It's been a long day | Nathanael

 « Success is no accident. It is hard work, perseverance, learning, studying, sacrifice and most of all, love of what you are doing or learning to do. »
Pele 

Lâcher prise et se laisser aller n'étaient pas des points dans lesquels le jeune Pierce était particulièrement doué. C'était le prix à payer lorsqu'on était forcé de grandir bien trop vite, on finissait par être noyé sous les responsabilités et, petit à petit, les moments de franche rigolade se faisaient de plus en plus rares. Nathan n'avait pas pris le temps de se détendre depuis très longtemps, il n'était même pas certain de savoir encore comment faire mais, de toute évidence, sa collègue était déterminée à le décrisper, qu'il le veuille ou non. Qu'avait-il fait pour mériter une collègue aussi attentionnée ? Encore une question à laquelle il ne pourrait répondre.

D'ordinaire, lorsqu'il était ici, Nathanael passait d'une opération à une autre, d'un patient à l'autre sans respirer ou prendre de pause, jusqu'à la fin de son quart de travail ou jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus, mais aujourd'hui Zahra avait eu une autre idée en tête. Oublié le patient et tous ses os brisés, oubliée cette longue et épuisante opération, désormais les deux médicomages imaginaient le noble Pierce, combattant le crime et l'injustice dans une tenue beaucoup trop moulante, comme les héros de ces bandes dessinnées moldues. L'image était amusante, oui, mais Zahra semblait apporter une attention toute particulière à la propreté de la tenue.

Nathanael était méticuleux, conscient de l'importance de l'image qu'il donnait au reste du monde, aussi ses costumes étaient-ils toujours impeccables. Une partie de lui, le contrôlant, aurait voulu arrêter cette conversation là, avant de se ridiculiser, mais voir Zahra s'amuser et sourire, en laissant courir son imagination dans tous les sens, cela avait quelque chose de...rafraîchissant.




Quoi ? Même avec tous les efforts du monde, le sarcasme n'était pas quelque chose qu'il pouvait faire complètement taire. Il poursuivit donc la conversation, acceptant l'idée d'une tenue moulante, en précisant bien que le slip était à sortir de l'équation. Cette seule réponse fit réagir de nouveau sa collègue, qui ne lui ferait jamais oublier cette fameuse conversation. Sourire en coin, s'imaginant en tenue moulante façon Nath-man ou Captain Britain, le Pierce admit :




Il était bien foutu et il le savait. Et puis, qui voulait d'un super-héros moche comme un poux ? La demoiselle Jekyll poursuivit donc le fil de son imagination, évoquant un costume en soie d'acromentule, pour rappeler à tous à quel point il avait les poches pleines. Était-ce vrai ? Il n'avait rien hérité de son père et ne le ferait qu'à la mort de ce dernier, mais il était suffisamment rusé et intelligent pour s'être rempli les poches, aisément, au cours des dernières années. Pensif, il commenta alors :




Il était loin d'être milliardaire, mais se l'imaginer était amusant. Mais que choisir maintenant ? Un guerrier aux supers-pouvoirs impressionnants, ou un malin, armé uniquement de gadgets, sans aucun coup de pouce surnaturel ? Le Pierce resta à nouveau pensif, essayant de peser le pour et le contre pour faire un choix, avant de demander :




Chasser la noblesse d'âme, elle revenait toujours au galop. L'espace d'un instant il fit une pause, réalisant qu'il n'aurait jamais imaginé avoir une telle conversation, avec qui que ce soit, et surtout pas avec une collègue. Était-ce cela, de se laisser aller ? La sensation était agréable, il devait bien le concéder.




Lui, il était trop discipliné et terre à terre. Son imagination était limitée, ou du moins la jugeait-il ainsi. Savourant cet instant, il sourit lorsque la demoiselle l'implora de ne pas la laisser lui construire une nouvelle existence, car l'impact serait dévastateur pour sa réputation. Arquant un sourcil de surprise, Nathan demanda :




Il avait toujours travaillé dur, sans rien attendre en retour. Il se contentait de faire son travail, assidûment, avec dévotion, mais ne savait absolument pas quelle était l'image que ses congénères percevaient de lui. Était-elle bonne ou mauvaise ? L'espace d'un instant il ouvrit la bouche, pour demander à sa collègue ce qu'il se disait sur lui, par simple curiosité, avant de se raviser. Il préféra se concentrer sur l'amusement de Zahra, avant d'avouer en riant :

 « Success is no accident. It is hard work, perseverance, learning, studying, sacrifice and most of all, love of what you are doing or learning to do. »
Pele 

Nathanael avait appris, depuis son plus jeune âge, à maîtriser l'art des deux visages. Le premier visage était celui qu'on montrait en public, ce visage de maintien et de dignité qui convenait au domaine professionnel ou aux soirées mondaines. Ce Nathanael là était froid, maîtrisé, et expansif lorsqu'il s'agissait d'évoquer des sujets personnels, ou bien de parler de ses émotions. Le second visage n'était pas attaché aux mêmes règles de convenance et d'étiquette que le premier, il se voulait donc plus libre et plus franc dans sa façon d'agir et de s'exprimer.
Ce Nathanael là était le vrai, dont les sourires étaient doux et pourtant si rares, l'homme qui ne se cachait pas derrière son métier ou son statut. Mais ce Nathanael-là sortait de moins en moins souvent, depuis un certain temps, autant par pudeur que simplement parce qu'il n'en avait pas l'occasion. Au travail il était juste docteur Pierce, et à la maison...à part son frère qu'il croisait entre deux interventions, ses sorties sociales n'étaient que très peu nombreuses. Alors oui, il s'était étonné lui-même de de pouvoir porter un jugement positif sur son apparence, non pas parce qu'il se pensait moche, mais parce qu'il n'était pas du genre à se mettre en avant, de quelque façon que ce soit.

Alors, quand sa collègue vocalisa sa surprise, Nathan retint une grimace comme s'il pensait avoir fait une bêtise, avoir trop dit. Après tout, elle appréciait peut-être Nathan le médicomage, mais rien ne garantissait qu'elle pourrait apprécier la personne en dehors de son travail, de son rôle.Il resta donc là, attentif et silencieux, maintenant le contact visuel jusqu'à ce qu'il puisse réagir à nouveau, en comprenant qu'elle ne lui en tenait pas rigueur. Une frayeur de passée, il répliqua d'un :




Il n'en avait pas toujours été ainsi. Enfin si, mais il lui avait fallu un temps fou avant qu'il ne l'accepte et ne l'assume. Il n'était pas moche, mais n'était pas l'homme le plus magnifique du monde non plus. Il était bien foutu et il le savait, la fausse modestie ne l'amènerait nulle part, alors autant l'assumer complètement. Le Pierce ne souhaita pas s'étendre davantage sur le sujet, jusqu'à ce que Zahra ne revienne à la charge, avec cette idée de tenue de super-héros. Le spectacle serait beau à voir,  il devait bien l'avouer, seulement...




Quel était l'intérêt d'abattre toutes ses cartes, d'entrée de jeu ? D'être un livre ouvert, pour quiconque croisant son chemin ? Il voulait garder une partie de mystère, une partie d'inconnu, car le Pierce était un homme assez secret de nature et il n'était pas prêt de changer. Mais il devait bien avouer que c'était plaisant de pouvoir assumer certaines de ses pensées, à voix haute, sans peur d'être jugé. Il n'avait pas pensé que cela lui serait possible ici, dans le cadre de son travail, mais la miss Jekyll venait de lui prouver le contraire.

Pouvoir ou gadget ? Inné ou acquis ? Le premier serait sans doute plus impressionnant, oui, mais ce n'était pas la façon de faire du Pierce. Son argent, sa situation et son expertise en médicomagie : tout cela, il ne le devait à personne d'autre que lui. Alors, hochant la tête, il admit bien volontiers que :




Les deux médicomages savaient que, à tout instant, ils pourraient être appelés pour une urgence ou quelque autre intervention. C'était la vie qu'ils avaient choisi de mener, ce qui rendait ces moments d'autant plus précieux. En tout cas c'était ainsi que le voyait le Pierce et, lorsque la demoiselle admit ne pas s'être amusé autant depuis un certain moment, le sourire du Pierce fit écho au sien, avant que l'homme n'admette :




Ce n'était pas le genre d'aveu qu'il faisait de gaieté de cœur, mais c'était vrai. Il ne prenait pas assez de temps pour s'amuser et se détendre, les sourires et rires se faisaient donc de plus en plus rares, au fil du temps. Ce n'était pas quelque chose qu'il pouvait avouer, pas complètement en tout cas, mais Zahra avait bien mérité un brin d'honnêteté de sa part...non ? Le sourire amusé toujours au coin de ses lèvres, le Pierce finit alors par demander, pour confirmer ses




Avec son manche à balai logé dans le rectum, il savait très bien qu'il faisait une cible facile.