In the air tonight (Sio)

Ils ne s'étaient pas revus depuis cette fameuse St-Valentin sans importance. Ni depuis la grande discussion menée au cœur de la bibliothèque, avec @Xris Andērson. De quoi donner à Siobhán tout le temps nécessaire pour laisser ses pensées vagabonder dans tous les sens, se forçant tout de même à éloigner ses songes lorsqu'ils devenaient trop présents à son goût.

Et il fallait admettre qu'ils venaient à s'imposer de plus en plus régulièrement. Sans qu'elle ne leur ait, au préalable, donné l'autorisation de s'emparer ainsi de son esprit.

Pourtant, c'était sûrement parce que ses pensées lui échappaient qu'elle avait acheté ce petit présent à destination du vert-et-argent, sur un marché sorcier. Dans cette sorte de vide-grenier on-ne-peut-plus banal, l'Irlandaise avant déambulé entre les stands de breloques et autres bricoles, jusqu'à tomber sur ce qu'elle cherchait. Sans même savoir qu'elle cherchait quelque chose en particulier.

Dans la vie de la Korrigan, tout était une question de mesure. Et, avec @Edel Almadovar, il lui arrivait de penser parfois que rien n'était vraiment équilibré. Que tout lui échappait. Mais, bizarrement, ça ne dérangeait pas tant que ça celle qui tenait tant à tout contrôler. C'était probablement ce qui expliquait qu'elle avait également décidé de se faire violence et de se rendre, à son tour, dans le dortoir du Serpentard. Et aussi parce qu'elle voulait lui donner ce petit cadeau, sans que cela ne paraisse trop solennel.

Ça n'était rien d'important.

Juste assez pour qu'elle pense à lui en passant devant.

Edel, fidèle à lui-même, lui offrait l'opportunité rêvée de rendre cette scène plus spontanée, moins officielle : alors qu'elle s'était glissée à l'intérieur de ses quartiers, il semblait sur le départ. Ce qui n'empêcha pas Siobhán de refermer la porte derrière elle, en appuyant son dos tout contre la poignée. Par simple mesure de précaution. Juste au cas-où des oreilles trop indiscrètes traineraient dans les environs. Son parfum arriva rapidement jusqu'à à son nez puisque toute la pièce en était imprégnée, faisant instantanément défiler devant ses yeux des fragments de temps qu'elle s'était forcée à repousser, ces derniers jours.

« Je ne te retiens pas », souffla-t-elle, d'abord sans s'éloigner de la porte.

Elle attrapa le petit sachet vert dans sa poche et fit tourner son lacet satiné autour d'un de ses doigts, en regardant le dos d’Edel d'un air joueur.

«C'est que j'avais un truc pour toi. Mais, j'imagine que je te l'offrirai plus tard. »

Par défi, l'Irlandaise se retira de l'encadrement de la porte, et s'appuya plutôt contre un mur adjacent.

Toujours avec cette même lueur malicieuse qu'il avait fait naître dans ses yeux. Toujours en faisant tourner, autour de son doigt, ce petit lacet.

Si l’on en croyait le bruit du verrou de la porte qui avait claqué au niveau de la serrure, tout près d’elle, Edel avait subitement renoncé à ses envies d'escapades nocturnes, faisant naître sur le visage de la demie-vélane un petit sourire de satisfaction. Il n’avait pas fallu batailler beaucoup pour le convaincre que ce qu’elle lui avait préparé était bien plus intéressant que ce qu’il avait, en premier lieu, envisagé. Peu importait où l’auraient guidé ses pas feutrés dans la nuit, il avait choisi de rester à ses côtés. C’était une décision assez significative pour être soulignée.

Siobhán sentait malgré tout grandir au fond d’elle ce petit brin de curiosité qu’elle voulait à tout prix cacher, se demandant secrètement où il serait allé si elle n’était pas rentrée dans sa chambre. Mais, au lieu de ça, elle préférait saisir au vol cette nouvelle parenthèse qu’il était en train de lui proposer, à l’instant même où il avait restreint l’accès à sa chambre, s’assurant dans le même temps que personne ne pourrait percer la bulle qui se formait autour d’eux à chaque fois qu’ils se retrouvaient.

Edel ne lui appartenait pas. Pas plus que cette liberté qui le caractérisait.

Contrairement à ce que leur proximité pouvait laisser croire. Contrairement à ce que @Xris Andērson pouvait penser.

Car n’importe qui les auraient vus en cet instant, s’intéressant de plus près à Edel qui faisait glisser l’une des chevalières autour du doigt de l’Irlandaise, aurait pu se faire de fausses idées sur ce qui était en train de se passer entre eux. Ou bien peut-être n’étaient-elles pas si absurdes que ça, finalement ? C’est bien ce qu’avait laissé entendre Xris, quelques jours auparavant. Et que Siobhán avait fini par admettre, à demi-mot.

« Une pour toi, une pour moi. »

Elle savait bien que personne ne les regardait, en cet instant, et qu’aucun n’avait à se demander comment leur promiscuité seraient perçue. Ni par Xris, ni par personne d’autre, d’ailleurs. Parce que les seules paires d’yeux qui comptaient et se dévoraient en cet instant étaient les leurs. Alors, à son tour, elle attrapa la seconde bague, qu’il tenait au cœur de sa paume, pour la passer autour de son doigt. C'était une belle chevalière d'argent, marquée par le temps, mais qui avait tout gardé de sa brillance grâce à la pierre qui trônait fièrement en son cœur.

« J’étais certaine qu’elle t’irait bien », se réjouit-elle avec fierté en admirant sa main de plus près, toujours avec ce sourire. « C'est une simple chevalière mais j'ai l'impression qu'elle a quelque chose en plus, je ne sais pas pourquoi... En tout cas, quand je l’ai vue j’ai tout de suite pensé à... toi. »

Un temps d’hésitation avait fait dérailler légèrement sa voix, sur la fin. Faute avouée, à moitié pardonnée ? C’était la première fois qu’elle le disait à haute voix, surprise par les effluves de son parfum qui l’envahissait et qui faisaient tourner sa tête.

« Je ne voudrais pas interrompre le fil de tes activités nocturnes », avait-elle renchéri pour se rattraper, non sans un sourire en coin alors qu’elle se retrouvait nez à nez avec cette chemise mal boutonnée, laissant apparaître une fine chaîne autour de son cou qui courrait sur ses clavicules.

Cette vision la fit frémir alors que les cendres brûlant toujours en elle en appelaient déjà à s’embraser.

« Surtout qu'apparemment tu n’as pas besoin de moi pour recevoir des cadeaux », ajouta-t-elle avec un sourire en coin, laissant la chaîne glisser entre ses doigts qui frôlaient désormais son cou.

Ses yeux se levèrent vers les siens alors que plusieurs questions lui brûlaient les lèvres, simultanément.

Nier l’évidence quand elle s’imposait de manière aussi brutale était mission impossible. Il n’y avait pas que son corps qui était attiré par Edel. Ses pensées l’étaient aussi, quand elle n’y faisait pas suffisamment attention. Alors que ses paroles et sa tête, elles, s’obstinaient toujours à prouver le contraire.

« C’est toi qui décides, maintenant ? De ce que j’ai besoin de savoir ou pas ? », demanda Siobhán, les sourcils levés pour feindre sa surprise. « Mais c’est vrai, tu as raison. Je ne veux pas savoir. Parce que poser la question voudrait dire que la réponse aurait une importance. »

Sa bouche devait se concentrer à prononcer des mots simples quant son cerveau s’évertuait à lui hurler un tout autre discours. Mais Siobhán ne pouvait décemment donner à Edel cette clé qu’elle gardait cachée depuis tant d’années. Admettre qu’elle avait envie de savoir ce qu’il faisait à l’instant où leur bulle s’envolait dans l’air revenait à lui montrer l’importance que ces informations pouvaient tenir à ses yeux. Alors qu’ils s’étaient clairement mis d’accord sur le fait que ça n’en avait strictement aucune.

« J’ai vu Xris », dit-elle simplement, spontanément, en réponse à sa constatation, comme si cette seule phrase suffirait à la disculper.

C’était dans une plaidoirie « non-coupable » qu’elle venait de se lancer, beaucoup plus facile à admettre que d’avouer qu’elle avait effectivement passé une partie de son temps à penser à lui.

D’un côté, ces mots pouvaient sonner à l’oreille du Serpentard comme une tentative de justification. Comme si Siobhán avait cherché à se dédouaner de cet esprit sur lequel elle manquait cruellement de contrôle, et qui n’avait finalement besoin de rien ni personne pour penser à contre-courant de ce qu’elle voulait. @Xris Andērson avait en effet soulevé assez de questions pour qu’elle finisse par s’en poser à son tour, alors qu’elle n’en avait ressenti ni le besoin ni l’envie jusqu’ici.

De l’autre, il pouvait l’interpréter comme une volonté de prouver qu’elle n’avait pas pensé à lui tant que ça, puisqu’elle avait fait autre chose de son temps libre. Même si la discussion avec Xris n’avait duré qu’une seule soirée. Et qu'après avoir avoir écouté le capitaine des Serpentard rouspéter sur ce rendez-vous orchestré, de longues minutes de cet échange avait été consacrées à Edel.

Mais ça, il ne le savait pas.

Au fond, ce n’était pas tant la raison qui l’avait poussée à donner cette information qui comptait, plutôt la manière dont Edel allait la recevoir. D’autant qu’elle savait que la deuxième option n’était pas tout à fait vraie. Faire autre chose et s’occuper l’esprit n’aurait de toute façon rien empêché : la preuve, elle avait fini par lui acheter une bague et s’en prendre une aussi. Comme pour concrétiser un quelque chose qui sembler les lier désormais.

Cette chevalière qu'elle lui avait offert pendait désormais à son cou, tout près de son cœur. Siobhán passa sa main brûlante entre la chemise d'Edel et sa peau à l'endroit où elle sentait au plus fort les battements qui soulevaient sa poitrine. Tandis que le rythme du sien ne cessait d'accélérer, entamant une course folle dans laquelle elle mourrait d'envie de se jeter. Et, elle se laissa succomber en embrassant doucement son cou, le parcourant de plusieurs tendres baisers. Le contact de ses lèvres sur sa peau la faisait frissonner sous les effets du désir.

« Ça me suffit », avait-elle acquiescé en murmurant, sans prendre en considération un seul instant le reste de ses pensées. Jusqu’à oublier ce que son cœur pouvait bien lui murmurer.

Edel avait failli se laisser tomber dans l’abysse ouverte par les lèvres qui sillonnaient son cou dans un chemin déjà tout tracé. Certains signes ne trompaient pas. À force de le voir et de passer du temps entre ses draps, la vélane avait appris les faiblesses de son corps, les seules qu’il acceptait de montrer.

Mais sans, cette fois, se laisser consumer.

Il avait suffit d’un mot, pour qu’il finisse par s’éloigner. Un pas en arrière, qui semblait une immensité. Un seul prénom, et cette bulle autour d’eux avait éclaté. Edel avait besoin d’air et Siobhán n’allait pas s’imposer. Juste tenter de mettre des mots sur ce qui ne pouvait pas encore être pensé, ni envisagé.

À son tour elle se recula d’un pas, sur la défensive et probablement aussi sous le coup de l’étonnement. Parce que rien de ce qu’elle disait habituellement ne paraissait pouvoir le faire flancher.

Mais elle ne jugeait pas. Après tout, elle non plus n’était plus sûre de rien.

« Probablement rien. Comme le reste. Il m’a posé des questions auxquelles je n’avais pas de réponse. Et je n’en ai toujours pas, d’ailleurs », souffla-t-elle à mi-mot sans lever les yeux, rivés sur le sol par crainte de se perdre dans la recherche de ces iris dorés qu'elle adorait.

Xris était son excuse, celle qui justifiait la présence d’Edel dans un recoin de ses pensées que Siobhán n’avait jamais osé visiter elle-même. Mais elle ne pouvait lui avouer cette place qu’il occupait, depuis ce jour, sans prendre le risque de se dévoiler. Alors, mieux valait garder le flou à propos de ce chemin sur lequel elle s’était engagée. Pour le moment, tout ce qu’elle voyait, c’était que sa route s’étirait à perte de vue devant elle en un simple fil chancelant, soulevé brutalement de part et d’autres par les vents. Et en bas, ce vide qui l’attirait dangereusement. Mais surtout, personne à l’horizon pour la rattraper si elle tombait.

« Et le lendemain j’ai acheté ça », ajouta-t-elle pour rompre le silence, son regard baissé sur la chancelière qui habillait son majeur.

Comme si ça voulait tout dire.

Elle la tournait machinalement autour de son doigt alors que la pierre en son centre étincelait sous les reflets de la nuit. Pourquoi ne s’était-elle pas contentée d’en acheter un seul exemplaire, pour elle ? Pourquoi avait-il fallu qu’elle pense à lui en sentant cette deuxième bague l’appeler ? Pourquoi avait-elle pensé, tout simplement ? Et surtout, pourquoi à lui ?

Pour le moment, son cerveau restait sourd aux réponses que lui apportaient son coeur.

« Je ne joue pas tout court, Edel. Je ne sais pas faire. »

Lentement, Siobhán s’était levée de sa chaise pour se diriger vers la seule issue qu’il avait fermée, sans savoir vraiment où elle voulait aller. Dans un sens, la proximité avec cette porte de sortie la rassurait, parce qu’elle n’avait aucune idée de la façon dont il aller percevoir cette dernière tentative de réponse.

« Je sais juste que je n’ai pas envie que ça s’arrête. Il n’y a qu’avec toi que… »

Sa voix resta suspendue dans l’air, laissant toutes les possibilités à Edel de venir compléter cette phrase inachevée par les mots qu’il souhaitait. Parce qu’aucune fin appropriée ne lui venait en tête. Aucune, en tout cas, qui ne mettrait pas en danger ses propres convictions à l’instant même où elle serait prononcée.

Des aimants. Voilà ce qu'ils étaient. Tantôt ils s'attiraient, tantôt ils se repoussaient ; tout dépendait de l'attitude que l'autre abordait. Il n'y avait aucune règle, pas de mode d'emploi. Juste la sensation de leurs corps qui les guidaient l'un vers l'autre. Et leurs esprits qui se laissaient porter par le champ magnétique qui les reliait.

Quand Siobhán sentit la chaleur d'Edel dans son dos, elle ne put s'empêcher de se mordre les lèvres. Au fond, jamais elle n'avait vraiment envisagé de quitter cette pièce. Pourtant, secrètement, elle avait espéré qu'il lui demande d'y rester.

Sa main se laissa attraper par la sienne, se résignant à faire semblant d'attraper la poignée. Le souffle qui caressait son cou révéla un frisson sur sa peau, à ce même endroit précis, alors qu'elle fermait les yeux pour mieux laisser parler ses sens.

Cette voix dans son oreille.
Cette chaleur dans son dos.
Ces doigts entrelacés avec les siens.
Cette bouche sur sa peau.

Son prénom entre ses lèvres.

Et l'envie irrépressible de se retourner pour lui donner exactement ce qu'il voulait. Sans pour autant y succomber. Pas encore.

« Au bout de combien de fois on considère que ça devient une habitude, tu crois ? », murmura-t-elle en tournant légèrement la tête vers lui, marquant un temps d'arrêt quand elle sentit leurs visages se rapprocher.

Avait-elle réellement besoin d'une réponse à cette question-là ? Parmi toutes celles qu'elle aurait pu poser, parmi toutes celles qui l'avaient visitée ces derniers jours, Siobhán l'avait choisie précisément parce que c'était la seule qui ne pourrait pas la faire flancher. Tout en lui donnant une indication sur la suite. Toujours dans une même volonté de tout contrôler, de tout planifier, quand Edel lui offrait précisément la possibilité de se laisser aller.

Toujours dos à lui, la vélane saisit plus fermement encore la main qu'il lui avait donnée et la fit voyager lentement sur ses courbes. Seul le tissu qu'elle portait ce jour-là le séparait encore de cet épiderme qu'il avait déjà frôlé, à trois reprises. Cette idée la fit sourire doucement, lui rappelant avec tendresse quelques-uns de ces instants passés.

« Je te montre, si tu me montres aussi. »

Encore fallait-il qu'Edel se pose des questions sur tout ça. Encore fallait-il qu'il accepte qu'elle puisse en vouloir plus. Il s'agissait de nouvelles variables sur lesquelles elle n'avait aucune maîtrise et qu'elle essayait d'imposer. Car le vert-et-argent avait entendu, aujourd'hui, qu'il n'y avait qu'avec lui que certains phénomènes se produisaient chez elle. Il ne savait pas exactement lesquels et n'avait même pas cherché à les connaître, mais, à ses yeux, elle s'était déjà bien assez dévoilée.

Un mouvement rapide lui permis de se retourner brusquement, la faisant pivoter droit vers lui alors les mains de Siobhán s’immisçaient insidieusement dans son cou pour l'attirer encore un peu plus vers elle. Et ses pupilles, rivées dans les siennes, se laissant aisément pétrifier dans cette même connexion qui leur appartenait.

« Montre-moi, Edel. »