Alors que ton service se termine, tu t’actives pour te rendre sur le marché aux Trolls. Depuis le mois dernier où Charles a sollicité ta présence, tu te décides à anticiper en prenant les devants. Tu attends donc dans le salon du bâtiment, que les loups de la meute se réveillent. Ton service de nuit ne t’aide pas à faire preuve de patience. Pourtant, sous aucun prétexte, tu vas te rendre indisponible un lendemain de pleine lune. Le déluge ou la fin du monde pourrait se présenter à la porte du monde sorcier, tu ne feras rien un lendemain de pleine lune. Priorité aux loups. Toujours.

Tu vois des sorciers défiler. Certains plus amochés que d’autres. Tu ne proposes pas tes services. Ils savent tous. Quelques-uns des loups préfèrent lécher leurs plaies seuls de leur côté. Pour ne pas avoir à faire aveu de faiblesse. D’autres ne t’acceptent que parce qu’ils savent. C’est le cas de Charles. Et enfin, il y en aura toujours pour refuser ta présence. Tu n’en as que faire au final.
Une louve en sommeil. C’est ce que tu es. Rien ne changera ça.

Alors que tu laisses tes pensées filer, tu aperçois un jeune homme remonter des sous-sols. Tu ne fais pas attention à tous les membres de la meute. Autant pour te protéger toi que pour les protéger eux. Cependant, tu es presque sûre de n’avoir jamais vu ce garçon qui vient de franchir la porte. Avec un air un peu déphasé sur le visage, il te paraît si jeune. Tu grognes de voir ces loups s’enfermer plutôt que de courir dans la savane africaine ou dans les forêts anglaises. Ton avis sur la question a bien changé depuis ton adolescence. Merci Zola.

Tu te lèves de ton fauteuil pour apparaître dans son champ de vision. « Besoin d’aide ? » Ta voix se fait douce, caressante, comme une brise d’été dans la fourrure. Tu indiques d’un mouvement de bras la petite salle avec un lit de camp qui se trouve derrière une porte que tu connais bien. Tu y as rafistolé Charles le mois dernier.

Tu laisses ton jeune interlocuteur t'analyser autant qu'il le désire. Après tout ici, c'est toi l'intruse et non lui. Tu lui offres donc le temps dont il a besoin pour récupérer. Que ce soit ses forces ou ses repères. Puis un sourire vint fleurir sur tes lèvres devant son hésitation. Tu ne pensais pas intimider ce jeune homme. Faire preuve d'autorité quand la situation le nécessite n'a rien avoir avec de l'intimidation. Le louveteau reconnaît-il inconsciemment la louve qui l'a porté ?
Ça ne dure pas bien longtemps puisque le jeune homme se rend dans la pièce qui te sert de cabinet d'auscultation. Lieu exigu qui n'en remplit pas moins la fonction qui lui est attribuée.

Tu te retiens de grogner devant la grimace que le jeune homme fait en s'installant et en imaginant les conditions de sa vie d'étudiant à Poudlard. Tu aimerais hurler qu'un loup ne devrait pas prendre de potion qui altère ses capacités et sa nature. Qu'il devrait courir en liberté avec les siens. Que les louveteaux n'ont pas à subir un tel châtiment. Néanmoins, ton visage ne laisse rien paraître. Tu enfermes ton ressentiment à double tour. Tu te contentes de l'écouter.

Saisissant délicatement son poignet, tu sors ta baguette pour incanter plusieurs fois d'affilée le sortilège nécessaire pour replacer l'os brisé. « Je vais le réaligner, mais tu devras le garder immobile pendant plusieurs heures. Le mieux serait jusqu'à demain. » Alors que ta baguette travaille sur la résistance lycanthropique de ton jeune patient, tes pensées s'égarent. Qu'il est cruel de constater les dommages de l'enfermement. Tu deviendrais folle dans une cage avec une bête à fourrure qui ne demande qu'à se dégourdir les pattes. Malheureusement, tu n'es pas @Glenn Yard et tu ne peux pas offrir un refuge à tous ces loups que tu côtoies. « Si ça peut te faciliter les choses, je peux te poser une attelle. » Tu sais par expérience que certains loups préfèrent se contraindre eux-mêmes à l'immobilité que d'y être forcé par autrui. Une histoire de dominance et de refus de l'autorité si vite après l'influence de la lune. « Tu es droitier ? » S'il s'agit de la main dominante, ou de celle qui tient sa baguette, tu ne lui laisseras peut-être pas le choix concernant l'attelle.

N'oubliant pas les douleurs musculaires évoquées précédemment, tu attires à toi, d'un informulé, une pommade pour soulager et détendre les muscles. « Veux-tu que je t'en applique ou préfères-tu le faire seul une fois rentré chez-toi ? Ou maintenant si tu t'en sens capable. » Tu sais que la peau post-transformation peut se montrer bien plus sensible, à la limite même du douloureux, et que l'application, même par un massage délicat, peut se transformer en torture. Zola te l'a très rapidement appris.

Étonnamment docile, le garçon face à toi, accepte l’attelle. Avec une poussée d’ironie frappante de sarcasme. Tu parierais presque sur la malchance qu’il doit traîner derrière lui pour adopter une telle réaction avec autant d’aisance. La force de l’habitude ne doit pas se tenir bien loin. Sauf que s’habituer à un tel traitement pour la pleine lune te révolte. Tu n’en montres rien en fixant l’attelle le plus délicatement possible. Tes gestes sont doux. L’instinct de protection qui t’anime face à ce louveteau te dicte ta conduite autant que la volonté d’apaiser le gamin. Il ne sert à rien de le provoquer lorsque tu peux juste te contenter de l’apaiser.

Ainsi, tu lui tends le baume pour qu’il l’applique lui-même. Acceptant son choix de s’en charger seul. Et même si le résultat ne sera indéniablement pas parfait, tu auras respecté sa volonté. Pour l’instant, c’est le plus important. Soigner un animal blessé ne représente jamais une tâche facile. Si le lycanthrope possède l’avantage d’en comprendre la nécessité, il n’en reste pas moins meurtri.

Tu lui offres un sourire en le voyant commencer à se badigeonner les zones accessibles. Répondant à ses remerciements. « Je t’en prie. » Un rire léger franchit la barrière de ta bouche devant son hésitation. « Tu peux m’appeler Zahra. » Tu lui offres un clin d'œil complice. « Madame, c’est un peu trop formel pour la situation. » Puis tu es ‘madame’ lorsque tu es le Dr Jekyll. Le titre que tu possèdes sur ton lieu de travail. La dénomination est propre à l’hôpital Ste Mangouste. Dans ce repaire de loups, tu n’es que Zahra. Rafistoleuse de poilu si tu devais vraiment porter un titre particulier.

Tu observes ton jeune patient continuer son travail de peinturlurage avant de l’interroger à nouveau. « Y a-t-il autre chose ? » Parfois, une douleur bien trop localisée masque des gênes qui se révèlent embêtantes par la suite. « Une sensibilité à la luminosité extérieure ou aux bruits ? » Chaque loup réagit différemment, mais tu te targues de trouver un stratagème pour chacun d’entre eux qui en fait la demande. « Ou peut-être juste du jus de citrouille et de quoi grignoter ? » La faim influe aussi sur le caractère de la bête. Ce qui n’étonnera personne puisque c’est le cas aussi pour l’homme. Qu’il soit moldu ou sorcier.