Another one bites the dust [Lucy]

Assis, seul, dans un fauteuil devant la cheminée d’un des salons du Manoir Clearwater, je contemplais le feu d’un air distrait. Avachi, mes jambes vers ce dernier, je regardais les flammes sans véritablement les voir, tout en repensant aux derniers évènements qui s’étaient produit dans ma vie. La perte de mon enfant à naître, surtout, qui prenait beaucoup de mes pensées… Mais pas que. Toutes ces fois où j’avais failli perdre la vie, en mission ces derniers temps. Le boulot se voulait de plus en plus dur, et j’avais l’impression qu’il était surtout de plus en plus dangereux. Contrairement à ce que l’adage voulait faire croire à tous… J’avais peur. Peur pour moi, et surtout pour ma famille… Plusieurs fois, je m’étais dit que j’avais failli tellement perdre. Et j’en avais perdu une partie. Certes, ça n’avait pas été un être humain à part entière mais…
La boule aux ventres, je me levais, laissant Mamie Maggie dans son sommeil léger. Avec un regard affectueux, je lui remis la couverture à carreau sur elle. Je l’avais vu dés que nos regards s’étaient croisés… Elle s’inquiétait beaucoup pour moi.
Tournant les talons, je me décidais à partir. J’allais rentrer à mon appartement, et… glander. Même si c’était ce que j’étais déjà en train de faire. D’instinct et par réflexe, je levais mon visage vers l’horloge du Clan. Immédiatement, je vis l’aiguille bouger. Une aiguille en particulier… Celle de ma sœur Lucy.
Elle pivota sur « A la maison. ».
D’instinct, je me dirigeais vers le Hall d’entrée. La porte s’ouvrit, et… sans réfléchir… Je l’a pris dans mes bras. D’une étreinte à lui broyer les os et à lui éclater le sang. Depuis l’accident de Solvi, je m’étais éloigné de tout le monde et renfermé sur moi même. Je parlais peu, je mangeais peu, je dormais peu et je travaillais beaucoup. J’avais agi comme un Clearwater digne de ce nom, à savoir enfouir mes émotions au plus profond de moi, et attendre que l’orage passe.
Et donc, je savais que j’avais blessé certains avec ce comportement. Dont elle. Serrant ma petite sœur, je l’embrassais sur le front. Même si elle décidait de partir, elle n’irait nulle part, je maintenais mon étreinte.

« Je suis désolé. » avais-je dit d’une voix rauque.

Ca faisait étrange, d’entendre sa voix. J’avais eu deux jours de repos et je les avais passé à contempler le feu avec Mamie Maggie, sans rien se dire. Serrant Lucy contre moi, encore une dernière seconde, je la libérais de mon étreinte et lui remit les cheveux correctement, une mèche étant arrivé sur son visage qui se révéla être…

« Oula…. »

Bon, j’allais peut être pas m’en sortir avec un simple câlin et un simple « Désolé ». J’avais peut être un peu rêvé. Croisant donc les bras, face à elle je l’observais d’un air de défi.

« Et si on réglait ça ici et maintenant toi et moi ? »

Les bras toujours croisés, je pris une grande inspiration.

« Je suis désolé d’avoir été distant, d’avoir été froid à toutes tes tentatives d’approche, et surtout de pas être venu te voir alors que j’en avais grandement besoin mais j’ai agi comme tous les membres mâles de cette famille, avec grande pudeur. »

Fier de moi, je tendis la main, comme pour lui donner la parole.

« A toi. C’est facile tu vas voir. Je suis… désolé… Fergus. Allez répète. »

J’allais m’en prendre plein la gueule, mais c’est ce que je voulais : que tout rentre dans l’ordre des choses. Moi qui l’embête, elle qui m’en met plein la gueule, un câlin, des éclats de rire et c’était reparti comme en 96.

Et c’était reparti. Dans un soupire, j’avais laissé ma sœur se libérer de mon emprise. J’avais souri intérieurement sans bien sur prendre le risque de lui montrer. Je savais et j’avais senti que ce petit calin lui avait fait du bien, mais visiblement, elle ne voulait pas trop le montrer… A croire qu’il n’y avait pas que les hommes de la famille qui avait une certaine pudeur. D’un geste sec de ma baguette, je balançais un Assurdiato en direction de la porte.

« Tu vas déranger Mamie. » dis-je d’un ton calme.

Oui, j’avais bien dit « Tu ». Parce que moi, pour l’instant, je ne criais pas. Avec un sourire froncé, je me mis brusquement à dire, piqué au vif.

« Quoi, au boulot ? T’insinues quoi ? Que je le fais mal ? C’est marrant, aux dernières nouvelles, t’étais ni Président du Magemagot, ni Directrice du Département de Justice magique et encore moins chef du bureau des Aurors. Aux dernières nouvelles, tu étais stagiaire. »

Sous-entendu, ma petite Lucy, tu connaissais rien des dures réalités du métier ! Et voilà, j’étais agacé. C’était fou comme il ne m’avait pas fallu grand-chose. Pinçant l’arrête de mon nez d’un geste nerveux et agacé, j’essayais de trouver où ça avait pu merder depuis le début pour qu’on soit en froid. Est-ce que je devais remonter jusqu’à la mort de maman ? Non…

« Ce soir là, j’ai fait mon travail. Et mon travail, c’est de faire respecter la Loi. Et t’as eu de la chance que je ne sois pas resté jusqu’au bout parce que... »

Parce que j’aurai certainement envoyé ce mec à Azkaban bien plus rapidement que mon oncle. Mais  j’avais pas fini ma phrase. Tout simplement, parce que ce qui s’était passé ce soir là venait de remonter dans mon esprit d’un seul coup. Ca m’avait fait l’effet d’une brusque nausée. C’était parti de mon estomac, pour revenir directement dans la gorge qui se noua.
Elle n’arrêtait pas de juger Braxton Clearwater et ça m’énervait. Après tout ce qu’il avait fait pour moi… Pour nous. Mais elle ne s’en rendait pas compte.
Le ton changea, parce que le souvenir de ce qui s’était passé ce soir là venait subitement de me vider de mon énergie. D’ordinaire, je me serai engueulé avec elle jusqu’à en venir à la baguette et aux maléfices. Comme de vrais Clearwater. Mais là, une tristesse sérieuse et profonde passa sur mon visage. Mes épaules se baissèrent et mon regard évita alors le siens. J’étais l’ombre de moi-même, car d’ordinaire, je regardais toujours les gens droit dans les yeux avec la fierté de mon sang et de mon clan.

« Tu sais quoi, c’est pas grave. Penses ce que tu veux. Tu dois avoir raison, je fais n’importe quoi en ce moment. »

Instinctivement, je passais ma main droite derrière mon dos. Mes phalanges et mes métacarpes avaient encore les stigmates du crâne de l’irlandais qui avait tué mon enfant. Je l’avais frappé encore et encore jusqu’à en perdre la raison. Heureusement, mon oncle et mon cousin Sean m’avait empêché de faire le pire qu’il soit.

« Je sais pas où j’en suis. » dis-je brusquement.

J’avais levé mes yeux vers Lucy, un regard plein de détresse. On aurait dit moi, à dix ans, paniqué, perdu, égaré. Jamais je n’avais montré un moment de faiblesse comme celui là. Devant personne. Parce que j’avais cette foutue fierté qui faisait que notre Clan avait un réputation faisant vibrer toute la Grande-Bretagne mais… j’étais un homme. Un homme normal, avec des sentiments. Et là, ils arrivaient au galop.
Des larmes commencèrent à arriver, et d’aussi loin que je me souvienne je n’avais pas pleurer devant Lucy depuis que j’étais un adulte accompli.

« La justice… la loi… je l’ai toujours défendue. J’ai toujours donné ma vie pour elle, et au final pour quoi et à quel prix ? Hein, tu peux me dire ? J’ai perdu mon gamin à cause d’elle. Je m’embrouille avec ma sœur à cause d’elle. La moitié de ma famille a failli y passé et elle ne l’a pas protégé… A quoi ça sert de servir la justice… si… elle n’existe pas ? »

Ca faisait du bien. De sentir quelqu’un, qui était toujours là pour vous quelque soit les circonstances. Une fois l’orage passée, je l’observais aller s’asseoir et reprendre le cours normale de notre conversation. Parce que c’était comme ça qu’on fonctionnait chez les Clearwater. On était là les un pour les autres oui. Mais on devait se sortir aussi de la merde un peu seul. Parce qu’on valait mieux que ça et qu’on n’était pas vraiment des loosers à se laisser écraser par la vie.
Est-ce qu’elle l’avait fait exprès ?
Je ne sus jamais répondre à cette question, mais quoi qu’il en soit, l’instant d’après, je m’étais mis une gifle mentale et j’avais déclenché un léger sourire en coin. Puis, je m’étais allongé dans le canapé en face de la cheminée et à côté d’elle en me jetant presque dedans.

« Qu’est ce que tu crois ? Que j’obéis corps et âme au Ministère ? Je suis sur le coup Lucy. Tu sais, j’ai pas oublié cet été, et peut être que Papa a promis au Ministère de garder le Clan au calme, c’est pas pour autant que j’ai pas mené ma petite enquête. D’ailleurs, je vais bientôt savoir où est Renfield. »

J’avais pour objectif d’aller voir Zoran et de lui proposer un Marché. Un marché qui je le savais, il n’allait pas pouvoir me refuser. Levant mes yeux vers Lucy, je lui fis un léger clin d’oeil et un sourire en coin.

« Tu vois, je ne suis pas si protocolaire que ça. Je risque ma place en faisant ça. Mais ce qui est arrivé à Solvi m’a rappelé quelque chose : sans la famille, on est rien. C’est les racines, et les bourgeons de l’arbre. »

Je m’étais mis en position assise et je contemplais le feu d’un air un peu déterminé. Me massant les mains dans un geste nerveux, j’avais grandement envie de mettre Lucy dans la confidence. Mais qu’est ce qui me disait qu’elle n’allait pas tout dire à Papa ? Si elle le faisait, peut être que j’étais dans la merde… Ou peut être que non… J’en savais trop rien. Mais quoi qu’il en soit, je comptais bien mettre mon père au courant le moment venu.

« T’as vu, je fais un peu de philo ! Bref. Je suis pas aveugle Lucy. Et je reste pas sans agir. Seulement si je perds ma place, je perds aussi pas mal d’avantage, dont celui d’être au courant de ce qui se passe depuis l’intérieur. Je dois t’avouer que depuis que Gab est parti c’est bien plus compliqué. Mais du coup, ça m’apprend à me démerder seul. »

Et, l’observant du coin de l’oeil, j’arrêtais de jouer avec mes mains. Soudain, j’avais envie de faire la première chose que je n’avais pas fait avec Lucy depuis un moment : pactiser avec elle. Mais pour un truc bien plus dangereux qu’autrefois. Là, il ne s’agissait pas de voler des cerises au voisin, ou encore d’affronter à deux l’épouventard qu’Ewan avait mis dans notre armoire.

« Est-ce que t’as envie d’être avec moi sur ce coup là ? »

J’allais lui dévoiler toutes les étapes de mon plan, et ce que j’avais prévu pour elle.

Je m’étais avancé vers elle, en position d’écoute sur le fauteuil. Mes mains étaient jointes sous mon menton et je l’observais de mes yeux noirs sans rien dire du tout… La vengeance n’était pas la solution. Certes, elle avait raison sur ce point là. En revanche, éliminer Renfield n’était pas de la vengeance. C’était faire respecter la loi non ? J’avais toujours la crainte que Nott me mette de côté, une fois l’enquête bien avancée et le Loup débusqué. Je n’avais pas encore déterminé si j’allais y aller en tant qu’Auror ou en tant que membre du Clan. Effectivement, dans le premier cas ça relevait du travail et dans le deuxième, de la vengeance… Mais le résultat était le même. La tête du Loup sur un pieux. Mes yeux se plissèrent dans une attitude sérieuse, montrant que l’attaque de Solvi m’avait un peu changé.

« On a le temps de le voir venir, et de voir avec Papa ce qu’il en pense... »

Je me remis au fond de mon fauteuil en lui décochant un petit sourire. Je ne demandais jamais l’avis de Papa. On prenait souvent nos décisions dans son dos mais… c’était ça murir non ? Se rendre compte que vos parents avaient finalement beaucoup à apporter ?

« Faut que tu fasses ce qui t’épanouis. Ce que tu as envie de vraiment faire. T’as toujours beaucoup vécu pour les autres. Informer les autres, défendre les autres. Et Lucy Clearwater, qu’est ce qu’elle veut faire ? »

Je la regardais avec un petit sourire amusé. Elle avait toujours vécu pour représenter ou défendre les autres. C’était du Lucy tout craché, mais elle arrivait à un moment de sa vie et surtout à un âge où on se posait beaucoup de question. Mettant mes mains derrière ma tête et croisant mes jambes en direction du feu, j’émis un petit ricanement :

« Solvi va très bien, elle se remet. On avance, on a pas le choix. »

J’avais pas ricaner pour ça… J’avais ricaner pour autre chose. Je réfléchissais à comment l’annoncer à ma sœur. Ce soir là même si je n’avais pas spécialement présent j’en avais vu assez et deviner suffisamment. Il n’y avait pas beaucoup de raison pour laquelle Lucy pouvait se mettre dans des situations de colère comme elle avait fait ce soir là…

« Et donc… Cet ami que tu as voulu défendre corps et âme selon les sources, au mépris des lois magiques et de tout bon sens… Tu comptes me le présenter quand ? »

Je me mis à ricaner, puis à la regarder en diagonale d’un air espiègle. On n’avait jamais été forcément proche pour ce genre de chose. J’avais toujours eu un regard jaloux sur les hommes qui avait partagé la vie de ma sœur. Pour preuve, Zoran s’en souvenait parfaitement.

« Et ne me fais pas croire que tu as pris tout ces risques et que tu nous as fait ce petit spectacle juste pour un ami éloigné… On me l’a fait pas à moi Lucy ! »

Je savais que j’allais au devant d’une potentielle discussion houleuse et pénible. Mais en même temps… Je voulais avoir la confirmation. Est ce que cet étrange petit énergumène partager des moments avec ma sœur ?...

La moutarde commençait à me monter au nez. C’était ma sœur et c’était peut être aussi pour ça que ça m’énervait au plus au point. Elle n’avait même pas trente ans, qu’elle se permettait de donner des leçons de vie à tout le monde. Elle n’avait aucune expérience de la vie, hormis celle que j’avais vécu avec elle quand à la perte de notre mère. D’ailleurs, intimement à l’intérieur de moi, une pointe de tristesse m’accapara. Si Maman avait encore été là, j’étais certains  que Lucy n’aurait pas eu cette colère envers le monde entier.

« Il y a une différence entre la rébellion stupide immédiate, irréfléchi et la réflexion et la résistance de l’intérieur. Il t’est jamais venu à l’esprit que le Ministère doit encore posséder des sorciers avec nos valeurs ? Que s’ils s’en vont tous, Dunn fera ce qu’il veut ? »

Je ne parlais jamais politique. Je n’avais même pas voté, de mémoire. Mon père et moi nous étions pris la tête d’ailleurs à ce sujet. Mais je n’avais aucune envie de voir ni l’un ni l’autre à la tête de mon pays magique et il était hors de question que je vote pour Fairbairn par dépit. Mais là, on entrait dans une phase où il était de notre devoir d’agir. Elle avait raison sur le fond, mais pas sur la forme.

« Et tu mélanges tout ! Tout ! »

Je ne sais pas si c’était la réflexion sur Braxton, la tristesse que j’éprouvais encore pour Solvi ou mon impuissance à l’aider mais je m’étais mis à lever un peu la voix.

« Qu’est ce que ça peut bien te faire de la relation que j’ai avec tonton ? T’es jalouse ou quoi striopachas* ? »

La situation s’envenimait. Mais je me connaissais… J’étais un Clearwater et quand la colère partait, elle était inarrêtable. Sauf par une personne. D’un coup d’oeil, je vérifiais que mon père n’était pas dans les parages pour m’en mettre une pour ce que j’allais dire. J’avais beau encore avoir 32ans, je le craignais encore comme la peste pour certaines choses.

« Tonton a besoin d’aide. C’est la famille. Notre sang et je te signale que t’as le même qui coule dans les veines. Si t’es pas assez brillante et mature pour voir qu’il est juste en dépression et qu’il a juste besoin d’être aimé et écouté alors je peux rien pour toi. Si c’est plus facile pour toi d’être dans la colère et l’ignorance vis à vis de lui, alors grand bien te fasse. Mais viens pas saouler ceux qui veulent l’aider. »

J’étais debout. Mes joues étaient rouge parce que j’étais en colère et que ça n’allait pas ça s’arrêtait. Je savais que je regrettais déjà mes propos à partir du moment où j’avais ouvert la bouche pour lui répondre.


* Putain en gaélique écossais