Sweet dreams are made of this (Yara)

Le monde magique s’affolait depuis les dernières annonces du Gouvernement Dunn. Il était impossible, pour tout sorcier qui se respectait, de ne pas émettre d’avis sur la question des hybrides. Dans tous les lieux de rassemblements de la ville, les rumeurs allaient bon train. Si certains gardaient encore le silence sur leurs fréquentations tentant de protéger ceux qui pouvaient encore l’être, ils étaient nombreux à profiter de la nouvelle loi pour dénoncer un voisin, un ancien ami, un proche, un inconnu, un collègue, s’octroyant le droit de juger bien volontiers du danger qu’ils pouvaient représenter. Il n’y avait plus de demie mesure.

Ils vivaient tous dans un monde fait de noir et de blanc. Le gris n’existait plus.

Dans cet univers sans couleurs, dans un pays où le ciel venait rarement égayer le tableau, le bureau de Yara était sens dessus dessous. Elle croulait sous les dossiers, les témoignages, les dénonciations, les interrogatoires, et ne savait plus par où commencer tant les gens devenaient fous dans ce contexte qui les touchait de trop près. Elle ne voyait dans tout ça rien de plus qu’une occasion de faire le ménage alors que les prénoms d’anciens camarades de Poudlard défilaient sous ses yeux. Certains étaient attendus, d’autres beaucoup moins.

Et il y avait des noms qu’elle espérait encore voir apparaître, même après toutes ces années.

Face à la quantité de travail qui s’amassait, Yara priorisait les attaques directes au secret magique. Celles qui mettaient à mal ce que tant avant eux s’étaient évertués à protéger. Celles qui avaient menacé l’ordre établi dans son pays, des années plus tôt et qui subsistaient encore dans ce pays qu’elle s’efforçait de protéger, au quotidien, aujourd’hui sous l’égide du Ministère Britannique. Celles qu’on ne pouvait pas expliquer, celles qui faisaient disparaître les corps avant de s’évanouir dans la nature.

Ce soir-là, dans son édition de nuit qu’elle venait tout juste d’attraper, un journal moldu s’inquiétait de la disparition soudaine d’un randonneur, en pleine forêt de Wistman’s Wood. Sa famille s’évertuait à dire qu’il n’était pas du genre à les laisser sans nouvelles, qu’il était d’ordinaire prudent. Le journaliste, quant à lui, expliquait que le chien qui l’accompagnait avait retrouvé son chemin jusqu’à eux, mais que l’homme n’était jamais revenu de sa balade en forêt. Le malheureux n’avait pas pu s’égarer, c’était un habitué. Il lui était forcément arrivé quelque chose ; sa femme en était convaincue. Et Yara aussi. Elle ne connaissait pas ces gens, mais elle nourrissait déjà une intime conviction quant au funeste destin de l’anonyme ; la lune était pleine, le soir de sa disparition. Coïncidence ? La chasseuse aimait plutôt parler d’un sixième sens quand il était question de lycanthropie. Elle sentait que c’était ça.

Les feuilles de son bureau frémirent légèrement alors qu’elle disparaissait.

Yara avait du mal à rester immobile trop longtemps.

•••

Un craquement étouffé avait troublé la tranquillité des bois moussus de la forêt, faisant apparaître une silhouette encapuchonnée brisant l’obscurité, bien que recouverte de vêtements noirs. Il régnait dans ce lieu une ambiance mystique et singulière, tout autant que les épais chênes pédonculés qui se reproduisaient comme du chiendent. Leurs troncs étaient tordus, leurs branches poussaient de travers et l’ombre qui venait d’apparaître semblait être la plus droite en cette sylve. Il était difficile de dire, sous la seule lumière de la lune, si cet endroit était enchanté ou s’il avait plutôt, au contraire, subit les effets d’un mauvais sort.

Son spectre était a priori le seul qui puisse s’apparenter à celle d’un être humain dans les environs. Tout le reste n’était que mousse, lichen, bois, et pierres centenaires.

Pourtant, Yara sentait la présence de quelqu’un d’autre. Elle n’eut besoin que d’un mouvement de baguette pour lancer un « Hominum Revelio ». Ce sortilège était l’un de ceux qu’elle savait informuler, pour s’être longtemps entrainée par le passé afin de ne pas révéler sa présence lorsqu’elle devait se faire discrète dans les jungles du Brésil.

Au fond d’elle, Yara connaissait déjà le résultat. Son instinct lui faisait rarement défaut, sur ces questions-là. Son odorat, quant à lui trop peu développé pour une simple sorcière, ne lui permettait pas d’identifier celui à qui elle allait avoir à faire, même si la magie avait déjà permis de révéler la position de l’inconnu qui s’était réfugié derrière un tronc d’arbre. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’il était seul et, par conséquent, plus facile à neutraliser. Elle préférait y aller doucement tant qu'elle n'était pas sûre du profil de celui ou celle qui lui tournait le dos.

« Je vais finir par croire que vous avez quelque chose à vous reprocher si vous continuez à vous cacher. »

La forêt n’avait besoin de rien de plus pour se montrer inquiétante quand la nuit se suffisait à elle-même, s’insinuant sournoisement entre les branches de ses arbres. Le silence remplissait chaque espace vide encore non comblé par l’obscurité. Même les animaux semblaient se tenir à l’écart. Aucun hululement ne venait troubler les ténèbres alors que les hiboux les plus téméraires devaient aussi se contenter de regarder. Yara ne bougeait pas, essayant de deviner même à distance ce qui se profilait sous ses yeux. À tout moment, elle s’attendait à entendre une voix, à apercevoir des bras levés en signe de reddition, à se faire attaquer. Sa baguette toujours brandie droit devant elle, parallèle au sol, la Brésilienne sentait son cœur palpiter alors qu’elle avait le pressentiment d’avoir trouvé quelque chose qu’elle cherchait. Toujours aucune trace de peur dans ses traits, simplement l’excitation d’une traque potentiellement réussie. Elle se voyait sûrement déjà gagnante d’un assaut qui n’avait même pas encore débuté.

Derrière le tronc, un mouvement qu’elle ne parvenait pas tout à fait à percevoir, malgré la lueur duveteuse de la lune. Un bruit sourd parvint jusqu’à ses oreilles alors qu’elle parvenait à identifier que quelque chose tombait sur le sol, soulevant les feuilles mortes, juste avant que des pattes lourdes ne viennent remplacer des pieds d’humains. Le plus frustrant restait que tout ceci se passait juste devant ses yeux et qu’elle ne voyait rien. Elle se contentait pour le moment d’écouter, trop réfléchie pour penser à attaquer, y compris quand une masse informe et claire se dressa devant ses yeux.

Loin de la figer, la vue d’un loup transformé la transcendait.

Il fuyait. 

Du moins, c’était ce qu’il voulait lui faire croire.

Et, pendant un instant, son plan fonctionna. Mais s’il avait vraiment voulu s’enfuir, aurait-il réellement pris le temps de faire le beau ?

Yara lui laissa le bénéfice du doute alors qu’elle se refusait à laisser partir une proie qu’elle guettait. Elle entra volontairement dans son jeu.

Elle aimait jouer.

Le hurlement du loup fendit le silence de la sylve, lui offrant un spectacle qui fit briller ses yeux aussi luminescents que le ciel qui les surplombait.

Un loup qui hurlait le faisait souvent pour interagir avec ses congénères.

Sa théorie se concrétisait peu à peu.

Avant de filer à sa suite, la sorcière toisa un instant cet arbre derrière lequel sa cible fraîche s’était cachée, pour récupérer d’un « Accio » sonore le vêtement gisant sur le sol, abandonné à la hâte par son propriétaire. Elle fixa le pull autour de sa taille en nouant ses manches.

Était-elle confrontée pour la première fois de sa carrière à un lycan qui voulait être suivi ?

Yara perdit ses yeux verts dans la nébulosité de la nuit alors qu’elle identifiait sans mal la piste à suivre, celle qu’il lui ouvrait. Ses sens aux aguets, elle transplanait par à coups pour suivre sa piste, apparaissant et disparaissant dans la nuit comme la lueur vacillante d’une bougie sur laquelle le vent venait souffler. Dans sa course, elle entrevoyait un peu mieux le duvet épais du loup blanc qu’elle suivait à la trace sans pour autant le laisser s’éloigner. Ou était-ce lui qui la laissait se rapprocher ?

Les arbres s’effacèrent derrière elle alors qu’elle posa un pied dans une clairière. Puis un autre. Jusqu’à complètement s’arrêter.

Elle resta quelques secondes sans bouger, son cerveau fonctionnant à toute allure alors qu’il ne nuisait aucunement à ses sens qui restaient actifs.

En plus de vouloir la guider précisément là où il le voulait, sans aucun doute à l’opposé de ce qu’elle était venue chercher, il tentait de la saisir dans ses filets. Mais Yara n’avait aucune idée du nombre de semblables qu’il avait pu appeler un peu plus tôt, et elle ne serait nullement en sécurité si elle restait ainsi à découvert à la lisière de la forêt.

Un pas en arrière, puis deux, alors que sa silhouette disparaissait dans l’ombre des arbres, ralentie par la terre qui débordait en eau sous ses pieds.

« Não vai me pegar, lobo* », lâcha-t-elle alors que le dernier mot filait toujours comme une insulte à travers sa bouche.

Puis, elle fit demi-tour, rebroussant chemin alors qu’elle s’attendait déjà à ce que ce soit le loup qui finisse par la chasser.

Chaque traque lui redonnait la vie. Mais celles que Yara préférait étaient encore celles qu’elle n’attendait pas.

Comme celle-là.


*Tu ne vas pas m’attraper, loup.

À mesure qu'ils retombaient sur le sol dans une frénésie de plus en plus rapide, les pas du loup retentissaient derrière Yara dans un bruit spongieux d'abord, puis de plus en plus sourd. Elle n'avait pas besoin de se retourner pour constater que sa cible était en train de s'éloigner de la clairière pour réduire peu à peu la distance qui les séparait en se dirigeant vers le cœur de la forêt. Sous ses pieds à elle, qui accéléraient leur course, une terre plus sèche mais toujours imprégnée de l'humidité de la nuit, couplée à celle des arbres et de la mousse qui les entouraient. Ses transplanages successifs l'aidaient à garder un peu d'avance, mais pas suffisamment pour lutter contre quatre pattes poilues qui se relayaient les unes après les autres pour la rattraper.

La chasseuse courrait sans trop savoir vers où, espérant que la réponse du loup blanc à ce soudain revirement de situation lui donnerait des clés pour tenter de comprendre ce qu'il voulait tant protéger.

Sur son visage, et malgré la situation qui se compliquait, un sourire mauvais s'était dessiné en constatant que son instinct ne l'avait pas trompée.

Le lycan l'avait suivie et plusieurs conclusions pouvaient en être tirées.

Premièrement, il n'avait pas peur d'elle. Cette seule observation ravissait Yara — la chasse n'en serait que plus acharnée. Après tout, elle non plus n'avait pas peur. Aucun danger, aucune menace ne pouvait inquiéter quelqu'un qui n'attendait plus rien de la vie. Deuxièmement, il ne se montrait pas particulièrement agressif. Il s'était longtemps maintenu à une distance raisonnable sans même retrousser ses babines pour montrer ses crocs. Troisièmement, il semblait maîtriser sa condition à la perfection. C'est en tout cas ce qu'avait montré sa première transformation, effectuée avec une aisance déconcertante un soir où la lune n'était même pas pleine.

À force d'expérience, la Brésilienne savait repérer ce genre de détails qui faisaient toute la différence au moment où l'assaut était lancé. Et, rapidement, ses théories furent confirmées. En témoignait la nouvelle métamorphose du lycan qui avait regagné un arbre parmi les milliers d'autres troncs centenaires autour d'eux.

La silhouette avait regagné sa forme humaine et elle ne pouvait la distinguer que grâce à sa pâleur qui reflétait les rayons de la nuit. L'hybride se résolut en effet à lui faire face, comme pour venir appuyer sa première hypothèse. Il n'avait pas peur. Pour toute réponse, Yara se contenta d'attraper plus fermement encore sa baguette magique qui ne l'avait pas quittée depuis qu'elle avait mis un pied dans ces bois.

Une voix lui fut portée par la brise froide et moite de la forêt et mit subitement son monde en pause.

Immobile dans la nuit, Yara était saisie par la stupéfaction et par la frustration de ne pas réussir à se rappeler à qui elle appartenait.

Un vent léger caressait toujours ses cheveux et son cerveau bouillonnait. Elle s'évertuait à creuser ses souvenirs à la recherche de ce timbre qu'elle reconnaissait, sans pour autant parvenir à nommer son propriétaire.

Elle ne le savait pas encore, mais ce fut là sa première erreur.

Se laisser désarçonner devant l'ennemi était rarement une bonne chose à faire quand on cherchait à s'en débarrasser. Mais elle ne pouvait s'empêcher de se demander à qui appartenait cette voix qui laissait un certain vague-à-l'âme derrière chaque mot prononcé.

Elle ne fut ramenée dans le présent que lorsque le lycan reprit sa forme animale juste devant ses yeux troublés par l'obscurité, avant de réapparaître sous son apparence humaine. Encore. À nouveau, cette voix effaça le silence qui les entourait alors que l'hybride avait transplané juste derrière elle. La chasseuse se retourna vivement vers lui, ses cheveux fins balayant l'air.

Sa deuxième et sa troisième théorie venaient d'être confirmées.

Il jouait avec elle, passant d'une forme à l'autre avec une rapidité que seule l'expérience et les années pouvaient expliquer. Or, lors des chasses, les loups prenaient rarement le temps de s'adonner au jeu éponyme qui avait fait courir nombre d'enfants avant eux.

Si d'autres sorciers auraient largement eu de quoi être impressionnés par l'habileté de ses métamorphose, Yara, elle, ne l'était pas. Déjà par nature difficile à impressionner, elle ne pensait qu'à cette voix que sa mémoire ne parvenait pas à replacer, malgré tous les contextes dans lesquels elle essayait de la remettre.

Mais rien à faire.

Touchée.

Un grognement vulgaire s'échappa de sa bouche, comme une réponse à la demande qui n'en était pas vraiment une, et à laquelle l'ancienne Serpentard n'envisageait pas un seul instant de donner suite, resserrant fortement le nœud autour de sa taille en guise de provocation. Qu'il vienne le chercher, son pull, s'il le voulait vraiment. D'autant qu'elle ne comptait pas vraiment partir sans comprendre ce qu'il s'était passé dans ces bois.

L'ombre humaine repassa sur ses quatre pattes avant que Yara n'ait eu le temps de formuler une autre réponse avec des mots. Sa posture était une nouvelle preuve que la peur ne le saisissait pas, contrairement à sa détermination. Signe qu'il avait bel et bien quelque chose à protéger.

Avec un certain décalage, ce quelque chose lui répondit finalement. Un unique hurlement transperça la nuit et Yara tourna la tête en direction de l'origine du son. L'absence de vue donnait à son ouïe une profondeur nouvelle. Sûre d'elle, la chasseuse eut à peine le temps de s'élancer qu'elle fut retenue par tout le poids de la première créature qui la fit lourdement tomber sur le sol.

« C'est lui que tu ne veux pas que j'attrape, hein ? Il a tué le randonneur et tu le protèges pas vrai ? », grogna-t-elle tout en se débattant.

Ses questions resteraient sans réponse mais ça n'avait aucune importance.

Au fond, elle savait déjà.

Sous l'impulsion de l'adrénaline, elle pensait pouvoir se battre par la simple force de son corps, saisissant sa baguette entre ses dents et oubliant par la même occasion qu'elle avait à faire à un animal magique dont les sens et la force était décuplée par l'intuition bestiale qui avait pris le dessus. Elle tenta de le repousser avec ses pieds, sans succès. Loin de se laisser l'opportunité de renoncer, elle s'efforça tout de même de le retourner en utilisant tout son poids. Frustrée par l'échec de sa tentative, la Brésilienne jura dans sa langue natale ; ce ne fut que lorsqu'elle jugea avoir tout essayé que Yara attrapa fermement sa baguette pour lancer un « Alarte Ascendare ». Libérée de l'emprise du loup dont le poids avait limité sa propulsion, la Brésilienne se releva d'un seul mouvement et transplana de quelques mètres en direction de la seconde créature qui fonçait droit sur elle, non sans avoir lancé un « Incarcerem » en direction de la bête à la fourrure blanche, espérant que cela suffirait à le retenir.

Survoltée par ses instincts de chasseuse, Yara jubilait dans sa course, toujours incapable de mesurer le danger auquel elle se confrontait.

Seule contre deux lycans.

Le pelage du second loup brillait sous les rayons de la lune. Plusieurs tâches de sang encore fraîches et dégoulinantes venaient parsemer ses poils immaculés, invisibles à travers l'œil nu et humain de Yara. Des grognements mauvais parvinrent à son oreille qui y percevait une menace, alors qu'une odeur métallisée parvenait à ses narines.

Il n'attendait qu'une chose : tuer à nouveau.

Son intuition ne l’avait pas trompée : une nouvelle fois, ses pupilles noires comme la nuit reflétaient l’ombre d’un tueur sanguinaire qui se languissait déjà de pouvoir lui enlever la vie. Il venait à peine de terminer son entrevue avec la faucheuse pour qu’elle s’empare d’une âme neuve qu'il lui avait lui-même apportée. La chasseuse eut une pensée pour ce pauvre randonneur et la famille qu’il laissait derrière lui, la poussant à prendre son élan pour se jeter avec rage sur le lycan qui avait décimé un autre foyer pour satisfaire sa propre satiété. Mais à sa grande surprise, ce fut le loup blanc qui l’atteignit en premier d'une violence qu'elle n'avait pas attendue. Un feulement s’échappa de sa bouche alors qu’elle aurait préféré pouvoir le mettre hors d’état de nuire seule. Mais il était évident que malgré ses talents, elle ne pouvait stopper deux lycans simultanément.

L’un venait de tuer, succombant à l’incontrôlable vigueur qui avait guidé sa proie dans les bras de la Mort ; l’autre, bien plus expérimenté, avait montré à plusieurs reprises sa stabilité et sa solidité.

Sans oublier que Yara avait reconnu un timbre de voix, dans cette histoire. La forme humaine de l'un des deux loups était probablement semblable à celle d’un sorcier qu’elle avait connu par le passé.

Comme @Eugène Fogg.

Ces mots et cette voix résonnaient toujours dans sa tête comme le son d’un tambour. Régulier, rythmé, puissant. Elle était à Tinworth et tout près de Devon en même temps, son passé refaisant brusquement surface à un instant où il pourrait la mettre en danger. Elle ne pouvait pas se le permettre.

La poitrine de la chasseuse se soulevait et s'abaissait rapidement alors que son souffle commençait à lui manquer. Pour une fois, Yara s’effaça derrière un arbre, le temps de reprendre ses esprits, assez longtemps pour observer le spectacle de deux créatures qui, au lieu d’allier leurs forces pour se battre contre elle, préféraient encore laisser leurs égos parler pour se battre entre elles. La raison de ce brusque revirement de situation lui était encore inconnue, mais elle était saisie par l'impression que le premier loup cherchait à la protéger elle, à présent, en cherchant à éloigner celui qui avait menacé de lui fondre dessus. En effet, il était loin d'épargner son semblable dont les jappements se faisaient de plus en plus nombreux, un peu plus loin. Par instinct, Yara resserra le pull autour de sa taille, précieux indice sur l'identité de celui dont la nuit l'empêcher de percer les secrets.

La scène qui se déroulait devant ses yeux ne faisait absolument aucun sens.

Depuis le début, l'attitude du lycan blanc l'avait questionnée. Déjà plus tôt, quand il ne s'était pas rué sur elle. Puis ensuite, quand il l'avait fait, sans pour autant tenter de la mordre ou de véritablement l'attaquer. Il aurait eu mille occasions de laisser sa force parler pour se débarrasser d'elle, ce loup averti, et il ne s'était saisi d'aucune d'elles.

Le dos appuyé contre l'écorce du tronc, Yara se retournait de temps à autre, gardant un œil sur la violence du combat des deux hybrides. Elle aperçut l'une des créatures se tourner vers elle, la remarquant sans difficulté malgré l'épaisseur de l'obscurité. Son poing se referma sur sa baguette, prête à faire ce qu'il fallait, sans même savoir lequel des deux s'apprêtait à l'attaquer.

Bien qu'elle avait déjà sa petite idée.

Mais au lieu de voir une silhouette s'avancer vers elle, la forêt retrouva tout à coup son silence glaçant.

Un dernier son, une dernière plainte, et puis... plus rien.

Dans l'attente d'un mouvement éloigné, Yara ne bougea pas immédiatement, encore camouflée par le tronc d'arbre. Sa respiration s'était calmée, ses pensées se faisaient plus claires alors qu'elle savait déjà ce qu'elle allait faire. D'un pas lent, une fois certaine d'être hors de danger, elle avait restreint la distance qui les séparait jusqu'à se positionner à quelques mètres dans le dos du loup qui restait. De ce point de vue, elle ne remarqua pas la masse informe qui gisait au sol. Elle transplana pour faire face à celui qui l'avait empêchée de tuer l'un des siens, quand lui même venait visiblement de s'en charger. Ses yeux balayèrent le corps sans vie à leurs pieds, alors qu'elle s'était approchée assez près pour l'observer.

S'il avait voulu la tuer, il aurait probablement déjà essayé.

Et réciproquement.

Mais elle ne tenta rien. Trop curieuse de savoir à qui elle avait à faire et surtout, ne souhaitant pas déjà mettre fin à la traque qui venait de débuter. Car bien souvent, la découverte d'un loup aussi aguerri en entraînait d'autres ; mort, il ne lui serait plus d'aucune utilité. Vivant, il la guiderait vers ses semblables.

« Un de moins », lâcha-t-elle d'un ton dédaigneux. « Merci de ton aide. »

Sa phrase ne sonnerait probablement pas comme un remerciement sincère, plutôt comme un moyen d'appuyer précisément où ça faisait mal. La main toujours sur sa baguette au cas-où, elle fit quelques pas en arrière en continuant de l'observer. Un sourire se dessina sur ses lèvres alors qu'elle s'éloignait.

Elle savait qu'il pourrait le voir sans difficulté.

« Et pour ce qui est de ton pull, tu n'auras qu'à venir le chercher. Quelque chose me dit que tu sauras où me trouver. Et si ce n'est pas toi qui me trouves en premier, alors je m'en chargerai. C'est une promesse. »

Et, comme ça, sans un mot de plus, Yara transplana.

Sans même réaliser l'écho que ses mots laisseraient derrière elle.