Mellon Collie And The Infinite Sadness

Ils courraient à perdre haleine depuis un petit moment déjà quand il céda, plié en deux, le souffle court, incapable de pousser plus loin. Sheraz n'avait jamais été un grand sportif. Les deux tours de stade du lycée avant le cours de badminton étaient déjà de trop pour lui. S'il avait pu courir aussi longtemps c'était bien parce que le claquement des pinces des accromentules avaient su entretenir sa motivation jusque-là. Sans parler de l'épouvantable de vision de leurs pattes velues avalant la distance et les obstacles avec une avidité digne d'un film de série Z. Son coeur était prêt à rompre les barreaux de sa cage de calcium pour prendre lui-même ses jambes à son cou, libéré du poids nécessaire de tout le reste du corps. Fort heureusement, son coeur avait tenu le coup et voilà maintenant que le rire sonore de Brynn venaient troubler les pulsations affolées qui pulsaient à ses oreilles. Sheraz Mahal était toujours en vie, apparemment en parfait état de marche.

Il n'eut pour toute réponse qu'un petit reproche. A quoi elle répondit sans se laisser démonter.

« Y a des chances ouais. », il fallait bien reconnaître qu'en connaissance de cause, il ne serait jamais descendu de ce foutu sapin. Il remarqua le regard qu'elle posa sur ses cheveux et s'empressa aussitôt de reporter son attention à lui sur autre chose, toujours trop embarrassé devant ses propres dérapages. Il passa une main dans sa chevelure trempée de sueur, espérant sans doute la ramener à un peu de discipline, mais en vain. Finalement, il emboîta le pas à la blonde, sans rien ajouter.

« Des billes d'aventurine avec une charge de lumos. Des ratés de mon atelier, je pensais pas que ça me servirait. », fit-il en toute modestie mais clairement très dérangé par le regard inquisiteur de Brynn qu'il sentait sur lui, ou peut-être n'était-ce que dans sa tête ? « Mon atelier de méca... je fais de la mécamagie... à mes heures perdues. »

Il fallait qu'il se taise. Généralement, quand ses phrases commençaient à tourner comme ça, c'était qu'il s'apprêtait à quelque chose, une tentative de crâner un peu ou de plaire, qui généralement se soldait par un échec critique. Le pire c'était qu'il ne faisait pas là une révélation transcendantale. Il y avait tout de même peu de chances que Brynn soit passée à côté de l'info alors que c'était la raison même qui avait valu à Sheraz son insigne de préfet. Ce fameux concours de mécamagie...

Le serpent repointa le bout de sa langue fourchue...

« Qu'est-ce qu'il va nous arriver encore cette fois ? », couina Sheraz en déglutissant devant cet oiseau-serpent de malheur.

Mahal avait l’air tendu. Elle n’aurait pas vraiment su dire pourquoi, mais elle pouvait le deviner à son langage corporel, à sa façon de se tenir, de la regarder rapidement, de tenter de changer de conversation ou de chercher ses mots. La petite blonde détourna le regard, le temps de la réflexion.

« L’aventurine est une pierre de chance par chez moi. Elle favorise les sommeils réparateurs, apaise le stress, réduit les ulcères, diminue l’hypertension et apporte amour et confiance en soi » énuméra la serpentard, avant qu’un sourire de vipère ne passe sur les lippes de Brynn qui ne put s’empêcher : « Tu devrais tenter de t’en faire un collier, plutôt qu’en billes. »

Noodle sortit tout juste après de ses cheveux, et à entendre le couinement du poufsouffle, ce dernier ne le portait pas dans son cœur. Brynn eut un petit rire avant de venir déposer un petit baiser sur le petit serpent qui siffla quelque chose à son oreille avant de s’échapper jusqu’à ses pieds et de détaler plus loin.

La blonde tourna la tête vers Sheraz, non sans un sourire amusé :

« Noodle dit qu’on est sur le bon chemin jusqu’au lac aux licornes, et il ne porte pas malheur. Noodle est un python royal ! C’est une race prestigieuse. On raconte que Cléopâtre en portait à ses poignets. Dans certains coins du Nigeria, on édifie des temples à leur effigie et on leur fait des funérailles ! »

Plus loin dans les herbes, à quelques mètres d’eux, la tête de Noodle sortit d’un petit bosquet pour leur indiquer le chemin à suivre. Brynn tira la main de Sheraz pour qu’il ne continue pas tout droit, main qu’elle lâcha aussitôt sur le bon chemin. Elle imaginait un peu la tête de ce pauvre Mahal, incapable de parler plus de dix minutes à une fille alors que le contact physique ne la rebutait pas quand c’était à son initiative. Il y avait même eu quelque chose d’agréable à sentir la chaleur de @Viper Saito, même si cela venait pour beaucoup de sa condition de loup.

« Je ne connais pas grand chose à la mécamagie pour être honnête » reprit-elle, au bout de quelques pas, en pensant à Viper, puisque c’était un peu la raison pour laquelle elle venait de faire le mur de Poudlard et qu’elle entraînait le pauvre poufsouffle avec elle, « mais j’en connais un qui en fait. C’est un Cynfeirdd, tu dois le connaître, non ? Elffin Cynfeirdd. »

Noodle sortit sa tête de nouveau, et de nouveau Brynn prit la main de Sheraz pour l’amener à la suivre, légèrement plus sur la gauche. Au loin, on pouvait entendre le clapotis d’un ruisseau qu’il suffirait de remonter jusqu’au lac joint.

« Des muselières magiques, des balles bombarda... C’est fou ce que les hommes ont d’imagination quand il s’agit de faire du mal aux autres », pouffa sarcastiquement la gamine, non sans jeter un regard en coin à Sheraz.


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Tir un dé "action facile" : si tu réussis, tu trouves le porte-au-près !

Curieusement, discuter pierres semi précieuse avec Brynn replaçait la conversation dans un spectre plus maniable pour lui. Il en oubliait presque les acromantules, et Brynn elle même, parce qu'il fallait bien le dire : cette fille lui foutait une angoisse par moment...

« Oui je vois ce que tu veux dire mais non, en fait je dis aventurine par abus de langage, le vrai terme c'est verre aventuriné ou astralite, chez les moldus en tout cas. C'est un alliage purement synthétique. Cette pierre-là a pas vraiment de propriété magique - encore que le cuivre - mais c'est son potentiel de scintillement qui est intéressant avec le lumos. Enfin bref... »

Il s'interrompit, pas du tout convaincu que sa petite leçon de joaillerie intéresserait Brynn Gwent. Généralement, les gens décrochaient quand il commençait à rentrer un peu trop dans les détails. Le petit familier de la blonde lui coupa toute envie de s'épancher pendant un bref instant.

« Je ne suis pas sûr que Cléopâtre soit le meilleur exemple pour convaincre de l'amabilité de ton familier Brynn... »

Un instant, il s'imagina finir lui aussi comme l'immense Reine égyptienne, à ceci prêt que dans son cas, il y avait peu de chance qu'il choisisse un serpent s'il fallait en finir. Et puis, probablement que sa triste fin n'occuperait pas les esprits au-delà de la génération des gens qu'il côtoyait régulièrement. Peut-être Brynn se débrouillerait-elle pour lui rédiger une épitaphe en forme de moquerie. Genre finalement t'avais raison de te méfier. Aucune chance que ses parents laissent passer un truc pareil cela dit.

Tant dit qu'il s'imaginait tout cela, Brynn le prit par la main pour l'entraîner sur un autre chemin. Le jeune homme plissa le front, décontenancé, mais ça ne dura pas assez longtemps pour qu'il en perdre son latin.

Elle poursuivit sur la mécamagie, lui parlant d'une connaissance commune et de son opinion de ce noble art... aux antipodes de la sienne. Et à nouveau, elle le reprenait par la main pour lui faire changer de direction et lui, comme un automate rouillé, suivait sans protester.

« Oui c'est vrai, mais on pourrait le dire pour n'importe quelle discipline en fait. J'avoue que j'ai probablement pas l'esprit suffisamment belliqueux pour ce genre d'idées. Moi ce qui m'intéresse c'est d'améliorer le quotidien des gens. En ce moment par exemple, je fabrique une série de petits méca-auxiliaires pour une amie botaniste. Je pourrais te montrer, si ça t'intéresse. »

Il doutait que ça l'intéresse. D'une part les robots, de l'autre, des insectes. Il y avait tout de même là tous les ingrédients pour faire fuir une fille selon lui, et disons que sur le sujet, il en connaissait un rayon. C'était presque un talent inné chez lui. Plus inné encore que son insupportable don de métamorphomage. Ils suivirent le clapotis joyeux d'un petit ruisseau, furetant du regard alentours.

« Ca serait-pas ça ton porte-au-près ? », fit le jeune sorcier après avoir lancé quelques revelios. Par ça, il entendait le petit scintillement sur l'écorce d'un résineux qui se trouvait tout proche. On aurait pu le confondre sans mal avec l'écorce même de l'arbre si on n'y regardait pas de plus près.

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Dé simple réussi

« Des auxiliaires pour la botanique, c’est drôle ça, malin mh » souffla-t-elle, quoi qu’elle gardait toujours ce petit air supérieur. La nature avait doté les fleurs et les arbres de ses propres auxiliaires, et elle croyait trop fermement aux ellylons et autres fées butineuses pour les voir être remplacées par de petites machines, aussi douées fussent-elles. La nature n’avait guère besoin d’être aidée aux yeux de Brynn, pour peu qu’on la laisse être sauvage, et si certaines fleurs ou certains arbres disparaissaient, ce n’était jamais que pour être remplacés par d’autres et ce n’était pas un drame, seulement l’implacable réalité de la loi naturelle.

Et en même temps, une toute petite partie d’elle voulait bien croire que Sheraz et son amie avaient tout ça en tête, et voulaient malgré tout aider cette nature. Était-ce une bonne chose ? Elle n’était pas assez réveillée ou mature pour le savoir.

« Il faudra que tu me les montres oui, tes petites travailleuses » conclut-elle, prenant sur elle de vérifier d’elle-même ce qu’il en était avant d’en tirer une conclusion, car Brynn suivait avec assiduité les enseignements de Branwen, et sa mère était la sagesse des bois. Reine de ses lieux, mais surtout une âme juste et honorable, sans quoi ça n’aurait sans doute jamais marché avec les vieilles fées que le Domaine couvait.

Alors qu’elle réfléchissait, imaginant un tout petit papillon allait de fleurs en fleurs, elle secoua la tête ; la machinerie ne pouvait pas être la reproduction quasi identique de la nature, de la même façon que la peinture n’en était pas une.

Elle jeta un regard mou vers l’endroit que Sheraz indiquait, avant de se rapprocher de ce dernier et de s’exciter soudainement, avalant la distance en trois grandes enjambées qu’on aurait presque pu appelé bonds.

« Ouii ! C’est bien ça ! Ah, c’est top ! »

Il ressemblait à une longue clé en forme de serpent ; elle lui caressa la tête du pouce et quand ses deux yeux s’illuminèrent d’un vert émeraude, elle le jeta au sol. Le serpent se mit à grossir et à se déplier, serpentant en arc-de-cercle jusqu’à former l’arche d’une porte, faite d’un épais feuillage imperméable.

Elle jeta un regard à Sheraz :

« Je suis étonnée qu’il marche pour être honnête. Je pensais qu’avec tous les sortilèges de Poudlard, il ne serait pas en mesure de se déplier correctem-- »

Avant même que Brynn n’eut le temps de finir sa phrase, le porte-au-près se replia brutalement, dans un petit bruit de succion qui aurait été assez drôle à entendre si seulement il n’avait pas emporté avec lui Brynn et Sheraz, brutalement gobés et brinquebalés à l’intérieur du feuillage bruissant furieusement autour d’eux.

Ça ne dura que quelques secondes, mais quand enfin ils tombèrent l’un l’autre sur le sol, le porte-au-près était éteint sur le sol et Brynn relevait la tête - qu’elle s’était cognée contre celle de Sheraz - dans un petit grognement.

« ...manquait plus qu’une turbulence magique... »

Ses yeux balayèrent autour d’elle sans un mot, alors qu’un long frisson désagréable lui remonta l’échine. Sur son visage s’inscrivit une expression nouvelle, que Sheraz n’avait jamais vu auparavant ; non pas celle de la peur, mais plutôt une mine grave et sérieuse.

Brynn se redressa aussitôt, intimant un instant à Mahal de se taire alors qu’elle écoutait autour d’eux. L’endroit était charmant, d’une belle herbe d’une couleur étincelante, vibrante d’une magie puissante. Sur le sol, de petits cailloux dessinaient ici et là, des trikèles, les répétant à même l’herbe émeraude, sur plusieurs mètres.

« On est pas chez moi », murmura Brynn, « ici, ne touche à rien, et ne fais aucun bruit, d’accord ? Aucun bruit. Je connais le chemin. Ne lâche pas ma main. »

Elle la lui attrapa sans douceur avant de le tirer derrière elle. Ses pieds s’enfonçaient dans la mousse et l’odeur des fleurs était aussi attirante que celle du miel. Partout aux alentours, tout semblait beau, comme s’ils étaient dans un jardin entretenu par les fées mêmes.

Brynn fila, montant un coteau jusqu’à arriver à un petit vallon où quelques moutons paissaient malgré l’heure tardive, éclairés par la lune pleine.

Comme Orphée guidant son Eurydice, Brynn fila pour traverser le vallon.

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Dé normal (compliqué ? au choix) : réussir à ne toucher à rien, Mr Mahal !

Il se réjouit, étonné de voir que ces projets de mécamagie pouvaient intéresser Brynn. Pour être honnête, il avait un peu tendance à la cantonner à cette image de la fille qui faisait tout pour le mettre dans les emmerdes - ce qu'elle était précisément en train de faire là, notons le bien. En une soirée, beaucoup d'autres images s'étaient greffées à celle-ci sans vraiment la contredire. La fille aux serpents. La fille qui parle avec les accromantule. La fille qui essayait de le faire crever d'une crise cardiaque avant l'heure.Et aussi une version un peu plus dramatique de "la fille qui cherche tout le temps ses clés".

Fort heureusement, ils remirent la main dessus assez facilement. C'aurait été suffisant pour le remettre en quasi confiance si elle ne s'était pas sentie de préciser qu'elle avait douté. Dans la tête de Sheraz, tout ce qui serait retenu c'était encore un serpent ! et on aurait pu faire tout ça pour rien !!!! mais par chance le portauprès marchait. Enfin, c'était ce que pensait Sheraz jusqu'au moment où il se vit aspiré dedans en même temps que Brynn. Son légendaire cri de poulet s'étrangla dans sa gorge et, avant qu'il n'ait eu le temps de dire ouf, ils se retrouvaient jetés comme deux paires de vieilles chaussettes et se cognaient la tête. Sheraz grimaça, la larme à l'oeil, tandis que Bryn concluait à des turbulences magiques, comme elle aurait pu dire oh ! une bergeronette regarde.... Il la fusilla du regard, littéralement au bord de la crise d'apoplexie comme elle avait le plaisir de lui annoncer qu'en plus de tout, ils n'étaient pas arrivés à bon port.

« Ça me rassure... » fit-il d'une voix nerveuse, « Encore un peu et j'aurais pu croire que t'étais un genre de dryade... »

L'un des avantages à être né moldu dans le monde magique, c'était que la plupart des gens comprenaient ses références de fantasy. Le plus grand désavantage était qu'ils les comprenaient parce qu'elles faisaient partie de leur quotidien. Elle lui fit signe de se taire et pour le coup, il ne se fit pas prier quand bien même l'envie de continuer de rouspéter le démangeait (mais pas plus que celle de rester en vie).

Elle le prit par la main, stipulant très clairement qu'il ne devait toucher à rien. En même temps, à la vitesse où il allait ça n'était pas comme si elle lui en laissait la moindre opportunité... Il avait à peine le temps de voir ce fabuleux jardin magique - il l'était forcément - qu'ils traversaient à toute berzingue. Il lui semblait qu'elle lui faisait subir un coaching sportif intense, avait-elle quelque chose à redire contre la petite brioche avec laquelle il était arrivée à Poudlard et qui, à force de connerie dans ce genre, était en train de disparaître sans qu'il s'en soit encore rendu compte ?

« Brynn je n'- aaargh!! »

Une main osseuse aux longs doigts hideux s'était refermée sur son épaule, pas loin de la lui broyer au passage. Sur le coup, la vue de ce seul membre lui disait qu'il ne fallait pas se retourner, il ferma les yeux et se mit à psalmodier dans sa barbe naissante toutes les suppliques qui lui passaient par la tête tandis que ses genoux s'entrechoquaient mais c'était plus fort que lui, il fallait qu'il regarde.

A nouveau ce fabuleux cri de gallinacé sonna l'alarme.

« Brynn au secours... dis moi que c'est ta mère et que c'est pas la même créature que j'ai tiré la dernière fois que j'ai joué aux cartes Magic. Je veux pas perdre ma virginité comme ça madame, monsieur, votre... horreur. Pitié. Je connais pas mes parents biologiques, y a 9 chances sur 10 que j'ai une génétique pourrie - sans doute pas aussi pourrie que la vôtre - mais certainement pas compatible... Brynn - »

TW : gore, cannibalisme.



La forêt avait des yeux et des oreilles, mais elle avait aussi des griffes. Brynn sentait l’air disparaître à chaque bond de gazelle, alors que ses jambes commençaient à se fatiguer et la main de Sheraz glissait entre ses doigts. Elle avait envie de lui dire de ne surtout pas regarder en arrière, mais est-ce que ça aurait changé grand-chose maintenant qu’ils étaient au centre du domaine de la vieille Oiche ?
Quand le garçon poussa un cri, la nymphe comprit que ça n’aurait en effet rien changé. C’était déjà trop tard pour eux. Un frisson désagréable lui remonta l’échine alors qu’elle glissait un regard hargneux sur le visage de ce qui était ni plus ni moins qu’une vieille guenaude. La vieille Oiche habitait ici bien avant que la mère de Brynn n’y soit envoyée en exil. Elle était une des raisons qui avait gardé les visiteurs loin du mont. Sa magie était à son image ; brute et sauvage, sans fioriture. Elle était bien capable de recoller des têtes sur des hommes comme de les séparer d’un seul coup de griffe.

La gorge de la petite blonde se serra alors qu’elle devait soutenir le regard vitreux et blanc de la guenaude.

« Puissante Oiche, nous ne pensions pas— »

La créature pencha la tête avec un sourire carnassier :

« …passer par mon marais sans même prendre un café ? » L’air de la vilaine était toute amusé. C’est qu’elle savait que ni la magie de la fille-serpent ni celle du garçon n’allait les sauver du sort qu’elle leur réservait, bien que Branwen ait quelque chose à redire si Brynn perdait un cheveu de sa petite tête blonde. Le garçon, lui, en revanche… « Il est bien maigrichon ton ami, petite Brynn. Tu ne les préfères pas plus… grassouillet ? »

Et comme elle disait ça, la vieille Oiche venait pincer entre deux griffes la petite brioche qui aurait bien aimé avoir disparu depuis.

Brynn ravala douloureusement sa salive, jetant un regard à Sheraz.

« C’est très impoli de notre part c’est vrai, mais nous sommes pressés, ma mère nous attends » mentit la petite blonde, en espérant peut-être que signifier que Branwen était au courant de sa venue changerait la donne. En réalité, outre faire sourciller la guenaude, cette dernière sembla à peine touchée.

« C’est très impoli il est vrai, de refuser une invitation d’une fée », commenta la vieille Oiche, attrapant cette fois du bout de ses griffes le col de l’homme-gallinacé. Brynn s’approcha, sans doute un peu trop vivement, car la guenaude posa sur son front sa patte immense en une grimace hargneuse : « ça aussi, c’est très impoli », souffla-t-elle, alors que Brynn s’écrasait face contre le sol, sans qu’on ne sache vraiment si elle était endormie ou même morte.

Comme le garçon allait finir par se débattre, la vieille Oiche l’endormit aussi entre ses griffes et s’en alla jusqu’à son terrier en le traînant sur le sol, comme un filet de patates… ironique, puisque c’est bien avec des patates qu’il irait ce soir même.

…*…

Le front encore douloureux, Brynn se redressa dans un sursaut brutal. Ses yeux clignotèrent alors que Noodle, le petit serpent blanc, la fixait d’un air inquiet. Il n’eut pas le temps de siffler un seul mot qu’elle se relevait à la façon d’un chat, jaugeant d’un regard ce qu’il convenait de faire. Se rendre jusqu’au terrier de la guenaude était de loin le pire des plans pour la petite blonde, mais aller quérir Branwen sa mère c’était prendre le risque de récupérer le pauvre Sheraz Mahal en premiers morceaux manquants, et à cela même la mécamagie ne pourrait rien.

« Va chercher ma mère » siffla la gamine au serpent qui la fixa, comme pour juger du sérieux de sa demande. « Tu lui diras de venir me chercher chez Oiche. »

Le serpent montra ses crochets en signe de désapprobation, mais cela ne suffit pas à arrêter la petite blonde qui s’élançait déjà en faisant demi-tour, sans savoir depuis combien de temps le sortilège de la guenaude l’avait forcé au sommeil.

…*…

Sheraz Mahal avait repris conscience seulement car l’eau de son bain était bien froide. Enfin, bain… Il fallait plutôt voir sa tête en comprenant que le récipient dans lequel on l’avait enfoncé jusqu’à la gorge n’était ni plus ni moins qu’un chaudron bien profond. L’odeur de la mixture lui chatouillait le nez, et même avec le nez le plus fin, il aurait été bien difficile de saisir la moindre note, de deviner la moindre épice, d’autant que le mélange de tout était ferreux et nauséabond.

Au premier cri, la vieille Oiche eut un petit rire joyeux.

« Tu chantes bien, petit garçon », complimenta la guenaude, s’éloignant dans la seconde pour venir découper sous un gros hachoir mal lavé de poules éventrées. Elle n’en gardait curieusement que la tête, qu’elle jetait sans trop regarder vers le chaudron.

« Chante encore, cela m’ouvre l’appétit » chantonna-t-elle, sans plus s’intéresser au garnement bien ficelé à son bâton.

Autour de lui, Sheraz Mahal pouvait pour la première – et sans doute la dernière fois – admirait la douceur d’une maison de guenaude, toute décorée d’ossements blanchis, de carcasses faisandées et de viscères décoratifs. Pour ça, la vieille Oiche avait de l’esprit et elle avait attaché autant qu’elle l’avait pu les boyaux en guirlande, et les saucisses de viande séchaient tranquillement entre des bouquets de belladone et de cigüe.

…*…

Le terrier de la guenaude s’enfonçait dans la terre et l’odeur de sang qui s’en dégageait était implacable. Il aurait bien difficile de passer à côté, même sur plusieurs kilomètres. Maintenant, Brynn ne pouvait pas non plus entrer à l’intérieur et en sortir entière. La vieille fée n’aurait certainement pas bien vécu l’affront, et Branwen n’avait peut-être pas à ce point d’autorité pour permettre une pareille insulte.

Dans un des petits trous de taupe qui offraient un peu de lumière au terrier, Brynn put apercevoir Sheraz Mahal, peigné à un poteau, et la vieille Oiche en train de faire sa petite tambouille. De temps en temps, résonnait le craquement du cartilage sous ses crocs. Elle n’avait aucune chance si elle entrait seule… en revanche, autant de viande pouvait bien exciter n’importe quel prédateur.
Y compris des prédateurs sur lesquels la guenaude n’avait aucune emprise.
Des prédateurs qu’elle avait bien conseillé à @Viper Saito d’éviter.

Brynn se redressa, pour finalement foncer tout droit vers le lac-aux-fées qui était un peu plus loin. Elle n’en aurait pas pour longtemps, et en période de pleine lune, ils seraient forcément dans les environs.

…*…

« Tu ne chantes plus beaucoup » maugréa la vieille guenaude, alors qu’elle allumait sous le chaudron le feu magique de flammes vertes et violettes mêlées. Il se dégageait d’elle une vieille magie, aussi oppressante que dangereuse, et il semblait que tout se pliait à sa volonté dans son terrier, de la matière aux éléments, aussi dociles que de gros chats sous ses griffes aiguisées.

La vieille Oiche était cependant surprise, et cela se vit alors qu’elle perdait son regard morne dans le plis de la mixture devenue liquoreuse et épaisse, dans laquelle était toujours plongé Sheraz. Que la petite blonde ne soit toujours pas revenue ne pouvait pas signifier dix milles choses. Soit elle était déjà partie trouver sa mère, auquel cas elle aurait encore le temps de faire ce qu’elle avait à faire. Soit elle avait été un peu trop brutale et la gamine avait perdu une partie de sa mémoire, de ses facultés, ou même pire, était-elle morte sur le sol du vieux marais.

La mort de Brynn ne l’inquiétait pas vraiment – mais les répercussions seraient bien ennuyeuses. Branwen avait le mérite d’être la seule sorcière du Pays de Galles à ne jamais faire une demande à la famille Cynfeirdd, ce qui avait bien aidé et avait permis une vie paisible à la guenaude, mais la mort de sa gamine pouvait changer la donne. Cela signifiait tirer un trait sur le Pacte des Fées signé quelques années auparavant, mais puisque Brynn avait été la raison pour laquelle elle l’avait signé en premier lieu…

« Qu’est-ce que… Ssssh, Sssshut », siffla la vieille Oiche, alors que l’eau sous Sheraz avait commencé à faire remonter à sa surface de grosses bulles au parfum écœurant.

Elle tendit l’oreille, et se tourna juste au moment où les loups entrèrent dans la bergerie. L’image était bien choisie puisqu’il ne se fallut que d’un clignement d’œil pour voir apparaître non pas un ou deux wargs, mais une véritable meute. Les immenses loups noirs déboulèrent et s’ils avaient suivi avec beaucoup d’attention la piste de la nymphette, à voir le terrier bien garni de la guenaude, ils oublièrent quelques instants l’existence de la jeune fille. Leurs gueules happèrent avec brutalité les guirlandes et autres décorations et comme des gloutons, ils s’empiffrèrent bien vites.

La vieille Oiche leva les bras au ciel, comme ce n’était peut-être pas la première fois que ça arrivait, et elle s’approcha bien vite.

« Non, non ! Non, cessez, bande de petits… », de multiples jurons gallois jaillirent alors que les wargs tentaient de prendre jusqu’à la dernière miette.

De l’autre côté du terrier, Brynn s’était faufilée, et comme une ombre, elle s’était vite approchée du chaudron. Un petit tour de baguette, et l’épais cordon tomba, le libérant. Elle lui tendit le bras, l’intimant à se dépêcher.
La vieille Oiche battait encore derrière les wargs comme de vulgaires chiens, leur enfonçant ses griffes dans la gueule pour les obliger à recracher, les traitant de voleurs, mais quand elle en tenait un, deux ou trois s’en donnaient à cœur joie.

La petite blonde tira Sheraz par le trou dans lequel elle était passée, et se remit à courir.

« Elle ne se fera pas avoir deux fois » souffla-t-elle, car la vilaine Fée ne souffrirait pas un second affront, même de la fille de Branwen.

Après quelques minutes de course, et sans faire attention, la gamine toute menue se prit le pied dans une racine, s’écrasant avec brutalité au sol. La fatigue commençait doucement à la prendre et elle sentait ses jambes graciles lui demandaient grâce, mais ils n’étaient pas encore assez loin. Il aurait fallu au moins atteindre le vallon des belles-de-nuit, pour ce qu’elles apaisaient de par leur parfum la plus part des prédateurs nocturnes.

Dans un petit pignement, Brynn s’accrocha à la main tendue par Sheraz, seulement pour relever le nez en tête à tête avec ce qui n’était pas un warg ni un loup… mais bien pire encore ?

cw : nudité, horreur, cannibalisme

S'il avait failli défaillir à la première apparition de l'abomination avec qui Brynn semblait prête à tailler une bavette, ça n'était rien encore. La suite des événements allaient avoir raison de Sheraz Mahal et, comme il s'entendait dire qu'il était maigrichon peut-être pour la première fois de sa vie, il se dit qu'il y avait un petit espoir qu'en sus de sa génétique douteuse, on ne lui trouve finalement aucun attrait. C'était sans compter sur une appétence purement cannibale de celle qui se considérait comme fée. Dans un sursaut de je-ne-sais-trop-quoi, le jeune homme eut tout de même un petit mouvement vers sa camarade à la tignasse blonde alors qu'elle s'écrasait au sol, inerte. Petit insecte dérisoire, Sheraz se débattait comme un diable, du moins le crut-il, car lorsqu'il en eut fini de ses vains efforts, il rouvrit les yeux pour s'apercevoir avec horreur qu'il trempait dans un chaudron.

A ce stade, nous tairons l'effet que lui fit cette découverte, dans un souci de préservation du peu de dignité qu'il restait au jeune et prometteur M. Mahal. S'il s'en trouva physiquement allégé et la soupe de la gueunaude légèrement plus musquée, c'est un détail qui ne remonterait probablement pas dans les récits que l'on ferait de cette mésaventure. Du moins, espérait-il que sa chronique mortuaire trouverait quelque chose de plus reluisant à dire de lui.

Écrasé par l'épouvantable scénario qui s'apprêtait à le croquer en tête d'affiche, le souffle haletant, prêt à rompre sa cage de chair et d'os si cela pouvait lui éviter cette fin cauchemardesque, Sheraz se tortillait entre ses liens trop serrés pour ne serait-ce que tolérer une circulation fluide. Très vite, ils lui entamèrent la peau et une inquiétante sensation de froid s'insinua du bout de ses doigts à la naissance de ses coudes, contrastant désagréablement avec ce qui se tramait sous ses pieds.

Les petits travaux de la créature en face de lui, ne firent rien pour l'aider à se tempérer et, s'il tourna de l'oeil, ce ne fut pas pour l'espèce de boucherie insalubre qui plantait le décor, ni pour le triste sort réservé aux poulets dont les têtes flottaient à la surface de son jus, au moins aussi épouvantées que lui, ce fut surtout pour l'intense soulagement qu'il ressentit lorsque le sourire carnassier du monstre se détourna de lui.

…*…

Ce fut le ploc sonore d'une grosse bulle bien grasse qu'éructait le bouillon dans lequel il trempait contre sa peau nue qui le réveilla, avant même la sensation de brûlure. Pourtant, cela ne traîna pas. A partir de là, Sheraz perdit toutes formes de maîtrise, s'époumonant autant qu'il pouvait. A sa décharge, il eut fallu être parfaitement imbécile pour se regarder cuire au court bouillon sans sourciller et il n'était, par ailleurs, pas connu pour être le plus courageux des hommes. Juste comme la chaleur devenait insoutenable, et avant qu'il ne prenne conscience des cloques qui commençaient à se lever sur sa peau, un événement inattendu, ou plutôt un enchaînement de faits de cette espèce, se produisirent.

Des monstres déboulèrent dans la tanière putride de la gueunaude, détruisant pratiquement tout. Brynn apparut d'on ne savait où - quelle importance d'ailleurs ? Sheraz saisit le bras secourable qui le happait déjà à l'extérieur courant comme si le diable était à ses trousses, puisqu'il l'était réellement, nu comme un ver, partiellement ébouillanté, mais il était porté par les ailes de l'instinct de survie, lequel ne pouvait pas se permettre de le laisser se rendre compte de sa condition. L'épiphanie viendrait plus tard. Pour cette fois, ce fut Sheraz qui s'apprêtait à relever la galloise, quitte à l’agripper par le col, quand ils tombèrent nez à nez avec une nouvelle abomination. Par réflexe, Sheraz tendit la main pour faire glisser sa baguette du petit logement qu'il cousait toujours dans l’intérieur de ses manches, dans un geste tout proche de ce qu'un Wolverine aurait pu faire sur grand écran. C'est alors qu'il réalisa avec une gêne immense qu'il avait laissé la moitié de lui-même quelque part dans le taudis de la gueunaude. L'étincelle de bravoure fauchée par cette soudaine prise de conscience, le jeune homme se couvrit de ses mains pour préserver ce qu'il lui restait de dignité, fixant la créature de deux immenses yeux noirs affolés.

(Musique ambiance)

Elle ne l’avait jamais vu ainsi transformé, mais quand Brynn plongea son regard dans le sien, quelque chose l’avertit que  c’était bien lui. Alors doucement ses épaules se firent plus basses et elle le laissa approcher, tendant à son tour ses deux mains comme une amante viendrait cueillir une nuque. Son front se posa tout contre le poil, et malgré l’urgence de leur situation, la chaleur qui transpirait du corps lupin la fit sourire, fébrile.
C’était la première fois depuis février qu’elle revoyait @Viper Saito, et si le moment n’était pas le plus approprié, cela lui tira au moins une sensation étrange - une morsure piquante et agréable au cœur.

Elle laissa retomber ses mains le long de son corps en entendant au loin le hurlement sinistre des wargs rendus fébriles. Ils n’avaient pas oubliés l’odeur de la nymphe et maintenant qu’il n’y avait plus rien à voler dans la tanière, ils se rendaient compte qu’ils avaient encore faim.

« Il faut partir, aller jusqu’aux délicates-de-minuit et espérer que ma mèr-- »

Au même moment, Noodle tomba sur le sol, quittant la fourrure sombre du loup pour la jambe de sa maîtresse. Les sourcils de la jeune fille se froncèrent un instant, se rendant soudainement compte que si Noodle était ici, cela signifiait que Branwen n’avait jamais eu le message et qu’elle n’était donc pas en route pour venir les sauver de la guenaude.

Alors que Brynn cherchait une solution, un arbre au dessus craqua et tomba, frôlant le petit groupe qui eut au moins le temps de s’écarter du chemin. Les wargs étaient désormais libres et la guenaude avançait, son rire funeste résonnant dans toute la forêt sans qu’on ne sache d’où il provenait exactement. Brynn jeta un regard à Sheraz Mahal, nu, puis à Viper Saito, transformé en loup.
A eux trois, ils n’avaient pas assez de puissance pour espérer ne serais-ce qu’inquiéter la vieille Oiche.

A eux trois, ils ne pesaient pas grand chose dans l’équilibre de Gorsedd.

Un petit soupir fila entre ses lèvres alors qu’elle montrait du doigt un petit chemin montant, ce qui aurait eu bien vite fait de les ralentir, mais c’était aussi le chemin le plus court vers les seuls qui allaient bientôt pouvoir les sortir de ce pétrin.

« Dokuja, tu vas devoir le porter, il nous ralentira sinon », souffla Brynn en désignant Sheraz Mahal.
Elle agita sa baguette rapidement, une première fois, mais le sortilège était défaillant et aussi elle ne réussit qu’à lui faire apparaître à même la peau un pagne maladroit mais au moins de quoi lui redonner un peu de dignité.

Après un second sortilège et le craquement sinistre de l’écorce, Brynn se remit à courir vers le sentier qui serpentait. Le chemin était peut-être plus long que jusqu’au champ des délicates-de-minuit, mais leur sûreté serait assuré pour peu qu’ils en payent le prix.

Les wargs arrivèrent en une petite meute enragée, dont certains défiaient la guenaude d’approcher et d’interrompre leur chasse. La vieille Oiche comprit rapidement ce que la jeune Gwent cherchait à faire, et se doutant qu’elle n’aurait jamais le temps d’arriver à temps pour rattraper une petite cheville avant qu’ils ne passent le lac, elle leva les mains et incanta de sombres paroles qui ne vinrent à l’oreille que de celui ou celle qui fut maudit par la guenaude.

[ Lancer un dé Néophyte 30%. Si le dé Néophyte 30% réussit, la Malédiction de la Guenaude vous touche. Choisissez votre malédiction ; elle ne sera effective qu'une fois ce RP fini. Vous pouvez ne pas faire cette étape et établir que la Malédiction ne vous vise pas. ]

Brynn, chancelante derrière le loup-garou, eut un regain d’espoir au moment où enfin ils arrivaient en haut, face à un lac immense et silencieux, lisse comme s’il n’y avait jamais eu ni vague ni remous.

Un warg juste derrière elle, elle se jeta tout contre son Dokuja, les mains serrées contre lui, alors qu’ils entraient tous les trois dans l’eau glaciale du lac en même temps. Ils purent sentir la magie les enfermer dans une drôle bulle qui leur permettait de respirer et naviguer entre les longues algues. La nuit étant encore bien noire au dessus de la surface, les trois sorciers ne pouvaient apprécier qu’au dernier moment les silhouettes, parfois pour s’en amerveiller, d’autres fois pour seulement s’en faire une véritable frayeur.

Dans la bulle magique, Brynn avait glissé sa main dans le pelage du loup, seulement pour le sentir là. Elle avait aussi gardé un oeil sur lui, comme pour voir s’il n’avait pas été blessé, comme si elle ne revenait pas de sa présence.

Au final, la bulle les fit s’échouer sur un rivage où de nombreuses petites lumières brillaient, quoi qu’à bien y regarder, c’était autant de petites fées, de petites créatures dont les ailes illuminaient la nuit comme de microscopiques étoiles. Les fées d’ici étaient étranges, avec leurs grands yeux disproportionnés, et leurs longues oreilles pointues. De diverses tailles, d’âges ou de couleurs, cela formait comme un tableau sans pareil. Certains étaient même montées sur des champignons, des crapauds, des libellules ou encore plus simplement des graines de pissenlit flottants dans le vent.

Brynn se releva doucement, observant l’assemblée devant eux, et puis finalement s’inclina respectueusement et profondément.

« Ellyllons, Reine Mabb, je m’excuse de déranger votre paix et d’entrer sur vos terres. J’espère que vous comprendrez que je n’ai guère eu le choix, puisque la vieille Oiche était à nos trousses avec une meute de warg entière, et nous étions trop lents pour pouvoir nous sortir seuls de ce mauvais pas. Je vous suis très reconnaissante de nous laisser entrer sur votre terre et je vous promets que nous nous en irons aussitôt le soleil levé. »

« Vous venez de vivre une grande aventure », commença une voix claire et maternelle d’entre les fleurs accrochés à des lianes épaisses, ressemblant à d’immenses passiflores, « vous devez être très fatigués... »

S’approchant un petit peu, ce qui ressemblait finalement à une fée et pas plus grande qu’un poing, se présenta devant eux. Elle portait sur elle, et bien que ses traits furent minuscules cela semblait indéniable, toute la noblesse de la race des fées, et bien plus encore.

Derrière ses cheveux roux, on devinait un sourire amusé et doux, car fort heureusement c’était bien à la Reine des Ellyllons que les trois comparses avaient à faire et non pas à la Reine Mab, la reine des mauvaises fées.

« Reposez-vous pour l’heure. »

« Merci énormément pour votre hospitalité, Reine Mabb. »

« Ne me dites pas merci. Vous me direz merci quand vous serez enfin revenus entre les jupes de votre Mère. »

Le sourire plus énigmatique, la fée-reine n’échangea pas plus de mots que ça et s’éclipsa comme le reste de sa cours, abandonnant les trois jeunes sorciers sur ce bord de rivage. De là, plusieurs fées d’une jolie couleur dorée leur firent comprendre qu’il fallait aller jusqu’à un endroit plus loin dans les terres de Gorsedd, et là ils purent trouver un feu de camp allumé, trois paillasses, de quoi manger et même quelques habits, après quoi toutes les fées disparurent dans un petit rire moqueur.

Mellon Collie And The Infinite Sadness,
8 Mai 2023.

W

hen the
party's
over

@Brynn Gwent & @Sheraz Mahal

Occultant les fragrances du péril et la présence du couard dénudé, la temporalité de l'obake se joua de toute physique, se figeant ainsi un court instant pour laisser aux deux amants la possibilité d’apprécier pleinement leurs retrouvailles. La tendresse d’une caresse, le contact de la chair se mêlant à son pelage, l’enfant-loup frissonnait d’un plaisir certain à renouer avec ces moments intimes fauchés par le manque. Et telle l’épine d’une rose, la voix de la serpentine perça cette parenthèse en suspens. Pendu aux lèvres de la blonde et irrésolu à quitter le magnétisme d’un visage innocent, les oreilles du yōkai se plaquèrent en arrière avant qu'un couinement coupable ne vienne à glisser le long des babines de cette "abomination". Déviant son regard de la préfète, le lycan s'abreuva de la beauté simple d'une mère sauvage pétillant de vitalité au zénith.  

Et sans annonce, un arbre rompu s'écrasant à la frontière de leur flanc, en un soupir, leur fébrile sûreté s'était trouvée guillotinée par la proximité de la menace. Émanant du tréfond d'un être sournois, s'élevant avec cynisme et brisant la tranquillité fragile de Gorsedd, le rire gras du démon arracha un grognement à l'Inugami. Les pattes ancrées au tapis feuillus, le loup-garou s'apprêtait à faire front et protéger cet immense peu qui l'empêchait au quotidien de sombrer. Les crocs tout dehors, la presse d'une horde de corniauds vibrant sur la couche cornée de ses coussinets, l'escorte de cette guenaude tutoyait désormais leur position. La truffe plissée sous l'odeur de charogne déambulant avec offense, la mort filant à la vitesse d'une balle d'argent, l'Okami s'exécuta et suivant les indications brui de la galloise, d'un coup de museau habilement exécuté, il bouscula le craintif blaireau par-dessus son épine dorsale.

Suivant aveuglément la naïade, son fardeau sonnant les cloches d'un dos malmené, les trois sorciers se perdirent en une course poursuite débridée. La Gwent cavalant à ses côtés, le claquement de gueules édentées brassant leurs arrières, le sentiment ridicule de l'effroi se confondit sporadiquement à l'adrénaline et la frénésie de l'hybride. Porté par le désir d'une survie familière, le mamono glapissait à s'en déchirer les cordes vocales. Les stridulations encourageantes couvrant les grondements échevelés de la meute, loin de le réaliser, le monstre nippon commençait doucement à distancer la jeune femme. Si bien qu'à bout de souffle, les yeux rivés sur l'onde lisse de leur destination et la poitrine assaillie d'une brûlure charnelle, le ternaire malencontreux plongea sans vaciller à travers le miroir aqueux du plan d'eau.  

Aussitôt la tiède surface et son lit d'algues trouée, le bakemono sentit une légèreté dépassant toute entendement le transpercer, vacillant entre l'allégresse et l'ivresse d'une fuite. Le poids ruineux de son bagage se mut alors le long d'un poitrail épargné par l'écume. L'accompagnant d'un regard abondant d'un jugement stérile, paré à rattraper cette charge morte, le garçon-loup remarqua finalement le caractère de cette magie les masquant de toute rosée. Les iris balayant ce qu'il s'attendait à être le bouillon de leur entrée brusque dans le lac, les pupilles du l'animal se contractèrent pour mieux apprécier le spectacle opaque de l'aqua simplex se développant par delà les parois d'une bulle magique. D'une saccade intempestive, le lycanthrope se détacha de ce divertissement pour s'assurer d'une précieuse présence. S'attardant inconsciemment sur les contours envoûteurs d'un visage parfait par les ombres de la nuit, le poil du majimun s'associa aux extraits blondins de la Serpentard.

Sans détour, le lagon confia ses convives à la sécurité de la berge opposée. S'ébrouant une robe conspuée d'un transport au confort discutable, l'attention du japonais se désintéressa promptement de son apparence. Les sens à l'affût aussitôt la terre ferme regagnée, l'omniprésence d'une myriade d'esprits lacérait son odorat, le vrombissement de leurs élytres battant l'éther hachait son ouïe d'un sifflement raseur et la lueur de ces étoiles éphémères agressa une vue habituée à la noirceur de la sorgue. Alors, la flamme d'un instinct primitif l'emporta sur la froideur d'une passivité et exempté de toutes courtoisies, les fibres musculaires du yōkai se bandèrent. En une cabriole, ses canines refermèrent le piège mortel d'une gueule zélée. Et si le goût du sang versé embaumait déjà les papilles du loup, cette fluette essence féérique ne devait son salut qu'aux manières délicates de la Gwent.

Imitant sa prétendante, toussant son captif dans un hoquet nauséeux, l'imposant Inu se cabra en une révérence maladroite, mais pas moins respectueuse. Le séant écrasé sur le rivage, la tête inclinée sur le côté, les prunelles du louveteau naviguaient avec intérêt entre les deux interlocutrices. La vigilance toujours constante, un aboiement ajournée se tut en chuintement. La Reine Ellyllons venait-elle de les mettre en garde ou de les menacer ? Viper ne savait qu'en déduire, ainsi sans se faire prier, il happa Mahal par sa tignasse encore poisseuse et le jeta sans ménagement contre ses reins et d'un coup de museau invita Brynn a le rejoindre. Si l'Aphrodite leur faisait confiance, lui savait mieux que personne, que dans ce monde rien n'était dépourvu d'un tribut à payer. Et ce rire persifleur chaperonnant le départ des fées, ne lui disait rien qui vaille. Encore sous sa forme lupine, Saito était venu se blottir contre l'ainée de Branwen, sa robe grisonnante encadrant les épaules menues de la nymphe, tandis que sa méfiance se dressait en oiseau de mauvaise augure.

MADE BY @ICE AND FIRE.

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