Another one bites the dust [Lucy]

J’avais passé ma main sur mon visage et je m’étais arrêté au moment même où je m’étais levé. En réalité, la colère avait quitté mon corps quand j’avais vu Lucy se mettre dans cette position. Depuis qu’elle était en âge de marcher, et d’avoir une motricité assez développé, elle faisait cela. Je l’observais, comme je pouvais encore voir ma petite sœur de 8 ou 9 ans, chercher des noises à son grand frère, mais en réalité avoir la trouille.
C’était ça qui passait dans sa voix et dans son attitude… Elle avait peur pour moi. Mettant mes mains sur les hanches, je fronçais les sourcils et je déclarais d’un ton bien plus calme :

« Je suis toujours de ton côté Lucy. Et... »

Ma gorge me serra. La pudeur de montrer mes émotions était quelque chose de tout à faire Clearwater. Mais la chance faisait que j’avais eu aussi une mère qui avait toujours voulu qu’on les montre.

« Et je t’aime toujours autant, idiote. »

Je m’étais avancé vers elle et je m’étais mise sur l’accoudoir du siège. Mon bras droit était passé par dessus ses épaules et je l’avais serré contre moi. Puis, j’avais déposé un baiser dans ses cheveux et j’avais gardé ma tête contre elle, afin de la rassurer. Parce que c’était ça qu’elle avait exprimé et que je ressentais : elle avait peur pour moi.

« Tu es inquiète en réalité hein. Tu sais très bien que Papa est assez grand pour gérer les conneries de ses enfants… Tu as juste peur pour moi, mais rassure toi. Je ne ferai rien d’irréfléchi qui pourrait me compromettre… Tu me connais, je suis plus malin que ça. »

Je lui fis un léger clin d’oeil. J’allais certes résister, mais à ma manière. Juste en faisant mon devoir comme je l’entendais et surtout comme la loi le définissait. J’étais chargé d’identifier et de traquer les Mages Noirs, pas les Lycans. Si jamais l’un d’eux croisait ma route, c’était que malheureusement pour lui, il y avait de la magie noire là dessous.
Finalement, je la libérais de mon étreinte et je poursuivais :

« Donc pour finir, et justement pour te rassurer : si le soir où tu as fait une scène pour faire rentrer ton ami, je n’avais pas fait mine de vouloir faire mon devoir, le doute aurait pris mes collègues quand à mon impartialité et une enquête interne aurait pu être ouverte. Ce qui pour la suite est bien plus compliqué si on veut résister de l’intérieur hein. »

Je lui fis un petit clin d’oeil et je lui mis un petit coup de coude parce que je savais que cette réflexion avait fait mouche. Finalement, je la regardais dans les yeux et je commençais à lui dire très sérieusement :

« Et puisque tu veux des confidences pour te prouver que tu es toujours la plus spéciale d’entre toute à mes yeux, sache que je suis le point de savoir ou se cache Ryan Malhorn. Un indique est train de cerner sa position, ce n’est plus qu’une question de temps avant que je n’arrive à... »

Mon poing s’était serré. J’avais toujours pas digéré l’attaque de mon propre Clan et surtout de ma famille. J’allais bien évidemment dire « à me venger de ce qu’il nous a fait... » mais je me contentais finalement d’un simple et vague :

« …lui rendre une petite visite. »

Bon, et accessoirement l’indique qui suivait Ryan n’était autre que Zoran, son ex. Mais… Ca ce n’était pas une information nécessaire.

Je savais que derrière cette air blasé de parler de Papa et de l’Ordre du Phénix, il y avait une immense fierté caché de la part de Lucy. C’est pour cela que, assis sur l’accoudoir je lui avais passé la main dans les cheveux pour l’ébouriffer un peu quand elle avait dit qu’elle avait compris. Puis, quand elle me saisit le poignet, mon regard croisa le siens. L’espace d’un instant, mon cerveau se désactiva et je ne regardais que ces yeux. Je savais que ce moment resterait graver dans mon esprit tout ma vie, parce que c’était ce soir là que j’avais pris la décision et c’est elle qui m’avait très certainement convaincu.

« Non, mais je compte lui en parler dés que j’aurai une piste sérieuse. »

Je marquais un temps d’arrêt. J’avais dégluti légèrement. Au départ, je comptais régler ça seul. Mais j’avais été stupide de croire que Malhorn, lui le serait. D’ailleurs en un contre un, je savais que je n’avais peut être aucune chance. Mais qu’est ce qui m’avait pris ?

« Et il décidera ce qu’il y a de mieux à faire. Soit agir avec le Clan, soit faire intervenir le Ministère. Après tout, la vengeance n’est peut être pas la solution. »

Je ne pensais pas un traître mot de ce que j’étais en train de lui dire. Je n’avais qu’une envie, c’était de lui écraser mon poing sur la figure à de multiple reprises comme je l’avais fait pour Byrn cet imbécile d’Irlandais qui avait fait du mal à Solvi.
Là, il avait fait souffrir presque la moitié de ma famille, si ce n’est ma famille entière. Voir mon cousin Adil pleurer la mort de Youssef m’avait encore laisser une marque indélébile dans mon esprit.

« Tu voudras nous accompagner, si on y va ? »

C’était visiblement la soirée des révélations et des nouveautés. Jamais je n’aurai pensé proposé ce genre de chose à ma petite sœur. Mais il fallait avouer que j’avais toujours eu en elle une étudiante éternelle. Pour moi, c’était à peine si elle savait se servir de sa baguette… Alors que ce n’était qu’une illusion de mon esprit de grand frère. Je savais très bien que Lucy était un grande sorcière, après tout, elle avait ça dans le sang.

« Tu pourrais m’aider à l’enquête remarque… Par contre, la seule règle que je te demande si tu acceptes, c’est de ne jamais chercher à connaître ma source. »

Mes yeux étaient fixés dans les siens. J’en avais peut être trop dit. Mais tôt ou tard elle allait fouiner par elle même si on s’engageait sur ce terrain là, aussi, je préférai prendre les devant et lui faire promettre de ne rien essayer.

Mon regard se porta alors sur Lucy et je compris qu’elle avait peur. Pas directement peur de Ryan, mais surtout peur pour nous. Je lui fis encore un calin, puis je me dégageais en souriant. D’un coup de baguette, je nous fis apparaître du thé. Me mettant quand même à bonne distance de Lucy, je fronçais des sourcils en me rappelant cette histoire de cheveux.

« Tu ne touches à rien du tout. Si Solvi te choppe à m’avoir couper les cheveux comme quand on était gamin elle te tue... »

Mon estomac se noua, parce que je savais qu’en ce moment Solvi avait tout en tête sauf ce genre de chose. J’aurai pu rentrer la boule à zéro, qu’un vague petit sourire ou une toute petite protestation aurait eu lieu. Relevant les yeux, je pris ma tasse de thé et j’avouais enfin la vérité à Lucy.

« Je fuis la maison. »

Ma main s’était mis un peu à trembler. On ne se confiait pas beaucoup, mais quand on était parti dans la confidence je ne m’arrêtais plus. De toute manière, mis à part Lucy je n’avais envie de parler de ça avec personne d’autre. Mon regard se leva et je bus quelques gorgées. On pouvait voir que j’étais clairement perturbé car ce dernier était brulant et surtout pas fini d’infuser. Je fis une horrible grimace, posait ma tasse et m’expliquait :

« Solvi n’est plus la même depuis l’accident. J’ai beau essayer de la faire sourire, de la faire rire, de lui dire qu’on va y arriver ensemble j’ai l’impression que j’ai pas la main dessus. Que quoi que je dise… Je serai totalement impuissant. Et surtout… J’ai peur, pour la première fois de ma vie Lucy. Vraiment peur. »

On pouvait voir dans mes yeux sombres que je ne plaisantais pas. La peur ne se lisait pas souvent sur le visage des Clearwater et c’est pourquoi c’était assez marquant quand elle apparaissait. Elle devait d’ailleurs prendre un malin plaisir à nous tourmenter, nous qui la fuyons depuis des âges lointains.

« J’ai été habitué à ce que toutes les situations m’échappent au travail, mais je m’en sortais toujours parce qu’à la maison, j’avais une ancre à laquelle me rattacher. Mais… Mais... »

Je baissais la tête. Je n’avais même plus envie de pleurer. Je me contentais de regarder les dalles de pierre du sol d’un air triste et abattu comme si je les voyais depuis la première fois de mon existence.

« Mais y’a plus d’ancre Lucy… Elle… j’arrive pas à l’aider. »

J’étais totalement perdu et ça se voyait. C’était pour ça que j’étais aux Hébrides et que je voulais trouver ma sœur ou mon père. Pour parler de ça.

Je lui fis un léger sourire désolé et plein de remerciements quand elle me prit la main. Elle était vraiment ce qu’il me fallait en ce moment et c’était pour ça que mes pas m’avaient guidé ici ce soir. J’étais venu la voir et trouver du réconfort. Baissant la tête je me mis alors à ricaner avec légereté.

« Bien sûr que ça va s’arranger, je vais faire le maximum. Je l’aime. Et tu sais ce que dit papa… Quand on a trouvé l’amour, faut se battre jusqu’à en crever si c’est nécessaire. Alors t’inquiète pas pour ça. Je la porterai jusqu’à ce qu’elle aille mieux. »

Puis quand elle demanda si elle avait eu une prise en charge, je détournais immédiatement les yeux. Non seulement elle n’avait pas choisi de consulter mais en plus elle avait repris le travail immédiatement. Bien sur que le Ministère n’avait absolument rien entrepris. Pour eux, c’était une simple blessure. Elle avait eu son quota de repos légal, imposé par le Médicomage à Ste Mangouste mais aucune démarche n’avait été entrepris par le Ministère. Ce qui faisait… Qu’elle avait repris le travail.

« Je.. je crois qu’elle ne veut pas entendre parler. Tu connais Solvi, elle est issue d’une famille et d’une culture où on ne parle pas de ce genre de chose. Il n’y a qu’à moi qu’elle s’ouvre et encore je n’arrive pas toujours à obtenir ce que je veux d’elle. Là, elle ne me parle plus beaucoup et je suis vraiment inquiet. »

Et finalement, mon regard croisa le siens. Car je savais que ce que j’allais dire aller déclencher une tempête de colère de ma sœur à l’encontre du Ministère. Déjà que ce dernier lui en avait fait voir de toutes les couleurs quand elle était Journaliste… Mais je ne pouvais pas lui cacher la vérité. Ca m’avait toujours été impossible :

« Elle a repris le travail. Le Ministère ne fait pas ce genre de chose pour ce genre de blessure. »

J’allais me prendre un discours féministe et anti-Gouvernement Dunn dans la poire. Aussi, j’avais levé les mains devant moi comme un innocent avant que la sentence ne tombe et je déclarai d’une voix d’outretombe :

« Je sais, c’est dégueulasse. Moi aussi ça m’a surpris mais je me suis renseigné aux Ressources humaines, si elle ne veut pas suivre de programme volontairement, il n’y aura rien de fait. »

Je baissais les mains le long du corps. J’étais un peu abattu et triste de cette situation. En plus d’avoir perdu le premier héritier du Clan, ma fiancée était en train de devenir le fantôme de ce qu’elle était réellement.

Je baissais un peu la tête. Non, on ne pouvait las forcer, effectivement. J'avais par tous les moyens essayé de la raisonner là dessus en vain. Je n'avais rien réussi à en retirer. Elle était resté de marbre face à tous mes états d'âme. J'avais essayé la colère, la compassion, la gentillesse... Aucune méthode n'avait marché. Elle n'arrivait pas à passer à autre chose. Et moi, en bon Clearwater, j'avais tout garder pour moi alors que cela me coûtait beaucoup. Encore aujourd'hui, la seule avec qui j'arrivais à me confier c'était Lucy, et je ne lui racontais pas tout cela.

" Oui, il faut que les choses évoluent. Mais de mémoire, et si on regarde l'histoire de la société magique, ce sont des processus assez long. On n'est pas très fort en développement social."

Je lui adressais un sourire désolé. Reprenant mon uniforme de service, je regardais l'heure. Je reprenais dans quelques heures et je devais passer voir Solvi avant d'aller au travail. Merlin seul savait ce qu'elle pouvait faire quand elle était seule, et j'en étais véritablement inquiet. Mais évidemment, je n'en disais pas un traitre de mot à Lucy.
D'ailleurs, fait étrange, j'utilisais même l'Occlumancie, pour fermer mon esprit à ma soeur afin qu'elle ne devine pas le fond de ma pensée. Même si elle n'était pas Legilimens... Je préférais me méfier du pouvoir fraternel.

" Bien, je vais te laisser. Je reprends bientôt et je compte bien passer voir Solvi. "

Je m'approchais d'elle, et je l'embrassais sur le front. Avec un léger sourire, j'indiquais l'horloge avec tous les visages des Clearwater.

" Me surveille pas trop longtemps, et arrête de penser à tout ça. Ta cervelle va exploser, petite Serdaigle. "

Je lui fis un clin d'oeil taquin. Puis, passant mon uniforme sur l'épaule comme si je me voulais décontracté, je lui accordais un dernier regard avant de sortir de la salle. Quand je passais la porte, mon sourire s'effaça immédiatement, laissant place à une mine morose, et triste au possible. Mais en même temps, c'était le rôle du grand frère, que de montrer que tout allait bien en surface pour garder un oeil sur les plus jeunes. Même si c'était une vision archaïque, qui je le savais déplaisé à Lucy, s'en n'était pas moins ce qui se passait chez les Clearwater.
En fait, c'était à mon père que j'avais besoin de parler.
Un jour, si j'en trouvais le courage.