuve noire a-t-elle jamais fait ce genre de fleur ?

« Je suis déjà à deux doigts de retenter l'expérience de la porte... je sais pas pourquoi. En fait... elle est même très belle cette malle. Et ce n'est qu'une fenêtre. Je ne sais pas quoi vous dire... »

Avoir peur sans comprendre pourquoi, c'était sans doute cela le plus terrifiant. A tout hasard, il reporta son attention sur les murs, espérant pouvoir se confronter à une autre fenêtre et avoir l'illumination. Celle qui ne venait pas...

Le compte à rebours est lancé, angoissant, lancinant. Les talons qui claquent contre le chêne au rythme de ta langue fourchue qui dénombre ces chiffres maudits jusqu’au terminus. L’affolement est palpable, bien sûr, mais il ne parvient pas à te soutirer une once de pitié. Ce sentiment dernier n’est pas pour ta personne. Tu n’es pas une femme dont il est aisé d’appitoyer la conscience. Car, précisément, tu n’en es pas pourvue. Tu es certaine de lui infliger une redoutable pression. De toute façon, tu ne vis que pour cela, tu n’enseignes que de cette manière-là. Tu n’as appris que comme cela.

Alors que tu viens de dénommer l’unité, sa voix masculine arrête la tienne, grave mais féminine pour autant. Il se ravise et c’est une grimace de dégoût qui se hisse sur ton faciès pâle. Comme si tu t’apprêtais à lui tordre la nuque à distance, tes phalanges droites ont cette fâcheuse tendance à se mouvoir dans les airs, comme s’il était question de les étendre avant de se refermer sur ta paume. Le poing serré contre la hanche, tu soupires. “Navrant”, te contentes-tu de dire. "J’étais pourtant certaine que vous disposiez de certaines … prédispositions”. Tu marques une pause, une de ces célèbres attentes dont tu aimes ponctuer tes discours.

“C’est une ancienne malle, fruit de mes recherches lorsque j’étais encore curse-breaker pour le Département des Mystères”, expliques-tu fièrement. “De la mécamagie, m’a-t-on dit, bien que ce soit une branche de la magie où je dois m’avouer totalement novice”. Tu disposes bien de quelques connaissances basiques, mais c’est de loin un endroit qui demeure bien inconnu de ton immense savoir. “Un continent noir, en somme, que j’aimerais explorer un jour”. Une lueur ambitieuse dans le regard glacial. Et tu crois avoir décelé cela chez lui, il te semble qu’il n’en est pas un simple amateur. Le hasard fait donc bien les choses.

“Cette discussion ne doit pas pour autant nous faire perdre notre objectif, Mahal”. Tu croises son regard de cocker. “Je vous convoque d’ores et déjà pour une nouvelle leçon, la semaine prochaine, après vos cours de la journée”. Tu t’approches de cette boîte en fer forgé, que tu scelles d’un revers de la main. Prévenante, tu ne voudrais pas que l’épouvantard lui saute dessus en pleine inspection. Tu te baisses, élégante et féline, à hauteur de cette merveille. “Je l’ai découverte alors que j’étudiais le théâtre d’un ancien affrontement entre des gobelins et sorciers sur le sol russe. J’y ai repéré des traces de magie ancienne et maléfique. Quelque chose de très sombre. Il m’a fallu de nombreux mois avant de désamorcer l’ensemble des maléfices présents sur cet artéfact”. Soucieuse de lui apporter le plus d’informations précises à son propos, tu traces du bout des doigts les enluminures de ferrailles.



@Sheraz Mahal

Avait-il espéré de la clémence de la part du Pr Amonwë ? Non, il n'était pas si naïf , mais il aurait osé croire que son esprit d'analyse eut été de quelque secours pour lui. Ca ne fut pas le cas. Il eut malgré lui un rire jaune quand elle fit allusion à ses supposées prédispositions.

« Je serais curieux de savoir ce qui a pu vous faire penser ça... »

Sheraz était certes un élève brillant car très studieux mais le cours de DCFM requérait parfois - souvent - des qualités qui lui faisaient cruellement défaut. Le courage par exemple. Sheraz était le genre de personne à ne prendre de risque que s'ils étaient précisément calculés, autant dire qu'il ne prenait jamais aucun risque. Bref, ça n'est peut-être pas le sujet à l'instant.

Sans vraiment y réfléchir, ce fut sur cette malle qu'il n'arrivait pas à quitter des yeux qu'il détourna la conversation. Au tout départ, il la regardait fixement sans vraiment la voir et puis certains petits détails avaient accrochés son regard. Ensuite, elle avait parlé de Mécamagie, enflammant quelque chose en lui. Quelque chose qui donnait à ses yeux noirs profonds un lustre plus flatteur.

« Pourquoi ne pas vous lancer ? Ça n'a rien de franchement compliqué la Mécamagie. », demanda-t-il sans arrière pensée.

A ses yeux, ça n'avait effectivement rien de compliqué. Tout répondait à des principes logiques et pour ce qui était des bases, même sans la moindre imagination, il suffisait d'une solide mémoire pour arriver à quelque chose. C'était une opinion assez divergente de celle de la majorité et quand on se fiait à la sévérité des examens d'entrée, il y avait de quoi douter des paroles de Mr Mahal.

A nouveau, on s'écartait du sujet et, quoique ce fut tout à fait plus confortable pour lui que de tourner autour de la malle à épouvantard indéfiniment, à un moment Amonwë ne pouvait rester dupe de ce petit jeu. La convocation tomba comme un couperet sur la nuque de l'étudiant. Il fit de son mieux pour ravaler une grimace de désarrois, se contentant d'acquiescer. Le programme est clair et concis. Il ne couperait pas à s'y confronter à nouveau, tout juste pouvait-il se réjouir d'avoir une semaine pour se faire à l'idée.

Amonwë balaya le sujet. Elle n'entendait probablement pas qu'il puisse se rebiffer ou se rétracter, ce qu'il ne tenterait évidemment pas au vu de son tempérament. Si Sheraz Mahal avait dû porter l'uniforme à l'écusson rouge et or, il aurait probablement été la honte de la maison Gryffondor. D'un geste presque désinvolte, la féline Amonwë verrouilla la malle, petit détail qui n'échappa pas à l'oeil avisé et intéressé de Sheraz, mais surtout à son oreille.

« Des maléfices ? Ça explique le mécanisme à crémones complexes. J'imagine qu'il est doublé d'un jeu d'engrenages et de vis sans fin ? » Il n'avait eu à se mettre sous la dent qu'un cliquetis de serrure magique mais une certaine forme d'excitation était déjà lisible dans son regard. Comprendre, analyser, imaginer, voilà ce qui l'avait amener à resquiller le concours de national de mécamagie et se retrouver dans le bureau de la Directrice Mahyar, un écusson de préfet collé sur le torse quelques mois plus tôt, « Quel genre de maléfices, si ça n'est pas classé bien sûr... »

Avec ce professeur-ci, il s'attendait à tout.

“Disons que mes années en tant que Professeure m’ont appris que les apparences sont souvent trompeuses”, soulignes-tu à sa remarque jaunâtre. Mais l'accalmie ne persiste pas, la tempétueuse panthère finit par gronder de nouveau. Ne jamais être trop sympathique, de toute façon tu ne sais pas faire. “L’idée, probablement, que derrière votre allure désespérante se dissimulait peut-être un génie”. Tu marques un temps, les iris, de nouveau appelés en direction de la malle. “Je le dis de nouveau, la forme de votre épouvantard me laisse dubitative. Qu’un épouvantard puisse prendre la forme d’une métaphore est relativement rare. D’ordinaire, nous avons davantage à faire à des clowns et autres poupées repoussantes. C’est une preuve de grande maturité. Inexploitée, toutefois”.

Les yeux ronds de l’étudiant d’Helga Poufsouffle s’habillent d’une étonnante lumière à l’évocation de la mécamagie. Intriguée, tu hausses un sourcil à sa remarque. “Je ne suis pas assez patiente, Mahal”. Précise et rigoureuse, certes, acharnée de travail, encore plus. Mais patiente … “Ce n’est pas ma plus grande qualité”, déplores-tu sans te rendre compte que tu t’ouvres en partie à l’élève. Est-ce une idée reçue ? Oui, il doit être question de cela. Un art aussi poussé et méticuleux te permettrait-il de canaliser tes nerfs ? Oui, à n’en pas douter.

Alors que la malle se verrouille sous ta précautionneuse magie - tu ne voudrais tout de même pas que l’épouvantard lui saute à la figure - son attrait pour l’objet ne t’échappe aucunement. Le disciple d’or et de jais évoque l’existence d’un mécanisme complexe, doublé d’engrenages interminables. “Oui, c’est la seule chose que je peux affirmer. Le reste dépasse ma compétence”. Tu as essayé de l’analyser à plusieurs reprises sans jamais venir à bout de ses moindres rouages. “Je suis certaine qu’elle possède à minima un double fond”. Tu finis par te baisser, élégante, sans jamais qu’un genou ne touche le sol.

Tes ongles manucurés de noir tranchent avec l’or vieilli de la malle. “Si mes observations sont bonnes, je crois déceler ici la présence d’une double encoche. Cela me laisse penser qu’un autre mécanisme doit pouvoir être activé par la magie afin d’accéder à … Cet autre fond”. Tu plantes son regard dans le sien, incisive. “Un peu de savoir à propos des forces obscures ne vous fera pas le moindre mal, Sheraz Mahal. Il était en partie question de malédictions affectant le corps. J’ai découvert au cours de nombreuses heures de travail une magie noire slave très agressive. J’ai eu du mal à l’approcher durant les premiers jours de mes travaux”. Tu te souviens avoir été projetée en arrière à plusieurs reprises tant cette malle dégageait une force impressionnante. Tu finis par reporter ton attention sur le parcours de ton étudiant. “J’ai entendu dire que vous aviez été convoqué par la Directrice Mahyar …?”




@Sheraz Mahal

Sur le coup, il ne sut que répondre à ce compliment en forme de coup de fouet. Son allure désespérante... Son regard glissa sur le côté, espérant qu'elle ne rebondisse toute seule sur autre chose parce qu'il n'était vraiment pas prêt à commenter cette appréciation. Par chance, elle développa sur un terrain plus facile à manier. La théorie magique des épouvantards n'était bien évidemment pas sa spécialité. Il ne put toutefois s'empêcher d'émettre une hypothèse.

« Ça n'a peut-être rien de métaphorique... », risqua-t-il, plus parce qu'il réfléchissait tout haut en tenant compte de ce que la sorcière venait de lui réveler, « C'est vrai que vu comme ça, la fenêtre et le Peter Pan ont de quoi laisser perplexe... mais ça pourrait simplement être une version déformée d'un souvenir remonté de ma mémoire épisodique. Quelque chose qui remonterait à suffisamment loin - ou suffisamment choquant - pour que ça ressorte sous cette forme. Enfin c'est qu'une hypothèse  qui ne tient pas compte du tout de la théorie magique. Ce qui est intéressant avec la mémoire épisodique c'est tout le process de formation du souvenir. Comme on ne fait pas appel à des concepts objectifs, on opère une reconstitution de l'expérience vécue à travers différents prismes comme les émotions, le degré d'attention et caetera, ce qui fait que nos souvenirs épisodiques sont bien souvent assez déformés comparés à un rapport objectif ou quasi objectif. Du coup la fenêtre et le Peter Pan... »

Il s'interrompit, prenant subitement conscience de monopoliser la parole alors que, comme il l'avait dit lui-même, il n'était pas en mesure d'insérer la moindre théorie magique dans son analyse.  

« Mais c'est peut-être une métaphore... », il haussa les épaules, incapable d'abonder la moindre piste sur cette théorie-ci. La métaphore était une piste intéressante mais son champ des possibles paraissait bien trop large pour se risquer à des suppositions à ce stade de la réflexion.

L'idée lui plaisait cependant et il se promettait de consulter quelques ouvrages de psychologie pour essayer de la creuser.

Dans la suite de leurs échanges, ils en revenaient à un sujet qui animait Sheraz plus que les autres encore. Naturellement curieux de magie, comme tous les nés moldus, il avait toujours cette petite étincelle dans le regard mais quand on l'embarquait vers son domaine de prédilection, c'était d'un tout autre niveau.

« Vous êtes sans doute patiente sans vous en rendre compte sinon nous ne serions pas là à discuter théorie de la mémoire et métaphores. A mon avis il faut juste que vous y trouviez un intérêt et une motivation... »

On ne devenait pas chercheur sans un brin de patience. A ses yeux ça n'était pas possible. Mais il avait déjà vu ce qu'elle voulait dire par là, dans cette classe même. A sa place, parfois il n'aurait pas été patient non plus. Une petite pensée s'envola vers l'un de ses camarades, Roy Thomas, qui avait toujours le chic pour poser la question qui allait les faire revenir au niveau d'avancement zéro du cours, tout ça parce qu'il semblait dépourvu du minimum d'intelligence requis pour ne serait-ce que suivre une instruction écrite. Que dire de sa restitution fantaisiste des revendications à l'origine de la révolte des gobelins de 1612 ? Dans ce genre de situation, la patience de Sheraz le poussait à ouvrir n'importe quelle page du manuel d'étude ad hoc et s'accorder une petite pause lecture pour le plaisir en attendant que ça se passe. Bref, tout était relatif aussi quand il s'agissait de patience.

Il écouta très attentivement les théories de sa professeure, suivant de son oeil toujours curieux le moindre de ses gestes. Des affections du corps... de la magie noire slave... tout cela devenait très excitant. L'idée que la fenêtre et son Peter Pan se trouvaient finalement à quelques centimètres de lui, quoi que sous verrou, ne l'effleura pas. Au contraire, tout ce qu'il trouva à dire ce fut...

« Vous avez des notions de cyrillique ? Généralement ce genre d'artefacts est enchanté avec des runes ou des sceaux parce qu'ils sont voué à survivre à leur propriétaire. Il faut donc faire en sorte que la transmission soit assurée d'une manière ou d'une autre. C'est un peu l'équivalent des machines simples du monde magique. Ce qu'il faudrait c'est chercher ce qu'on ne peut pas voir à l'oeil nu... avec des lunettes de précisons ou un sortilège de Lumos augmenté ? »

Quant au sortilège de revelio il était évident qu'elle l'aurait forcément usé sur toutes les coutures de l'objet donc il ne le mentionnerait pas. Il avait déjà naïvement fait cette suggestion à M. Vorpe à son premier jour à l'IDEM, cela lui avait servi de leçon... Justement, parlant de ses débuts à l'IDEM...

« Euh oui. C'est vrai. Le règlement du Concours National des Mécamages est très strict concernant la sélection de ses participants et la provenance des inventions présentées. », répondit-il sans en mener trop large de peur que cette histoire ne lui retombe encore sur le coin de la truffe. Seuls les mécamages détenteurs du précieux MULOT de Mécamagie étaient autorisés à se présenter. Mais même si le jury avait finalement invalidé la 2e place attribuée "par erreur" à son stabilisateur à potion, il en gardait tout de même une certaine fierté, « J'imagine que la Directrice ne pouvait pas faire comme si de rien était. »