(OS) In the dark

the Daily Prophet ;
17.03.2023

Un sentiment étrange avait suivi cette curieuse annonce sur les hybrides et leur enregistrement obligatoire à la suite des évènements de la fin février devant Gringott's. Il avait beau se douter que les choses allaient prendre cette tournure pour tous les hybrides, le fait de l'avoir lu noir sur blanc dans le Daily Prophet l'avait complètement chamboulé.

Assis dans son salon qui n'avait rien de particulier, en caleçon, une tasse de café à la main, il avait regardé ces grosses lettres en capital comme une mauvaise note obtenue lors d'un examen psychologique obligatoire qu'ils avaient régulièrement chez les Aurors.

Au début, il s'était demandé s'il n'était pas en train de rêver. Puis, peu à peu, il se rendit compte qu'il était bel et bien éveillé, à prendre le temps de se préparer avant de se rendre au bureau. Ses yeux avaient poursuivi la lecture, mais il n'en retenait rien, sinon l'essentiel que le titre en capital sur la couverture de la gazette du sorcier résumait déjà si bien.

Il avait posé le journal d'un geste lent sur la table basse avant de poser son mug dessus pour s'avachir dans son canapé, le regard orienté vers la porte-fenêtre qui donnait une vue pour le moins banal sur le bâtiment d'en face. Saúl se gratta la barbe, d'un geste inconscient, avant de la laisser retomber sur sa cuisse.

Le ciel semblait lui tomber sur la tête. Dans l'appartement, il n'y avait pas un bruit si ce n'était le tic-tac de son réveil à l'autre bout de la pièce. LES HYBRIDES DOIVENT S'ENREGISTRER. Il ferma les yeux, secouant la tête d'un air dépité. On le considérait désormais comme un monstre sanguinaire à l'image de ces bâtards de la meute. La colère se mit à bouillonner en lui. C'était injuste. C'était tellement injuste. Il... Il était un Auror. Il était un représentant de la paix, un phare face aux ténèbres de ce monde. Il portait cette insigne du ministère qu'il brandissait avec une petite once de fierté qu'il n'avait jamais avouée à personne. C'était un bon gars malgré ses façons de faire peu orthodoxes. Il en était persuadé. Tout le monde en était persuadé (du moins, le croyait-il).

Et voilà que tout cela partait en fumée.

Il déglutit péniblement avant de se redresser pour s'approcher de la fenêtre un bref instant. Que devait-il faire ?

Cette question le laissa sans réponse, figé dans le temps, face à la rue qui éteignait progressivement ses lumières pour laisser place à celle du Soleil qui commençait à émerger quelque part à l'est. Un soupir s'échappa de ses lèvres alors qu'il se rappelait des propos de sa mère : lorsque tu ne sais plus quoi faire, continue de faire ce que tu fais tous les jours, et tu découvriras ce que tu dois faire.

Ses jambes finirent par le mener dans la salle de bain. D'un geste rapide, il fit glisser le caleçon à ses chevilles avant d'enjamber la baignoire. Il ouvrit l'eau. D'abord froide, elle le sortit de ses tourments, puis la chaleur vint enfin, et là mesure que la fumée prenait place dans la pièce, il commençait enfin à se sentir un peu mieux.

Oui, il allait s'habiller, puis il allait se rendre au bureau, voir les autres, prendre la température. Il trouverait probablement Sunny, puis ce petit con de @Fergus Clearwater (qu'il aimait bien, mais il préférait ne pas lui dire), il verrait les autres aussi. Ils discuteraient puis la vie reprendrait son- ...

... Non. Non, Saúl, la vie ne reprendrait jamais son cours. Tu le sais, Saúl. Tu ne peux pas fermer les yeux comme ça. Tu ne peux pas. Tu dois... Tu dois penser aux autres.

Son poing vint frapper le mur. Ce n'était pas possible. Comment pouvait-il se rendre au bureau et faire comme si de rien n’était ? Il allait devoir s'enregistrer comme n'importe quel clébard, devoir fournir un détail de ses activités en dehors du ministère. Il devrait probablement servir de mascotte pour faire croire aux autres hybrides que le ministère savait se montrer bon avec eux.

Non. Non, ce n'était pas BIEN. Ce n'était pas... Ce n'était pas normal.

Saúl s'essuya le visage malgré l'eau ruisselante sur le reste de son corps. Il attrapa le savon, puis il commença à se frotter. L'odeur du parfum à l'orange sanguine vint lui caresser les narines. Le savon se mit à mousser sur son torse, puis sur ses bras. Mais lorsque ses mains effleurèrent ses coudes, qu'il sentit les écailles au niveau de ses jointures, qu'il comprit ce qu'il était réellement. Qu'il se rappela ce qu'il serait à jamais : un hybride.

Il l'avait toujours crié haut et fort. C'était lui, c'était Saúl. Le sorcier, le vélane, ne faisant qu'un : lui.

Alors, il finit de se frotter. Sur son visage, il y avait une colère froide. Il devait résister, il devait... Il devait les envoyer se faire foutre.

Il devait le faire. Il devait le faire pour sa mère, la plus belle, sa Reine, celle qui lui avait tout appris. Il devait aussi le faire pour sa sœur, parce qu'elle était sa raison de vivre. Il devait le faire pour les siens. Pour ceux qui, comme lui, étaient nés hybrides.

Puis... Puis, il devait le faire pour @Siobhán Gavalagh-Korrigan aussi. Qu'est-ce qu'elle en penserait s'il se soumettait au Ministère de la magie, hein ?

Saúl coupa l'eau. Tirant sur le rideau, il fit venir à lui la serviette par magie avant de s'essuyer rapidement le visage, les cheveux, puis le torse. Entourant sa taille alors qu'il posait le pied sur le tapis, il se regarda quelques instants dans le miroir.

Pathétique.

C'était ce qu'il pensa de lui alors qu'il se voyait avec ce vieil air de chien battu qu' @Ebenezer Grimm arborait comme un bouclier pour éviter d'être frappé un petit peu trop fort.

Alors, il fit un sourire. Puis, tout doucement, ses traits reprirent celle de cet Adonis à la peau cuivrée qu'on lui connaissait habituellement. Il saisit l'huile parfumée sur l'étagère, et il termina sa toilette.

Saúl allait profiter de son congé pour aller visiter sa mère sur le Marché aux Trolls, puis sa sœur, comme si de rien n’était.

(...)

Deux jours plus tard, alors qu'il revenait de week-end, il vint à la même heure au bureau des Aurors. Avec son élégance habituelle, en tenu de civil cette fois, il avait vidé son casier, puis, il s'était dirigé à son bureau sous le regard peiné et surpris de certains de ses collègues. Il évitait de croiser le regard de Sunny qu'il voyait s'essuyer le visage du coin des yeux. Il ne devait pas lui parler, sinon, il montrerait sa faiblesse. Parce que même s'il faisait le beau, même s'il faisait l'empereur, comme n'importe quel hybride ce jour, Saúl était blessé au plus profond de son être.

Après tout, on le jugeait pour ce qu'il était. Et non pour qui il était.

Il posa sa tenue, pliée comme il faut, sur son bureau, puis il sortit son insigne de la poche.

Saúl l'observa quelques instants, avant de la caresser une dernière fois du pouce. Il posa l'insigne en évidence sur son uniforme.

Puis, l'ancien Auror quitta le bureau des Aurors sans se retourner.