Hope makes a good breakfast - Sean & Braxton

Braxton regardait yeux dans les yeux, son plat d'oeufs au plat avec une intensité rare. Il ne dormait jamais d'ordinaire un réveillon de l'an. Trop de bruit. Les pétards lui rappelaient de mauvais souvenir. Comme un chien qui fuit l'orage, il trouvait refuge quelque part, si ce n'était pas passer la soirée avec un tête en bulle total. Cette année, Humbre lui tenait compagnie. Le chien dorée était étendu sur lui, il avait reniflé avec intérêt le café de son nouveau maître bien plus près que d'habitude, ce dernier trop happé par son plat d'oeufs du matin pour le reprendre.

- Tu crois qu'elle me reparlera un jour ? demanda-t-il soudainement. Le chien siffla et remua les oreilles, lui aussi souhaitant comme tous les membres de cette famille, rester en dehors du sujet Braxton/Betty.

- Tu crois qu'il me reparlera un jour ? Le chien souffla en guise de réponse, souhaitant probablement juste dormir.

Braxton braqua son regard sur son assiette. Avec ses deux yeux en jaune d'oeufs et ses cheveux de bacon, son petit déjeuner avec exactement l'air d'ahuri que son fils lui avait tiré la dernière fois qu'il l'avait croisé, alors qu'ils traversaient la cuisine au pas de course.
Braxton avait rendit son regard à son fils son drôle de regard écarquillé. Il n’y avait pas eu un bonjour, ni une parole. Une angoisse était passé entre les deux, électrifiant l’air. Braxton avait lâché sa tartine dans son café -ce qui n'était pas passé inaperçu de @Yeleen Sô. Les deux jeunes gens étaient déjà dehors, alors qu'une sensation dérangeante avait sué de toute sa colonne vertébrale.

Il avait espéré que ses enfants passent le réveillon avec leur mère. Mais c'était visiblement trop demander. Non, c'était plus drôle de le passer à Saint-Mangouste après avoir manqué d'exploser sa copine. Le père fulminait, broyant du noir tout en grattant l'épaisse encolure du chien. Cela durait depuis des heures, n'ayant pas fermé l'oeil de la nuit.

ll essayait de rassembler ses pensées, de penser rationnellement. Les fêtes avaient été un succès. Si on mettait de côté le drame de @Fergus Clearwater et l'épisode qui s'en était suivi. Quand  @Jameson Clearwater l'avait mis au courant pour son fils, Braxton en avait fait de même pour le sien, et lui avait raconté leur violente esclandre contre le gang des irlandais.

C'était un de ces matins tranquille d'hiver où la lumière n'avait pas commencé à filtrer les rideaux. Braxton avait attisé le feu de cheminée de la cuisine et mit à réchauffer la théière en fonte.
"...listen to the wind blow, watch the sun rise... entonna-t-il, à voix basse tout en sortant les ustensiles de placard, ...Running in the shadows, damn your love, damn your lies... Mhm mhm... Humbre chhhht... écarta-t-il le chien du pied qui reniflait de trop près la théière brûlante. And if, you don't love me now, you will never love me again... I can still hear you saying you would never break the chain...mhm mhm... Il fit sauter la crêpe dans la poêle. La famille trouverait de quoi manger.  tarderait pas à se réveiller.

- Bonjour Sean Clearwater. Si vous daignez entrer dans cette cuisine, j'ai fait du thé. annonça-t-il d'un ton pince-sans rire et sans un regard à la personne dans son dos. Il fit sauter très haut une crêpe.

Même avec son pas de chat et un sortilège de désillusion, Sean ne pouvait tromper la vigilance de son père. Ce dernier versa une louche généreuse de pâte dans sa poêle. Même Humbre, pataud et seulement intéressé par l'odeur du repas, n'avait pas senti le jeune maître.

- Et des oeufs et du bacon. Fergus et Solvi sont rentrés chez eux. Ta soeur et Lucy ne sont pas là, Jameson cuve et Mamie Maggie je crois bien aussi. énuméra-t-il en faisant sauter une crêpe d'un habile coup de poignet. Autrement dit, qu'il le veuille ou non, c'était eux trois dans la baraque jusqu'à la première heure de l'après-midi.

- Tes cousins ont fait un barouf cette nuit sur la colline, j'ai cru que j'allais les transplaner en Australie. grogna-t-il. Il avait clairement sa tête des mauvais jours et lançait la conversation comme si ce matin là ressemblait à tous les autres. Pour des raisons obscur, l'ancienne auror détestait les feux d'artifices. Et toi, bien dormi ? demanda-t-il à son fils en se retournant enfin pour faire glisser le petit déjeuner dans une assiette. Il était difficile de savoir s'il savait ou non pour la nuit dernière.

Spoiler:

Yeleen dormait paisiblement à ses côtés alors que Sean l’observait comme pour graver chacun de ses traits dans sa mémoire. C’était comme s’il craignait de la voir disparaître du jour au lendemain et cette angoisse l’avait maintenu éveillé toute la nuit. Après sa mère que Sean avait bien cru perdre, ensevelie sous les gravats de son propre appartement ; Sean avait levé sa baguette contre son père avant de s’en prendre directement à sa fiancée. Tous ceux qu’il aimait risquaient de disparaître autour de lui, et ce, par sa propre faute.

Malgré la douceur des rayons matinaux qui caressaient le voile des rideaux, le jeune Clearwater se sentit soudain étouffer, et il se leva silencieusement pour ne pas réveiller Yeleen. Elle ne devait pas s’être endormie depuis bien longtemps, et après tout ce qu’il s’était passé la veille au soir, elle avait besoin de reprendre ses forces.

Aussi discret qu’une ombre, il descendait les escaliers, alors qu’une voix basse et fredonnante lui parvint aux oreilles. Celle de son père. Sean se figea sur le seuil de la porte, se demandant s’il parviendrait à déjouer la vigilance de son père en s’éclipsant dehors. Mais alors même que l’idée lui traversait l’esprit, Braxton l’invectiva directement sans tourner un seul regard vers lui. Le jeune homme s’immobilisa, le cœur battant, fixant le dos de son père contre lequel était noué un tablier de cuisine.

Alors que Braxton lui faisait la liste des absents de la maisonnée, Sean tenta par tous les moyens de définir s’il était au courant pour le terrible incident de la veille. Est-ce que Jameson lui avait tout raconté ? Peut-être qu’il n’avait pas encore eu le temps de le croiser… Le jeune sorcier avait du mal à savoir ce qu’il préférait… Prétendre que tout allait aussi bien que possible, compte tenu des circonstances ; ou bien lire le jugement sévère dans les yeux de son père ?

Mais le Langue-de-Plomb finit par se retourner, Sean écarquillant les yeux en se retenant de faire un pas en arrière. Que craignait-il au juste ? Lui-même ne le savait bien… Mais en posant les yeux sur l’assiette qu’il dévoilait, le jeune homme aperçut un drôle de visage en crêpe, avec un pitoyable sourire alors que déjà le jaune d’un œuf se perçait. Le petit-déjeuner préféré de Nora… A l’image du bonhomme, Sean sentit une larme couler le long de sa joue qu’il effaça aussi rapidement que possible.

Il ne craquerait pas. Il n’y avait pas de place dans sa vie pour la faiblesse. Mais pourtant, il n’en avait pas fallu plus pour faire rompre la digue de ses larmes, et Sean dû poser l’avant-bras sur son visage pour camoufler les dégâts alors que ses épaules se secouaient de sanglot. Inquiet, Humbre s’approcha de lui en le reniflant sans que le garçon ne puisse le remarquer. Quand il releva le visage vers son père, ce ne fut que pour lui bégayer quelques mots presqu’incompréhensibles.

- Papa… Je peux plus utiliser mes pouvoir…

C’était bien pourtant le cadet de ses soucis dans la tempête qui balayait sa vie en menaçant de l’anéantir. Et pourtant, ce fut cette déclaration qu’il avait choisi de faire à son père. Peut-être parce que la magie était justement ce qu’il était sûr d’avoir reçu de Braxton. C’était la certitude qu’il avait de bien être son fils. Sans pouvoir, était-il toujours un Clearwater ? Sans magie, il ne pouvait certes plus attaquer sa famille, mais pouvait-il encore la défendre ? Que lui restait-il ? Et surtout, qui était-il ? Un sorcier privé de ses pouvoirs. Une menace pour tous ceux qu’il aimait. Malgré tout ce qui avait pu lui arriver au cours de sa vie, Sean ne s’était jamais senti plus proche du gouffre. Et pourtant, la jeune fille qu’il avait laissée dormir tranquillement dans son lit, tout comme cette scène matinale de petit déjeuner avaient un air rafraichissant de normalité à laquelle il voulait à tout prix s’accrocher.

Sean avait passé la porte de la cuisine sous la contrainte. Il fixa son regard sur les assiettes d'oeufs encore fumantes, et essuya son visage, évitant de le regarder lui. La nuit avait laissé des traces et Sean semblait ébranlé. Et même après avoir fait sauté, son fils essayait de l'éviter. Braxton se mordit l'intérieur de la joue, maîtrisant sa colère remontante.

@Jameson Clearwater lui avait transmis le diagnostique du médicomage. C'était pire que ce qu'il avait pensé. Il avait dit, des mois plus tôt à son fils qu'il devait aller à Saint-Mangouste. Sans doute aurait-il dû l'y emmené par la peau du coup dans la minute.
C’était notamment pour s’occuper l’esprit qu’il avait fait ce repas. La surprise avait laissé place au soulagement, à la colère, puis le tout se mélangeant, et avait fini par aboutir à des œufs au plats.

Quoiqu'il faisait, il n'aboutissait qu'à torturer un peu plus ce gamin.

Braxton ne dit rien quand Sean enfouissa son visage. La nuit avait du être difficile pour lui, mais son passage à Saint-Mangouste était le mieux qui pouvait lui arriver. Humbre vint saluer le jeune homme en collant sa truffe humide sur son pantalon. Il le reniflait, curieux, et battait timidement de la queue. Il n'en fallu pas plus pour que Sean sorte de ses bras, et éclata.

- Papa… Je peux plus utiliser mes pouvoir… bégaya-t-il le visage tordu par les pleurs.

Braxton reposa la poêle en fonte qui claqua sur la gazinière de grand-mère Maggie. Sean était une petite boule de papier chiffonnée, sur lequel avait été écrit ses plans d'avenirs et ses rêves de tout jeune homme. Son coeur se serra. Il eut à nouveau devant lui ce petit bonhomme qui rentrait en sanglotant parce qu'il était tombé de son tricycle.

- Je sais. répondit-il très simplement le visage fermé.

Braxton se sentait malade à voir son fils. Malade de ne pas pouvoir le prendre dans ses bras. Il voulait emmerder ce mauvais sort qui lui pourrissait le crâne et l'étreindre, le rassurer comme lorsqu'il était petit. Mais aurait-il respecté cette torture permanente qu'il ressentait en sa présence ? Sean avait été très clair. Le problème se situait là.

Braxton leva sa baguette. Le gros sofa du salon transplana dans la cuisine et cueillit Sean au passage, et un gros plaid doux vint envelopper ses épaules. Braxton fit deux pas et s'assis sur la chaise à côté de lui, la main dans un torchon il servit dans la tasse réservée à son fils au domaine un thé brûlant.

- ...jusqu'à ce qu'ils s'occupent de toi à Saint-Mangouste. acheva-t-il.

Voir Sean véritablement lever sa baguette sur lui et son visage se fissurer d'un sourire qui n'était pas le sien l'avait frappé. Il avait dédramatisé ce que lui avait confié son fils pour le rassurer, ne pas l'inquiéter, et lui dire que même s'il y avait un accident, qu'il l'aurait vite arrêté. Mais Sean était déchiré. Il avait manqué de blesser @Yeleen Sô, avait manqué de perdre sa mère l'été d'avant. La mort rôdait bien trop près de son fils. Consoler Sean c'était un peu comme mentir sur la douleur de la piqure.

Il était soulagé mais en colère. Et pour une fois, bien plus contre son fils que contre son sort. "Je peux plus utiliser mes pouvoir…" il se serait attendu à un mot sur @Yeleen Sô  qui avait volé dans le décor, sur cette foutue bague de fiançailles, sans compter que sa mère avait été complètement abandonnée par son fils durant les fêtes et ses derniers temps. L'utilisation de ces pouvoirs lui semblaient être le dernier des soucis.

- Personne n'a été blessé. Heureusement... assura-t-il très sincère en hochant de la tête mais toujours sérieux. L'angoisse le serrait, cette sensation du "et si" le collait comme un cauchemar qui ne finissait  jamais. Par "personne" il insistait sur tous les sorciers et moldus qui avaient pu se trouver autour. Il avait un peu de cerne sous les yeux. Il s'était occupé de la partie explosion soudaine en milieu moldu auprès du département des accidents magiques, et le ministère Italien avait demandé des comptes.

Il leva toutefois un regard vers son fils, où brillait l'angoisse et le soulagement qu'il fut entier. Il posa ses mains sur cuisse et expira. Très longuement.

- Comment c'est arrivé ? demanda-t-il le ventre noué. Il avait entendu l'histoire par la bouche de Jameson, qui avait été encore une fois appelé à sa place, puis celle du département des accidents magiques. Maintenant, il voulait entendre celle de son fils.

La réserve de son père vis-à-vis de lui fut comme un électrochoc. Il s’était attendu à le voir venir le serrer tendrement et maladroitement dans ses bras peu habitués une telle proximité, ou bien imploser, lui reprochant son attitude puérile et égocentrée. Mais à l’inverse, son père restait droit et digne devant lui. L’image parfaite de ce qu’aurait dû faire Sean en de telle circonstance.

Garder le contrôle. Et une distance saine avec son père.

Car Braxton ne faisait que respecter cette barrière que Sean avait lui-même érigé entre eux. A travers ses larmes, le jeune homme se sentit percuter doucement par un sofa sur lequel il s’effondra avant d’être recouvert par un plaid. La magie de son père – toujours aussi efficace – était là pour pallier à cette distance. La truffe d’Humbre était toujours collée à lui alors que l’odeur du thé brulant lui chatouilla les narines. Compressant avec violence son émotion, le jeune écossais essuya ses larmes – laissant ses yeux rougis s’ouvrir sur un monde encore un peu trouble. La langue d’Humbre vint le cueillir et il enfouit brièvement son visage contre son museau, profitant de sa chaleur pour regagner la force de faire face à son père.

Il sentait son regard sur lui qui lui brulait et lui transperçait la peau pour atteindre son âme. Lui qui avait toujours rêvé recevoir ainsi la pleine et entière attention de son père souhaitait à présent s’enterrer dans un trou de souris pour échapper à son jugement. Pourtant, ses mots restaient encore bienveillants, lui rappelant qu’aucuns blessés n’étaient à déplorer. Le cœur de Sean se serra sans qu’il ne répondît. Son esprit torturé entendait tous les non-dits derrière ces quelques paroles. Ça aurait pu être bien pire. Il y aurait pu y avoir des blessés, voire des morts. La catastrophe avait été évitée de peu. De bien trop peu.

Alors que toute l’horreur de la situation lui étreignait de nouveau la gorge jusqu’à l’étouffer, Sean releva les yeux vers son père quand il lui demanda de lui raconter ce qui s’était passé. Sean détourna le visage qu’il se frotta douloureusement. Si seulement il avait pu dormir quelques heures… Laisser ses souvenirs qui dévoraient son énergie et toute sa force vitale s’éloigner un peu de lui. Yeleen n’avait exprimé aucun reproche. Elle l’avait juste soutenu du début à la fin, culpabilisant même d'être à l’origine de sa crise. Sean refusait que cette version de l'histoire ne parvienne aux oreilles de son père. Il ne supporterait pas que ce dernier émette la moindre critique vis-à-vis d’elle.

- Ce qui s’est passé, commença-t-il doucement en secouant la tête. Rien d’autre que ce dont je vous préviens depuis que je suis revenu…

La colère le gagnait peu à peu – comme si c’était la seule émotion qui pouvait parvenir à surpasser son désespoir et sa culpabilité. Mais il fallait qu’il garde le contrôle. A tout prix.

- J’ai tout essayé… M’éloigner de vous. Supprimer toutes mes émotions. Ça n’a pas marché. Alors j’ai tenté l’inverse, d’accueillir cette part sombre pour mieux la contrôler. Ça a été pire que tout… Je… Quoi que je fasse, rien ne marche. J’aurai jamais dû faire ça. J’aurai jamais dû prendre ce risque, je sais.

Il serra la mâchoire en se reposant contre le dossier du sofa. Sa main tâta de manière inutile la poche où aurait dû se trouver sa baguette, comme pour se rassurer de son absence. Il avait posé cette dernière sur sa table de nuit, là-haut, dans la chambre.

- Le guérisseur de Sainte Mangouste… Je sais pas comment mais il a vu dans mon esprit. Il a vu Ryan. Depuis le début c’est lui. Il peut faire ce qu’il veut de moi, pour vous atteindre tous. Il faudrait m’enfermer jusqu’à ce qu’on trouve une solution, voilà ce qu’il faudrait faire. Et surtout arrêter de faire comme si tout allait bien, comme si Ryan ne m'avait pas transformé en une bombe à retardement.  

Il crut que Sean glissait dans une crise de panique et il esquissa un geste pour intervenir, mais le petit se força et se contint. Difficilement semblait-il. Il écouta sans ciller les réponses de son fils. Bras croisé sur son torse pour se contenir, il fronça les sourcils.

“Vous me faites tous chier l’appeler par son prénom comme si c’était notre putain de voisin.” déclara Braxton, très cru.

Yeleen, Sean, et il était sur d'en avoir entendu d'autre. Cette appellation le révulsait. Les gosses ne se rendait pas compte de la proximité qu'il créer. Les noms avaient des pouvoirs. "Reinfield. Et rien d'autre." commanda-t-il comme à ses anciens cadets de la BPM, d'un ton qui était le même que celui que Gabriel employait au bureau des aurors.

“Sean, t’a probablement de la magie noire dans le crâne et toi tu…” Braxton pinça les lèvres et se retint. Il faisait tout son possible pour garder son calme en apparence sentant que le petit pouvait dérailler d'une seconde à l'autre. Son petit à lui.

Il poussa l'assiette de Sean avec son petit déjeuner et le réchauffa d'un tour de poignet. Il était très loin d'être un cador de ce genre de petit tour, mais les enfants étaient un moteur incroyable.

Il voulait bien croire que Yeleen lui donnait l’impression de faire comme si la vie continuait. Mais que faire d'autre ? Surtout en l'absence de solution immédiate. Sean s'exprimait comme si rien ne c'était dit entre eux. Il était fatigué, éreinté, et probablement à l'heure actuelle, pas entièrement lui-même. Braxton se demandait si c’était lui qui parlait. Était-il possible qu’une partie de l’un… s’écoule vers l’autre…? Il garda cette pensée pour lui. Sean était à bout. Sean souffrait, mais aussi se foutait de la gueule du monde sans s'en rendre compte.

Braxton gardait ses propres doutes pour lui. C’était une bonne chose que Reinfield fut obsédé par l’idée de s’attaquer à lui. Qu’est ce qui lui disait qu’un jour, Sean, affublé de ce sourire narquois, ne tourne pas sa baguette vers lui-même ? C’était là une plus grande peur que Sean s’en prenne à lui. Et si Sean l'attaquait, il n'aurait pas d'autres choix de le maîtriser comme tous les autres. Un père ne ferait pas différemment avec un fils alcoolisé au dernier degré au whysky pur feu ou des substances bien plus dangereuses.

"Qui fait comme si tout allait bien ?" demanda Braxton en fronçant les sourcils, comme s'il allait retrouver le coupable en personne dans la minute comme s'il enquêtait sérieusement sur le malêtre de son fils.

La question était plutôt réthorique. Il n'avait pas eu de contact avec les plus jeunes du clan, et se demandait qui pouvait avoir la jugeote d'une huître pour ne pas considéré anormal le kidnapping puis la torture de son fils, présence dans son esprit ou non.

Alors qu'au contraire, Sean avait délibérément choisi de transplaner sur des centaines de km au lieu prendre un portoloin, pour aller faire du tourisme avec sa copine un 31 décembre au lieu d'aller voir sa mère. Sans compter la demande de fiançailles. Que Braxton espérait être juste une demande de fiançailles. Qui se définissait par un repas entre les familles et une union potentielle pendant deux ans, et vie commune, à la traditionnelle. Pas deux jeunes gens qui n'avaient jamais vécu ensemble et avait échangé des jolis bagues dans un contexte difficile. Si ces deux là avaient une once d'idée de ce qu'était le mariage... Braxton ne préférait pas y penser. Et la question de ce qui se tramait dans la tête de Sean était plus importante.

Braxton garda ses réflexions pour le moment pour lui-même. Il voulait que Sean aille jusqu'au bout de ces affirmations.

Son père râlait sur sa manière d’appeler son ravisseur mais Sean ne réagit pas. Ils n’avaient pas exactement eu le temps d’échanger leurs cartes de visite entre deux tortures. Ryan Reinfield… Voilà donc son nom… Braxton pouvait bien l’appeler comme il le voulait, le résultat restait le même. C’était pas un putain de voisin, ils partageaient carrément le même corps - bataillant pour imposer leurs décisions, s’échangeant insidieusement des idées et des émotions, détruisant peu à peu son avenir, lui qui n’avait déjà pas de passé…

Son père poursuivit, manquant de critiquer son inconséquence avant de s’arrêter juste à temps. Sean avait vivement relevé le visage vers lui, prêt à s’emporter, sentant sa colère s’embraser aussi facilement d’un feu de paille. Quel reproche allait-il lui faire à présent ? A quel moment avait-il faillit dans ses efforts répétés pour protéger les siens ? De quoi était-il responsable au juste dans ce malheur qui s’acharnait sur lui sans même qu’il n’ait été particulièrement visé ?

Le langue-de-Plomb finit par se rapatrier sur les derniers propos de son fils, lui demandant d’en dire plus. Sean s’agaça en secouant la tête. Voulait-il vraiment jouer à ce petit jeu ? Mettre en doute ses paroles ?

Qui faisait comme tout allait bien ? Mais absolument tout le monde !

On l’avait renvoyé à Poudlard comme si de rien était ! Ses amis lui avaient reproché son attitude distante sans imaginer un seul instant sa bataille intérieure qui faisait rage. Jameson avait vu ce qui se tramait dans son esprit mais l’avait laissé comme une bombe au milieu des autres étudiants. Gabriel aussi était au courant de tout, mais avait donné son autorisation pour que Sean poursuive son apprentissage d’Auror…

Au fur et à mesure qu’il listait ainsi mentalement les noms de son entourage, Sean sentit tout le ridicule et l’immaturité du cours de ses pensées. C’était comme s’il cherchait à renvoyer la faute de ce qui lui arrivait sur tout le monde, et principalement sur les personnes qui avaient particulièrement tenté de prendre soin de lui. Alors, sa colère glissa sur lui pour laisser place à une consternation qui lui fit enfouir son visage dans ses mains.

- Laisse tomber, se contenta-t-il de marmonner d’une manière quasi inintelligible.

Ses émotions avaient tendance à se succéder brusquement et avec une certaine violence. De la désolation, il passait à la rage, puis à l’abattement en un claquement de doigt. Anéanti, il senti cependant Humbre lui pousser la jambe de sa truffe, et il consentit à retirer ses paumes de son front pour lui caresser l’encolure. Est-ce que le chien n’avait pas besoin de sortir ? On étouffait ici dans cette petite cuisine surchauffée… Sean retira à la hâte son plaid pour se relever et se diriger vers la porte de la petite cuisine qui donnait directement sur l’arrière de la maison, suivit de près par un Humbre qui frétillait.

Une fois la porte ouverte, Sean inspira longuement l’air glacé et salé qui leur venait du large avant de s’appuyer sur l’encadrement de la porte. Le regard porté sur le ciel bleu gris qui avait envahi l’horizon, il s'immobilisa pensivement.

- On a jamais parlé de ce qui s’était passé à Dublin, commença-t-il lentement sans lancer un regard à son père. Lui qui avait été si heureux et fier que son père l’emmène avec lui dans sa croisade pour ramener son cousin… Il avait été le premier à plonger corps et âme dans le déni pour oublier son état. Et son inconséquence avait failli être fatale.

- Je suis désolé, continua-t-il dans un souffle à peine audible. Désolé d’avoir levé la baguette sur toi… Si je n’avais pas été arrêté à temps, je sais pas ce qui se serait passé…

De nouveau, il sentit les larmes poindre alors que ce souvenir le bouleversait; mais il les réprima avec force pour éviter de partir dans un nouveau tourbillon d’émotion.

Sean semblait sur le point de lui jeter son thé à la figure, ou de le mordre au visage si le plaid et le fauteuil n'avaient été des menottes confortables. Les sautes d'humeur étaient inquiétantes. Braxton n'avait pas eu encore le temps d'aller voir le guérisseur @Dâriush Aslan mais comptait résolument lui rendre visite et avoir les détails de l'histoire et surtout son avis médical.

Sean, hors de lui, finit par cacher sons visage et répondre d'une voix faible. Braxton plissa les lèvres. Il avait encore du contrôle, mais cela l'épuisait beaucoup trop. La force psychologique de Sean finirait par s'épuiser avant de se laisser submerger. Qu'il ait pu attaquer Yeleen ou qu'elle fut un simple dommage collatéral était inquiétant, il avait été persuadé que Sean s'était vu implanté un ordre, une pulsion à son égard.

Sean se leva soudain, sans même jeter un regard à l'assiette que Braxton avait poussé vers lui, et il cru que son fils allait tout bonnement s'enfuir dans le jardin sans se retourner. Mais il s'arrêta dans l'encadrement de la porte, faisant rentrer le froid dans la cuisine. Braxton fronça les sourcils. Les lycans étaient insensibles au froid comparé aux sorciers. Il contempla tout ce que son fils le laissait voir : son dos. Et Braxton n'aimait pas ce qu'il voyait.  

Les excuses étaient de Sean étaient étranges. Comme s'il essayait de survoler la situation comme quelqu'un d'extérieur. La manière dont il mentionna Dublin, le fit bouillir.

Braxton se leva de table, excédé que son fils snob avec des grands airs le petit déjeuner qu'il avait préparé pour lui, incarnation vivante de l'ingratitude des enfants. Il défit le tablier de sa taille et le déposa au crochet à côté de la porte avant de se glisser dans l'encadrement de la porte.

- T'aurais fini immobilisé. C'est tout. répondit-il d'une voix égale. Il plongea ses yeux dans ceux de son fils, penché sur lui. Il venait surement mettre une réponse sur des craintes informulés. Il haussa les épaules, calme. Son fils ne se rendait pas compte à quel point il était blessant. Mais je t'aurais pas fait de mal. ajouta-t-il pour le rassurer, d'une voix adoucie. Il aimait son fils et aurait prit les mesures nécessaires. Que pouvait-il faire de plus ?

Le terrain devant la maison était brumeux, des gouttelettes traînaient dans l'air. Un premier jour de l'an tout ce qu'il y avait de plus écossais. L'encadrement de la porte était étroit pour eux deux. Braxton se décala vers l'extérieur, les pieds sur les dalles menant au jardin, sur lesquelles il avait attendu des heures avec  @Jameson Clearwater. C'était par là que leur mère les faisait rentrer quand le père Ewan était furieux.

- Sean... Je suis désolé aussi. répondit-il en miroir. Son regard s'adoucit. Je m'étais promit qu'il ne t'arriverai plus rien. Depuis la nuit où Liam était tombé. Chacune de ses mains s'étaient posées sur les avant-bras de son fis. Léger, pour qu'il puisse se dégager au moindre mouvement.

- Mais Sean... Honnêtement, je suis furieux. déclara-t-il pourtant avec un grand calme. Il jouait le jeu d'en montrer le moins possible. Il essayait de suivre de Sean, bien que son pudisme légendaire était un atout. Mais de ses yeux coulaient un flot d'émotion tumultueux, cascade d'honnêteté qu'il n'aurait su camoufler. J'ai sérieusement envie de te balancer de la falaise et te regarder galérer à nager puis grimper la côte. J'te l'dit tout de suite j'ai pas l'intention de faire quoique ce soit contre l'annulation de ton permis de transplanage. indiqua-t-il excédé, et par là qu'il en savait bien plus sur les conséquences administrative de l'escapades en France sur son fils que lui même pour le moment. Braxton poursuivit ses aveux, déroulant des sentiments qu'il taisait depuis des mois.

- Je suis furieux, parce que ça fait des mois que tu m'écoutes pas. Je parle dans le vent. Tu t'souviens de ce qui t'arranges ! pointa-t-il, J'ai dit dès le début que tu devais pas retourner à Poudlard, tu m'as parlé de l'étendue des problèmes en octobre, appuya-t-il, et je t'ai dit immédiatement que tu devais aller à Saint Mangouste. On ne parle pas de grand chose à vrai dire Sean. Et j'parle même pas de la bague de  @Yeleen Sô. mentionna-t-il en dernier comme si c'était un détail parmi tant d'autres. Il avait reculé sur les dalles, laissant de l'air à son fils. Vêtu d'un pull tricoté par sa mère et d'un vieux jean taché par les travaux de l'été, il n'avait plus rien de l'ancien auror. Juste d'un père inquiet et qui peinait à maintenir sa famille à flot. Particulièrement un fils qui lui échappait pire que de l'eau se glissant entre les doigts.

- Sean t'a transplané en quelques heures sur des centaines de kilomètre, sans expérience, juste pour épater ta copine ! J'aurai enguelé, n'importe qui ici pour ça. Les portoloin c'est pas pour les chiens. le sonna-t-il en écartant les bras, lui rappelant des principes magiques de bases que tous connaissait depuis l'adolescence. Le chien bailla, installé au pieds de Braxton et suivant ses mouvements, curieux.Tu t'attendais à quoi ? Franchement ? demanda Braxton, l'air dépassé par les décisions de son fils. Il attendait comme d'être dorloté tout en ayant le loisir de mordre. La situation n'était pas facile, mais non, Sean n'avait pas pris que des bonnes décisions et il devait bien en être conscience.

- Ça arrive de prendre des mauvaises décisions. rappela le père, tous étaient humain et apprenait de la même manière. T'es jeune Sean, on en a fait des conneries nous aussi. Mais si tu veux mon avis, te faire traîner à Saint Mangouste est la meilleure chose qui aurait pu arriver ! Maintenant, on se tient tranquille, tu m'appelles s'il y a un problème. Tu retournes pas à Poudlard si tu le sens pas. Mais non, rien n'est normal dans cette situation et j'essaye de t'aider ! Son visage se décomposa et il plissa les lèvres mais se contint. Il avait déjà pleuré et sa famille était vivante. Éclaté, mais il fallait faire avec et avancer.

On a peut-être une porte de sorti avec tout ça. C'est une bonne nouvelle. souligna-t-il, l'espérant sincèrement.  

Ses cheveux commençait à prendre l'humidité, qui roulait sur son front et faisait brillait sur son pull, mais le Clearwater n'y prenait pas attention, pris dans un de ces très rares monologue qui devait se compter sur les doigts d'un main dans l'histoire de sa famille. Braxton laissa la déception paraître sur son visage.

-  Mais quand on est capable de transplaner jusqu'en France on trouve un putain de moyen de souhaiter la bonne année à sa mère bordel de merde ! J'peux comprendre que tu aies peur de la revoir dans ces conditions, et si c'est comme ça que tu la sens plus en sécurité, soit! encore une des choses dont on pas parlé ! souligna-t-il en écartant les bras, déçu et mis face à chaque fois au fait accompli, Mais bon sang... parle-lui, écris lui, envoie lui un patronus, chope un miroir à double sens, utilise la cheminée...!

Il se mordit la lèvre inférieur et s'obligea à respirer. Il se tourna vers la mer pour couper sa colère. Des Goélands survolaient la maison. Le cadre était gris, paisible. Braxton n'avait plus rien de paisible. Il se retourna vers son fils.

- Qu'est ce que je vais lui dire moi pour hier... ? Hein...? demanda le père au fils, l'invitant à ce que l'effronté ait éventuellement une brillante idée à lui partager. Sean avait largement l'âge d'assumer ses propres erreurs, mais pourtant tout allait lui retomber dessus, et Braxton tremblait à l'idée que ses relations se brouillent d'avantage avec Betty. Elle lui manquait terriblement. Il avait perdu sa moitié et les fêtes de fin d'année charriaient avec elles une solitude particulièrement amère.

Son père lui répondit, avec aussi peu d’émotion dans le ton que Sean était submergé par les siennes. S’il chercha d’abord à le rassurer, puis à s’excuser, ce semblant de réconfort ne dura malheureusement pas car Braxton s’engouffra dans un vent de reproches de Sean reçu avec plus de violence que si son père l’avait frappé.

Le jeune écossais blêmit dangereusement alors que son père qui n’avait pourtant jamais été violent avec lui le menaçait de la pire brimade à laquelle les Clearwater s’étaient adonnés par le passé pour bizuter les plus jeunes. Il l’accusait de n’avoir rien fait pour se soigner, lui qui était allé voir divers experts, enchaînant les rendez-vous toutes les semaines avec Gabriel pour s’entraîner. Au milieu de son discours, il mentionna la bague de Yeleen et Sean se détourna en se sentant s’enflammer, persuadé que son père qui n’avait jamais cherché à connaître son amie, était contre cette union.

Il l’accusait d’avoir transplané de manière inconsidérée, justifiant ainsi pleinement son retrait de permis. Braxton ignorait sans doute que c’était Yeleen qui s’était chargée de tout – et que le seul transplanage d’urgence que Sean ait fait, c’était après sa crise quand il n’avait pas eu d’autre choix pour amener sa fiancée rapidement à l’hôpital. Comment lui expliquer que le but de leur petit voyage avait été justement pour Yeleen d’amener doucement Sean à accepter de revoir sa mère ?

Le jeune Clearwater avait l’impression d’avoir mis sa vie entre parenthèses depuis si longtemps, soupesant chacun de ses choix pour s’assurer qu’il ne mette en danger personne. Mais pour son père, il semblait n’avoir été qu’un gamin égoïste et inconséquent. S’il tremblait littéralement de colère, Sean ne parvenait à desserrer la mâchoire pour arguer une quelconque défense. Il avait l’impression que s’il bougeait le moindre muscle, il risquait de perdre totalement le contrôle. Et puis après tout, pourquoi devrait-il se justifier ? Pour que son père ait une meilleure image de lui ? C’était visiblement peine perdue.

Quand finalement son père mit fin à sa litanie, Sean ne parvint qu’à relever un regard plus sombre que jamais sur le Langue-de-Plomb.

- T’as qu’à lui raconter à quel point ton fils te déçoit, siffla-t-il entre ses dents. T’as l’air tellement intarissable sur ce sujet.

Il avait chaud, beaucoup trop chaud ; et il était mal dans son propre corps, comme s’il était devenu trop étriqué pour lui.

- Mais ouais, t’as raison… Le souci c’est le transplanage. Pas quand tu m’as embarqué dans un combat de rue où j’ai failli y laisser ma peau…

Sa main se crispa comme si elle tenait sa baguette, qui était cependant bien en sécurité dans sa chambre. Il avait l’impression qu’elle était là cependant, crépitant au bout de ses doigts, comme un membre fantôme. Mais ouvrant lentement sa main pour la détendre, il contourna Braxton en s’éloignant, l’air plus furieux que jamais. Le jeune étudiant s’arrêta cependant au bout de trois pas, se retournant pour darder un regard enflammé sur son paternel.

- Ça t’a pas effleuré l’esprit que y’a pleins d’autres raisons qui m’empêchent de reparler à maman, à tort ou à raison ? Que c’est pas qu’une question de manque de volonté ? Mais Yeleen, c’est la seule qui a cherché à comprendre, et elle me fait changer d’avis sans me faire de reproches, ni me culpabiliser, elle !

Il engloba son père d’un vague geste rageur en poursuivant.

- Tu peux garder tous tes reproches, j’ai vraiment pas besoin de ça. Je fais très bien ça tout seul ! Tout est de ma faute évidemment : je te parle pas et je t’écoute pas, c’est ça ? De toute façon peu importe ce que je ferai, ça sera jamais assez bien, hein ? J’préfère me casser. Je vais me balader, au pied Humbre ! On sait jamais, je vais peut-être glisser le long d’une falaise, ça te libérera enfin de tous tes soucis !

Braxton était désemparé face au chaos qui régnait dans leur famille. Fils kidnappé, puis possédée, fille aussi inconstante qu'étrangement effacée, et Betty, qui n'allait pas tarder à reprendre son nom de jeune fille. Il pensait avoir une conversation avec Sean. Il s'y était pris de piètre manière, mais l'affect se lisait sur son visage, et il s'exprimait avec la maladresse qui le caractérisait.

Sean leva vers luis un regard noir. Braxton ne comprit pas. Il venait de dire à son fils à quel point il ne comprenait pas ce qu'il voulait et ce dernier lui renvoya tout au visage. Même Dublin. Sean arrondit le dos et serra les poings. Le genre de détail que Braxton commençait tristement à guetter malgré lui. Et s'excuser encore lui sembla aussi vain qu'inutile. Avec raison.

Sean explosa, l'accusant de ne pas deviner ses pensées et de ne pas le traiter avec le doigté dont sa petite amie savait faire preuve. Les reproches étaient infantiles, l'enrobage, nouvellement violent. Il gonflait, comme un animal défiant un autre. Il n’avait jamais été colérique. Boudeur, distant, froid et critique mais jamais il n’avait été à s’époumoner comme sa sœur.
Et jamais il n’avait fait les cents devant lui, l’échine courbée. Comme un loup. Humbre couina, oreilles à l’arrière, alors que le petit maître tonnait son nom sans qu’il ne sache pour qu’elle faute. Braxton pencha une main vers le chien et s'accroupit à sa hauteur.

- Comment tu peux dire des sottises pareilles... ? lui retourna-t-il ses accusations. Il avait déjà cru le perdre plusieurs fois. Il secoua la tête, une moue fachée sur le visage. - Chhht, Humbre ça va... murmura l'ancien dresseur de croup au pauvre chien. Il lui caressa le poitrail doucement pour le rassurer, et leva un regard vers son fils, comme s'il avait pu, tel un épouvantard, se métamorphoser soudainement. La brume s'était accumulée et une bruine légère tombait sur le jardin.

Braxton savait qu'il n’avait pas mieux réagit face à son propre père dans le passé. Mais il ne reconnaissait pas ce genre de chantage affectif qu’il avait pu servir aux siens, dans ces coups de sang où il lui semblait que tout le clan le rejetait. Un monstre qui lui chuchotait entre les oreilles. Braxton avait laissé sa baguette sur la table. L’envie lui démangea. D’expulser Reinfield lui même.

Dublin ce n'était rien du tout. Un duel de gang dans une rue où ils avaient été surpassé par le nombre. Sean avait tourné le dos à leur adversaire, dans le but des les attaquer eux. Les enfants savaient où viser pour arracher le cœur le piétiner. Braxton se projeta en arrière, revisionant leur vie commune, ses erreurs, ses regrets, ce qu'il avait pensé être de petite réussite, au regard de ces énormes.
Sean s'était embarqué dans une profession dangereuse pour laquelle il n'était pas prêt. S'il ne l'avait pas visé de sa baguette, alors Sean n'aurait pas tourné le dos à l'ennemi ce jour-là. Ce qui ne l'empêchait de se porter les mêmes accusations de Sean. Il ravala sa colère, espérant d'un coup la présence de Betty. Elle qui avait toujours fait tampon entre eux et à peu près tout.

- Prends pas cette peine, j'te laisse la maison. Et tu vas choper froid dehors. répondit-il, jetant l'éponge.

Il tourna le dos à son fils pour s'engouffrer dans la maison. Manteau et gants enfilés en une seconde, il sortit de la maison dans transplanage silencieux. Il s'arrêta soudain net dans le jardin, semblant réfléchir.  

- Sean ? appela-t-il son fils.

Il devait savoir.

- Est-ce que ça irait mieux si j'étais pas là... ? demanda-t-il brutalement à son fils. Est-ce que se serait... plus facile pour toi ?

Il avait espéré ne pas en arriver là. Mais s'il le fallait, pour Sean...

Humbre qui était d’habitude un bon chien ne réagit pas à son appel. A la place, il se mit à couiner en reculant vers Braxton ce qui provoqua chez Sean une rage froide. Lui qui d’habitude avait la patience et la douceur nécessaire pour se faire apprécier de toutes créatures qui croisaient sa route – jusqu’à la plus craintive des chauve-souris - ne comprenait pas pourquoi le canidé refusait le soutien qu’il lui demandait, au moment où il en avait le plus besoin. Son père s’accroupi devant le chien pour le calmer, provoquant un agacement encore plus fort chez son fils. Le Langue-de-Plomb savait déployer une bienveillante attention et une douceur infinie s’il souhaitait. Mais il choisissait d’en priver son fils – lui rappelant avec une cruauté sans nom à quel point il était fautif.

Soufflant péniblement, Sean se détourna de ce tableau parfait dont il était si assurément exclu. Braxton prenait le temps de rassurer son chien, laissant placidement son fils au bord de l’implosion. Finalement, il se contenta de contrer la volonté de Sean de sortir en souhaitant prendre sa place. Il ne semblait aucunement chercher à comprendre le ressenti du jeune homme qui se sentait étouffer dans cette petite cuisine surchauffée et lourde de non-dits.

Il refusait de soulager Sean de la moindre attache qui maintenait son esprit enfermé dans une cage faite de regrets, de peine et de culpabilisation. Il le laissait là, seul, à ruminer une colère principalement tournée contre lui-même. Il ne lui concédait pas plus le droit de s’échapper, de sortir prendre l’air. Non, Sean devait rester confiné dans cette prison où l’anxiété le rongeait de l’intérieur. Ce n’était plus un monstre qui lui dévorait la chaire, il était lui-même devenu cette atrocité qui s’en prenait à quiconque s’approchait de lui. Son père avait peut-être raison de le fuir lâchement, c’était la seule chose censée à faire.

Sean n’avait pas bougé un seul muscle depuis les derniers mots de son père. Il était là, posté entre la maison et le jardin, tout comme son esprit qui se balançait entre apitoiement et déchaînement. Etait-il un gentil garçon ou un démonique loup-garou ? Mais alors que son père avait transplanné à l’extérieur – une dernière provocation au nez de son fils qui était également privé de ce pouvoir-là – il se retourna pour lui lancer une dernière interrogation. Sean ne savait plus qui il était, et son père venait l’interroger sur ce qu’il désirait... Mais la vision de son père s’éloignant de lui venait de rompre un dernier lien ténu dans le cœur de son fils. Le regard de Sean se voila avant de devenir plus sombre encore.

- Tu aimerais que je te dise ça, hein, lui lança-t-il méchamment alors que son ton était étrangement calme. Ça serait parfait pour toi… Tu pourrais te plaindre de ce méchant fils qui te brise le cœur… De ce lycan qui a dessoudé ta famille. Mais au fond ça te rendrait heureux. Tu pourrais enfin disparaître. Tu as toujours été doué pour ça, mais pour une fois, tu pourras te dire qu’on t’y a obligé. Tout le monde louerait ton magnifique sacrifice. Un vrai héro de guerre. Et en plus, tu n’aurais plus sous les yeux ton déchet de fils. Oui ça serait vraiment parfait…

Sean croisa lentement les bras en levant le menton vers son père. Sa peau pâle dévoilée par son t-shirt ne frémissait pas.

- Mais la vérité est plus compliquée à entendre. Le fait est que ta présence ou ton absence ne changeront rien. C’est trop tard. Je suis brisé. Et ma seule faute sera d’avoir été ton fils.

Il y avait quelque chose d’inhabituel dans son ton. Une forme de détachement qui collait bien mal avec la violence de ses paroles, si bien qu’il était difficile de savoir si Sean parlait bien de lui-même. Ou si un autre parlait pour lui…

- Mais oui, partir semble être une bonne idée, vue ton incapacité à gérer la situation. Ça ne fera que repousser un potentiel futur… incident. Quoi qu’en l’absence de son père, le fils pourrait s’en prendre à quelqu’un d’autre… Peut-être à lui-même ? Il a l’air si maladroit… Un accident est si vite arrivé…

Il n’y avait plus rien de Sean dans sa manière de s’exprimer – la dernière preuve étant le fait qu’il parle de lui à la troisième personne du singulier. Pourtant, le jeune écossais était toujours là, se débattant vainement au fond de lui, cherchant à retrouver sa capacité à s’exprimer. Il résultait de sa lutte intérieure comme une boule lui bloquant la gorge, et l’empêchant de respirer. L’étudiant se plia alors en deux, toussant et sifflant assez pour retrouver un peu d’air.