Use somebody - Ft Finn

Plus les heures avaient passé, plus les vêtements portés par Finn s’étaient fait la malle. Pour préserver les yeux prudes de bon nombre d’étudiants, le jeune homme avait enfilé un jogging et un t-shirt pour aller se coucher. Il est vrai qu’il avait passé la nuit seul dans sa tente et que personne ne partageait son couchage cette nuit, mais l’on ne pouvait exclure un incident: quelqu’un qui se trompe de tente en pleine nuit sous l’effet de l’alcool ou de la maladresse; une envie soudaine de prendre l’air, un besoin irrépressible qui empêche de se réfugier dans les bras de Morphée… Finn avait donc cédé mais les bonnes résolutions n’avaient pas fait long feu.

Lorsque le petit matin commençait tout juste à se lever, Finn était nu comme un ver dans sa tête. Il s’agita un peu, retournant sens-dessus sens-dessous son couchage puis émergea doucement avec un long grognement plaintif. Sa nuit avait été courte, beaucoup trop courte, mais plus le temps passait plus son cerveau s’activait, ajoutant au fur et à mesure des éléments de plus à sa longue liste de réflexions.

A part les oiseaux qui pépiaient entre les branches et le soleil qui tenait coûte que coûte à percer par la fermeture fragile de sa tente, le Serpentard n’entendait personne partager son long accablement. Il soupira, grogna une fois de plus, puis envoya valser son cocon avec une certaine mauvaise humeur. Il constata les dégâts de son agitation nocturne puis enfila un caleçon qui se trouvait là et un pull qu’il noua sur ses épaules, puis dézippa l’ouverture de sa tente pour rapidement aller épancher ses besoins.

Lorsque cela fut fait, il observa tout autour de lui le domaine qui s’éclairait de teintes pourpres. Il comprenait bien pourquoi certains se levaient tôt pour admirer ce spectacle. Mais lui, ce matin-là, aurait préféré pioncer un peu plus malgré toute la beauté qui s’offrait à lui.

Finn s’installa au bord de la piscine, hier si joyeuse et aujourd’hui si calme, puis enfila sa paire de lunettes de soleil qu’il avait pris le soin d’embarquer avec lui.

Il ne sursauta pas lorsqu’il sentit le doigt de Théa glisser le long de dos. A vrai dire, il avait entendu la Poufsouffle venir malgré toute la discrétion dont elle avait fait preuve. Elle parvint ainsi à lui tirer un léger sourire alors qu’il la regardait s’installer en face de lui. Voilà un spectacle bien plus intéressant.

« Salut toi. » commença-t-il d’une voix légèrement enjôleuse. C’était du Finn tout craché. « Sans grande raison, j’étais réveillé et j’ai préféré me lever. » répondit-il sans détour. « Et toi, déjà levée aussi? »

Finn n’était pas connu pour être un lève-tôt. Ni même un lève-tard. Finn était de ceux qui ne rentraient jamais dans les cases et à qui il était difficile de coller une étiquette. Tantôt levé tard, presque trois minutes avant le début du cours, tantôt levé très tôt, Finn ne répondait à aucune règle ni aucun automatisme. Il était imprévisible en beaucoup de choses. Vivre avec lui, c’était accepter de ne jamais suivre de routine, de vivre dans l’inconnu. Un inconnu parfois délicieux, une aventure parfois délabrée, un souvenir parfois douloureux.

Ce matin, bien qu’ayant fermé les yeux très tard, il s’était levé de bonne heure, bien avant tout le monde. Ayant décidé de profiter un peu des quelques lueurs du jour, Finn s’était approché de la piscine pour en goûter tout le calme.

« J’y compte bien. » glissa-t-il à Théa, partagé entre l’envie de se montrer grognon et celle d’en apprendre plus sur la demoiselle. Si ses horaires de sommeil étaient volatiles, son envie de dormir toujours plus était toujours terriblement tangible. Tout comme son envie de manger, tantôt anéantie, tantôt immense. « Qu’est-ce que tu m’proposes pour le petit dej? » Demanda-t-il, les bras calés derrière la tête.

Il se contenta de lui sourire d’un air charmeur, finalement ravi de partager ce début de matinée. « Fais-toi plaisir. » lui dicta-t-il alors qu’elle prenait un cliché de lui, à moitié habillé seulement. « Je n'te connaissais pas une passion pour la photographie. » Il admirait sa ténacité, la passion qui la poussait à se lever avant les autres pour observer la faune et la flore. Cette flamme qui l’encourageait à sortir de son lit pour errer dans la nature. Quelle drôle d’idée.


De sa main gauche, il baissa légèrement ses lunettes de soleil pour observer Théa, pour l’inviter à une confidence. « J’ai entendu dire que quelqu’un s’amusait à traîner dans les vestiaires. Est-ce que c’est toi qui nous mitraille après les entraînements? »

Il resta longtemps à l’observer ainsi, mettant ainsi son envie de manger au second plan. Même s’il aurait rêvé d’un bon café chaud et de quelques tartines à la confiture.

Les bras calés derrière la tête, les doigts de pieds en éventail, Finn attendait tel un roi en haut de sa tour que l’on lui présente les différents mets disponibles à la carte. Si Théa voulait bien tomber dans le panneau, c’était bien son problème. Le Serpentard se moquait bien. La liste que commença à énumérer la Poufsouffle lui semblait prometteuse. D’humeur taquine, Finn commença à grimacer, prétendant soudainement avoir un problème avec le fameux repas. « Tu n’as pas de céréales filantes? Tu sais celles en forme d’étoile qui explosent en bouche? » Il grimaça un peu plus, feignant une réelle déception. « Bon, si c’est ça je me contenterai d’autre chose… P’têtre qu’  @Edel Almadovar a eu la bonne idée d’en ramener ceci-dit. Il n’est pas toujours aussi bête qu’il n’y paraît. » Le petit-déjeuner prenait une autre tournure. Un jeu délicieux entre le chat et la souris qui valait bien la peine d’attendre un peu. Ça ne ferait que grandir son appétit lorsque la chasse serait finie.

Il bougea à peine d’un petit doigt lorsque Théa se proposa de le prendre en photo. Il aurait presque pu lui faire un mouvement de main et dire « procède ». Ç’aurait été terriblement frisant, mais la jolie brune n’aurait peut-être pas apprécié un tel humour.
Finn haussa les sourcils, presque outré d’entendre une demie insulte sortir de la bouche de sa camarade. « Ça va? C’est tout ce que tu as à dire? Ça va? » L’un de ses bras vint soulever sa paire de lunettes de soleil d'un air faussement piqué, choisissant délibérément d’ignorer ce qu’elle venait de lui susurrer. « L’avantage des photos sorcières c’est qu’elles te mettent souvent en valeur, elles ne restent pas bloquées sur un visage crispé ou des yeux fermés. Quoique… Qu’importe la situation, je suis toujours particulièrement beau. Libre au spectateur d’avoir un avis aussi éclairé que le mien ou non. » Il se redressa, content de sa non-modestie. Dans le fond, sa confiance en soi cachait tellement de choses qu’il préférait dissimuler aux yeux de tous.

« Je n’crois pas un seul mot de ce que tu viens de me dire. » Il posa un doigt sur le bout de son nez avant de le retirer. « J’ai déjà vu un cliché de moi, de dos, circuler. Et j’ai déjà vu ton regard se poser sur moi, exactement à cet endroit. Pas la peine de le nier. » Et d’un geste, il remis ses lunettes de soleil sur le nez, un sourire malicieux accroché aux lèvres.

Il se laissa surprendre par un baiser sur la joue, tenté de tourner la tête pour la surprendre. Mais Finn n’était pas aussi facile que cela. Obtenir une proie sans avoir à se démener, la cueillir comme une petite fleur au matin… Ce n’était pas aussi savoureux que cela en avait l’air. « Et si on allait prendre le petit-déjeuner? » Proposa-t-il en se levant doucement, étirant ses bras en bâillant.

Ce n’était sûrement pas la proposition à laquelle Théa aurait voulu succomber. Une petite étoile scintillait dans ses yeux arrosés de la lueur du soleil qui perçait tout juste. Elle était séduite, conquise même mais ça en devenait beaucoup trop simple. Pas assez challengeant. Aucune séduction n’avait vraiment eu lieu: elle était tombée dans la gueule du loup en un battement de cils. Finn se lassait de ce genre d’aventure où plus rien n’était à construire. Ça finissait dans un lit, pour les plus romantiques, dans un placard à balai pour les plus audacieux. Et après cela, tout était oublié ou l’on lançait un regard en coin au Serpentard sans qu’il n’y réponde toujours. Lassant. Ce qu’il aimait, comme une partie de sa famille dont il n’était pas proche, c’était chasser. Il aimait tâter le terrain, prendre quelques indices et avancer à pas de loup avant de s’emparer de sa proie. La différence, c’est que ses proies étaient toujours consentantes et se laissaient dévorer toutes crues avec plaisir. Théa abaissait déjà toutes ses cartes et Finn perdait tout intérêt.

Il haussa les épaules, préférant finalement ses céréales à toute autre activité. « Boarf, vous savez pas ce que vous manquez » ajouta-t-il à son mouvement d’épaules. « J’ai vraiment l’estomac creux ceci dit, je crois que je vais me contenter de pain et de marmelade. » Il espérait en disant ces quelques mots qu’elle comprendrait, qu’elle verrait là où il voulait en venir, c’est-à-dire nulle part.

Finn accueillit le compliment avec grand plaisir car, après tout, on ne reçoit jamais trop de louanges. Théa souligna les qualités de son visage et de son corps, ce qui lui fit esquisser un sourire satisfait. « Oui, c’est exactement ce que j’aime entendre. La pure vérité. » accentua-t-il, content que l’on caresse son égo dans le sens du poil.

Il prit un air légèrement décontenancé lorsqu’il entendit la suite. « La marchandise? » répéta-t-il, presque incrédule. Le Korrigan ne s’était pas attendu à ce qu’elle soit si rentre-dedans. Ça le bloquait encore davantage. Ce ne devait pas être lui, la proie. « Je réserve la marchandise, comme tu dis, aux situations où cela me chante. Ce n’est pas parce que j’aime me montrer que tout le monde a le droit d’y toucher. »

Alors qu’elle approchait le bout de son pied, Finn fit un léger mouvement pour se décaler, feignant de se rasseoir un peu mieux.
Il n’était pas vraiment sûr qu’elle s’en soit rendu compte, étant donné l’attitude qu’elle adoptait soudainement. Elle était visiblement vexée par ce qu’il venait de dire.
« Ca me dérange pas d’être reluqué. Au contraire, ça veut tout dire. » Il sourit alors qu’il remettait ses lunettes de soleil sur le bout du nez. « Mais si tu dis que ce n’est pas toi, alors j’te crois. » Il acquiesça d’un hochement de tête avant de se relever.

Il passa son bras autour de ses épaules et avança à ses côtés jusqu’au petit-déjeuner. Là, sur le chemin, il lui demanda sur le ton de la confidence: « T’as une idée de qui a pu prendre et faire circuler c’te photo? » Finn ne manquait jamais une occasion de jouer le rôle de la concierge.

Théa n’avait pas remporté la partie et devait se résoudre à la dure réalité des choses: Finn ne se laissait pas avoir si simplement. Si ce n’était plus une chasse ou une tentative d’amadouer l’autre par tous les moyens, l’homme se lassait vite et n’y voyait même plus aucun intérêt. Aujourd’hui, il n’avait qu’à attendre pour qu’une partie de jambes en l’air lui tombe aux pieds. Trop facile. Trop lambda. C’était certainement un poil dédaigneux, mais ça n’importait guère pour Finn qui faisait peu de cas de ce genre de situations. Il valait mieux être cash dès le début.

Passant un bras autour des épaules de Théa, comme pour soutenir sa déception en même temps qu’ils avançaient, Finn commença à se questionner sur l’origine de la photographie qui circulait dans les couloirs. Lui aussi l’avait vu et il ne s’en était certainement pas offusqué. Après tout, le Serpentard était fier de son boule qui chamboule et n’y voyait là que l’effet d’une publicité pour attirer les guêpes dans son pot de miel.

Calculant les moindres réactions de la Poufsouffle, Finn considéra bientôt le fait que la jeune femme avait bien sa petite idée mais se voulait réduite au silence. C’était donc quelqu’un qu’elle connaissait bien et qu’elle souhaitait protéger. Comme c’était tentant d’user de son don de vélane pour la faire craquer, bien qu’en soit il n’en ait guère besoin. Mais il avait dit non et user de subterfuges ne lui disaient rien pour aujourd’hui. Parce qu’il n’aimait pas abuser de son don, surtout dans ce genre de moments où cela ne le ferait que passer pour un manipulateur de première classe.

Tandis que la sorcière se servait un jus de fruit frais, Finn parcourut des yeux le sublime buffet qui s’offrait à eux. On dit que la gourmandise était un vilain défaut. Et Finn en avait beaucoup, mais ça ne l’aurait pas empêché de tout engloutir. Il regarda les salades de fruits, les yaourts, la charcuterie, pour s’attarder sur une bonne vieille assiette de pancakes. Il l’attrapa comme si l’on allait la lui voler puis se servit un café qu’il fit latte.

Il souleva un sourcil aux paroles de Théa, puis explosa de rire avant de croquer dans un de ses pancakes, sans couverts. « Pas du tout ma vieille! Il l’a vu plus d’une fois et j’espère qu’il est fier des atouts de son fils. » En réalité, ç’avait dû être la soupe à la grimace quand son vieux, @Luke Korrigan, était tombé sur le cliché. Ça ne l’avait certainement pas étonné mais l’exaspération avait simplement dû être à son summum. Ça ne serait que ça de plus sur son palmarès. S’il avait quelque chose à lui dire, il lui ferait bien vite remarquer que lui aussi avait été étudiant et qu’il fallait en profiter avant de finir grabataire et grincheux. « Oh s’il n’y avait que ça » avait fini par répondre Finn, dans un excès de vanité puérile.