Chasing cars — ft. Edel Almadovar

L’un des avantages à être née vélane, C’est qu’il n’y avait pas besoin de maîtriser toutes les facettes de son don pour voir émaner de soi une certaine aura. Généralement, elle permettait à la créature qui l’émettait naturellement d’obtenir assez facilement ce qu’elle désirait, sans avoir à forcer quoi que ce soit. Avec Edel, Siobhán savait que ses facultés naturelles ne marchaient pas. Alors, elle haussa un sourcil inquisiteur lorsqu’il se leva pour l’inviter à danser. Surprise qu’il ait aussi facilement cédé, mais ravie de voir qu’elle pouvait le convaincre en étant tout simplement elle-même.

Même s’il n’avait pas complété sa réponse lorsqu’il avait parlé de sa mère. Siobhán était partagée entre l’envie de respecter cette distance qu’il imposait, et sa curiosité qui l’entraînait plus loin que les limites auxquelles elle était confrontée. Elle opta pour la première option, se laissant guider, abandonnant ce pinceau alors qu’elle n’avait toujours pas terminé son ouvrage.

La proximité de leurs corps eut le même effet qu’à l’accoutumée. Un frisson marqué apparut sur sa peau blanche, trouvant son origine au point de contact avec la sienne. A cet instant, la Korrigan regrettait cette robe à peu près tout autant que ce maquillage qui l’empêchait de poser ses lèvres sur les siennes. Elle se laissait entraîner contre lui sans rien dire, mais la chaleur de ses courbes contre lui suffirait probablement à lui faire entendre la force avec laquelle son cœur battait. Accélérant encore sa cadence folle lorsque sa voix résonna près d’elle pour lui glisser des compliments qui la firent rougir à nouveau.

Par les simples signes de sa présence, Edel la transportait plus loin qu’elle n’avait jamais été, dans un monde où elle avançait doucement, prenant peu à peu confiance en ses propres sentiments. À la manière d’une danse, ses pas se faisaient de plus en plus assurés même si ces choses là prenaient du temps.

En l’entendant parler espagnol, elle manqua de tomber à la renverse, brusquement renvoyée à cette nuit où ils avaient confessé l’inavouable. Sa bouche vint frôler la sienne alors qu’elle maudissait les traits de peinture qui ornaient son visage. Son souffle traduisait le tempo effréné de ses battements qu’elle ne pouvait calmer. Elle sentait les effluves de son don se diffuser autour d’elle, signe qu’elle ne maîtrisait plus grand chose en sa présence.

« Je crois qu’il faut qu’on… »

Ses yeux s’aventurèrent dans les siens et, dans ses reflets d’azur, vinrent peu à peu se mêler des nuances dorées dont elle avait retenu toutes les marbrures.

«… sorte. »

Mais elle ne fit rien pour s’éloigner ou engager quelconque départ. Ses jambes avaient trouvé instinctivement leur mesure avec celles d’Edel qui s’avérait un excellent professeur — ou peut-être n’était-ce là que le reflet de leur alchimie ? Le moindre mouvement brusque pourrait casser la magie qui vivait autour d’eux et qu’ils respiraient à chacun de leurs gestes. Ou les entraîner lentement vers leur propre chute, s’ils se laissaient succomber.

« La danse, le dessin… Est-ce qu’il y a quelque chose que vous ne savez pas faire, Monsieur Almadovar ? », chuchota-t-elle en baissant les yeux, un sourire ancré sur ses lèvres étirées, faisant ressortir ses pommettes. Elle essayait de détourner l’attention, de les guider vers une discussion pour ne pas se laisser aller à cet embrasement qui commençait à la consumer lentement. « À part rester immobile, bien sûr. Ça, j’ai bien vu que ça t’était impossible. »

Son regard remonta par erreur sur ses lèvres — consciente que c’était la dernière chose à faire si elle voulait résister — où elle aperçut un surplus de peinture blanche qu’elle effaça en passant son pouce.

« Tu vois, tu m’as fait faire des bêtises. »

Les battements de leurs cœurs dans une cadence étrangement synchronisée flirtaient avec leurs limites mutuelles, constamment. Depuis le mois de février, ils n’avaient pas manqué une seule seconde pour se jouer des contours de leurs envies alors qu’ils avaient l’un et l’autre cerné toute l’étendue du désir qui leur brûlait continuellement les doigts quand ils étaient ensemble.

L’incendie se propageait toujours à une vitesse folle, lorsqu’ils se touchaient.

Edel rompit le contact de leurs yeux, s’extrayant le premier de cet intérieur en feu alors qu’elle ne pouvait cesser de l’observer. Ils savaient tous deux sur quel terrain dangereux ils s’aventuraient dès qu’ils s’approchaient trop près et elle finit par baisser la tête à son tour lorsqu’elle le sentit s’éloigner. Ses lèvres se pincèrent par pudeur, conservant toute l’incandescence de ce souffle qui les avait caressées, alors que la chaleur, elle, ne retombait pas vraiment.

C’était bien la première fois qu’ils se retenaient de quoi que ce soit. Sa bouche s’étira encore davantage à cette pensée.

Son sourire s’intensifia lorsqu’Edel lui confia l’étendue de ses talents en chant. Parce qu’elle imaginait d’ici la scène et qu’elle ne put s’empêcher d’en rire doucement. C’était peut-être une chose qu’elle pourrait lui enseigner, à l’avenir. Elle qui avait été baignée dans la musique du soir au matin, bercée par les bras de Maeve autant que par sa voix depuis son plus jeune âge. La justesse de ses sons s’était développée en parallèle de ses doigts qui se jouaient habilement de nombre d’instruments à cordes.

Mais c’était là l’un de ses secrets, de ceux dont peu de personnes connaissaient l’existence à part si elles avaient grandi à ses côtés.

La main du Serpentard vont attraper la sienne et la demie-velane se laissa volontiers emmener là où il le voulait. À chaque pas qu’elle faisait à l’extérieur, chaque brise qui caressait son visage, chaque odeur qui parvenait à ses narines, elle s’émerveillait. Il n’y avait aucun détail dans ce décor de carte postale qui ne la fascinait pas, aucune sucrerie qu’elle n’avait pas envie de dévorer, aucune senteur qu’elle ne voulait pas goûter.

Au milieu de ces gens qui célébraient avec bonheur ceux qui les avaient quittés, Siobhán se sentait étrangement à sa place. Parce que tous ceux qui marchaient dans cette rue avaient déjà perdu quelqu’un. Tous savaient à quel point personne n’était éternel, combien chacun était de passage sur cette terre. Et même s’ils avaient la magie de leur côté, que tout paraissait possible, il y avait bien une chose contre laquelle ils ne pouvaient pas lutter : la force de la nature, qui donnait avec ferveur avant de toujours reprendre ce qui lui appartenait.

Par bonheur, le vert-et-argent leur avait pris de quoi se sustenter, sur leur passage. Des mets sucrés comme des nuages qu’elle savoura aussi intensément que chaque moment vécu en sa compagnie. Ses yeux et son palais se régalaient alors que le paysage qui s’offrait à eux était aussi appétissant que ce qu’elle était en train de déguster. Elle avait posé ses chaussures, les tenant dans sa main, pour mieux laisser ses pieds ressentir tantôt la douceur et la chaleur du sable fin, tantôt la fraîcheur et la vivacité de l’océan, alors qu’elle relevait sa robe pour l’empêcher de tremper dans l’eau.

« Une cité ? Ici au Mexique ? », s’enquit-elle, saisissant cette perche qu’il lui tendait. « Tu y as déjà été pour leur rendre visite ? Comment c’est, là-bas ? »

Il ne parlait que très peu de lui. Alors, la moindre occasion était bonne pour l’encourager à en dire plus, à lui conter ce qu’il avait vu, à se raconter tout court alors qu’elle voulait tout savoir de lui. Siobhán ne saisissait que des morceaux de sa personnalité, ça-et-là, les assemblant comme elle pouvait pour constituer le puzzle qu’il était. Mais jamais elle ne le forçait. L’Irlandaise savait se satisfaire de peu de choses, car le peu que quelqu’un avait à lui offrir était déjà amplement suffisant. Pour le reste, son envie de savoir et sa soif d’apprendre s’en chargeraient alors qu’elle savait déjà qu’elle ferait ses propres recherches sur ces cités vélanes une fois de retour à Poudlard.

Les vagues venaient et repartaient dans un va-et-vient incessant avec lequel ses pas s’amusaient. Aucun silence n’était pesant en sa présence ; elle se délectait d’apprendre à les interpréter, se demandant à chaque fois quelle surprise Edel lui réservait.

Mais il fallait admettre qu’elle ne s’attendait pas aux prochains mots qu’il allait prononcer, à propos de sa mère.

Immédiatement, plusieurs possibilités la traversèrent alors qu’elle s’octroyait le temps de peser sa réponse. Que pouvait-elle bien dire à sa mère, si un jour, pour une raison comme une autre, elle cherchait à lui parler ?

Probablement, Siobhán lui demanderait d’abord de  revenir. De ne plus jamais partir. Même si elle savait bien que ça n’était possible que dans ses rêves, lorsqu’elle s’y invitait.

Elle pensa aussi à ces récentes révélations. Peut-être tenterait-elle d’obtenir des explications, rappelant à l’ordre sa mère en lui disant qu’elle n’aurait pas du demander à Luke de mentir à leur jumeaux, sur son lit de mort. Qu’elle aurait pu faire confiance à ses enfants. Qu’ils savaient prendre soin d’eux.

Mais au fond d’elle, Siobhán savait bien qu’elle ne lui dirait rien de tout ça.

« Les mots ne suffiraient pas je crois. Mais je pense que je commencerais par lui dire que je suis désolée. » Elle marqua une pause, comme pour se préparer à la suite. « Je ne peux pas m’empêcher de me dire que si elle n’avait pas eu un enfant de trop après Finn, elle serait encore là. »

Voilà comment elle se considérait.

En trop.

Elle baissa la tête, repensant aux images qui s’étaient imposées à son frère et elle au creux de cette pensine, alors que les vacances de février venaient juste de commencer. Malgré tout ce qu’avait pu lui dire son frère, cet arrière-goût de culpabilité était toujours là et ne la quittait pas. Mais le dire à haute-voix, dans ce lieu où les disparus étaient célébrés plutôt que pleurés, avait une saveur étrangement salvatrice.

« Et toi ? À qui tu voudrais parler et qu’est-ce que tu dirais ? »

Pour toute réponse, il s'était contenté d'un mouvement de la tête qui avait laissé Siobhán sur sa faim. C'était déjà la deuxième fois, depuis que le jour s'était levé. Mais elle resta silencieuse, simplement parce qu'elle n'était pas de celles qui s'immisceraient dans son intimité s'il n'avait pas au préalable donné son accord pour la partager. Pourtant, elle aurait aimé savoir comment il avait vécu l'absence de ce don qu'une grande partie de sa famille partageait.

Cette fois, cela n'avait rien à voir avec de la curiosité ou bien d'une envie de savoir pour s'en abreuver. Il s'agissait seulement de comprendre mieux celui qu'elle découvrait. Se forcer à se retenir n'était pas dans ses habitudes, mais elle considérait beaucoup trop Edel pour le contraindre à lui parler.

Le vert-et-argent vint l'arracher à ses pensées en la retenant par l'intermédiaire de cette main qu'il avait attrapée comme s'il ne l'avait jamais lâchée. Aussitôt, ses yeux rejoignirent les siens alors qu'il choisissait ses mots avec tendresse — toujours quand il s'agissait d'elle. Son visage s'appuya sur cette main qui frôlait sa joue et un sourire s'échappa rapidement de ses lèvres lorsqu'il mentionna le terme troll pour la quatrième fois depuis que le jour s'était levée — elle aimait bien compter ce qui était inutile, précisément lorsque ça ne comportait aucun intérêt. La main de Siobhán se laissa aisément porter jusqu'aux lèvres d'Edel, irradiant immédiatement son corps entier d'un frisson qui la surprit au vu de la chaleur qui régnait autour d'eux. Leur relation était faite de contrastes et d'extrêmes que l'un comme l'autre aurait tout le loisir de savourer.

Quelque chose pourtant la chiffonnait. Des silences continuaient d'exister dans l'air qu'elle respirait alors qu'Edel ne se donnait pas à apprendre. Siobhán avait compris à ses côtés que chaque mot comptait, mais elle ne pouvait s'empêcher de donner du poids à cette pensée qui ne la quittait pas. Il y avait ce je-ne-sais-quoi qui subsistait, dont elle avait besoin de s'assurer avant de lui apporter une réponse sur ses secrets les mieux cachés. Ses yeux toujours dans les siens, elle voulait lui montrer qu'elle n'était pas là pour appartenir au décor, que chacun de ses mots prononcés plus tôt étaient pensés au moins aussi forts que les siens.

« Tu sais que tu peux me parler, pas vrai ? », demanda-t-elle en serrant sa main plus fort qu'à l'accoutumée. « Je suis bien meilleure que mon frère pour garder des secrets. C'est important que tu en sois conscient. »

Il ne pouvait y avoir aucun doute à ce sujet, mais la nécessité d'insister sur ce fait était trop forte pour y résister. Edel devait se sentir en confiance à ses côtés.

Siobhán était un être entier et ne laissait que trop peu de gens entrer dans sa vie pour se permettre de les tromper. Dans tous les sens du terme.

« J'aimerais tellement connaître sa voix pour inventer ce qu'elle pourrait répondre. Mais à chaque fois que je l'imagine, elle est muette. », reprit-elle avec une pointe de mélancolie dans sa voix, parce que les photos ne parlaient pas. « Je sais ce que j'aimerais qu'elle me dise. J'imagine que c'est un début. »

Son cœur perdit à nouveau le rythme si régulier de ses propres battements lorsqu'il comprit qu'Edel garderait le silence. Aucun mot ne sortit de la bouche de Siobhán en retour. Ni jugement, ni empressement, alors qu'elle crut lire entre les lignes une vérité qu'il lui avait déjà laissé sous-entendre. Ce jamais qui avait déjà résonné en elle à la manière d'un toujours et qu'elle eut l'impression de déchiffrer à nouveau dans ses yeux en lui disant qu'ils avaient le temps.

Parce que cela voulait dire qu'il ne leur était en rien compté et qu'il s'ouvrirait à elle quand il serait prêt. Une petite moue ravageuse s'installa malgré tout sur son visage maquillé, s'effaçant à l'instant où il reprit la parole pour lui parler de sa mère.

Sans le savoir, il avait les mots justes, ceux qui la transperçaient systématiquement par leur vérité sous-tendue. Une partie d'elle craignait pourtant de livrer l'entièreté de ses secrets les mieux enfouis, précisément quand il lui laissait justement la possibilité de ne pas parler. Elle fit le choix de se prêter silencieusement à l'exercice auquel il l'avait invitée en dirigeant doucement ses propres mains vers ce bijou.

Lorsqu'il parlait de la berceuse de sa mère, elle se sentit fondre intérieurement sous cet amour tendre qu'il lui vouait, l'exprimant plus à travers la tonalité de sa voix que par des mots.

À cet instant, seule la voix de @Maeve Cynfeirdd trouvait son écho en elle. Pourtant, les fragrances qui parvenaient à son nez n'avaient rien à voir avec son parfum, cette fois-ci. Ces arômes lui étaient inconnus et elle sentit son intérieur se resserrer alors qu'elle avait l'intime conviction que c'était un extrait de sa mère qui l'envahissait. Sans savoir comment ni pourquoi ; elle savait. Et si elle se trompait, la sensation était de toute façon trop paisible pour être écartée.

Ce n'était pas un souvenir, plutôt une présence invisible qui provoqua en elle un véritable raz-de-marrée. L'océan qui glissait sous ses pieds finit par lui monter aux cils alors qu'elle fut saisie par une nouvelle pensée qui ne l'avait jamais effleurée jusque-là : sa mère la tiendrait-elle véritablement pour responsable de ce qu'il s'était passé, ou bien Siobhán était-elle la seule à se fustiger ?

Elle ne pouvait pas pleurer. Pas encore, pas maintenant, pas devant lui. Et si les larmes venaient à couler, elles ne seraient pas remplies de tristesse, uniquement du réconfort qu'elle avait trouvé dans les réponses qu'elle cherchait. Si elles n'étaient pas tout à fait déchiffrées, il étaient certain qu'elles seraient désormais ancrées à l'intérieur de cette cage dans laquelle elle s'était elle-même enfermée.

Edel était encore là lorsqu'elle ouvrit les yeux, mais il s'était éloigné. Ses mains se relâchèrent brusquement en rejoignant chacune leur côté. Siobhán prit le temps de l'observer, tant que lui même n'avait pas tourné son regard vers elle. Au-delà de l'emprise physique qui les réunissait, elle eut soudain l'impression d'être liée à lui d'une manière nouvelle, par la force d'une attirance qu'elle n'avait jamais ressentie auparavant pour quiconque. Mais ce fut la violence de l'une de ses pensées qui la transporta soudainement, alors qu'elle réalisait qu'il n'y avait qu'avec lui qu'elle aurait pu expérimenter ce qu'elle état actuellement en train de vivre. Aucun autre nom ne lui vint en tête, parce qu'il était le seul à l'avoir vue telle qu'elle était.

De jour, comme de nuit, sans jamais la juger.

Il l'avait comprise dès le premier jour, à l'instant même où il avait voulu lui barrer la route, voyant en elle ce que peu de gens avaient pris le temps de mettre en lumière jusque-là. Il la sublimait autant qu'il faisait battre son cœur.

Dans une cadence nouvelle, plus incertaine, mais en même temps tellement libératrice.

Elle leva la tête vers le ciel pour ravaler les larmes qui faisaient briller ses yeux. Aucune ne devait s'écouler. Pas encore, pas maintenant, pas devant lui. Pas après cette trêve avec elle-même qu'il venait de lui accorder. Parce qu'elle savait que ce n'était pas ce collier qui l'avait portée vers quelque chose de mieux.

C'était lui.

D'un pas lent, elle se rapprocha du vert-et-argent et se contenta de le serrer contre elle. Loin d'être habituée à de telles effusions de tendresse, la consonance de ce geste n'était pas ordinaire et s'éloignait du désir qui les embrasait, même s'il n'était jamais bien loin d'eux.

« Ce n'est pas que je ne veux pas t'en parler, c'est que je n'ai pas assez de vocabulaire pour le faire. Mais ça viendra, j'en suis sûre », lâcha-t-elle simplement, gardant la chaleur de cette position sans même bouger alors que son visage s'était niché sur le haut de son torse.

Il y avait dans sa phrase, des sous-entendus si profonds que même elle ne les percevait pas.

Quelques secondes, quelques minutes s'étaient écoulées quand elle décida finalement de s'éloigner. Tous les questionnements suscités par cette expérience étaient enfermés sagement à l'intérieur d'elle et attendraient le bon moment pour se révéler à nouveau.

Quand elle serait prête à passer à l'étape supérieure.

Quand elle pourrait accepter l'éventualité de se pardonner.

En attendant, alors que les vagues venaient lui chatouiller les pieds, une brusque envie de liberté la saisit.

« Viens avec moi. »

Jusqu'où ? Ses paroles ne le disaient pas. Loin de se laisser aller en la présence de celui qui la transformait en sa meilleure version, Siobhán entreprit de retirer les roses qui tenaient ses cheveux. Sa crinière retomba rapidement dans son dos, alors que sa robe suivant son mouvement avant d'atterrir sur le sol.

Elle ne garda sur elle que le strict minimum, l'équivalent d'un maillot de bain pour recouvrir ce que la décence voulait cacher. Et puis, sans réfléchir, elle se jeta à l'eau avant de disparaître comme une sirène dans les flots. À quelques mètres du rivage, dos à Edel, l'Irlandaise frotta son visage pour se débarrasser de ce qu'il restait de son maquillage avant de se retourner vers lui.

Il ne le voyait certainement pas de là où il était, mais ses yeux pétillaient alors que toutes les larmes qu'ils contenaient s'étaient évanouies dans l'océan. Sans qu'elles n'aient jamais coulé.