Hopeless Opus (2) — ft. Jameson Clearwater

Le poids des mots avait parfois le pouvoir de faire fléchir brusquement l'atmosphère d'un lieu. Le visage de Jameson était le juste témoin de cet adage. Un sourire, puis un rire le traversèrent, avant de laisser toute leur place à la dureté de ses traits, marqués.

Sans doute prenait-il tout à coup conscience de la portée des informations qui venaient de lui être données.

Son nom s'était ajouté à la liste de ceux qui acceptaient de se laisser emporter par la violence de leurs sentiments. Un nom de plus derrière lequel se cachait un être qui avait consenti à livrer son âme aux affres de l'amour. Et qui devait déjà en souffrir.

Les lèvres de la vert-et-argent se pourfendirent en un petit sourire pincé et bienveillant, attestant de toute sa compassion à cette idée.

Car il n'y avait aucun doute là-dessus : Maeve aimait Jameson. Jameson l'aimait en retour. Et c'était précisément là que ses problèmes commençaient.

C'était précisément pour ça que Siobhán se refusait à suivre cette voie.

Son sang de Korrigan la poussait à toujours tout contrôler. Mais elle avait parfois du mal à anticiper l'impact de ses mots sur les autres, bien qu'elle veillait toujours à les mesurer du mieux qu'elle pouvait. Devant l'urgence de la situation, elle avait presque oublié qu'elle s'adressait à un homme amoureux, qui était probablement près à tout sacrifier pour celle qu'il avait choisie. C'était en tout cas ce que laissait penser ce visage jusqu'ici plutôt guilleret, qui ployait peu à peu sous les effets cumulés de l'inquiétude et de la tristesse.

Il y avait fort à parier que Jameson se laissait toucher par toutes les possibilités qu'ouvraient la potentielle réapparition d'Eochaid dans la vie de Maeve. Plus que personne, elle avait eu tout le temps pour penser et envisager son retour. Mais entre penser, envisager et vivre, il y avait un pas que personne n'avait jusqu'ici franchi, faute de remède. Le directeur des Gryffondor, quant à lui, ne s'était probablement pas embarrassé à penser ou à envisager quoique ce soit. Mais en ce moment-même, il devait certainement prendre conscience de l'éventualité que cela finisse par se produire, un jour. Il n'avait rien contre Eochaid ; il avait juste peur de perdre celle qui l'aimait.

Qui pouvait lui en vouloir ?

Par pudeur vis-à-vis des sentiments qui devaient l'accabler, Siobhán détourna les yeux et se redressa, cessant de prendre appui sur le bureau. La fierté du lion qui sommeillait en lui l'empêchait de se montrer secoué par les pensées qui le traversaient. Mais elle n'avait pas besoin de voir pour savoir. Alors, elle initiait sa sortie, comprenant tout à fait que sa place n'était plus ici, avant de tourner le dos à un homme aussi puissant que transi.

« Tenez moi au courant. Et si jamais je peux aider à quoi que ce soit, n'oubliez pas que je suis là. »

La main sur la poignée, Siobhán marqua une pause, sans se retourner complètement. Juste assez pour qu'il puisse l'entendre.

« Maeve vous aime profondément, vous savez. Elle me l'a dit. Mais c'était inutile de parler. Parce qu'elle n'avait pas souri comme ça depuis longtemps »

L'on avait tendance à sous-estimer le poids d'une parole réconfortante dans des moments comme ceux-là. Pourtant, quelques lettres correctement assemblées suffisaient à ranimer une âme meurtrie. On aurait tord de s'en passer.

Jameson avait sans aucun doute sa part de vice.

Mais Siobhán ne doutait pas un seul instant de la force du cœur qui battait à l'intérieur de sa poitrine.