ELENA LOVECRAFT

Identité : Lovecraft, à son plus grand désarroi, Elena

Date et Lieu de naissance : Elena est née le 26 mars 1988, au terme d'un accouchement pénible au manoir familial à Londres. (34 ans)

Statut civil : célibataire endurcie qui sait apprécier quelques aventures sans lendemain

Scolarité : Elena était dans la fière maison de Salazar Serpentard, elle y a même été préfète durant sa promotion. Elle a emprunté un long parcours pour décrocher son diplôme en droit magique.


Profession : avocate à son compte depuis dix ans, elle s'est associée en début d'année à son ami d'enfance avec qui elle a fondé le cabinet Atkins & Lovecraft, à Londres.

Baguette magique : 28 cm, bois de noisetier, plume d'oiseau tonnerre.

Famille :

* Le clan Lovecraft est une illustre famille de sorciers issue d'une longue lignée dont il est difficile d'estimer les origines précisément. Certaines archives dépoussiérées de la Cathédrale évoquent des probables liens avec une mystérieuse guilde de sorciers celtes, d'autres mentionnent des tribus tziganes dont l'une des princesses aurait été enlevée et mariée à Aegon Lovecraft. Ce qui est certain, c'est que la famille est installée depuis plusieurs siècles sur ses terres à Londres et qu'ils se considèrent à cent pour cent anglais aujourd'hui.  

* Le clan est actuellement scindé en trois branches : celle de Xenophius, celle de Cairius et celle de Magnus. Les trois frères régissent chacun leur propre lignée, mais c'est Xenophius qui est considéré comme le souverain de la famille, car chez les Lovecraft, le pouvoir patriarcal se transmet non pas du père à l'aîné, mais au plus valeureux. Ainsi, nul mariage n'est prononcé sans son aval. Nulle attaque n'échappe à son commandement. Il y a toutefois un Conseil composé de ses deux frères, de trois de ses neveux et de son fils aîné et héritier.

* Outre les affaires familiales internes, le clan a su se renouveler continuellement sur le plan professionnel pour prospérer et pérenniser sa fortune, notamment avec la création en 1918 de Lovecraft Private Company qui deviendra par la suite Lovecraft Incorparation. Il s'agit d'une entreprise fournissant des services dans le domaine de la sécurité et de la défense. Elle emploie le plus souvent d'anciens membres d'unités d'élite reconvertis. On les appelle les Ghosts. Furtifs, efficaces, redoutables.
L'entreprise a connu un vrai succès auprès des gouvernements étrangers victimes de révoltes sanguinaires où elle intervient en tant que milice privée sous contrat. Elle offre également ses services aux entreprises privées ou aux particuliers fortunés. C'est Alec Lovecraft, le fils aîné et héritier désigné de Xenophius qui a été récemment nommé PDG de l'entreprise.

* Derrière la lumière se cachent aussi et surtout les sombres activités du clan... Xenophius a bâti son petit empire du crime organisé au fil des décénies : trafic de créatures magiques, contrebandes de potions, bookmakers malhonnêtes, combats illégaux de lycans et prostitution de vélanes... La face obscure. La morale bafouée. Il est toujours à la tête du réseau, et les soldats qui travaillent pour son clan sont surnommés les "Doom's Crows". Ses activités lui ont valu un certain nombre d'ennemis au cours des années... Et aujourd'hui, plus que jamais, le clan se demande si le patriarche n'est pas trop vieux pour affronter la guerre qui se profile...  

* Xenophius Lovecraft a eu quatre enfants avec son épouse Lisbeth : Alec, Rhys, Elena et Locklan.

* Lisbeth s'est suicidée un an après la naissance de Locklan, après avoir été attaquée et mordue par un lycan. Ne supportant pas l'idée de devenir un monstre, elle s'est pendue dans le manoir familial. Depuis, Xenophius voue une haine sans pareille à la communauté lycane.


Hérédité du sang : absolument pur, il n'est pas rare que des mariages consanguins soient encore célébrés...

Particularité magique : aucune

Caractère :

Elena cultive beaucoup de colère depuis très jeune. Elle a vécu la mort brutale de sa mère comme une profonde injustice et un abandon insupportable. Depuis, l'anglaise s'est employée à creuser une distance infranchissable entre le reste du monde et elle pour s'épargner de nouvelles souffrances. Elle paraît souvent froide et hautaine, et elle sait exercer un contrôle parfaitement maîtrisé de ses émotions qu'elle dissimule derrière un masque d'impassibilité.

La brune est aussi une sorcière qui tient fermement à son indépendance. Seule fille dans une fratrie de trois garçons, essentiellement élevée par leur père, elle s'est rapidement affranchie de leurs raisonnements phallocrates, bien qu'elle ait dû en subir les dérives durant son adolescence. Aujourd'hui, c'est une femme qui connait ses valeurs, une carriériste assumée et ambitieuse qui affirme vigoureusement ses positions et ses opinions. Esprit vif, elle a la langue particulièrement aiguisée et peut se révéler aussi piquante qu'espiègle selon le degré de formalité de la discussion.

L'avocate est aussi particulièrement têtue et d'une fierté sans pareille. Traits de caractère communs aux Lovecraft cela dit... Toutefois, elle est aussi pétrie d'un pragmatisme à toutes épreuves. Elle peut faire preuve de mauvaise foi plutôt qu'admettre ses torts, mais si la situation finale tourne en sa faveur, elle saura prendre les décisions nécessaires sans s'obstiner aveuglément.

Rusée, observatrice, l'héritière Lovecraft est une joueuse d'échecs avisée qui sait mener une partie.

Patronus :

Une vipère, à son image ; libre, astucieuse et agressive lorsqu'elle est attaquée.

Miroir de Risèd :

Sa famille au complet, heureuse.

Epouvantard :

Elle se voit elle-même. Parce qu'une part d'elle redoute que son père ait raison, qu'elle abrite, elle aussi, une part plus sombre qu'elle ne pourrait l'admettre.

Particularités : bien qu'elle ne l'ait pas souhaité, la jeune femme possède le tatouage d'un dragon mouvant dans son dos, comme tous les membres de son clan. Il symbolise bien sûr la toute puissance de leur famille puisque le dragon est la créature qui règne sur les quatre éléments.

Qui es-tu ? : j'utilise le pseudo vivie depuis longtemps maintenant  
& sinon je suis une passionnée de HP qui n'a pas su se montrer raisonnable et passer son chemin en tombant par ici  
je suis expatriée à montréal depuis un mois et demi sinon, et je vous raconte pas le bordel quand ils m'entendent parler avec mon accent de cagole  

Faceclaim & Crédits : the great Keira Knightley

Trigger Warnings : suicide, violence, mort

Comment avez-vous connu le forum? : COMME PAR HASARD. (ah oui j'ai oublié de préciser que j'aimais beaucoup trop les références à la flemme/flambeau, et tous les trucs cons)

Un petit plus ? : vous êtes vraiment très beaux, j'en reviens même pas   par contre, vous avez définitivement ruiné ma vie sociale avant même qu'elle n'existe à montréal.  

26 février 2023, manoir Lovecraft

La terre humide glissa entre ses doigts écorchés dans un geste lent, inconscient. Le bras tendu, le regard absent, l’anglaise répétait des gestes mécaniques sans réaliser complètement ce que cela signifiait. La pluie s’abattait graduellement sur elle depuis plusieurs minutes déjà, dessinant de longues traînées cristallines sur la peau marbrée de tonalités violacées de son visage. La voix monotone derrière elle ressemblait à un lointain écho indistinct qui ne parvenait pas à se frayer un chemin au milieu de l’enchevêtrement incohérent de pensées qui encombrait son esprit. C’était comme si cet homme, tout de noir vêtu, s’entêtait à articuler des propos incompréhensibles. Elena aurait souhaité avoir la force pour lui hurler de se taire, prier son père de congédier cet imposteur, ce menteur… Mais la main ferme qu’il déposa sur son épaule sembla l’arracher brusquement de sa torpeur. Elle accrocha le bleu perçant de ses orbes avec une soudaine détresse. Ses lèvres furent alors réanimées, secouées de spasmes incontrôlables. La réalité la rattrapa et la frappa avec violence.

Locklan était mort. C’était le corps inanimé de son petit frère qu’ils plongeaient sous terre, privé de vie, privé de lumière. Lui qui avait si peur du noir lorsqu’il était enfant allait être confiné dans une boite obscure pour l’éternité. Des larmes brûlantes se mêlèrent à l’eau qui ruisselait sur ses joues. Et si elle ne pouvait espérer davantage de réconfort de la part de son géniteur, il suffit d’un sanglot rompant le silence cérémonieux pour que Rhys vienne à son secours. Il attrapa la silhouette gracile de sa sœur pour l’étreindre avec force. Sa main gantée enfouie entre ses mèches brunes, il la serra contre son torse. Elle ne pouvait le voir alors, mais le sorcier échangea un long regard avec leur aîné, Alec. « On le vengera, Elena… Ils vont payer au centuple ce qu’ils nous ont fait, je te le promets. » souffla-t-il contre son oreille, la voix vibrante de résolution. Et sous les fragments de son cœur brisé, la colère fut attisée.




une semaine plus tôt, new-york

« Toad, je vous ai demandé le dossier Callaghan. » répéta la brune, une pointe d’agacement perceptible dans sa voix. Son regard cuivré dévisagea durement son assistant par-dessus le parchemin qu’elle étudiait. Depuis sa récente paternité, le jeune homme s’illustrait en maladresses quand il ne s’endormait pas carrément sur son bureau. Elle ne retint pas un soupir de désappointement quand celui-ci s’exécuta entre mille excuses qu’elle n’écoutait plus. « Toad. N’y voyez rien de personnel, mais je me contre fiche des dents de votre fille. Pour votre gouverne, il existe des potions et des plantes pour atténuer la douleur lors des poussées dentaires. Cela profitera à votre fille, à vous, moi et à tous les clients qui attendent de ce cabinet un service efficace. » siffla l’avocate en secouant la tête. Ses prunelles parcouraient les lignes noircies du dossier de son braconnier en herbe quand le blond répliqua « C’est que… Vous savez, Camila ne veut pas qu’on utilise des trucs de sorciers sur Lily-Rose… Elle dit qu’il faut laisser faire la nature. » Un souffle méprisant s’échappa de son nez. « Ce n’est pas la nature qui vous paye, Toad. Alors, soit vous reprenez vos esprits rapidement, soit vous irez postuler dans un cabinet moldu prompt à tolérer vos bévues répétitives. » Le cou de l’américain sembla disparaître entre ses épaules, et il retourna silencieusement à son bureau sans demander son reste.

L’anglaise ramena son attention aux multiples documents disposés devant elle. Elle en avait pour une bonne partie de la soirée encore, néanmoins, personne ne l’attendait contrairement à son empoté d’assistant. Elena n’avait jamais su construire de relation durable, peu encline à s’ouvrir aux autres. Elle avait toujours été de nature méfiante, réfugiée derrière une muraille infranchissable. Son travail était ce qui la galvanisait au quotidien, et elle ne voyait aucun inconvénient à s’y investir sans compter. Quand Toad lui souhaita une bonne soirée, la nuit avait déjà rongé le ciel pour recouvrir la ville d’un voile nébuleux.

L’ancienne serpentard se redressa au bout d’une bonne heure, les muscles raidis par la posture figée de son corps. Elle étira lentement ses bras par-dessus sa tête, un long bâillement étirant ses lèvres. Elle décida de s’accorder une pause ; ses talons foulèrent alors le carrelage de son bureau pour récupérer une précieuse bouteille d’un whisky pur feu qui ferait un parfait carburant. Elle y était initiée depuis jeune, seule représentante féminine d’une fratrie de trois garçons, elle avait appris à tenir la cadence. C’était à Rhys qu’elle pensait à cet instant précis, et sa dernière lettre lui demandant de rentrer en Angleterre…

Elle porta le verre à ses lèvres quand une déflagration sonore le lui fit lâcher brusquement. Elle recula d’un pas, les mains collées contre ses tympans bourdonnant douloureusement. Elle aperçut alors à travers la vitre de son bureau une silhouette masquée, baguette tendue, dont elle devinait aisément les intentions. Elena sentit son cœur trébucher dans sa poitrine. « Fuck. » Souplement, elle se contorsionna pour attraper sa baguette mais quand elle se retourna, elle fut fauchée par un sortilège qui la projeta violemment contre le mur derrière elle. Son dos heurta un cadre qui explosa, propulsant des milliers de projectiles tranchants à travers la pièce dans un sifflement cristallin. Elle chuta lourdement au sol dans une plainte douloureuse. L’ombre de l’homme coula alors sur elle, menaçante.

La brune accusa une pluie de sortilèges et de coups entremêlés. Entre chaque cri arraché, elle invectiva avec rage son agresseur. Et à chaque fois, la sentence était immédiate… Elle sentit ses côtes craquaient bruyamment sous son épiderme. Son nez ensuite, dont un flot ininterrompu d’hémoglobine s’échappa avec abondance. Ses muscles, eux, semblaient incendiés après la succession de doloris auxquels ils avaient été soumis. Malgré tout, dans son orgueil hérité, Elena se montra aussi insolente qu’indomptable, sous ses traits déformés par la torture. Mais la lueur défiante qui fit briller ses iris sembla réveiller l’imagination de son bourreau… « Tu n’es pas la première chatte à se prendre pour une lionne, ma jolie. » Ses doigts englués de sang glissèrent sur le sol, tentant désespérément de s’accrocher à quelque chose. Elle se débattit farouchement, sans succès. Elle fut plaquée sans ménagement sur la surface déblayée sans ménagement de son bureau, et l’homme au visage dissimulé qui se pencha au-dessus d’elle, susurra avec une langueur calculée à son oreille « De la part des Wallace… Votre putain d’clan va enfin croupir en enfer ». La brune lui cracha dessus. Un mélange visqueux de salive et de sang. « Ils te tueront pour ça. » affirma la sorcière, la peau moite, cramoisie. « Mes frères et mon père vous briseront tous en mille morceaux… » fit-elle en sentant l’angoisse lui larder l’estomac lorsqu’il enserra son cou gracile avec résolution. Elle avait peur. Peur de mourir comme ça. Pourtant, elle s’obstinait à refuser de lui offrir ce plaisir. Elle ne lui montrerait rien. Même si sa réponse manqua d’ébranler ses convictions l’espace d’un instant… Son rire roulait contre sa peau, grainant celle-ci de milliers de frissons d’horreur. « Princesse, ils sont sans doute morts à l’heure actuelle. Les Wallace ont estimé que le message serait plus clair s’ils balayaient l’échiquier d’un seul coup… »

Elle détourna les yeux, sans un mot de plus, quand un jet lumineux inonda toute la pièce. Un gémissement plaintif retentit et son agresseur fut éjecté. Elle papillonna péniblement des paupières, la tête lourde, le corps entier en proie à une profonde affliction. Elle devina tout juste la silhouette familière et hésitante de Toad. Son expression était figée d’effroi quand il posa le regard sur sa supérieure. Il bredouilla en s’approchant. « Je… J’avais oublié… les documents que vous… que vous m’aviez demandé de déposer chez Monsieur Walker. Je l'ai réalisé seulement après le repas... » Ses prunelles bifurquaient vers l’homme assommé dans un coin. Néanmoins, il réalisait l’urgence vitale d’Elena, mais ses mains tremblantes ne savaient pas où se poser. Le chemisier de la brune était écarlate. « Je… Je vais appeler la brigade et… les secours. » L’anglaise trouva la force de saisir son poignet fermement. « Non. Pas de brigade. Enlève-lui sa baguette… Ligote-le… » Son souffle était hachuré. Chaque mot exigeait d’elle un effort surhumain. « Contacte… Thomas Sheppard. Dis-lui que… que j’ai besoin de ses services particuliers… » Sheppard était le médicomage attitré de la pègre new-yorkaise. Il avait sauvé plus d’un de ses clients. Elle serra sa prise sur l’avant-bras du blond qui avait perdu les dernières couleurs qui lui restaient. « N’en parle à personne d’autre, tu m’entends ?! »   son regard empourpré se fit menaçant. Elle ne plaisantait pas le moins du monde.




Juin 2013, Manoir Lovecraft

Tu n’es qu’une putain d’égoïste ! cracha Alec, le regard furibond, l’index martelant dans sa direction. Son ton accusateur se heurta à la tempétueuse brune qui fronça un sourcil.

Pourquoi, parce que je refuse de devenir un pion comme toi ? Parce que j’ai le cran que tu n’auras jamais ? Je t’en prie, Alec, éclaire-moi. un demi sourire cinglant ourla ses lèvres.

Ne prend pas cet air avec moi… l’aîné des Lovecraft s’était approché, menaçant, et la brune fit un pas dans sa direction toute aussi résolue que lui.

Sinon, quoi, Alec ? Je ne suis pas Rhys, ni Locklan. Tu ne peux pas me contraindre, et c’est bien ce qui te contrarie le plus dans cette histoire. Tu n’as jamais aimé qu’on te contredise, tu n’as jamais su entendre un non… La sorcière scrutait son frère, mi-moqueuse, mi-méprisante. Tu es pathétique Alec, regarde-toi. Toute ta vie tu n’as eu de cesse de vivre dans l’ombre de notre père… Tu n’es qu’une pâle copie aujourd’hui. La mâchoire du brun se verrouilla et elle sut qu’elle avait fait mouche. Elle avait toujours su piquer là où ça faisait mal. Il l’agrippa brutalement par le menton, la poussant jusqu’à ce que sa tête cogne le mur.

Et toi alors, hm ? Toi qui te crois supérieure à nous ? Tu n’es qu’une garce sans cœur qui se complait dans sa tour d’ivoire. Tu es une sale petite hypocrite Elena. Tu sais d’où tu viens, tu sais à qui tu dois ton petit confort, mais tu laisses les autres se salir les mains à ta place. Il y avait une hostilité inédite qui obscurcissait ses orbes. Pour un peu, elle aurait pu croire qu'il allait lui broyer le crâne à mains nues.

Assez. Lâche-la. claqua sèchement la voix rauque du patriarche. Ses iris glacées se posèrent sur son héritier. Laisse nous. Elena pouvait ressentir toute la frustration chez son frère, mais il s’exécuta sans protester. Avec une dernière œillade meurtrière, il disparut.

Assieds-toi. exigea-t-il en désignant le fauteuil en face du sien. La jeune diplômée marqua une brève hésitation, avant de s’enfoncer dans le coussin rembourré, son insolence dissipée par la seule présence dissuasive de son géniteur. Il avait le regard arrimé sur un point invisible. Parfois, j’ai l’impression qu’en dépit de tous tes efforts pour t’éloigner de moi, tu es celle qui me ressemble le plus. Elena savait que ses mots étaient destinés à la piquer, aussi, ne répondit-elle pas. Ils n’avaient rien en commun. Ce que tu prends pour du mépris, Elena, n’est rien d’autre que ta peur la plus inavouée… Au fond de toi, tu sais qui tu es. Tu as trop de rancoeur et d’orgueil pour l’admettre, mais tu es une Lovecraft. Tu ne pourras jamais changer ça. Tu peux te déguiser en agneau si ça te chante, mais tu resteras toujours une louve. » Il y avait une lueur presque malsaine dans ses yeux ; Elena en était persuadée, il cherchait à la pousser à bout. Elle eut un rire, secouant la tête avant de scruter longuement son paternel, un ourlet acerbe au coin des lèvres.

Existe-t-il plus pathétique qu’un père qui rêve de voir son propre reflet dans chacun de ses enfants ? Le chef de clan lui retourna une expression indescriptible. A mi-chemin entre l’animosité et la fierté. Il se pinça l’arête du nez en inspirant doucement. Je ne te retiendrai pas, Lena. Si tu penses que je suis la source de toute cette colère qui gronde en toi, si tu as la naïveté de croire que tu peux t’en affranchir en prenant la fuite… Il haussa les épaules.

Difficile de dire ce que ressentit Elena à ce moment-là… Il y avait une sorte de soulagement, bien sûr. Mais quand la jeune femme quitta l’Angleterre sans se retourner pour ouvrir son cabinet à New York, elle réalisa avec une détresse vertigineuse que Xenophius avait raison… La colère ne disparaissait pas. La liberté qu’elle s’était offerte n’avait pas la saveur promise. La distance avec cette famille qu’elle tenait pour responsable de tous ses maux, n’avait pas apaisé ses peines. Elle était irréversiblement brisée.




Août 2006, Manoir Lovecraft

Nom d’un scrout à pétard, tu m’as fait peur ! la paume collée contre sa poitrine saccadée, l’anglaise dévisagea avec soulagement son jeune frère qui se tenait dans l’encadrement de la porte. L’expression défaite qu’il arborait éveilla aussitôt la curiosité de son aînée qui acheva de fermer sa valise avant de s’asseoir sur le bord de son lit, face à lui. Viens t’asseoir, raconte-moi ce qui froisse un aussi joli minois. Avec un sourire pétri d’une chaleur singulière, Elena invita le petit brun en tapotant sur le matelas à côté d’elle. Tu vas m’abandonner… lâcha Locklan dans un reniflement, le menton aussi digne que possible, les lèvres pincées pour ne pas éclater en sanglots. Pourtant, la jeune sorcière les devinait poindre dans l’intonation anormalement aiguë de sa voix. Elle connaissait l’orgueil de son cadet ; tous les Lovecraft en était solidement bâti. Aussi, se mordit-elle la lèvre, inspirant profondément pour avancer prudemment dans ce champ miné.

Je ne t’abandonne pas, baby boy, jamais de la vie. Elle se risqua à un sourire, sa main fine venant caresser le dos du garçon. Il faut que j’aille à Poudlard pour mes études, comme Rhys et Alec l’ont fait. Toi aussi, un jour, tu iras. sourit-elle, en sentant son cœur se serrer quand les yeux de l’enfant s’imbibèrent davantage. Hey, Lock, tout va bien se passer, d’accord ? Je t’écrirai tous les jours. promit la brune. Elle avait toujours eu une relation privilégiée avec le plus jeune de la fratrie. Sans doute avait-elle endossé, consciemment ou non, le rôle de leur mère auprès de celui qui ne l’avait jamais connu. La perspective de le quitter, de le laisser seul, livré aux ambitions malsaines de leur père lui déchirait le cœur.

Père me trouve faible… Il dit qu’à mon âge je ne devrais plus avoir de lumière pour dormir… Mais j’ai peur Lena… avoua le petit sorcier, les lèvres tremblantes, ses petits doigts entrelacés nerveusement. Je sais, baby boy… Je demanderai à Wendy de venir rallumer la lumière dans la nuit, ne t’en fais pas. Et de l’éteindre au petit matin pour qu’il ne le remarque pas. C’était elle qui s’en chargeait à l’époque. Elle qui lui chantait une comptine pour qu’il s’endorme paisiblement. Mais Wendy n’écoute que père ! Elle ira tout lui répéter à la moindre occasion et je serai enfermé dans la Crypte !désespéra Locklan, véritablement bouleversé. Ok, alors… Daemon. Daemon acceptera. Daemon ne lui refusait jamais rien. Le sorcier avait été recueilli par Xenophius alors qu’il était âge de dix ans. Belliqueux, fort, et loyal, il avait tout du parfait soldat. Il était devenu le chien de guerre du patriarche qui avait tout de suite deviné le potentiel en lui. Daemon avait grandi avec la fratrie, et même s’il ne le soupçonnait pas, Elena savait que son père le considérait comme un fils. Daemon acceptera, d’accord ? répéta la jeune femme en serrant son cadet contre elle, déposant un baiser dans ses cheveux sombres.




Octobre 2000, Manoir Lovecraft

Un cri strident déchira le silence de la nuit. Elena se redressa en sursaut, le cœur battant furieusement dans sa cage thoracique, l’écho des pas pressés qui martelaient le sol dans le manoir faisant naître un terrible pressentiment dans son âme. La petite fille s’extirpa de ses draps, avançant prudemment, à tâtons, dans l’obscurité de sa chambre. Quand ses doigts enveloppèrent la poignée, un nouveau hurlement résonna dans toute la bâtisse, faisant vibrer son minuscule corps frêle, après l’avoir figée sur place. Son père. Elle l’aurait reconnu entre mille. Elle perçut toute la fureur et tout le désespoir qui l’avaient animé, et elle ouvrit la porte pour s’élancer instinctivement dans le couloir. Ses petits pieds nus fouettèrent le carrelage glacé avec urgence, et quand elle arriva à l’angle du couloir d’où provenait toute l’agitation, elle fut brusquement stoppée dans son élan, heurtée volontairement par la silhouette de Daemon, de quatre ans son aîné et, lui semblait-il à cet instant, d’autant de têtes d’écart. Ses bras l’avaient bloquée fermement, et son regard trahissait la gravité de la situation.

Elena, retourne dans ta chambre, d’accord ? Je vais te raccompagner, tu ne peux pas rester là. lui souffla-t-il avec un air indéchiffrable. La jeune sorcière fronça les sourcils, absolument pas convaincue. Il se passait quelque chose, son père était peut-être en danger ! Elle se contorsionna, son cou semblant s’allonger pour essayer d’apercevoir quelque chose derrière la silhouette trapue de Daemon. Laisse-moi passer Daemon, j’ai entendu mon père crier, je dois aller le voir. affirma-t-elle en essayant de se défaire de sa prise. Ce fut juste avant qu’elle n’entende les voix de ses frères aînés, les pleurs de Rhys, ceux de Wendy. LAISSE-MOI ! gronda alors Elena, une colère inédite lui transperçant le corps. C’était comme si tout son être s’était incendié d’un seul coup. Elle envoya un coup de pied bien ciblé vers le brun avant de le pousser rageusement des deux paumes.

Elle se mit à courir, et sans que leur elfe de maison ou quiconque d’autre n’en ait eu le temps, elle se glissa dans le bureau de leur mère, et le spectacle macabre lui fit l’effet d’un coup de couteau dans le thorax. Elle hoqueta de surprise, la respiration coupée. Aucun son ne parvint à s’échapper d’entre ses lèvres entrouvertes. Ses yeux s’étaient arrondis d’effroi et ne pouvaient pas se détacher de la silhouette suspendue de Lisbeth Lovecraft. Son cou paraissait former un arc anormal, et ses yeux vides donnaient l’air de la fixer. Pétrifiée, Elena fut soudain frappée par la réalité quand son père remarqua sa présence. Il l’attrapa vigoureusement par le poignet en l’entraînant à l’extérieur, la jetant presque dans le couloir avant de claquer la porte derrière lui. Sans un mot. Sans la moindre explication ou sans même un geste de réconfort.

La petite, choquée, resta un moment debout, le regard rivé sur la porte close. Elle entendait les éclats de voix en provenance de l’intérieur. Tu comptais nous prévenir quand pour l’attaque ?! s’emportait son oncle Magnus. Tu as fait venir un médecin ? Il n’y avait rien à faire pour cette maudite morsure ? renchérit l’oncle Cairius. Ils semblaient tous dépassés par la situation. Evidemment que non, si on pouvait faire quelque chose, nous n’aurions pas à souffrir leur existence. Cracha le premier. La pauvre était condamnée, j’imagine qu’elle a pris la meilleure décision poss… Un violent bruit sourd retentit en même temps qu’un râle douloureux. Prononce encore un seul mot et je te pends toi aussi. Siffla Xenophius, plus menaçant que jamais. Ma femme est morte. Et je ne tolèrerai pas un seul commentaire à ce sujet. C’est clair ? Un silence entendu suivit. Le sorcier reprit avec une froideur palpable. Cairius, occupe-toi de faire venir un médicomage qui ne soit pas trop bavard. Je ne veux pas une seule mention à la morsure de lycan dans le rapport d’autopsie. Magnus, rassemble une équipe ; nos meilleurs hommes, et allez frapper le quartier de cet enfoiré de Blake. Faites passer un message fort, faites-leur comprendre que les lycans sont à compter d’aujourd’hui dans le collimateur des Doom’s Crows. Et emmène Alec avec toi, il est temps qu’il devienne un homme.

L’agitation de plus belle, et l’anglaise baissa fébrilement la tête vers Wendy qui lui avait attrapé délicatement la main. Venez maîtresse Elena, il ne faut pas rester ici, le Maître sera contrarié. Wendy peut préparer son chocolat préféré à la jeune maîtresse si c’est ce qu’elle souhaite ? La brune la dévisagea sans la voir. Entre ses tempes, un chaos sans précédent semblait tout ravager. Plus rien n’avait de sens. Son monde s’écroulait sous son regard impuissant. Elle secoua la tête, se dérobant de sa petite poigne. Comme un automate, ses pas la ramenèrent en direction de sa chambre. Daemon lui attrapa le bras au passage.

Je… Je suis désolé Lena. Je sais ce que ça fait de perdre un parent… Tu es encore sous le choc mais ça ne durera pas. La tristesse viendra et tu auras l’impression de te noyer dedans, mais elle finira par être moins douloureuse. C’est de la colère qui viendra ensuite que tu dois te méfier. Elle ne disparaîtra jamais et si tu ne prends pas garde, elle pourrait grossir jusqu’à t’empoisonner l’existence Elena. Je serai là, si tu besoin de moi à ce moment-là. Je serai toujours là.




26 février 2023, Manoir Lovecraft

Elena déclina d’un geste de la main la tasse de thé fumante que lui proposa Wendy. Elle se leva plutôt, les pans de sa longue robe noire virevoltant au gré de sa démarche, pour se servir un verre de whisky. Elle porta celui-ci à ses lèvres, le vidant d’une traite avant de le reposer sur la console de marbre. En dix ans, elle constatait que peu de choses avait changé ici. Le manoir était resté identique à ses souvenirs. Les membres de sa famille aussi. Cairius semblait décidé à épargner la lourde tâche de s’occuper de la réception funéraire à son frère, sans doute partageait-il sa douleur. Magnus galvanisait déjà les troupes, distillant son poison auprès des soldats de son père ; il n’avait que le mot vengeance à la bouche. Rhys semblait plus perdu que jamais, et Alec…

Elle sembla ignorer sa présence à côté d’elle, préférant se resservir un verre. Le pouvoir était supposé nous rendre invincible, intouchable… Après la mort de mère, je ne pensais pas que nous pourrions perdre quelqu’un d’autre dans des circonstances aussi tragiques. Elena eut un demi sourire cynique en se retournant vers lui. Voilà qui est regrettable, tu es donc bien plus bête que je ne le pensais. Cracha-t-elle sans chercher à l’épargner. Quand on sème la guerre, Alec, c’est tout ce que l’on récolte. Père a peut-être oublié de le préciser quand il t’entraînait à devenir lui. Elle secoua la tête. Son frère était déjà navrant il y a dix ans en arrière, c’était comme s’il n’avait pas évolué d’un pouce. Il soupira en se pinçant l’arête du nez ; il ne semblait presque résigné avec elle.

Je ne veux pas me disputer avec toi Lena. Contrairement à ce que tu peux penser, tu es ma soeur, et ton absence s’est faite ressentir ces dernières années… Tu avais peut-être raison dès le début, mais à présent nous ne pouvons plus faire marche arrière. Ils nous ont pris Lock. Et ils ne s’arrêteront pas avant de nous avoir tous fait disparaître. Il se pinça les lèvres, la soif de violence dégoulinant de chacun de ses pores. Je ne les laisserai pas faire. Et je ne laisserai pas la mort de notre petit frère impuni. Elena sentit les muscles de sa mâchoire se raidir, et elle posa bruyamment son verre sur la console, happant l’attention de quelques curieux autour. Ne t’avise pas de te servir de la mort de Locklan pour justifier tes actes ! Elle sentait la colère l’envahir. Il est mort à cause de vous, de vos manigances, il est mort parce que vous êtes incapables de vous arrêter. L’émotion trahie par les ondulations de son timbre lui grippa la gorge. Elle sentit les larmes poindre, et l’envie de tout incendier autour d’elle. Alec la dévisagea douloureusement et sans un mot, il l’attira contre lui, plongeant sa main dans sa chevelure sombre, la serrant fermement contre lui pour contenir toute sa peine. Je suis désolé, Lena… Si tu savais comme je le suis. Chuchota-t-il contre son oreille. L’anglaise trouva, contre toute attente, un réconfort inattendu entre les bras de son aîné. Elle s’accrocha un moment à son dos comme à une bouée de sauvetage, avant de s’écarter légèrement.

Une lueur nouvelle brillait ses yeux. Je persiste dans mes idées, Alec, mais… Je veux qu’ils payent. Qui qu’ils soient, je veux qu’ils payent pour ce qu’ils ont fait. Elena savait qu’elle glissait à cette seconde vers un sentier dangereux, mais son cœur en miettes exigeait un tribut de sang. Je tâcherai de vous aider à ma manière. Ses compétences d’avocate seraient sans doute précieuses. Ses frères attaqueraient de front, lorsqu’elle serait plus sournoise, plus incisive en attaquant par le biais de la loi. Elle ne laisserait plus respirer leurs ennemis. Elle s’en faisait la promesse. Alec lui déposa un baiser sur le front, scellant lui aussi cette promesse de sang.