Retrouvailles familiales [Ft. Eurion]

Eurion avait passé une bonne partie de la matinée suspendu dans le vide. Accroché solidement, il était descendu en rappel le long de la parois rocheuse des falaises de Caer Cynfeirdd. Les pieds solidement appuyés au mur, fermement soutenu par son harnais, il avait cueilli divers types de mousses et plantes grasses magiques qui poussaient le long de ces falaises. L’écume de mer, accompagné de la magie qui entourait les environs, procuraient à ces petites végétations des propriétés médicinales non négligeables, mais leur obtention était compliquée. Fouetté par le vent froid de février, Eurion avait du mal à sentir ses doigts.

Il récoltait pour sa propre réserve personnelle: selon lui, tout médicomage qui se respecte devait tenir une certaine quantité d'ingrédients, cela impliquait ne pas faire confiance aux stocks des apothicaires, qui étaient souvent trop bas pour ses propres besoins. Cette récolte lui suffirait probablement uniquement jusqu’à la fin de l’hiver: Drustan lui en demanderait probablement, la mousse faisait un très bon vermifuge pour ses animaux. Les feuilles grasses quant à elles, conservaient le sel de l’écume, et une fois écrasées, procuraient un jus au goût douteux, mais qui aidait grandement à la respiration. Une petite mine d’or, selon Eurion, c’est pourquoi taisait la location de cet endroit de moissonnage comme un secret bien gardé. Ceci dit, il en cueillit un peu plus que nécessaire, et considéra que  @Naivy Rai pourrait peut-être en faire bénéficier les patients de l’hôpital. Peut-être.
Une fois son sac plein, il grimpa vers le sommet, la corde serrée autour de ses jointures rouges.

Arrosé par les embruns marins pendant des heures, il était si trempé qu’on aurait pu croire qu’il avait pris une plonge avec le kelpie de sa soeur. Les vagues bourdonnaient encore dans ses oreilles lorsqu’il fit son chemin à l’intérieur, et entendit à peine le couinement de ses bottes mouillées sur le plancher, assourdit. Son harnais pendait encore à ses hanches, et le sac de récoltes accroché à sa ceinture dégoulinait d’eau marine.

C’est probablement pourquoi, en passant devant le boudoir du premier étage, la vue de sa nièce confortablement installée dans un fauteuil, enveloppée d’un plaid à siroter son thé, lui fit aboyer de rire. Un rire plus proche de l’incrédulité que de l’amusement, il observa la rouquine sans aucun effort pour masquer son jugement. Il s’arrêta et fit quelques pas dans la pièce.

“Tiens tiens. L’enfant est de retour.” nota-t-il comme toute salutation. Il passa une main dans ses cheveux mouillés, se préparant mentalement à une conversation. Eurion avait beau avoir vécu avec la jeune femme toute sa vie, il n’avait pas réellement développé cette aise que d’autres avaient avec les enfants Cynfeirdd. Quelque chose le bloquait dans leurs interactions, ne sachant pas réellement quoi en faire, quelle marque de politesse ou quel sujet de conversation adopter. Les points d’intérêts d’Eurion étaient étrangers à leur génération, et  @Maeve Cynfeirdd n’élevait pas ses filles comme ils avaient eux-mêmes été élevés, si bien qu’Eurion écoulait rapidement tous ses sujets de conversation. Aa meilleure stratégie avait toujours été de rester propre à lui-même, mais ce n’était pas toujours l’approche la plus appréciée.

“T’as pas perdu de temps à reprendre tes marques, dis donc.” dit-il en faisant un geste vers le livre et le thé et toutes les marques de confort qui criaient vacances. Il souffla par son nez ce qui se voulait encore une fois être un semblant de rire jaune, alors qu’il détachait le harnais de ses hanches. Il posa le sac de récolte près du mur et frissonna.

“Ça fait longtemps que tu es arrivé?” demanda-t-il, histoire de faire la conversation. Il donna un petit coup de baguette à ses vêtements, qui commencèrent à se sécher lentement. “Ta mère sera pas de retour avant demain.” ajouta-t-il, comme si l’étudiante n’avait pas remarqué l’absence de celle-ci, comme si sa présence au château ne se justifiait que par celle de Maeve.

Freya se leva pour une accolade et changea rapidement d’idée en remarquant l’eau qui s’accumulait aux pieds d’Eurion. Elle retourna s’asseoir. Il ne put que remarquer, à sa manière de se tenir, sa posture droite et soignée, que Freya grandissait. Elle devenait quelqu’un à part entière, elle semblait presque plus mature. L’absence était parfois la meilleure manière de remarquer ce genre de choses, banales mais pourtant si frappantes une fois qu’on y était confronté pour la première fois depuis longtemps.

Il s’esclaffa à la mention des reproches de tante Rowene. “Ah! Je pense qu’on est tous passé par ce discours. Je sais pas ce que cette femme a contre Poudlard, mais à toute les fois qu’on revenait à la maison, on était sûrs de se taper une séance pareille.” Il eut un petit souvenir nostalgique. “Pourquoi pas.” ajouta-t-il, en réponse à son offre de thé.

Il donna un autre petit coup de baguette avant de ranger celle-ci dans son étuis. Quelques secondes plus tard, une serviette vola dans la pièce. Eurion l’attrapa et commença à essuyer l’eau saline qui ruisselait dans son visage depuis ses cheveux. Il fit son chemin dans le boudoir et prit place dans un des fauteuils. Il s’assit au bord du siège, comme si il risquait que s’installer trop confortablement inviterait une conversation trop profonde ou trop longue. Il était partant de jouer le rôle de l’oncle et de converser par politesse, mais s’impliquer dans la vie de ses nièces était encore une tâche qu’Eurion peinait à réussir avec aisance.

Pourtant, lorsqu’il n’y réfléchissait pas trop, il était parfois capable de bonnes choses, sans réellement s’en rendre compte. “Drainante…” répéta Eurion sans même lever les yeux vers Freya, continuant de se frotter vigoureusement les cheveux pour en essorer l’eau.

Il connaissait très bien le caractère de  @Maeve Cynfeirdd. Il savait comment elle pouvait être. Il connaissait aussi la place qu’elle occupait dans la famille. C’est probablement pour cette raison qu’Eurion avait lui-même, rarement de problèmes avec sa soeur. Si une partie de lui comprenait ce que Freya essayait de lui avouer, une autre lui donnait envie de répliquer.
“Tu sais que ça n’a pas besoin d’être difficile. À t’entendre, on dirait que tu te prépares à un combat.” dit-il nonchalamment en relevant les yeux vers sa nièce. “Tout n’a pas besoin d’être une confrontation avec elle.” Si il essayait de son mieux de donner des conseils matures pour une fois, venant de lui, ce conseil était d’une ironie riable.

Il connaissait aussi le caractère de sa nièce, et savait que la majorité des problèmes qui la liait à sa mère provenait de son conflit quant à son père. Même si Eurion lui avait déjà dit qu’il s’agissait d’une cause perdue, la petite était aussi bornée que les vieux Cynfeirdd, refusant d’accepter que Maeve avait fait ce qui lui avait semblé juste.

C’était un sujet sensible entre elle et lui également. Eurion, convaincu de son diagnostic fataliste, Freya, convaincue d’une cure oubliée quelque part.
Au fond, elle et lui partageaient des similarités qu’il refusait de voir.

Lorsque Freya mentionna Sainte-Mangouste, Eurion eut un moment de suspicion, se demandant si c’était sa manière de préparer la conversation pour la mener au sujet de la malédiction de son père. Mais lorsqu’il leva les yeux vers Freya, elle semblait sérieuse, mature. Elle faisait la conversation, tout comme lui. Décidemment, elle grandissait.
Il se détendit et haussa les épaules.
“Comme toujours.” répondit-il vaguement. Il évita de mentionner @Zahra Jekyll qui aimait un peu trop lui coller des inspections. “Surtout des magizoologistes trop stupides pour savoir quand s’éloigner, la routine.” Il roula des yeux. Il voyait beaucoup trop souvent des blessures facilement évitables pour les tenir en estime. “Ta cousine…” il fouilla ses souvenirs quelques secondes le temps de retrouver son nom. “Siobhán… elle aime encore ce genre de truc? Vous vous voyez souvent à Poudlard?” (@Siobhán Gavalagh-Korrigan)

Freya demanda de clore le sujet concernant sa mère, et Eurion se contenta de claquer la langue, acceptant la situation sans pour autant en être satisfait. Il ne savait pas trop pourquoi il tentait de se mêler de leurs histoires de toute façon.

Alors que sa nièce confirmait les inclinaisons de sa cousine (@Siobhán Gavalagh-Korrigan), Eurion s’appuya dans le dossier de son fauteuil en roulant des yeux. “Pour son bien, j’espère qu’elle aura hérité d’un peu plus de bon sens que la moyenne de mes patients. Ils devraient instaurer des permis spéciaux pour exercer ce genre de métier… Si tu voyais certains des spécimens qui se retrouvent dans mon bureau, parfois je me demande comment ils ont réussi à survivre leur première année à Poudlard.” marmonna Eurion avec une amertume peu contenue.

Freya amena la conversation vers ses propres aspirations, et Eurion haussa les sourcils. Il ne savait pas qu’elle avait un jour réfléchi à l’idée de choisir une carrière rien que pour s'insubordonner, mais il n’en était pas réellement étonné. Selon lui, @Maeve Cynfeirdd aurait dû initier les jeunes Cynfeirdd à leurs traditions, et ce beaucoup plus tôt. La chasse ayant été quelque chose qui lui avait sauvé la vie plus d’une fois, il trouvait absolument abominable l’idée que ses nièces n’y aient pas été entraînées. À ses yeux, c’était comme débuter leur vie avec un désavantage notable.

Pris de court, Eurion figea un instant, avant de pincer les lèvres, frustré d’avoir été si facilement lu. “C’est Poudlard qui t’as appris à parler de cette manière à ton oncle?” dit-il sévèrement, sans pour autant être incapable de cacher le demi-sourire d’amusement face à son honnêteté brusque. Il avait l’impression de revoir Maeve à cet âge. Peut-être qu’elle avait plus de Cynfeirdd en elle qu’elle ne le laissait paraître.

Il hésita un instant, ayant l’impression d’approcher un piège. Il ne voulait pas s’engager à former les générations plus jeunes. Mais d’un autre côté, l’opportunité de pouvoir étaler ses savoirs était trop tentante pour la laisser passer.
“Très bien…” soupira-t-il en se redressant un peu dans son siège. “Mais ce n’est pas le genre de matière qui s’enseigne au-dessus d’une tasse de thé.”
Il frotta ses mains avec la serviette désormais trempée, et la reposa sur l’accoudoir de son fauteuil. “Ce n’est pas quelque chose que tu peux apprendre à moitié. Soit tu t’entraines et tu fais ta part d’efforts au front, soit tu restes derrière. Geraint ne nous a jamais ménagé et je ne le ferai pas non plus.” Il observa Freya devant lui, avec ses jolis vêtements et la couverture sur ses genoux, un sourire suffisant glissa sur son visage. Elle ne tiendra pas longtemps. “Qu’est-ce que tu veux savoir?”

Son intérêt était rassurant aux yeux d’Eurion, qui avait toujours vu ses nièces comme perdues d’avance en termes de traditions. Il craignait qu’elles se retrouvent prises au pied du mur, advenant qu’une tragédie frappe, comme celle qu’il avait vécu. Heureusement, l’intérêt en la matière était encourageant, la première étape.

Mais ce ne serait pas suffisant pour convaincre Eurion de la volonté de sa nièce, et Freya sembla le remarquer, retirant le symbole de confort de sur ses genoux, espérant donner un peu plus de crédibilité à ses mots.
Eurion se contenta d’hausser les sourcils. “Mmh-mmh.” répondit-il avec un air narquois.

Elle affirma pouvoir apprendre ce que Geraint leur avait enseigné. Eurion hocha la tête, lui donnant deux semaines au maximum avant qu’elle ne jette l’éponge. Il avait de forts doutes, mais ce n’était certainement pas cela qui l’empêcherait de l'entraîner avec la même rigueur que son père. C’était la difficulté de la tâche qui formait le caractère.
Et malgré ses réserves quant aux capacités de sa nièce, il devait admettre que son engouement et sa volonté était excitante, redonnant espoir au vétéran que les traditions de sa maison ne se perdrait pas.
“Très bien.” dit-il avec un sourire satisfait. Il frappa ses cuisses de ses mains avant de se lever, signe que la conversation était terminée. “On commence demain matin à l’aube.” dit-il sans appel, attrapant la serviette et se dirigeant vers le sac de réserve laissé au sol plus tôt. “Si j’étais toi, je m’habillerais avec un peu de doublures.” lâcha-t-il sans se retourner, quittant la pièce sans un regard derrière, pour vaquer à des occupations qu’il ne songea pas pertinentes à partager.