Second star to the right — Sheraz Mahal

Second star to the right

Sheraz Mahal

Le 02 avril 2023.

Chez les Korrigan, demander de l’aide était loin d'être une seconde nature et pouvait parfois s’avérer une tâche plus ardue qu’elle n’en avait l’air. La fierté gonflait leur ego à l’idée de pouvoir réussir par eux-mêmes ce que les autres croyaient impossible. Et entendre « tu n’y arriveras pas » les transcendaient au point de tout donner pour y parvenir.

Guidée, entre autre, par la vanité, Siobhán n’avait jamais eu besoin de quelconque coup de main. Elle maîtrisait assez ses cours à Poudlard pour être à l’aise dans toutes les matières. Et si lacune il y avait, elle trouvait toujours un moyen de les contrer.

Il y avait une discipline qui faisait néanmoins exception ces derniers temps : l’astronomie. Retenir la trajectoire des étoiles était une occupation à laquelle elle peinait à se vouer d’autant qu’elle en arrivait souvent à se demander quel impact ces savoirs pourraient bien avoir sur sa vie de sorcière avertie. Elle savait que la réussite d’une potion pouvait déprendre en grande partie de la position de la lune, mais elle ne comprenait pas l’intérêt d’aller au-delà de ces prescriptions. Naturellement ouverte d’esprit, elle avait l’impression de perdre son temps plus que de mesure dans ces cours où elle peinait à s’épanouir, préférant encore écouter, la plupart du temps, que de participer.

C’était assez rare pour être souligné.

L’élément déclencheur fut une mauvaise note, la première depuis son entrée à Poudlard. Frustrée et agacée, Siobhán avait attendu la fin du cours pour demander des explications au professeur, qui n’avait su quoi lui répondre à part « Ça m’a surpris aussi ». Mais il n’y avait rien de surprenant là-dedans. Elle était à côté de la plaque et elle n’arrivait plus à suivre. Pour elle, qui excellait dans tout ce qu’elle entreprenait, c’était une nouvelle assez difficile à digérer et elle avait eu beaucoup de mal à poser la question qui suivait :

« Sheraz Mahal participe beaucoup dans votre cours. Est-ce que ça vous semble être quelqu’un à qui je pourrais demander un peu d’aide à côté ? »

Ses yeux s’étaient allumés à la mention du préfet de Poufsouffle et l’enseignant aurait presque pu omettre de répondre ; cela n’aurait rien changé. Il n’y avait pas besoin d’avoir trois MULOTs en poche pour deviner ce qu’il s’apprêtait à lui dire. Sheraz était…

« L’un des plus brillants étudiants que j’ai pu connaître, sans aucun doute. »

Le visage de la vélane s’était durci sous les effets de la jalousie et ses yeux bleus fusillèrent son interlocuteur du regard. Au-delà de ses lacunes, elle aurait pu se rendre malade à l’idée de ne pas être la première et de ne rien pouvoir faire par elle-même pour y remédier.

Poussée par la violence des aveux qu’il lui avait bien fallu finir par se proférer à elle-même, elle avait attendu les vacances pour mener une petite discussion en compagnie de l’élève qui brillait probablement autant qu’une étoile, en astronomie. Et, forcément, ce fut à la bibliothèque qu’elle le trouva. Siobhán prit une grande inspiration avant de s’approcher de la table où il s’était assis, mettant de côté sa rancœur, tant il lui coûtait de s’adresser à quelqu’un d’autre pour un soutien de cet acabit. Oubliant même la nature du sang qui coulait dans ses veines alors qu’elle s’apprêtait à s’adresser à un homme, elle remonta les livres qu’elle tenait sur sa poitrine avant de lui demander :

« Sheraz ? Excuse-moi de te déranger… je peux te parler une minute ? »

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ANAPHORE

Il était revenu de l'IDEM comme toujours la tête pleine d'idées et de rêves. Il avait reçu le rapport d'évaluation de M. Vorpe qui était plutôt positif et Iris, la secrétaire, l'avait d'ores et déjà informé qu'il y aurait un petit battement avant qu'il ne rencontre son prochain tuteur. Un certain Lennox McGregor ( @Jameson Clearwater ). La faute à un petit contre-temps dans le rapatriement de l'expédition que ce dernier dirigeait, si Sheraz avait bien compris. Il aurait donc deux semaines à meubler en proposant son aide aux uns ou en se faisant le plus petit possible pour suivre les travaux des autres. Pas d'expédition surprise ni de grandes aventures en tout cas ( @Dani Thompson ). Il s'était préparé à un avant-weekend posé au laboratoire de botanique avec Ana Souvorov, avec qui il semblait toujours être en symbiose intellectuelle. Evidemment, cela ne s'était pas du tout passé comme ça. Posé, n'était pas un adjectif très réaliste quand on travaillait à l'IDEM. Ana avait progressé dans les recherches sur l'étrange cerf qu'elle avait découvert. Suffisamment pour préparer son intervention à l'Exposition Universelle des Sciences Magiques. C'était une grande fierté pour tout le laboratoire de botanique même si du côté des magizoologistes on grinçait un peu des dents. La perspective qu'une créature magique puisse être en fait une plante avait quelque chose de très galvanisant pour Sheraz, quand bien même la botanique n'était pas son domaine de prédilection. Le malheureux avait une fascination affichée pour les plantes et les créatures magiques mais il collectionnait les notes médiocres dans ses deux matières chaque fois qu'il était question d'examen pratique. Comme si d'un simple regard, il avait eu la capacité de faire mourir instantanément un cactus. C'était d'ailleurs un peu le cas, sa mère lui interdisait même de s'approcher du petit jardin d'hiver qu'elle chouchoutait depuis des années.

C'était justement dans l'idée de travailler ces lacunes qu'il s'était rendu à la bibliothèque mais une chose en entraînant une autre, il avait complètement délaissé l'exemplaire du petit tome publié par son amie de l'IDEM, happé par la redécouverte d'un cadeau de son coloc @Michel-Ange Grimm soigneusement gardé dans son sac pour ses rares heures inoccupées. Evidemment qu'un traité de botanique, si immersif soit-il, ne pourrait jamais l'emporter sur son sujet de prédilection : la Mécamagie.

Retirant le petit marque page avec délice, Sheraz se reporta directement au chapitre des rouages, qu'il avait entamé un peu plus tôt dans la semaine. Il s'apprêtait à s'y plonger complètement quand une fois féminine le détourna de ses projets.

Il leva le nez et ce fut la Bérézina.

Les cheveux du métamorphomage virèrent au jaune poussin dans une éclosion silencieuse, sa gorge s'assécha et se noua, ses mains devinrent moites au point qu'il se hâta de les escamoter sous la table de peur 1/ d'abîmer son livre, 2/ d'abîmer son image déjà suffisamment pitoyable.

Fallait-il que sur toutes les filles qui auraient pu vouloir lui parler une minute (autant dire un pourcentage très faible de la population poudlarienne), ce soit précisément Siobhán qui vienne lui adresser la parole ?

Conscient de l'horrible contraste de couleur qu'il offrait en spectacle, Sheraz avait trop chaud. Il avait soudain une envie pressante. Il avait surtout envie de disparaître dans un trou de doxy mais il fallait qu'il lui réponde quelque chose pour ne pas passer pour encore plus demeuré qu'il ne devait déjà paraître.

C'était qu'on parlait précisément de cette Siobhán à cause de qui il avait failli se péter le coccyx à la cérémonie des répartitions, en s'asseyant à côté du banc parce qu'il avait les yeux rivés sur la charmante créature qui se présentait au Choixpeau juste après lui. Ou encore cette Siobhán-là à qui il n'adressait jamais la parole parce que le temps que leur chemin se croise, il avait déjà fondu d'angoisse comme neige au soleil. Toujours la même Siobhán à qui il avait failli demander quelque chose au bal de Yule mais qui s'était retrouvée - et tant mieux - à trouver tout naturellement la compagnie d'un @Xris Andērson beaucoup plus charismatique que lui au demeurant. Le delta était même stratosphérique entre les deux jeunes hommes. Là où Xris était une super nova, Sheraz était un trou noir même pas super massif, remarquable par ce qui gravitait autour de lui et par son charme totalement invisible.

Il déglutit péniblement.

« Qu'est-ce que j'ai fait ?! », les mots s'étaient jetés hors de sa bouche avec une telle précipitation qu'ils auraient tout aussi bien pu n'en former qu'un seul, étranglé, presque indéchiffrable. Il fallait qu'il se reprenne. « O-oui, b-b-ien bien sûr. J'faisais rien toute façon... »

Les deux tomes qui s'impatientaient devant cette scène navrante contredirait cet alibi cousu de fil blanc...

Un instant, il douta de ce qu'elle avait vraiment voulu dire alors pour ne pas donner l'impression qu'il était trop heureux qu'elle lui adresse la parole, il se sentit obligé de rajouter.

« Vas-y. Ou plus tard. Comme tu veux. »

De nervosité, il bouscula le clepsydre de poche qu'il avait posé sur la table en prévision d'un devoir d'arithmancie qu'il avait à rendre dans la semaine. Pourquoi avait-il voulu remettre ses mains sur la table ?

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Sheraz Mahal

Le 02 avril 2023.

Il était difficile de manquer les talents d’un métamorphomage quand on en voyait un. Il avait suffit que les cheveux de Sheraz virent de leur habituelle teinte ébène à un jaune vif prononcé pour rappeler à Siobhán que les pouvoirs du Poufsouffle ne s’arrêtaient pas au maniement d’une baguette ou à la réalisation d’une potion. Il était bien plus que ce que son apparence laissait à penser, résumant à la perfection l’écueil selon lequel on avait coutume de dire que l’habit ne faisait pas le moine.

À l’instant où sa capacité hors du commun se manifesta, Siobhán eut un mouvement de recul, et vint se heurter au mobilier juste derrière elle, se retournant précipitamment pour s’assurer que rien n’allait tomber. Cette entrée en matière était pour le moins… inattendue, elle qui avait les dents serrées à la seule idée de venir s’enquérir d’un soutien scolaire.

Sa propre attitude la révulsait, tant elle connaissait tous les tourments d’un don mal contrôlé, elle-même sentant parfois ses charmes se libérer au moment où elle le voulait le moins. La seule différence, c’est que le hasard avait veillé à ce que cela ne se produise que lorsqu’elle était entourée de gens de confiance et que récemment, ce genre de déconvenues ne s’était opéré qu’en présence d’@Edel Almadovar, qui ne lui était pas sensible pour un sou.

Enfin, du moins, pas comme ça.

En pensant à lui, son cœur se serra, bien qu’aucune émotion ne transparaissait sur son visage.

Il lui manquait déjà beaucoup trop fort, c’était indéniable.

Pour toute réponse, elle afficha un petit sourire adressé au Poufsouffle, sincère, rassurant, mais un peu plus pincé qu’elle ne l’aurait voulu à cause de ses pensées, tentant tant bien que mal à son tour de contenir ce qu’elle était et de sauver les meubles.

Si @Saúl Ochoa avait réussi à lui laisser son libre-arbitre lorsqu’ils s’étaient vus, c’était bien qu’il y avait un moyen de contrôler l’attrait qu’elle suscitait. Sheraz était clairement en train de subir ce qu’elle avait cherché à ne pas imposer à qui que ce soit pendant toutes ces années. Et de ce qu’elle avait vu en cours et pendant leurs enseignements communs, il était assez bon pour ne pas mériter qu’on se joue de lui comme elle le faisait — bien qu’involontairement.

N’importe qui aurait pu cerner en lui un être passionnant et passionné. La flamme du savoir brûlait à l’intérieur de sa personne et elle n’avait de limite que sa timidité, la même dont il semblait faire preuve devant la vélane qui lui faisait face. Sans cette pudeur qui le caractérisait, il y avait fort à parier que Sheraz, une fois lancé comme une comète, aurait pu allumer la plus sombre des nuits. Il était de ceux dont le cerveau ne s’éteignait jamais, un puits de connaissances qui restait couvert parce que personne n’avait jamais cherché à savoir ce qu’il renfermait.

D’un geste doux, elle ramassa le petit objet qu’il avait fait tomber sans le faire exprès.

« Je suis désolée si je t’ai fait peur. »

Elle l’était vraiment. Même si la jalousie l’avait poussée à nourrir de mauvaises pensées à son égard, il pouvait voir dans son regard qu’elle pensait ce qu’elle disait. Elle s’excusait littéralement d’être ce qu’elle était, mais ça, Sheraz ne le verrait probablement pas. À part s’il avait caché des dons de legilimancie en plus de sa metamorphomagie mal maîtrisée.

Définitivement, être une vélane si peu à l’aise avec les hommes s’avérait parfois une véritable tannée.

À ce stade de leur premier échange, rebrousser chemin semblait l’option la plus adaptée si ça ne constituait pas dans le même temps un véritable manque de politesse effronté. Disparaître était tout aussi tentant, mais invraisemblable et, somme toute, peu probable. Il n’y avait plus qu’à laisser la gêne s’imposer en tentant de limiter les dégâts pour la suite. Pour ce faire, elle préféra rester à une distance raisonnable, consciente que plus elle se tiendrait éloignée, plus simple ce serait de lui faire oublier la fascination montée de toute pièce qu’il nourrissait bien malgré lui à son égard.

« Si tu veux, je peux repasser… Enfin ceci dit, tant que je suis là, ça ne prendra pas longtemps. » Quitte à avoir fait tout ce chemin psychologique et physique, autant aller jusqu’au bout. « Je voulais juste savoir si tu voulais bien… m’aider un peu en Astrologie. J’ai pris un peu de retard sur les derniers cours et tu as l’air d’être doué alors… »

On sentait dans sa voix toute la difficulté que ces mots avaient à sortir, mais elle continuait tout de même, pour ne pas qu’il se sente forcé. Dans un sens, faire appel à quelqu’un de moins brillant l’arrangerait probablement pour qu’elle puisse avoir tout le loisir de ne pas se sentir inférieure.

« Tu as tout à fait le droit de dire non… »

Ça paraissait évident mais autant le dire à haute voix pour ce que ce soit clair. En attendant sa réponse, elle laissa ses yeux vagabonder sur le bureau qu’il occupait et fut agréablement surprise de ce qu’elle y découvrait.

« C’est un livre de botanique que je vois là ? », demanda-t-elle en désignant l’ouvrage du visage, avec un petit sourire. « Est-ce qu’il y a une matière dans laquelle tu ne brilles pas ? »

Une partie d'elle — probablement la même qui l'avait envoyée à Serpentard — espérait secrètement qu’il répondrait par la positive à cette dernière question.

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ANAPHORE

« Peur ? Moi ? », il eut une espèce de ricanement qui voulait montrer à quel point il maîtrisait la situation... « Mais pas du tout ! »

L'affreuse couleur criarde de ses cheveux dénonçait ce déjà piètre mensonge mais il continuait de ramer de son mieux pour ne pas passer pour encore plus con qu'il n'avait déjà l'air. Il avait à peine pu balbutier un mot de remerciement quand la divine serpentard avait ramassé son clepsydre. En tout cas, elle, avait l'air sincère. Il pouvait le voir même s'il ne parvenait pas à soutenir vraiment son regard. Bizarre tout de même, elle n'avait rien fait de spécial si ce n'était être là. En soi ça ne pouvait pas lui être reproché. Pour lui c'était déjà oublié, principalement parce qu'il n'arrivait de toute manière à penser à rien en sa présence.

Elle lui expliqua ce qu'elle voulait en prenant quelques détours qu'il ne remarqua pas. Les grands yeux noirs de Sheraz la fixaient bêtement, battant des cils de temps en temps signe qu'il était encore vivant. Au point qu'il manqua presque donner une réponse tout court. Raison pour laquelle, sans doute, elle lui rappelait qu'il pouvait refuser. Refuser de passer du temps avec elle ? Il en était incapable. Pourtant une partie de lui hurlait que c'était une très très mauvaise idée. Il allait encore passer pour un demeuré et se donner en spectacle. C'était tout ce qu'il détestait. Mais en même temps, elle était tellement belle...

« Non non, ce serait... avec plaisir. », le rythme irrégulier de ses mots abîmait encore un peu plus l'image qu'il essayait de donner de lui-même. Conscient de cela, il ferma les yeux et inspira profondément, recentrant ses pensées sur l'astrologie, cette sous branche de l'astronomie dans laquelle il excellait uniquement grâce à une chose... « Tu n'auras qu'à me dire à partir d'où tu voudrais qu'on reprenne. On peut commencer quand tu veux. », répondit-il, plus posé mais évitant toujours de la regarder dans les yeux. Il allait s'habituer, avec un peu de temps, un peu de pratique...

Finalement, ce fut elle qui lui ouvrit la voie. Lui parler d'études était sûrement la meilleure chose à faire pour le rasséréner.

« Oui. L'auteure est une très bonne amie. Une fille vraiment brillante... », curieusement, avec Ana Souvorov il n'avait jamais eu de problème de cheveu ou d'élocution. D'ailleurs, l'affreuse couleur jaune poussin commençait à disparaître, mèche à mèche. Il avait quand même plus d'allure avec ses cheveux noir de jais, « Ben justement, la botanique me met plus bas que terre. C'est dingue parce que j'ai la théorie sur le bout des doigts mais alors la pratique... c'est désespérant. Un peu comme en Soins aux Créatures Magiques d'ailleurs. C'est à tel point que la prof s'arrange toujours pour faire en sorte que ses plantes ne passent pas entre mes mains. Elle n'a rien dit mais je l'ai remarqué... »

Il s'interrompit, réalisant qu'il venait de parler à Siobhán. Vraiment lui parler. Pas particulier trois mots échevelés au bout d'un moignon de phrase. Il faudrait qu'il remercie Ana pour les vertus insoupçonnées de son bouquin.

« Du coup elle m'a conseillé son livre. C'est un précis de botanique immersif. L'avantage avec ça c'est qu'il n'y a pas de risque pour les plantes... Tiens regarde. »

Ce disant, il lui tendit le livre. Sur la couverture, les feuilles se balançaient doucement au gré d'un vent qu'on ne pouvait pas sentir. Un avertissement accueillait le lecteur en préface.

Cher lecteur, pour votre sécurité si vous choisissez d'entrer complètement dans ce livre, nous vous recommandons d'en avertir un proche ou tout personne à même de s'assurer de votre bon retour. En vous souhaitant une belle immersion...

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Sheraz Mahal

Le 02 avril 2023.

En plus d'être brillant, Sheraz semblait tout ce qu'il y avait de plus gentil. Siobhán mettait ses réactions parfois étranges sur le compte de ce don qui la dépassait souvent, sans prendre conscience un seul instant que son existence ne se résumait pas au sang de vélane qui courrait dans ses veines et qu'elle avait tout le loisir d'être un peu plus que ça.

En sa présence, il arrivait parfois que les gens se mettent à dire des choses insensées et c'était généralement à ce moment précis qu'elle se retirait. Mais cette fois, elle avait à faire à un Poufsouffle bien loin de l'image ragoûtante dépeinte par le piètre auto-portrait de @Michel-Ange Grimm lors de leur seule et ultime discussion. Un petit sourire naquit sur le visage de la vélane à cette pensée ; elle n'était pas du genre à faire le premier pas vers les gens, mais quand elle le faisait, elle se trompait rarement, et cette idée suffit à éloigner les mauvaises pensées qu'elle avait eu pour le garçon qui lui faisait face. Elle sourit plus largement en voyant qu'il acceptait sa demande, quelque part rassurée de pouvoir améliorer ses notes en la matière. Elle ne s'approcha pas pour autant, préférant rester à une distance raisonnable alors que le jaune-et-noir semblait s'être calmé.

« Merci », lâcha-t-elle simplement mais sincèrement en appuyant son épaule contre le rayon de la bibliothèque. « En fait, j'ai complètement décroché sur le programme de cette année. J'ai eu de la chance de passer entre les branches du filet du diable jusqu'ici mais je crois bien que c'est terminé. J'ai eu une note vraiment mauvaise au dernier devoir et j'aimerais bien que ça ne se reproduise jamais », ajouta-t-elle d'un air sombre alors que sa voix faiblissait à mesure que son discours se poursuivait. « Quand est-ce que tu es disponible ? »

Elle aurait voulu qu'il répondre « Maintenant » pour gagner du temps. Une simple observation suffisait pourtant pour déduire que Sheraz était entré dans la bibliothèque à d'autres desseins. Elle avait même ramassé l'un des indices qui prouvait qu'il avait probablement autre chose à faire que de l'écouter et de lui donner des cours quand elle l'avait décidé.

Mais elle était curieuse ; curieuse d'apprendre, d'abord, mais aussi curieuse d'écouter celui dont on lui avait chaudement recommandé les compétences, même si il lui avait déjà été donné de l'observer en cours. Sheraz avait très souvent la main levée, comme elle d'ailleurs, et il n'était pas rare que les deux étudiants se disputent la parole involontairement. Ils ne se vouaient à aucun duel, mais il semblait que ces deux pouvaient facilement se laisser entraîner par les élans de leur savoir.

Maintenant que Sheraz le disait, il était vrai qu'il y avait bien deux matières dans lesquelles il était moins présent qu'à l'accoutumée. La botanique et le soin aux créatures magiques étaient deux des matières dans lesquelles Siobhán excellait, avec la métamorphose, et où Sheraz brillait un peu moins, notamment lors des exercices pratiques.

Elle n'y avait jamais fait attention avant.

Mais à la mention de l'une de ses auteures préférées, les pensées de Siobhán s'interrompirent. Elle ne put s'empêcher d'attraper le petit récit qu'il lui avait tendu, effeuillant rapidement ses pages qui glissaient entre ses doigts.

« Quoi, tu connais Ana Souvorov ? Comment ça se fait ? C'est elle qui t'a donné ce bouquin ? Je dévore tous ses ouvrages ! Je suis fascinée par la qualité de son écriture, elle arrive à faire sentir l'odeur des plantes rien qu'avec des mots. Vraiment, je l'adore ! », s'émerveilla la vélane qui se laissait aller par ses élans passionnés.

Relevant ses yeux vers Sheraz, la jeune femme referma le bouquin bien qu'elle était mordue par l'envie de le lire là, tout de suite, maintenant. Mais elle fit taire ses envies, se forçant à reprendre un air plus sérieux en tendant à nouveau le recueil à son camarade et en se raclant légèrement la gorge.

« Je n'ai pas encore eu de mauvaise note en botanique », constata-t-elle avec modestie en haussant légèrement les épaules. « Si tu veux, je pourrai t'aider pour le prochain cours sur le dictame ? Les plantes ont parfois juste besoin de compagnie, tu sais. Il n'y a pas forcément besoin d'avoir la main verte. Juste de comprendre leurs besoins. Comme avec les humains, finalement... »

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ANAPHORE

Il la regardait malgré lui assez amoureusement mais, fort heureusement, le sentiment se perdit comme il écoutait ce qu'elle lui expliquait avec l'envie sincère de pouvoir aider. Un petit sourire naquit sur ses lèvres et, oubliant à qui il parlait, il se permit ce petit spoiler.

« Tu sais, tu n'es pas la seule à avoir décroché cette année. Le prof a drôlement poussé sur les abstractions magiques. Ca n'aide pas. Si je peux te donner un conseil, avec de solides bases en astronomie et en mythologie grecque, tu t'en sortiras toujours en astrologie. », il en était convaincu parce que pour tout dire, il avait un goût très peu prononcé pour les matières liées de près ou de loin à la divination. « On peut commencer tout de suite si tu veux ? », répondit-il comme elle lui demandait ses disponibilités.

Il aurait tout abandonné pour se rendre disponible pour elle. Bien sûr, il n'allait pas balayer le contenu du petit bureau pour faire place net mais ça n'était pas loin.

« On pourrait reprendre des basiques plutôt que de replonger directement dans le Thème et la Version Astrale ? Tu es au point sur tes tables astronomiques par exemple ? », rien de bien méchant à ses yeux mais il savait que pour certains la rédaction des éphémérides était une vraie prise de tête.

Il lui adressa un petit sourire niais, qui se voulait accueillant. Après tout, il y avait même une chaise vide à cette table. Les planètes étaient parfaitement alignées. Siobhán ne manqua pas de s'intéresser aussi à son cas à lui et, s'il n'était pas toujours à l'aise quand on lui posait des questions sur lui, cette fois-ci, il se confia plutôt aisément. Son dépit transparaissait dans sa voix mais à la mention de son amie Ana, un nouveau souffle d'enthousiasme s'empara de lui.

« Elle est brillante hein ? J'ai intégré un programme spécial à l'IDEM en Septembre dernier. Je savais pas qu'elle y travaillait à plein temps. La dernière fois que je l'avais vue c'était à la remise des diplômes. Enfin bref, de temps en temps elle me tolère dans son labo malgré ma propension à faire crever tout ce qui pousse autour de moi ahah. » quand il y repensait, il se sentait vraiment chanceux que son amie ferme les yeux sur ses incompétences et qu'elle ait suffisamment de patience à lui consacrer, « Je pourrais te la présenter si tu veux. », lança-t-il à la volée juste avant de se dire qu'il s'emballait peut-être un peu.

Revenant au sujet principal de la conversation, à savoir leurs études respectives, Siobhán lui confia ses astuces à elle ce qui eut le don de le faire franchement rire cette fois-ci.

« Alors c'est pas étonnant que je ne brille pas sur le sujet. », releva-t-il, clairement conscient de son manque de souplesse quand il s'agissait d'exercer ses talents de sociabilité. Il pouvait aller facilement vers les autres mais il était vrai qu'il pouvait se montrer maladroit parfois ou manquer d'empathie, « Tu sais c'est vraiment terrible pour quelqu'un comme moi. Je veux dire : les créatures et les plantes c'est presque l'essence même de la magie pour un né moldu. Je connais pas une saga de high fantasy qui fasse l'impasse là-dessus. »

C'était vraiment pas de bol quand même...

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Sheraz Mahal

Le 02 avril 2023.

Le temps passait et Siobhán se surprenait à penser que ce moment ne s'avérait pas si désagréable qu'elle l'avait au départ imaginé. Si admettre ses lacunes était une véritable tannée, Sheraz lui donnait l'image d'un être tout ce qu'il y avait de plus cultivé et il était plaisant de l'écouter. Elle comprenait tout à coup beaucoup mieux pourquoi l'enseignant avait affiché ce petit regard gonflé de fierté à la simple mention de l'étudiant. L'étendue de ses savoirs rappelait douloureusement à la vélane tout ce qu'elle avait manqué alors qu'elle craignait de ne pas comprendre tout les mots qu'il était en train de prononcer.

« De solides bases en astronomie et en mythologie grecque, tu dis, hm... » Voilà un socle de connaissances robuste qu'elle était bien loin de posséder, même si elle envisageait un instant de faire semblant. « Ok. Avec plaisir. »

Sans davantage réfléchir, percevant non sans difficulté qu'elle n'avait pas eu le plaisir de se doter de ces bases qu'il mentionnait, l'Irlandaise attrapa la chaise à ses côtés et la tira vers elle, se rapprochant au minimum de ce qu'elle pouvait, en s'octroyant un minimum de place au niveau de l'angle de la table. Sheraz allait probablement s'imaginer qu'elle le fuyait comme la peste mais elle préférait encore qu'il se fasse de fausses idées plutôt qu'il ne se mette à lui raconter qu'il avait escaladé le Kilimandjaro à dos de dirico comme ça lui était déjà arrivé. Ses livres vinrent se poser avec fracas sur l'espace limité qu'elle s'était allouée avant de se tourner vers lui pour lui adresser un petit sourire pincé quand il fit mention des tables astronomiques.

« Les tables d'ast... Oui tout à fait », lâcha-t-elle fermement dans un premier élan immédiatement regretté. Que l'égo et la fierté pouvaient pousser les individus à se donner en ridicule. « Pardon. Non, en fait… » finit-elle par admettre, non sans ressentir une pointe de honte jusque dans sa voix. « Je veux bien qu'on en revienne aux bases, tout ce qui touche à ce domaine reste obscur pour moi… Et je ne te parle même pas des trous noirs. »

Ne restait plus qu'à espérer que Sheraz ne lui tiendrait pas rigueur de ce léger écart et qu'il comprendrait qu'elle n'était vraiment pas à l'aise à l'idée de demander de l'aide. Heureusement, tout éclat de gêne passagère fut absorbé lorsqu'il relata un peu plus en détail ses liens avec l'une de ses auteures préférées. Abasourdie, elle tenta son engouement à l'idée de la rencontrer :

« Donc c'est ta collègue en quelques sortes ? Sheraz, il faut absolument qu'on fasse quelque chose pour que tu arrêtes de tuer ses plantes. Ça ne peut pas continuer, pas devant quelqu'un comme Ana. Même les géraniums dentus méritent d'avoir une belle vie. » Elle fit une pause marquée avant de lui faire comprendre qu'elle n'était pas du tout passée outre sa proposition : « Tu penses que ce serait possible et qu'elle accepterait ? » Ses sourcils se fronçaient pour cacher toute trace d'enthousiasme.

Mais s'il avait bien observé sa réaction passée à la découverte de cet herbier, Sheraz se douterait probablement que son état excitation allait bien au-delà de ce qu'elle voulait lui montrer.

Elle fut ramenée à la réalité par le rire du Poufsouffle, sans qu'elle ne sache déterminer s'il se moquait des techniques qu'elle venait de lui donner ou bien s'il s'agissait d'une explosion sincère. Dans le doute, elle se garda de lui répondre, préférant encore rebondir sur sa position de né-moldu, elle qui n'avait jamais connu rien d'autre que son monde de sorciers depuis qu'elle était née. « Une saga de quoi ? »

Elle rapprocha très légèrement sa chaise, gardant toujours la distance de sécurité qu'elle s'était imposée. « Je ne savais pas que tes parents étaient des moldus. C'est d'autant plus fascinant que tu sois aussi brillant... Ok, partout sauf en soin aux créatures magiques et en botanique », rectifia-t-elle en cours de route, en riant doucement. « Je t'ai dit que c'était comme avec les humains mais ce n'est pas parce que tu t'en sors bien avec eux que tu t'en sortiras avec les plantes ou les animaux et inversement. C'est beaucoup plus... profond que ça. Et je pense que ça commence par la compréhension de notre place dans le monde, dans son écosystème, et ce que cette position peut nous apporter. Ensuite, c'est mettre en œuvre beaucoup de sensibilité, d'intuition, d'empathie, pour comprendre les signaux de la nature, qui finira toujours pas te le rendre au centuple, c'est... »

Ses yeux s'étaient perdus dans son récit, sans même qu'elle ne s'en rende compte. Siobhán réalisa si brutalement sa perte de contrôle qu'elle avait arrêté sa phrase en plein vol, non sans manipuler la bague marquant profondément le pourtour de son doigt et remettre en place ses effets sur le bureau alors qu'ils n'avaient pas été franchement dérangés.

Le monde qui l'entourait s'était imposé à elle bien trop brusquement. Ses paupières furent forcées de cligner plusieurs fois avant d'en reprendre conscience.

« ...Indéniable. »

Si quelqu'un le savait, c'était bien Siobhán. Après tout, c'était elle qui avait, jusqu'à cette année, préféré s'entourer de fantômes, de portraits, de créatures magiques et de plantes, plutôt que d'humains faits de chair, d'os, et d'une soit-disant moralité.

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ANAPHORE

Il pouvait lire à ce petit sourire pincé qu'il avait visé juste. Pourtant, Miss Korrigan commença pour vouloir faire bonne figure, prête à lui faire avaler n'importe quelle couleuvre pour préserver les apparences. Si elle avait volontiers souscrit à l'idée de se concentrer sur les bases, il n'était pas si simple de s'ouvrir sur ses lacunes par le menu. Parce qu'il était en admiration devant la jeune femme, Sheraz aurait voulu trouvé l'attitude du mec cool et laisser passer ça sans relever. Mais parce qu'il manquait cruellement de tact, il ne put s'empêcher de lui adresser une petit moue dubitative, ses yeux noirs de jais allant interroger le néant sur sa droite avant de revenir à la jeune femme qui revint presque immédiatement sur le chemin de la transparence. Sheraz lui offrit un sourire :

« Y a aucun souci. C'est cool. Tu peux être transparente avec moi je serais muet comme une tombe. », en même temps il fallait dire que leur cercle de connaissances n'étaient pas près de se toucher alors elle pouvait être tranquille. « Alors regarde ce qu'on va faire... »

Et le jeune homme commença à lui réexpliquer les grands principes, passant du modèle théorique, à l'observation, à la représentation du mouvement pour finir par le choix du poste d'observation. Bien malgré lui, il ne pouvait s'empêcher d'imaginer tout ce qu'il y aurait de romantique à se trouver en pleine nuit au sommet de la tour d'astronomie à observer les étoiles avec elle. Mais de ça, il ne fit bien sûr pas mention.

« En fait, de jour comme ça ça reste très abstrait. Attends, je vais te trouve un bouquin, je reviens. », il disparut dans les rayonnages quelques minutes avant de revenir avec un petit fascicule bleu nuit. Sur la couverture, des lettres d'argent scintillaient légèrement, formant le titre : Catalogue Astromagique de Nigellus Brightstar, « Celui-ci est assez bien tu verras. Il dresse une cartographie mouvante des étoiles et constellations majeures, avec des références assez précises. Lis-le, et essaie de choisir une constellation que tu pourrais reconnaître facilement. Une forme simple ou atypique par exemple. Tu n'auras qu'à revenir me voir ou m'envoyer un message quand tu auras fait ton choix et je m'arrangerai pour qu'on puisse aller faire une observation... », allait-il oser le suggérer... Sheraz déglutit puis s'éclaircit la voix, pour se redonner une contenance, « A la tour d'astronomie... un soir. Si t'es okay bien sûr. »

Il baissa les yeux, s'efforçant de ne pas virer au pivoine ou diable sait quelle autre couleur. Il fallait vraiment s'efforcer de ne penser qu'à l'astronomie et non au fait qu'il venait peu ou proue d'inviter Siobhán Gavalagh-Korrigan - oui il avait retenu son nom en entier et alors ? à passer la soirée avec lui. Glup. Les tables astronomiques. Nigellus Machin. La gravité. Redescendre sur terre. Ouf. Il l'avait échappé belle.

Au-delà de leurs petits sujets d'étude, Sheraz avait d'autres cartes en main pour susciter un peu d'intérêt. Mais disons que celles ci lui échappaient malencontreusement plus qu'il ne les jouait, lui qui avait pourtant l'habitude de bien peser et réfléchir les choses.

« Mais bien sûr qu'elle acceptera. J'y suis justement ce samedi si ça te dit. »

Décidément, il n'en finissait plus de l'inviter mais cette fois, il ne lui fallut aucun effort de concentration pour éviter le dérapage métamorphomagique. Le simple fait de se dire qu'il avait convenu d'un rendez-vous avec Ana Souvorov sans lui demander son avis était un castrateur encore bien plus efficace. Dans sa petite tête, la cervelle de moineau que lui avait laissé la jolie rousse carburait à 300% pour trouver comment y mettre les formes pour que son amie botaniste accepte. Et il le fallait. Sinon il passerait pour le dernier des crétins. Mais si elle n'acceptait pas il faudrait qu'il invente quelque chose. Un empêchement. Une gastro botanico-magique. N'importe quoi. Du moment que son histoire tenait aux yeux de Siobhán. Il trouverait bien quelque chose le moment venu.

La conversation se poursuivit, suivant la pente - boueuse ? - mais naturelle de la botanique puis sur une pente, plus douce, ce furent ses origines moldues qui s'invitèrent dans l'échange.

« C'est euh... comment je vais expliquer ça ... en gros des séries de bouquins énormes avec des aventures épiques, de la magie, des êtres de différentes origines qui se retrouvent à faire équipe dans un but noble... C'est pas rendre hommage à la fantasy de résumer ça comme ça. Si tu aimes lire je pourrais te prêter le tome 1 des Chants de la Belgariade si tu veux. Les auteurs ont une plume hyper accrocheuse... ou alors le Château de Hurle. C'est un tout petit bouquin... mais franchement l'animé est dix fois mieux que le livre... désolé je sais pas pourquoi je te raconte tout ça. C'est des trucs de nerd j'imagine. Faut pas hésiter à me couper sinon je vais partir trop loin là. », s'excusa-t-il, éteignant de lui-même les étoiles qui s'étaient allumées dans ses yeux à l'évocation de ces ouvrages cultes, du moins pour lui.

Il se passa la main dans les cheveux, ses mèches - toujours noir de jais - presque liquides entre ses doigts. Il était un peu gêné, mais pas autant que ça. Peut-être parce qu'elle était beaucoup plus abordable qu'elle n'en avait l'air de loin. Il s'étonna qu'elle découvre qu'il était né moldu. Il avait parfois un peu l'impression que c'était écrit sur son front.

« Je sais pas. Je pense qu'être né moldu me rend d'autant plus curieux de tout ça. C'est bien ce qui me désespère avec la botanique et les créatures magiques. C'est un peu comme un rêve de gosse. Le truc complètement impossible dans la vraie vie. Ben typiquement un pitch classique de fantasy : le gamin qui se découvre des pouvoirs ou qui tombe par hasard dans un monde magique. T'imagine même pas combien de livres, de films, de séries il doit y avoir sur le sujet. Narnia, Alice, Once Upon A Time, Supernatural ! the Magicians ! l'Histoire sans fin !! Peter Pan, Richard au pays des livres magiques... je sais pas ce que vous pourriez avoir d'équivalent comme aspiration dans le monde magique, mais pour moi, être ici c'est... un enchantement constant. Enfin sans mauvais jeu de mots. »

C'était quelque chose que les autres ne comprenaient pas, tout simplement parce que le Monde Magique était leur normalité. Mais pour lui, c'était comme être le héros de sa propre saga. Parry Hotter next gen ou quelque chose comme ça. Il recevait toutefois beaucoup moins de lettres d'amour de fan que Daniel Radcliffe, c'était certain.

« Enfin tout ça pour dire que la pratique dans ces deux matières me remet carrément à ma place. »

L'amusement de Siobhán lui remit immédiatement du baume au coeur. Il en aurait presque était heureux d'être aussi nul. Siobhán avait cette façon de se transposer dans cette science, comme dans une relation idéale, qui l'enchantait, lui, et le laissait rêver à un monde où il aurait été capable d'une telle symbiose. Il buvait littéralement ses mots, se laissant emporter mais ça n'était plus seulement dans la contemplation de son doux visage. Elle avait quelque chose comme elle lui faisait part de son expertise. Quelque chose qui lui parlait plus que le reste. Une espèce de prose libre, une inspiration sans fond, qui n'était pas sans faire écho à celle qui l'habitait quand il parlait de mécamagie, quoi qu'il ne s'en rendit pas compte sur l'instant. Et puis se fut tout. Elle s'interrompit, presque brutalement, soudain mal à l'aise.

Peut-être la regardait-il trop intensément sans s'en rendre compte. Sheraz baissa les yeux, mais ne résista que quelque seconde devant la curieuse attitude de son improbable compagne d'études. Etait-elle si mal à l'aise ? Il ne comprenait pas vraiment ce qui s'était passé. Par mesure de précaution, remarquant seulement qu'elle avait maintenu une certaine distance entre eux jusque là, il rajusta sa position sur sa chaise, soucieux de ne pas dépasser d'un cheveu. Plus tard il se demanderait le pourquoi de cette distance, supputant bien sûr que cela venait de quelque chose de bizarre chez lui. Ou peut-être son parfum rose vanille assez inhabituel mais très agréable à ce qu'on lui avait dit. Il en changerait le lendemain pour quelque chose de plus classique. Dans ce laps de temps très court, où il se posait un tas de questions pas si existentielles que ça, Siobhán était revenue à elle, achevant sa phrase d'un terme très pragmatique.

Cela cassait la féérie du moment passé mais dans le même temps, pour un esprit rationnel, le pragmatisme était toujours rassurant.

« Waw... je... tu... tu maîtrises vraiment dans le domaine. », releva-t-il avec un sourire aussi doux que transi.

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Second star to the right

Sheraz Mahal

Le 02 avril 2023.

Solidement placée en face de la table — bien qu'avec une pointe de nonchalance transparaissant dans ses mouvements—, le parchemin devant ses yeux se noircissait peu à peu. La vélane griffonnait quelques arabesques sans prétention, loin de partir en quête d’un motif parfait. Pensive, elle se rendait compte que Sheraz avait vu clair dans son petit jeu et un silence totalement assumé constitua son unique réponse lorsqu’il lui promit sa discrétion.

Avoir confiance aussi facilement et rapidement était un art dont la maîtrise lui échappait complètement. Mais elle avait accepté les termes du contrat : il était admis que son incompétence soit connue de tous à partir du moment où elle avait choisi de se tourner vers quelqu’un dont elle ne savait rien, ou en tout cas trop peu. La seule chose qui lui mettait du baume au cœur était de réaliser, à travers les mots de Sheraz, qu’elle allait pouvoir rapidement renverser la tendance.

Parce qu'il était vraiment excellent et qu'il ne faisait pas semblant, même si l'admettre lui coûtait toujours autant.

Le Poufsouffle était de ceux qui avaient la tête bien remplie et qui le clamaient haut et fort, sans nullement craindre ses connaissances, bien loin de cette timidité qu'on pouvait lui attribuer au premier abord quand il était question d'autre chose que de savoir. Il était doté d'un engouement entraînant qui donnait l'envie de le suivre dans ses réflexions, voire de l'y encourager sans restriction, sans poser de question. Cette érudition, aux yeux des autres, pouvaient évoquer tout ou rien, sans jamais provoquer l'indifférence ; il y avait ceux qui l'admiraient, ceux qui l'enviaient, ceux qui le jalousaient, ceux qui le détestaient. Mais finalement, peu importait les réactions des autres du moment qu'il y avait l'intellect. Rien que ça devait suffire à attiser le respect. Peu de nés-moldus pouvaient se targuer d'en savoir autant sur tous les sujets. Bien qu'ils étaient finalement ceux qui considéraient probablement que rien n'était acquis, quand des sorciers de longue lignée avaient parfois tendance à se laisser reposer tranquillement sur leurs lauriers. Peut-être était-ce finalement ça, qui était à l'origine de toutes les difficultés de Siobhán — trop de convictions, trop d'assurance, et surtout, un cruel manque de discernement, avec tout ce qui se jouait dans son esprit ces derniers jours et qui la poussait à n'écouter que d'une oreille la suite de son discours alors qu'ils venaient tout juste de commencer. Heureusement, la vélane savait prendre des notes comme personne ; quand son esprit était occupé, c'était généralement son cerveau qui prenait le relais en saisissant l'essentiel de l'information communiquée — et c'était bien souvent cette partie, la plus importante.

Alors elle notait. En silence, sans sourciller. Elle écrivait jusqu'à ce qu'elle ne remarque que Sheraz avait laissé un petit silence s'installer. Il semblait attendre une réponse que Siobhán n'avait toujours pas donné. Son regard fit un aller-retour entre le parchemin et les yeux sombres de son camarade. Le dernier mot qu'elle pouvait lire, couché sur le papier, était "observation".

« Oh, euh, bien sûr ! », répondit-elle avec un sourire sans trop savoir ce qu'elle venait d'accepter, même si, à en croire ce regard fuyant et avec un brin de réflexion, elle pouvait assez facilement se douter de ce qu'il venait juste de proposer. « J'aime beaucoup aller là-haut. Je trouve qu'on y voit plus clair, tu sais ? Comme si tout avait plus de sens quand on prenait un peu de hauteur », confia-t-elle avec un petit sourire, les yeux rivés sur ses notes, avant de les relever vers lui. « Tu peux compter sur moi. »

La dernière fois qu'elle avait gravit les centaines de marches jusqu'à la tour d'Astronomie, c'était pour rejoindre @Saúl Ochoa, bien avant la fermeture des portes. Presque dans une autre vie, alors qu'elle ne nourrissait encore aucune inquiétude sur ce qu'elle était. Les traits soucieux, la jeune femme se laissa à nouveau perdre dans ses pensées en se demandant si Saúl allait bien. Elle n'avait plus de nouvelles et n'avait pas osé en prendre davantage, de peur de le mettre en difficulté. Peut-être @Edel Almadovar en avait, lui, de son côté.

Excepté qu'elle ne pouvait plus le lui demander.

Son cœur se serra et elle manqua de passer à côté d'une seconde proposition de Sheraz à son intention. Sa voix reprit une tonalité plus enjouée, tentant de mettre de côté un instant ces réflexions on-ne-peut-plus désagréables.

« J'adorerais la rencontrer. Vraiment. Mais avec la fermeture des portes je ne suis pas certaine de pouvoir sortir d'ici... Je vais déjà régulièrement visiter ma tante qui est... souffrante. » Comment le dire autrement sans devoir s'étaler sur le sujet ? « Je ne suis pas sûre de pouvoir obtenir facilement une seconde dérogation. »

Peut-être pouvait-elle demander une nouvelle autorisation à son père, d'autant que cette sortie-là, contrairement aux visites hebdomadaires à Caer Cynfeirdd, serait exceptionnelle. Après tout, une brise d'air frais loin de Poudlard et loin de tout ce qu'elle connaissait déjà lui ferait probablement le plus grand bien. Ou peut-être Sheraz aurait-il une idée, de son côté. Quoiqu'il en soit, une invitation comme celle-là ne se refusait pas. Elle espérait bien pouvoir trouver une solution, quelle qu'elle soit.

En attendant, le Poufsouffle s'aventura sur un sujet qu'il semblait bien mieux maîtriser, à en croire les propos qu'il tenait, que la botanique ou le soin aux créatures magiques. L'on pouvait voir dans ses yeux les éclats de la passion, d'une pureté et d'une sincérité que la vélane ne pouvait qu'admirer. Et, dans un sens, se reconnaître. Elle aussi aurait pu passer des heures à parler des propriétés curatives du Bubobulb, ou de la meilleure façon de prendre soin du pelage hybride de l'hippogriffe. Alors, elle écoutait, sagement, sans l'interrompre, jusqu'à ce qu'il en ait fini de ses recommandations.

« D'où ça te vient, cet amour de la... euh... Fantasy ? »

Généralement, déterminer l'origine des passions d'une personne en disait plus sur elle que n'importe quel long discours. Par exemple, la Serpentard s'était éprise des créatures magiques le jour où elle a été en âge de comprendre les traditions que ses ancêtres avaient perpétré, découvrant en même temps combien elle ne s'y reconnaissait pas.

« Ce serait drôle que tu essaies d'écrire un livre sur ton histoire un jour et que les moldus le lisent. À leurs yeux ça sonnerait comme de la fiction alors qu'en vérité ce serait ton auto-biographie. Je suis sûre qu'ils se diraient que tu as beaucoup d'imagination et que ça pourrait faire un carton. Pour les sorciers, ça s'apparenterait à une histoire somme toute basique alors que les moldus, ça pourrait sûrement les faire rêver, tu crois pas ? Bon, après, je suis pas certaine que le Ministère te laisse faire. Ils laissent pas faire grand chose à qui que ce soit ces temps-ci... »

Son regard s'assombrit légèrement alors qu'il se redirigeait lentement vers ses arabesques. Le contexte politique actuel avait tendance à la miner quand elle se rappelait qu'elle avait fait le choix de ne pas se déclarer.

Au fond, elle se demandait ce que Sheraz pouvait bien penser de cette situation, mais il s'agissait d'un sujet qu'elle préférait ne pas aborder de manière frontale, pour rester discrète sur ses propres décisions.

On ne savait jamais vraiment ce que pouvaient penser les gens. Alors, par sécurité, elle préféré réorienter la discussion sur ce qu'elle maîtrisait véritablement.

« Si tu veux, quand tu auras du temps, on pourra aller faire un tour aux serres ou aux enclos ? Ce sont loin d'être des sciences exactes mais passer du temps avec les animaux ou avec les plantes déjà ça les aiderait à se familiariser avec toi. »

Là encore, elle savait bien de quoi elle parlait.

Car la méthode avait été testée et approuvée, à de nombreuses reprises.

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An té nach bhfuil láidir ní foláir dó a bheith glic

ANAPHORE

Elle accepta son invitation à une session d'observation après avoir laisser passer un petit silence. Quelques secondes de plus et Sheraz aurait sans aucun doute propulsé dans la conversation, un moyen de s'esquiver facilement pour leur éviter à tous les deux - mais surtout à lui - une situation vraiment gênante. Or contre toute attente, elle accepta. Sheraz en était comme deux ronds de flan mais il se garda bien de lui demander si elle était sûr, de peur qu'elle ne change d'avis.

Voilà qui lui enlevait une épine du pied, mais une seconde ne tarda pas à pointer le bout de son nez. Il semblait qu'il doive continuer de se mettre lui même dans des situations ingérables jusqu'à la fin de la conversation, trop subjugué qu'il était par la ravissante présence de la Serpentard. Qu'il ait pu aller jusqu'à en oublier l'interdiction qui le privait du tutorat de l'Institut de Découverte et d'Exploration Magique était en soi un petit exploit. Lui qui avait dûs e résoudre, la mort dans l'âme, à écrire à Imelda MacGregor pour lui dire tous ses regrets de ne pouvoir performer comme elle l'aurait souhaité dans les concours et autres colloques auxquels elle l'avait inscrit. Mais la magie de Siobhán lui aurait presque fait oublié tout cela. Décidément, elle lui tournait la tête à un point que c'était presque inquiétant pour ce pauvre garçon...

« Oh mais oui ! je suis bête... », pointa-t-il comme elle lui faisait remarquer que le blocus faisait tomber tous ses plans à l'eau. Ouf aurait été un excellent équivalent à ce cri du coeur. Encore une fois, Siobhán lui sauvait la mise sans le savoir. Ainsi, il conservait l'avantage d'entretenir des rapports amicaux avec Miss Grey et dans le même temps il n'aurait pas à avouer à cette dernière qu'il s'était plus ou moins servi de sa notoriété pour plaire à une fille.

Le sujet clos, ils dévièrent à nouveau, s'amenant à parler l'un de l'autre. Étonnamment, comme il se laissait happer par toutes ces choses qui le passionnaient, Sheraz en oubliait presque à qui il parlait et pas une fois, ses cheveux ne perdirent leur belle couleur noir de jais.

Il haussa les épaules, perplexe, presque naïf devant la question de Siobhán.

« Je ne sais pas. Je suppose que tout le monde a besoin d'un peu de magie dans sa vie. Certains plus que d'autres. »

Il ne s'était jamais vraiment demandé pourquoi la fantasy mais maintenant qu'elle soulevait le point... il eut un petit soupir amusé quand elle évoqua l'idée que son autobiographie aurait pu passer pour une super fiction dans le monde moldu.

« Je suis à peu près sûr que c'est le genre de livre qui n'aurait pas le temps d'arriver en librairie en effet. », il lui accorda cette fois un sourire qui se voulait réconfortant, ne rebondissant volontairement pas sur la politique actuelle au Ministère.

C'était un sujet qu'il préférait éviter, pour ne pas avoir à replonger dans ses propres angoisses. Ses parents avaient acceptés de se réinstaller à Oxford à sa demande. C'était un énorme poids en moins sur son coeur mais dans le même temps, il n'aimait pas se savoir coupé complètement d'eux, dans l'impossibilité de prendre soin d'eux si besoin était. Il ne prit pas sur lui d'analyse l'expression de l'étudiante, mais sans doute avait-elle elle aussi à pâtir de la situation d'une manière ou d'une autre, sans quoi elle n'aurait fait mention de rien.

Mais ils ne s'attardèrent pas plus sur le sujet qu'un tsunami émotionnel vient littéralement balayer quand Siobhán lui retourna son invitation. Il crut que son coeur s'était arrêté de battre. En tout cas il avait arrêté de respirer quelques secondes et si ses cheveux ne changèrent pas de couleur cette fois-ci, ce fut que par miracle.

« Ben du temps, je vais en avoir maintenant... on n'aura qu'à se faire un planning. Genre le vendredi aprem. Tu suis pas l'option du professeur Bubbles ? »

Le professeur Bubbles, un étrange personnage s'il en était. Quasiment deux mètres de haut sur autant de large, tout en muscles mais toujours cintré dans des robes de sorcier trois pièces, lunettes de soleil en toute circonstance sous le ciel d'Ecosse. Quand à sa matière, Sheraz aurait bien été en peine d'expliquer de quoi il retournait. Le descriptif du cours était une énigme à part entière. A croire qu'il était question de secrets d'état...

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