Do I wanna know ? — ft. Edel Almadovar

Edel & Siobhán
Never-Utopia


Pendant les vacances scolaires, Poudlard, en sommeil, se faisait toujours plus silencieux et plus calme qu’à l’accoutumée. Les couloirs se vidaient de leurs habituels bruits. Le vacarme des chaises trainées lourdement sur le sol en début et en fin de cours laissait sa place à quelques va-et-vient plus discrets d’étudiants qui circulaient entre les pièces principales. Fille de professeur, Siobhán avait pour habitude de passer ces quelques jours de repos au château, tirant ainsi tous les profits de cette ambiance plus tranquille qui lui permettait de se ressourcer. Et, au lendemain d’une journée intense de révélations en compagnie de son frère, elle avait ressenti, plus que jamais, le besoin de se retrouver.

Seule.

Que personne ne s’y méprenne ; les Korrigan n’étaient pas du genre à ressasser, encore moins à se lamenter. @Luke Korrigan avait appris bien assez tôt à ses jumeaux à se relever, avant même de leur montrer comment ne pas tomber. Non, définitivement, les Korrigan ne se laissaient jamais abattre. Ils préféraient toujours partir en quête d’une tâche annexe qui leur permettrait d’oublier, jusqu’à la nuit noire, les démons qui les hantaient. Et si, pour ses ancêtres, cela passait par la volonté d’aller abattre d’innocentes créatures magiques, Siobhán, elle, préférait passer son temps libre à les les étudier.  

Sur son lit, des dizaines de livres, dédiés tantôt aux différents modes de camouflage des botrucs, tantôt aux alternatives d’alimentation pour les croup, tantôt aux méthodes d’éducation positive des niffleurs. Siobhán avait passé la journée à lire, relire, apprendre. L’objectif était de se perdre dans ces lectures pour ne pas penser à ce que faisait @Finn Gavalagh-Korrigan en cet instant.

Et à l’idée qu’il y avait encore une vérité qu’il ne savait pas. La dernière de toute. Et ça n’avait, cette fois-ci, strictement rien à voir avec leur famille.

Grâce à un mouvement de doigt rapide, la page du livre sous ses yeux se tourna, chassant avec elle le prénom qui venait de faire irruption dans l’esprit de la vélane, ainsi que quelques images persistantes  de cette soirée du 11 février dernier. Que faisait-il, d’ailleurs, en ce moment-même ? Une autre page tournée, une autre pensée éloignée. Et cette mécanique, qui se répétait, jusqu’à la fin du livre. Jusqu’à ce que la nuit arrive.

Jusqu’à ce qu’elle entende la porte de sa chambre s’ouvrir.

La seule personne qui ne frappait pas en entrant dans cette chambre était la seconde habitante des lieux. Celle que Siobhán considérait aujourd’hui comme sa meilleure amie, avant d’être sa colocataire. La vert-et-argent ne prit même pas la peine de lever les yeux du livre qu’elle finissait de survoler pour la saluer, allongée de tout son long sur son lit, la tête nonchalamment posée sur ses mains.

@Céleste Delacroix avait visiblement mis un terme à ses vacances françaises plus tôt que prévu.

« Déjà de retour de France, Madame Delacroix ? » balança-t-elle simplement avec un accent français surjoué, sans se retourner, les yeux toujours rivés sur son ouvrage. « Tu savais, toi, que les croup pouvaient dévorer les gnomes de jardin ? »

L’air suffisant qui avait envahi son visage à la prononciation réussie de cet unique mot en français l’avait quitté aussi vite qu’il était arrivé. Pour cause : un « Non », franc, avait fendu l’air avec une voix masculine qui ne correspondait aucunement à celle de Céleste. Même dans le cas où cette dernière aurait attrapé une grosse angine pendant son séjour français.

Siobhán s’était retournée subitement en se redressant sur son lit, comme une enfant qui venait d’être attrapée en train de faire une bêtise. Il y avait deux possibilités : soit Céleste avait consommé un Polynectar bien dosé et, le cas échéant, avait appris à imiter Edel à la perfection pour lui faire une blague, soit ce dernier était bien là, devant elle, dans sa chambre. Sa surprise était difficile à cacher. Son sourire, aussi.

« On rentre sans frapper, maintenant ? Et tu m’enfermes dans mes propres quartiers ? De mieux en mieux monsieur Almadovar. Je vois qu’on prend ses aises. »

Au moment où Siobhán abaissa à son tour sa baguette, les livres étendus au sol et sur son lit s’animèrent soudainement pour s’entasser les uns sur les autres dans un coin de la pièce. La clé fit ensuite un deuxième tour dans sa serrure.

La Korrigan était de celles qui détestaient les surprises, parce qu’elles sortaient hors du cadre de ce qu’elle était en mesure de contrôler. Mais il fallait bien admettre que celle-ci ne lui était pas désagréable. Au contraire, même. Après tout, quelques minutes plus tôt, elle s’était interrogée sur les occupations du Serpentard qu’elle avait quitté seulement deux jours auparavant.

«  Ça ne me déplaît pas », avoua-t-elle avec un sourire seulement à moitié dissimulé avant de poursuivre, pour ne pas lui laisser le temps de rebondir sur cette confession : « Ce n’est clairement pas en France que tu as pu prendre ces couleurs en plein hiver. Tu étais au Mexique ? Le soleil sud-américain te va très bien au teint. »

Sous ses airs moqueurs, Siobhán était sincère. En face d’elle, Edel avait ce sourire qui faisait instantanément naître le sien et qui lui aurait presque fait regretter qu’il ne soit pas entré plus tôt dans sa chambre, même sans y être invité. Mais ça, bien sûr, elle le garderait pour elle. Il n’avait pas besoin de cette information, déjà bien assez sûr de lui pour poser son manteau sur une chaise et agir comme s’il était le maître des lieux.

« Figure-toi qu’on apprend beaucoup de choses dans ce livre. Mais laisse-moi juger de ta remarque moi-même parce que justement, je viens d’en recevoir une, carte postale. En chair et en os. Juste devant moi. »

Avec un sourire tendre, Siobhán assise au bord du lit, tapota la couette qui, débarrassée de tout son bazar, pouvait enfin les accueillir. Elle invitait silencieusement Edel à se poser à ses côtés, non sans avoir déposé au préalable ses iris verts dans son regard noir. Elle se préparait désormais à sentir son parfum l’envahir d'une minute à l'autre.

«  Alors, raconte-moi, c’était bien ? », demanda-t-elle en se forçant à adopter un ton sérieux.

Comme s’ils avaient toujours fait ça, alors que c’était bien la première fois.

Un sourcil inquisiteur s’arqua sur son visage lorsqu’elle le vit s’installer sur un siège et non sur son lit, alors qu’elle venait de l’y convier. Edel gardait ses distances à l’intérieur même de cette pièce dont elle avait fait son refuge, alors qu’il avait clairement fait le choix de la retrouver dans sa chambre quand il aurait pu tout simplement se contenter d’attendre son passage dans la salle commune, comme il l’avait déjà fait par le passé. Le petit jeu de son attitude la déstabilisait plus qu’elle ne voulait se l’admettre, alors elle reprit un ton plus neutre, refermant légèrement son cœur et les traits de son visage.

« J’aurais surtout eu le temps de ranger avant que ta grosse tête ne passe la porte. » claqua-t-elle en se redressant et en effaçant toute trace de nonchalance dans sa position. « Et tant que je ne suis pas transparente, ça va. Le jour où ça sera le cas, je ne manquerai pas de prendre un bain de soleil sur tes bons conseils. »

L’habituelle lueur de malice qui faisait briller les yeux du vert-et-argent était toujours là. Siobhán la percevait même à distance, parce que c’était précisément ce qui donnait tout leur éclat à ses yeux aux pupilles de charbon. Et cette petite flamme espiègle qui le caractérisait si bien s’était encore renforcée quand il avait balancé sur son lit un objet brillant, avec adresse. Les iris verts de la vélane se posèrent sur un bijou très fin et reconnurent immédiatement leur couleur jumelle sur l’émeraude qui étincelait au cœur de sa pétale blanche, elle-même saisie par des mailles délicates. La stupéfaction lui fit lever les yeux vers Edel mais son visage se força à n’afficher aucun sourire, par pure méfiance au regard de son comportement.

« C’est très gentil d’avoir pensé à moi mais je n’ai pas particulièrement envie de me transformer en gnome de jardin ou en scroutt à pétard, là… »

Il était toujours aussi difficile pour la jeune Irlandaise de faire confiance aveuglément, mais jusqu’ici, Edel n’avait rien fait pour réveiller ses doutes. Au contraire ; son discours l’avait systématiquement encouragée à s’affirmer, à s’assumer même. Quel intérêt aurait-il à la pousser dans ses retranchements pour la tourner ensuite en ridicule ? Elle leva les yeux au ciel comme pour pester contre ses propres pensées, avant de faire glisser le collier entre ses doigts fins et d'en caresser la pierre.

Aussitôt, une odeur familière lui monta au nez. Ce genre de senteur que l’on reconnaîtrait entre mille, sans pour autant savoir les situer immédiatement. Une vague de bien-être l'envahit et la plongea alors dans les plus tendres souvenirs de son enfance, quand, après ses crises de larmes, son petit corps de gamine se retrouvait serré dans une étreinte à la fois rassurante et apaisante. Avec un peu de recul, il n'était pas difficile de savoir qui la tenait dans ses bras après chacun de ces accès de tristesse. @Maeve Cynfeirdd. C'était son parfum qui lui montait au nez, le même que celui qui régnait encore dans son bureau du cinquième étage et dont les effluves l'avaient atteinte lors de sa dernière visite. L'émotion aurait pu la submerger face à ces mémoires, mais Siobhán ne retenait que cette douce sensation qui l'avait envahie, comme si les bras de Maeve l'entouraient encore.

« C'est le collier qui fait ça ? C'est un vrai cadeau ? C'est tellement... » Une pause, un silence. « Pourquoi ? »

Les mots manquaient. Encore perturbée par les sensations qui l'avaient envahie. Siobhán ne termina jamais sa phrase. « Surprenant ». Voilà le terme qu'elle cherchait. La sensation l'était, au moins tout autant que l'idée qu'Edel ait pu lui offrir ce bijou. Elle ne fut bonne qu'à lever des yeux remplis de gratitude vers lui alors qu'elle tenait toujours le collier dans ses mains, mordant sa lèvre inférieure. Comme pour éviter que des phrases ne sortent trop spontanément.

C’était le second pas qu’il faisait vers elle.

D’abord, il lui offrait un bijou qu’elle n’attendait pas. À la fois parce qu’il venait d’Edel et que c’était déjà bien assez improbable pour être soulevé, mais aussi pour les effets qu’il produisait, preuve tangible qu’il avait lu en elle comme personne ne l’avait fait jusqu’ici. Ses joues rosirent légèrement à cette pensée, peu habituée à se livrer aussi profondément à qui que ce soit en dehors des siens. D’habitude, c’était même l’inverse qui se produisait.

Et puis, le Serpentard finit par la rejoindre sur son lit. Cette proximité entre ces deux corps qui s’étaient déjà mêlés la fit frémir. Des frissons se dessinèrent sur sa peau de coton au contact de ses doigts sur les siens. Et ce parfum, qui l’avait déjà enivrée à deux reprises.

«  Tu te fiches de tout et de tout le monde. Pourquoi pas ?  », chuchota-t-elle simplement en maintenant le contact incertain de leurs yeux, incapable d’élever davantage la voix.

À croire qu’il était désormais de coutume que l’un et l’autre se répondent par l’intermédiaire d’une autre question.

Si Edel n’aimait tout simplement pas répondre quand on l’interrogeait, à en croire chacun de leurs derniers échanges, Siobhán se refusait quant à elle à en dire plus sur les raisons de sa réserve. Autant lui balancer les clefs de son cœur dans la figure dès à présent, alors qu’il était hors de question que quiconque puisse y accéder pour le moment.

Au lieu de parler, elle se laissait guider par ses mains bronzées qui se refermaient lentement sur les siennes, si pâles à côté, puis sur l’émeraude. À nouveau, le parfum de Maeve dans l’air, qui lui arracha un sourire sincère, irradiant subitement son corps d’une chaleur douce et réparatrice qui circulait dans tous ses membres en simultané. Son sourire s’élargit, parce que cette senteur si familière se mélangeait à celle, plus nouvelle, d’Edel, sans que Siobhán ne sache vraiment si cela était dû aux pouvoirs du collier ou à leur proximité.

«  Tu es quelqu’un de surprenant, tu sais ?  » finît-elle par murmurer encore pour ne pas rompre tout à fait le silence autour d’eux. «  Au-delà du fait que tu aies très bien choisi le collier, je veux dire. Parce qu’il est magnifique. Comment tu as su…  »

Siobhán ouvrir ses mains dans les siennes, laissant  délicatement tomber le bijou sur sa paume. Elle n’attendit même pas sa réponse pour se tourner dos à lui et dévoiler sa nuque nue de tous cheveux, positionnés de côté de telle sorte qu’il puisse l’habiller lui-même de ce cadeau qu’il venait de lui offrir.

Il y avait indéniablement quelque chose qui circulait entre eux quand ils se touchaient. Alors qu’Edel faisait courir ses doigts à même la peau nue de son cou, Siobhán sentit l’effervescence de leurs derniers moments partagés prendre doucement possession d’elle. Et sa voix. Et son parfum. En parallèle, côté face de son corps, elle sentait le pendentif caresser son décolleté, lui arrachant un nouveau frisson alors qu’elle fermait doucement les yeux, se laissant aller à cette présence qu’elle se surprenait à apprécier, et parfois même à manquer.

Mais soudainement, le charme était rompu alors qu’il regagnait cette chaise qui l’avait tenu éloigné d’elle dès le départ. Les yeux de la vert-et-argent se levèrent au ciel alors qu’il reprenait ce ton insolant qui l’exaspérait tant — et qu’elle apprenait, au fond, à apprécier également.

« Ce collier renferme les odeurs des personnes qui comptent pour eux ? Pour les apaiser, c’est ça ? »

Cette partie d’elle qui voulait tout savoir en dépit du reste reprenait péniblement le dessus. Bien sûr, tout ne s’apprenait pas dans un livre, mais en même temps, la seule personne qui aurait pu lui véritablement lui apprendre à se maîtriser était aussi l’une des raisons pour lesquelles elle n’y était jamais parvenue. Mais avec Edel, la rouquine savait qu’elle n’avait pas besoin de chercher quelconque sensation de contrôle, qu’elle était libre de se laisser aller à sa véritable personnalité.

« Pourquoi est-ce que tu penses que j’aurais envie de faire de ta présence une habitude ? », demanda-t-elle à voix basse en le toisant de ses iris verts à travers la pièce.

Il était l’une des rares personnes avec qui elle pouvait se plaire à être elle-même, sans contrepartie. Alors, l’instinct et l’envie se combinèrent pour lui permettre de trouver le courage de faire, à son tour, le premier pas. Siobhán se leva soudainement de son lit pour se rapprocher de lui, parce que son corps lui dictait en cet instant qu’il s’agissait de la bonne conduite à tenir et qu’elle décidait, pour une fois, de le suivre effrontément. Arrivée à sa hauteur, elle chuchota dans son oreille :

« Merci. »

Saisissant la main d’Edel entre ses doigts, elle la posa au niveau de son décolleté, là où la pierre d’émeraude sommeillerait à présent, pour être réveillée à chaque fois qu’elle en éprouverait le besoin.

« Et toi. Montre-moi. »