Mayline, tu es une sorcière

La directrice de Poudlard l'avait convoqué pour une affaire urgente le sommant de venir le plus vite possible. Comme elle lui dit, alors qu'il pénétrait à peine dans son bureau où l'on voyait les portraits de ses prédécesseurs les plus connus qui semblaient tout aussi agacés et surpris que celle qu'ils conseillaient, elle avait besoin de lui qu'il règle le plus vite possible ce souci qu'elle commençait déjà à lui présenter. Jameson fronçait les sourcils alors qu'il s'avançait au centre de la pièce.

Une jeune fille n'avait jamais été contactée alors qu'elle était sorcière, que ce fût par le Ministère ou l'école. Un dossier qui avait été retrouvé, il y a quelques heures, par le service d'état civil. De ce que la directrice lui expliquait, devant sa mine déconfite, la personne en charge avait été virée sur-le-champ. Mais cela n'excusait, en rien, cet oubli honteux dont les conséquences n'étaient pas encore mesurées sur l'état psychologique de la jeune sorcière oubliée.

Une enquête allait être ouverte au Ministère, mais une missive de la plus haute importance était apparue sur son bureau, encore ouvert devant la directrice qui se tenait dans sa grande chaise, lui demandant de s'occuper de la petite dans les plus brefs délais.

Jameson s'apprêtait à dire quelque chose, mais aucun son ne sortit. Il était choqué qu'une telle erreur eût lieu. Encore plus lorsqu'elle lui tendit la missive tamponnée par le Ministère pour leur expliquer où trouver cette jeune sorcière, avec un bref résumé d'une vie déjà si catastrophique alors qu'elle semblait avoir tout juste soufflé sa dix-huitième bougie.

Il se grattouilla la barbe, l'air dépité. Si elle lui demandait une telle chose, c'était que la directrice avait forcément confiance en lui. Jameson finit par acquiescer d'un signe de la tête, lui signalant qu'il acceptait sa requête et qu'il allait voir pour se faire remplacer pour la journée.

Hadrian Gallus allait être contacté pour enseigner à sa place, aujourd'hui.


(...)

Jameson apparut dans une petite ruelle sombre, non loin de l'orphelinat dans lequel vivait Mayline Smith. C'était une vieille bâtisse qui lui semblait triste et sans vie. La pierre avait besoin d'un sérieux entretien, contrastant énormément avec les jardins probablement nettoyés et entretenus par les jeunes occupants.

Il passa le portail en fer forgé, la mine grave, dans son accoutrement de moldu (veste en cuir, jeans et bottes sombres). Il fit un signe de tête rapide vers un des occupants présents dans les jardins, avant de se rendre directement dans le hall d'entrée.

De ce que la directrice de Poudlard lui avait dit, il avait un rendez-vous pris à la dernière minute avec la tenancière des lieux. Très rapidement, il se présenta à l'accueil, faisant mention de cet entretien. Il n’avait pas le temps de s'attarder avec toute cette paperasse qui le fatiguait. Tout ce dont il avait besoin, c'était de voir cette pauvre petite qui avait déjà dû témoigner ses dons de sorcières sans en comprendre le sens.

Jameson se faisait probablement des films, en tapotant machinalement le comptoir de bois de l'accueil, alors que la secrétaire partait chercher la directrice de l'orphelinat. Lorsqu'elle revint en sa compagnie, cette dernière lui annonça que Mayline était en rendez-vous avec un psychologue, lui expliquant brièvement ce qu'il en retournait, l'air dépité, mais aussi surpris par la présence du professeur de Sortilèges.
« - Vous êtes un proche parent de Mrs. Smith ? » Finit-elle par lui demander, l'air suspicieux.
« - Pas vraiment. »
« - Vous êtes qui ? »
« - J'enseigne dans une école. Vous avez bien reçu le courrier vous expliquant ma venue ? » Demanda Jameson, qui semblait s'impatienter, s'agaçant de ces questions soudaines.

La directrice sortit quelques lettres parcheminées qu'elle avait trouvé bizarres. La secrétaire leva les sourcils avant de retourner derrière son bureau. Jameson continuait de tapoter sur le comptoir, ses anneaux jurant véritablement avec sa profession.
« - Elle est en consultation avec la psy-... »
« - Quoi ? » Interrompit Jameson, fronçant les sourcils, comprenant alors très vite que les craintes qu'il partageait avec la directrice de Poudlard s'avéraient exactes.
« - Oui, au premier ét- ... »
Elle n'eut pas le temps de finir que Jameson la bousculait déjà pour prendre les escaliers qu'il monta quatre à quatre pour se rendre à l'étage.

Là-haut, son regard balaya l'intégralité du couloir, voyant que, quasiment, toutes les portes étaient ouvertes, sauf une. Jameson se précipita directement vers cette dernière, tapant brièvement sur celle-ci, avant de l'ouvrir.

La porte s'ouvrit alors sur une pièce assez simple, un peu vieillotte, à l'image de l'orphelinat, où une vieille odeur de renfermée se faisait sentir.
« - Mayline Smith, c'est ça ? Nous avons rendez-vous, toi et moi. »
Il tourna son regard vers le psychologue.
« - Vous pouvez nous laisser, merci. » Le visage de Jameson semblait se fermer. Une tension palpable se fit sentir dans la pièce, comme si un orage s'apprêtait à éclater au-dessus de leur tête. Le psychologue tenta de le contredire, mais cela ne semblait pas décourager Jameson qui lui indiqua la porte de son index.
« - Merci. »

Il quitta les lieux. Jameson s'approcha de la porte pour la fermer avec douceur. L'envie de la faire claquer derrière le psychologue lui avait traversé l'esprit, mais il préférait y aller mollo, ne sachant pas trop où la jeune sorcière en était.

Il vint s'asseoir à la place du psychologue, en face de Mayline.
« - Bonjour, Mayline. Comment vas-tu ? » Lui demanda-t-il, tout simplement, se rendant compte que, sous l'urgence, il n'avait pas du tout réfléchi à comment l'aborder.

Sur la défensive, la jeune demoiselle lui répondit poliment. Jameson tenta un sourire. Il lui fallait comprendre la jeune femme rapidement pour la mettre le vite à l'aise. Il ne savait pas où elle en était dans sa thérapie, et Jameson était prêt à manger le livre qui se trouvait à côté de lui si son psychologue n'avait pas tenté de la convaincre que la magie n'existait pas. Pour le professeur de Sortilèges, bien que ce n'était pas quelque chose de courant au XXIe, c'était la première pensée qu'il eut. Dans un cas comme ça, il était très rare que les jeunes sorciers soient encouragés à croire à des sornettes que le commun des mortels ne croyait plus depuis des siècles.

La faute au secret international des sorciers qui avait découlé des chasses aux sorcières à travers le monde.

Mayline lui demanda alors qui il était. Jameson sourit. Il jeta un bref regard vers la porte de la pièce qu'il pointa d'un geste rapide de son index pour insonoriser la pièce. Un léger voile translucide à peine perceptible recouvrit cette dernière l'espace d'un instant avant de disparaître.

Il se racla la gorge, s'enfonçant dans son siège pour croiser ses jambes devant lui. Mains sur les cuisses, Jameson lui répondit :
« - Je suis Jameson Clearwater. »
Il sourit, retirant une poussière de son jean.
« - Je suis enseignant. »

Jameson laissa quelques instants de flottement avant de finalement se pencher vers Mayline, l'air tout ce qu'il y a de plus sérieux.
« - Écoute Mayline, je sais que ça va te paraître un peu dingue, mais... est-ce que tu as la sensation d'être... »
Il leva les yeux vers la fenêtre, cherchant le bon qualificatif afin de ne pas entrer dans le vif du sujet un peu trop rapidement. L'idée était d'aller vite, de rattraper tout ce temps perdu pour cette pauvre jeune fille oubliée à cause d'un fonctionnaire un peu trop oisif, responsable de tout ce qu'elle avait pu vivre ici, au sein de l'Orphelinat.
« - ... Spéciale ? »

On pouvait y mettre beaucoup de choses derrière ce qualificatif. Mais c'était probablement le plus facile.
« - Comme si tu n'appartenais pas au monde qui t'entoure ? Ou peut-être comme si tu te sentais capable de certaines choses que les gens ne comprennent pas forcément ? »
Jameson avait beaucoup annoncé tous les ans, à un jeune sorcier, ce qu'il était réellement, c'était à chaque fois unique et compliquée. Ce n'était pas la meilleure approche, car il n'y avait tout simplement pas de bonne approche. C'était si compliqué, mais en même temps, par la suite, il se sentait si proche des jeunes sorciers qu'il avait visités.

Le regard de Jameson se ferma quelques instants lorsque Mayline nia sa spécialité. Visiblement, ce psychologue à la con avait déjà bien avancé dans son travail, et le professeur de Sortilège ignorait très clairement l'étendue des dégâts sur la psyché de cette pauvre fille. Bien sûr, l'envie de rappeler ce Delatour lui traversa l'esprit afin de le métamorphoser en gerbille comme pourrait le faire @Luke Korrigan. Mais ce n'était pas vraiment le moment de traumatiser un peu plus de cette jeune fille qui semblait avoir pas mal dégusté.

Il lui fallait trouver une idée pour qu'elle accepte cette part de magie qui la définissait malgré les idées qu'on avait pu lui inculquer au point de la rendre à ce point hermétique à toute la fantasy qui caractérisait la sorcière qu'elle allait devenir prochainement.

« - Certes. » Concéda Jameson, lorsqu'elle lui affirma qu'il ne la connaissait pas, et qu'il n'avait pas à lui dire les choses de la sorte. Mais il y avait méprise, et c'était quelque chose qu'il aurait du mal à expliquer tant qu'elle n'accepterait pas cet état de fait qu'elle était une sorcière.
« - Est-ce que je t'ai dit le contraire ? Tu pourras être ce que tu veux, comme j'ai eu cette possibilité-là, lorsque j'étais plus jeune, Mayline. »

Le doute n'était plus permis. Elle était dans un déni, confortablement installé par ce docteur de la bien-pensance moldue, incapable pour eux de comprendre que la magie existait bien plus qu'ils ne le pensaient, et qu'elle était sous leurs yeux depuis toujours. C'était quelque chose qui avait le don de l'agacer, car en adoptant une telle attitude à l'égard des non-majs, Jameson avait cette sensation d'être ce que les Clearwater avaient toujours combattu depuis, au moins, les fondations de l'université de sorcellerie, Poudlard.

La situation s'envenima très vite de son côté, comme si son subconscient essayait de convaincre ce qu'elle niait tout d'un bloc afin d'espérer un jour s'insérer dans une société qui n'était pas faite pour elle. Jameson savait qu'il valait mieux l'aider à redescendre en l'aidant à se concentrer sur quelque chose qu'elle aimait. Alors, lorsqu'elle lui parla d'audition, il se jeta dessus comme un chien attendant sa gamelle du jour.
« - Tu fais de la musique, Mayline ? » Lui demanda-t-il, l'air de rien, visiblement intéressé (c'était sincère, il aimait beaucoup la musique, lui-même pratiquant un peu de la guitare dans son coin).

Jameson semblait capter son attention. Ce n'était pas encore gagné, mais il prenait volontier cette petite victoire, même si elle n'était pas faite pour durer.
« - Oui, c'est bien ce que j'ai dit, tu pourras être ce que tu veux. »
Il se risqua un petit sourire, léger, juste histoire de prendre la température.
« - En rentrant à l'école où j'enseigne, je voulais devenir bibliothécaire. J'avais une réelle fascination pour l'Histoire. À la fin, j'ai fini B-archéologue. »
Le Professeur de Sortilèges se reprit in extremis sur la profession qu'il faisait avant de devenir enseignant pour des raisons évidentes. Si le simple fait d'être spécial exacerbait son traumatisme évident, il valait mieux éviter qu'elle ne sache qu'il était en réalité un briseur-de-sorts.

« - J'ai eu la chance de rencontrer un enseignant qui a su voir mon potentiel tout en cernant mes défauts et qui a su bien m'orienter lorsqu'il a fallu que je choisisse ma voie. C'est ce que je te propose aujourd'hui, Mayline. » Se risqua Jameson, en remettant sur la table l'un des motifs de sa visite.


Jameson enchaîna ensuite sur le thème de la musique, un domaine qui semblait sincèrement lui plaire. Mayline semblait témoigner un intérêt assez fort, tout à coup, pour la discussion qu'ils avaient. Elle avait l'air d'être passionnée par la musique. Il n'était pas psychologue, pourtant, il se doutait très bien qu'elle y voyait là une façon de s'extirper de la vie de tous les jours, qu'elle fut conscience ou inconsciente.
« - Tu n'as peut-être pas trouvé la meilleure des méthodes pour apprendre ? »
À nouveau, il se gratta la barbe, un tic inconscient qu'il avait lorsqu'il poussait la réflexion.
« - L'école, c'est nul pour ça. Ça conforte l'enfant dans ses échecs alors qu'il faudrait juste l'aider à trouver la manière d'apprentissage qui lui correspond le mieux. Mais au vu de la quantité d'informations qu'un enseignant doit donner à ses élèves, c'est parfois compliqué. » Avoua le professeur de Sortilèges, un peu dépité de ce constat sur son métier.

Depuis quelque temps, Jameson semblait prendre conscience de beaucoup de choses sur son métier principalement. La mort de son père le poussait à se questionner sur pas mal de trucs, et depuis quelques mois, c'était sa profession. Pourquoi leur apprendre ça comme ça ? Pourquoi ce sort est pas un autre ? Pourquoi réprimer leur créativité afin d'en faire des petits soldats ?

C'était tout un tas de questions qu'il se posait sans trouver de réponses véritables.

Entre cela, et son approche de la magie qui changeait un peu plus chaque jour, il semblerait que Jameson veuille révolutionner l'enseignement dans sa forme autant que sa profondeur.
« - Un peu de guitare, oui. Mais j'en fais plus pour moi, que pour les autres. » Lui répondit-il, lorsqu'elle lui demanda s'il faisait de la musique.
C'était son domaine, sa zone de sécurité. Il lui fallait la détendre, gagner sa confiance. Autant rester encore un peu sur ce domaine.
« - Tu m'as parlé de la harpe... Qu'est-ce qui t'a attiré dans cet instrument ? Pourquoi la harpe et pas le violon, par exemple ? »

« - est-ce que j'ai réellement dit ça ? » Demanda Jameson, l'air amusé, par son comportement soudain.
Non, il ne l'avait pas fait. La musique, comme toute forme d'art, était une forme de magie quoique pouvaient en dire certains sorciers, un peu trop académique pour oser mettre une telle discipline dans cette catégorie. Pour Jameson, c'était effectivement le cas. La possibilité qu'avait la musique d'éveiller les sens et les émotions était, pour lui, une preuve de magie.
« - Là où j'enseigne, à Poudlard, nous avons un salon de musique où un club d'étudiants se réunit régulièrement pour s'y entraîner. Nous avons même une chorale. »

Jameson ne savait pas réellement comment percer sa carapace. Ce n'était pas quelqu'un de très diplomate de base, même lui, il le savait. Pour autant, il n'aurait jamais pensé que ce fut aussi dur pour lui d'instaurer un climat de confiance avec un jeune élève. Il l'avait déjà fait plusieurs fois au cours de sa carrière d'enseignants, mais c'était véritablement la première fois où il se sentait un peu comme un gars à qui on lui demandait de combattre un troll seulement armé d'un couteau à beurre. C'était une situation complexe qui allait lui prendre du temps.

À moins de, justement, en gager, et de rentrer dans le vif du sujet.
Elle lui posa une question sur la guitare à laquelle il ne répondit pas. Ses pensées étant déjà passées à autre chose. Il jeta un regard autour de lui, observant les alentours avec un œil perçant, comme s'il y cherchait une aide quelconque.

Adoptant un air grave, Jameson posa son regard sur la jeune sorcière en  face de lui.
« - Écoute, Mayline. Je connais ton histoire. Je pense qu’au fond de toi, tu te doutes réellement de qui je suis mais que tu ne veux tout simplement pas le voir. »
Il se caressa le bout de la barbe, comme il le faisait à chaque fois qu'il réfléchissait. Oui, il n'y avait qu'une seule façon de faire. Il allait éviter l’esbroufe. Prenant une profonde inspiration, Jameson se lança à l'aveuglette, persuadé que de toute façon, elle serait dubitative. Dans un monde où la magie n'existait pas, c'était visiblement normal. Quelque part, ça l'agaçait. Un petit pincement au cœur à l'idée que la magie et sa communauté n'existaient tout simplement pas pour 80% de la population mondiale si ce n'était plus, il valait mieux entrer vivement dans le sujet.

« - Mayline, tu es une sorcière. »
C'était probablement dit de manière brutale, mais il n'était pas psychologue. Il n'avait plus qu'à attendre sa réaction. Après tout, comme il le lui avait dit, il connaissait une partie de son histoire. Il avait le dossier ministériel, ce n'était pas rien, même si ces demeurés de bureaucrates l'avaient perdu depuis quasiment quatre ans.