If you're going to london

 « A man's friendships are one of the best measures of his worth. »
Charles Darwin 

Nathanael avait endossé le rôle de père, depuis un très jeune âge, et c'était à présent au tour de son ami de vivre une expérience similaire. Fort heureusement il pourrait se servir des conseils du Pierce, qui était passé par là. Le médicomage savait qu'une telle transition était difficile, car il fallait faire le deuil de la personne disparue et, en même temps, laisser cette peine le paralyser n'était malheureusement pas une option. Il fallait donc apprendre à porter un masque et souffrir en silence, pour le bien des enfants dont Roy avait la charge, à présent. C'était à lui de tout faire, de tout être et, si le Pierce ne souhaiterait cela pour personne, il était simplement trop loyal pour laisser son ami se débrouiller tout seul.

Certes Nathan avait tout appris à faire tout seul. S'occuper des enfants, les changer, les faire manger, les réconforter, les aider avec leurs devoirs, leur raconter des histoires pour s'endormir : il avait été sur tous les fronts, de toutes les batailles, et il avait à faire cela tout seul. Mais, justement, c'était exactement pour cette raison qu'il ne laisserait pas son ami patauger dans la mélasse, alors qu'il pouvait lui tendre la main. Nathanael était ainsi. Même si cela lui coûtait, même s'il était épuisé, ses proches passaient toujours bien avant tout le reste.

Il savait que son ami serait là aussi, pour lui, mais ce n'était pas nécessaire. Aujourd'hui ils étaient là pour se reposer, pour oublier tout le reste et, maintenant que les protections étaient installées, les deux hommes pouvaient s'exprimer avec un peu plus de liberté. Nathanael balaya le parc de son regard, alors que son ami lui donnait son avis sur les moldus, et ce qu'ils pouvaient créer, construire, accomplir.




Pour prouver qu'ils pouvaient le faire, qu'ils étaient vivants. C'était leur façon à eux de créer leur héritage, de laisser leur marque dans le monde et, quand Roy mentionna ce sujet aussi, Nathan resta silencieux pendant quelques secondes. Qu'avait-il à mettre sur la table, lui-même ? Il avait accompli beaucoup de choses au nom de la médecine, mais serait-ce suffisant pour qu'on se souvienne de lui ? Car, après tout, quand il serait mort il n'aurait personne pour reprendre le travail, là où il l'avait laissé. Mais il ne voulait pas y penser, préférant se concentrer sur son ami, en répondant :




Son ami voulait aussi poser sa marque dans les fondations même de ce monde, une ambition que Nath ne pouvait que respecter, mais par où commencer ?

 « A man's friendships are one of the best measures of his worth. »
Charles Darwin 

Roy était un créateur tandis que Nathanael, lui, était un guérisseur. Le premier donnait la vie lorsque le deuxième faisait tout pour la préserver. Leurs voies les avaient menés dans deux directions différentes, et pourtant Nathanael n'avait que de l'admiration pour son ami. L'univers de entrepreneuriat était complexe et risqué, le Pierce n'avait jamais eu le goût pour ces choses là mais son ami, lui, en avait fait son métier. Il produisait des biens qui s'arrachaient par la communauté sorcière, mais le propre de l'entreprise n'était-il d'évoluer et grandir, toujours plus ? Malheureusement l'argent était toujours le cœur du problème, et la situation de Roy n'échappait pas à cette situation.

Il aurait voulu pouvoir transporter le nom de son enseigne dans d'autres contrées, peut-être même d'autres pays, mais les dettes restaient le plus gros des obstacles. Nathanael, de son côté, agissant de façon plus prudente, sans doute parce qu'il n'avait encore eu à faire d'investissement aussi gros que celui de son ami. L'aîné Pierce était né dans une famille fortunée, toute noble qu'elle était, mais il n'avait évidemment hérité de rien une fois qu'il eut quitté le nid. Il ne s'était jamais attendu à recevoir quoi que ce soit, il n'était donc nullement déçu de cette situation.

Et pourtant aujourd'hui il était fortuné parce qu'il avait travaillé dur, et avait su où investir. Il pourrait donc aider son ami, financièrement parlant, mais à moins que l'idée vienne de Roy lui-même ce dernier ne l'accepterait pas. Il avait sa fierté, et être dépendant de quelqu'un n'était pas quelque chose que des hommes comme eux pouvaient apprécier. Nathan rangea donc cette possibilité de côté, se concentrant sur la possibilité de venir les voir, lui et ses nièces maison.




Le Pierce ne rebondit pas sur le commentaire de sa décoration, ou du côté impeccable de sa maison, car il ne savait trop que dire sur le sujet. Cela lui ressemblait-il, ou avait-il fait ce choix pour se conformer aux attentes qu'on avait pour quelqu'un de son statut ? Était-ce lui ou la société qui avait décidé de vivre ainsi ? Il était pas sûr de la réponse et envisageait quelques changements, mais rien de concret pour le moment. Mais il allait lui falloir changer de lieu, pour pouvoir recommencer à zéro.

Son camarade changea alors de sujet, pour revenir sur un domaine qui l'intéressait particulièrement : les baguettes. Nathan avait-il changé de baguette ? Non. Il ne l'avait jamais perdu ou cassé, il avait même appris de la magie sans baguette, mais il connaissait certaines personnes qui n'avaient pas été aussi chanceuses. Balayant la tête de droite à gauche, en signe de réponse négative, le Pierce plongea la main dans sa poche, et en sortit sa baguette, avant de la tendre à son ami :




Il s'adressait à un spécialiste, après tout. A force de penser à cette baguette, son esprit dévia vers une autre. Le médicomage souffla alors :




Il faisait la distinction car, sous bien des aspects, lui aussi avait été de sa famille.

 « A man's friendships are one of the best measures of his worth. »
Charles Darwin 

Nathanael était un homme assez secret, pour tout un tas de raison. Il n'était pas de ces hommes, qui déposaient le cœur entre les mains de la première personne de confiance venue. Pourquoi ? Parce qu'il n'avait pas jamais appris à le faire, pour commencer, mais aussi parce que dévoiler ses faiblesses n'était pas quelque chose qu'il s'autorisait à faire, depuis le départ de son épouse. Pas avec ses frères, pas avec ses amis, mais avec Roy c'était différent. Rares étaient les personnes avec qui Nathanael se sentait suffisamment en confiance pour boire en publique, pour commencer, mais aussi rares étaient les personnes avec qui le médicomage parlait de son passé. Même avec ses frères et sa sœur il ne le faisait pas, cela démontrait à quel point le spécialiste des baguettes sortait du lot.

Nathan ne prenait pas plus de plaisir que cela à remuer le couteau dans la plaie, mais il savait d'expérience que, pour certaines personnes, ce processus était nécessaire. Chaque individu abîmé par la vie avait besoin de croire qu'il n'était pas le seul, besoin de savoir que d'autres pourraient comprendre cette douleur et ce vide laissait par une horrible disparition. C'était normal de chercher cette connexion.

Une fois le sujet de sa propre baguette passé, Nathanael mentionna la baguette d'Eva, instrument qu'il avait redonné à la famille de celle qui avait partagé sa vie, pendant si longtemps. Il avait longtemps hésité à la garder mais, au bout du compte, s'était rendu compte que de voir cette baguette, ainsi posée sur une étagère, lui faisait plus de mal que de bien. Roy semblait confirmer que cette décision avait été la bonne.




Cette séparation avait été rude car, au final, cet objet et son alliance étaient les deux seuls objets qui rappelaient au Pierce celle qui n'était plus à ses côtés. Il lui avait fallu du temps pour se décider mais, pour aller de l'avant, rende cette baguette avait été plus que nécessaire.

Le médicomage posa ensuite son regard sur la baguette que son ami tenait entre ses mains, celle de sa chère sœur. Les deux hommes se murèrent dans un silence, après les dernières paroles de Roy. Cette blessure ne guérissait jamais totalement, ceux qui restaient derrière apprenaient simplement à vivre avec la vide.




Si le Pierce avait réussi à le faire, alors pourquoi pas son ami ?