Grey vision | Rafael

Grey vision
Ft. @Rafael Lundgren



CW : Blessures légères.

Vendredi 3 mars, 22h. ootd lieu

Les courbatures la faisaient déjà grimacer lorsqu’elle franchit le pas de la porte d’entrée. Dans la pénombre, son minuscule appartement lui paraissait plus réconfortant qu’il ne l’était vraiment, appréciant simplement de retrouver son petit bout de chez soi après une dure journée. À croire que la fatigue lui embellissait visiblement sa vision entravée par le voile gris de l’amertume, elle sourit en constatant la similitude des lieux avec son ancienne chambre à Koldovstoretz. Pas que cette dernière lui avait plu, loin de là, mais l’apparence moderne des lieux lui avait plu davantage que le jaune tournesol de Poufsouffle.

Sans prendre la peine d’allumer la lumière, elle se dirigea aussitôt vers l’évier de sa cuisine, laissant l’eau froide soulager ses jointures rougies. Cette fois au moins, la douleur était gérable, mais surtout plus que satisfaisante. Elle avait un goût de victoire, un goût d’accomplissement qui caressait délicatement son égo, qui avait dernièrement eu la vie dure. Si avoir remporté le combat ne lui serait pas extrêmement profitable financièrement, elle pouvait au moins se consoler avec le fait que sa réputation aura été redorée. Battre un favori pouvait être dangereux, mais garantissait plus de paris sur elle à l’avenir.

L’horloge indiquait déjà 22h lorsqu’elle troqua ses vêtements pour une tenue plus décontractée, non sans nettoyer le sang séché sous son nez avec un linge qui traînait sur le comptoir. Elle poussa un léger soupir en jetant un coup d’oeil vers le calendrier. Pleine lune le 7 mars, dans pas plus de 4 jours. L’angoisse au ventre, elle avait au moins une explication pour le sommeil léger des derniers jours, comme si la bête se débattait déjà avec anticipation. Néanmoins un petit sourire vint étirer ses lèvres en trouvant une petite fiole laissée sur la table de la salle à manger. N’oublie pas. Sans savoir lequel des Yard était venu déposer la potion pendant son absence, elle ne pouvait qu’être rassurée de voir que leur laisser un double des clés avait son utilité. 
Alors qu’elle portait la fiole à ses lèvres, trois petits coups sur sa porte la firent sursauter.

« Shit. », chuchota-t-elle en dissimulant la potion sous la serviette de cuisine. Jetant un coup d’oeil à son reflet dans le miroir, elle grimaça en remarquant les cernes et les ecchymoses. Un pic de stress la fit légèrement paniquer alors qu’elle plaça ses cheveux de façon à tenter de camoufler son état, ouvrant la porte dans un grincement sourd. « Oh, Raf c’est toi. », soupira-t-elle de soulagement, remerciant tous les Dieux qu’il ne s’agissait pas de son propriétaire. Mais son faible sourire s’effaça rapidement, son regard se faisant soudainement plus fuyant. Comme si elle venait de réaliser, comme si la réalité venait de la rattraper. « Tu ne devrais pas être là. », lâcha-t-elle abruptement, sans ménagement. 

Être aussi sèche ne lui plaisait pas. Pas devant lui, en tout cas. Il n’y avait pas beaucoup de gens pour qui elle se faisait un souci de tempérer ses mots, mais il avait toujours fait partie des exceptions à la règle. Néanmoins, sa présence, aussi réconfortante soit-elle, l’effrayait plus qu’elle la faisait sourire ces derniers temps. La douleur qu’elle s’infligeait en le repoussant dans le moment où elle avait sans doute le plus besoin de lui n’était qu’un sacrifice parmi tant d’autres pour assurer sa protection. Il avait toujours veillé sur elle. À son tour d’en faire de même.

Grey vision
Ft. @Rafael Lundgren
CW : Mentions de combats, violence et blessures légères.




Elle savait, au fond, que tenter de repousser Rafael, c’était un peu comme nager à contre courant. C’était se noyer dans un fleuve plus puissant, plus fort que les rivières et les ruisseaux qu’elle eut le loisir de traverser au cours de sa vie. Et c’était aussi se faire ramener à la rive, là d’où elle venait, par un raz-de-marée, lorsqu’elle aura épuisé toutes les ressources que les Dieux lui auront un jour accordées. Mais à chaque fois, elle s’entêtait à se convaincre elle-même que se noyer en repoussant la force magnétique qui les rejoignait toujours, comme une évidence, en valait toujours la peine si ça lui permettait de le tenir loin de ses crocs et de ses hurlements.

Alors elle continuera jusqu’à ce que son cœur et son corps lui lâche, ou jusqu’à ce que la raison lui fasse réaliser ce qu’elle s’assurait de taire et d’endormir.

Relevant le regard à ces salutations qui lui arrachèrent le peu de réconfort qu’elle trouvait en sa présence, elle ne put que se mordre l’intérieur des joues en analysant ce visage si dur, si fermé et pourtant si expressif du Lundgren. Elle se plaisait à croire que peu étaient ceux qui réussissaient à comprendre autant de choses en ne posant qu’un seul regard dans le sien. Le temps passé à entretenir une amitié qui était désormais vacillante lui avait accordé le droit de lire en lui comme dans un livre ouvert. Et c’était sans difficulté qu’elle pouvait reconnaître l’entêtement dans ses sourcils froncés ou la douleur dans ses yeux froids. 

« La pleine lune est dans quelques jours. Tu sais que… » Elle eut une hésitation, sans être certaine d’être capable de cracher le morceau. Malgré les apparences, sa sensibilité était plus grande qu’elle ne le montrait. « Tu sais que je suis instable. » Le dire à voix haute ne faisait que confirmer tout ce qu’ils pensaient tout bas.

Ça lui coûtait de l’avouer, mais elle ne pouvait nier l’irritabilité et la colère qui la saisissait spontanément au fur et à mesure que la pleine lune approchait. Comme si, de nuit en nuit, elle se rapprochait toujours un peu plus de l’animal sauvage qu’elle tentait de contenir. Comme si lutter ne faisait qu’empirer les choses. 

Klara n’eut pas l’énergie de reculer alors qu’il se permettait d’entrer, de s’approcher alors qu’elle tentait de le lui interdire. Dévoiler son visage coloré par la douleur ne lui apportait aucun plaisir, se faisant violence pour s’empêcher de lui fermer la porte au nez. L’inquiétude dans sa voix, dans son regard l’aurait presque fait sourire, si les circonstances étaient différentes. Si elle n’avait pas à retenir son souffle, de peur qu’un mouvement mal calculé déclenche une crise de colère qui lui ferait regretter d’être restée au Royaume-Uni.

Délicatement, elle saisit la main qui s’était logée contre visage, pour l’éloigner, pour briser le contact. Pour briser l’illusion de réconfort qui s’immisçait presque en elle, alors qu’elle n’avait aucun droit de la savourer. Inclinant la tête sur le côté, elle lui offrit un demi sourire, qu’elle lui servit comme une excuse.

« Je crois que tu sais déjà comment je me suis fait ça. », murmura-t-elle, tout juste assez fort pour qu’il le comprenne. Aucun reproche dans sa voix, juste un chuchotement mélancolique pour avouer le péché qui lui avait peint le visage. Klara était faite de violence depuis toujours, mais il n’avait pas souvent eu le loisir de le constater. « Quand est-ce que tu vas comprendre, Rafael ? » Qu’il vaut mieux pour toi que tu investisses ton temps et ta force ailleurs, qu’il vaut mieux que tu acceptes la distance. « Tu ne gagneras rien à assister à ces combats, tu le sais bien. » 

Il se faisait du mal lui-même, alors qu’elle l’avait averti qu’elle n’avait pas envie qu’il soit là pour la voir recevoir et donner des coups qui extériorisaient cette rage de vivre qu’elle n’en pouvait plus de contenir. Et pourtant, à travers toutes les têtes et les visages sans intérêt qu’elle pouvait apercevoir, il y avait toujours cet éclair châtain à travers la foule pour lui rappeler que les vautours et les corbeaux attendaient de voir leurs proies s’affaler au sol avant de l’approcher. Si le sort qu’il lui réservait était beaucoup plus doux que ceux qui lui souhaitaient de mordre la poussière, il n’en était pas moins douloureux. Et même s'il n'était pas à tous ces Hellshows, son absence n'atténuait en rien sa culpabilité de lui offrir un spectacle aussi morbide.

« Pourquoi est-ce que t'es venu ? »

Grey vision
Ft. @Rafael Lundgren



Elle ne pouvait ignorer le serrement de son coeur qui l’empêchait presque de respirer correctement alors qu’elle faisait un pas de côté pour le laisser entrer. Tout lui hurlait de le repousser, de lui fermer la porte au nez, mais elle n’était pas certaine de pouvoir résister à l’ouragan que Rafael pouvait être, lorsque la détermination brillait dans son regard meurtri. S’il était pour rester planté là malgré sa volonté à elle, autant refermer la porte derrière lui pour éviter que leurs mots ne se perdent dans des échos qui ne méritaient pas à être entendus. Et, accessoirement, pour enfermer le peu de réconfort qu’elle pouvait trouver en sa présence, comme si elle avait peur que sa chaleur lui échappe.

En le regardant, lui et ses traits nordiques qu’elle avait observé pendant de si nombreuses années, elle ne pouvait pas taire l’étrange impression qui se tapissait dans ses entrailles. C’était presque comme parler à un visage du passé, à un souvenir qui était resté coincé là où la douleur ne pouvait la toucher. Elle l’attribuait tant à ces moments d’innocence qu’elle en oubliait qu’il était son présent aussi, et son futur peut-être. Klara avait beau le nier, mais Rafael était bien loin d’être un fantôme à oublier.

Elle, de l’autre côté… Elle ne pouvait cesser de se dire qu’il valait probablement mieux pour lui qu’ils gardent leurs distances, qu’il coupe les ponts. Pour sa sécurité, mais aussi pour son bien-être. Mais pourtant, ce qu’elle réussissait à briser dans leur amitié, lui s’efforçait toujours de le réparer. Agaçant. Terriblement frustrant.

« Si t’es venu me faire la morale, je te suggère de partir. », lâcha-t-elle d’un ton plus sec, une voix que, malgré son affection pour lui, il avait pu entendre à maintes reprises. 

Ce n’était pas la première fois qu’il tentait de la remettre sur ce qu’il pensait être le droit chemin, mais à chaque fois, ça lui faisait la même chose. La chaleur de la colère commençait à lui faire bouillir le sang. Elle en avait déjà assez de Sigrid et de Glenn pour tenter de décider pour elle ce qu’elle devrait faire ou non. Son chemin à elle, il était loin d’être droit de toute façon.

Elle n’eut qu’un pas de recul lorsqu’il lui sembla presque exploser, exposant ses frustrations. Comme si elle n’en avait pas assez de se sentir perdue, comme si elle n’en avait pas assez de se sentir coupable pour ne serait-ce que chaque respiration qu’elle prenait. Sa colère à lui n’était pas attendue, elle était surprenante et d’autant plus blessante, mais surtout… elle n’était pas agréable. Justifiée peut-être, même elle le savait, mais tellement frustrante. 

« Je t’ai rien demandé, Rafael. », commença-t-elle, son ton montant d’un cran aussi alors qu’il lui remettait la fiole de potion. Elle ignorait comment il avait mis la main dessus, mais, à quelque part, elle n’était pas certaine d’avoir envie de le savoir. « Je t’ai pas demandé ton aide, je t’ai pas demandé que tu sois toujours là pour guetter chacun de mes pas. Et ça me fait tellement chier que t’arrives pas à comprendre que peut-être que je veux pas que tu sois là ! » 

Des mots durs, un venin qu’elle regretta presque instantanément, comme il pourra sans doute le voir dans ses yeux qui se baissèrent vers le sol. Elle reprit son souffle, comme si son petit excès de colère lui avait demandé autant d'efforts qu’une vraie bataille. C’est au bout d’un petit moment qu’elle releva les yeux vers lui.

« Je sais que te rejeter sert à rien, crois-moi, je m’en suis rendue compte depuis un petit moment. » Elle soupira. « Mais il faut que tu comprennes que j’suis pas la même personne, et que tes efforts ramèneront pas celle que j’étais. Qu’on le veuille ou non, cette… infection, elle est pas réversible. »