Moral of the Story

Moral of the Story

05 mai 2023, 15h00

feat. @Kathleen J. Jones

Ses pas s’enfonçaient dans l’herbe sans émettre le moindre bruit. Le refuge du Chat d’Or était éloigné de toute civilisation, comme l’avait voulu Stanley Hollow pour toutes les zones que la SPAF tentait de sauvegarder. Avec le retour de la douceur, les fleurs étalaient devant lui leurs couleurs fantasques, en grappe pour les glycines violettes, en bouquet pour les premières roses de la nouvelle année. Les floraisons précoces le laissaient de glas, pour lui qui était né au cœur de l’automne, et au milieu du jardin, tout guindé dans son habit de nuit, le Corbeau avait l’air d’apporter avec lui tout le malheur du monde.

Son visage restait parfaitement neutre alors que ses doigts s’enroulaient sur une petite sacoche. Il avait dû écarter @Fergus Clearwater, pour des raisons évidentes, pas plus qu’il n’avait parlé de cette descente à tous les autres Clearwater (@Jameson Clearwater, @Braxton Clearwater et @Sean Clearwater n’avaient pas vraiment besoin de savoir, pas vrai ?). Il ne doutait pas qu’ils avaient déjà tous fait leur office auprès d’elle, ou peut-être que non puisqu’ils avaient dans le même temps le cœur sur la main, mais lui se fichait bien de savoir qui elle était et son histoire.

Enfant d’orphelinat ou non, ça ne changeait pas que la piste s’arrêtait à elle, et qu’il avait besoin d’elle pour aller plus loin dans ses réflexions.

Tout le long du chemin, le silence était de mise, et chaque pas que James faisait dans le jardin, remontant calmement les kilomètres jusqu’à la cabane du refuge, le raffermissait dans sa décision. Ce n’était pas un mensonge. Une simple omission. Ce n’était pas comme si les autres langues-de-plomb lui adressaient la parole de toute façon, et @Jameson Clearwater avait l’air d’avoir d’autres soucis à gérer avec la situation récente de Poudlard. Ce qui l'arrangeait bien. Maintenant qu'il devait se douter pour Ana, il lui semblait difficile de lui faire face.

Enfin, son pas s’arrêta devant la porte du Refuge où il toqua deux, trois fois. Il attendit qu’une voix à l’intérieur ne l’invite pour pousser la porte, d’un air détendu quoi qu’il ait toujours sur lui cet air un peu méprisant. Il referma derrière lui, avant d’avancer jusqu’au comptoir.

« Bonjour, je me présente, James Grey », il sortit de la poche intérieure de sa veste un petit document soigneusement plié sur lequel on voyait apposé le sceau du Ministère, « j’aimerais poser quelques petites questions à Madame Kathleen Jones. Si vous pouvez m'indiquer où elle se trouve ou l'appeler, merci. »

Le garçon le fixa avec des yeux ronds, derrière ses boucles brunes il avait l’air de peser le pour et le contre. Avant qu’il ne le rabroue par pure loyauté, la femme-chat passa le chambranle avec dans les bras un veaudelune, marmonnant un « Amour, il y a des para… », et sa voix se mourut aussitôt qu’elle put ressentir l’atmosphère lourde qui plombait le refuge.

Cet air, elle pouvait le reconnaître. Elle l’avait vécu des centaines de fois, à l’époque où elle recevait les visites régulières du Ministère, à cause de Ryan et de ses petits méfaits. Il n’était qu’un chef de meute, et il défendait les siens, et parfois… Non, elle l’avait toujours excusé. C’était aussi pour ça qu’il n’avait jamais arrêté. Elle repensa à sa discussion récente avec @Sean Clearwater avant sentir une vague de dégoût la traverser, de dégoût pour elle-même.

« Amour, prends-le, je m’en occupe. »

Le gars allait redire, mais Kathleen lui adressa un sourire simple :

« T’inquiètes pas. »

James Grey glissa son regard sur la professeure alors que le garçon, du même âge qu’elle, attrapait le veaudelune et s’extirpait de la pièce, non sans lui dire à voix basse – mais l’ancien serpentard entendit – qu’au moindre problème, il n’était pas loin.
Le langue-de-plomb ne fit rien et attendit de voir Kathleen Jones se rapprocher pour découvrir une femme fluette, au teint livide. Moins épaisse que son dossier au Ministère. L’image même d’une femme soumise, au regard servile.

« Est-ce que… ça vous dérange, si on va marcher ? Dehors ? »

James se retint de lui faire remarquer que marcher à l’intérieur avait peu de sens. Au lieu de ça, il hocha la tête :

« Je vous suis. »

L’excentrique Amour Whistledown s’écarta pour laisser partir Kathleen avec l’agent assermenté du Ministère, non sans un dernier regard. Le propriétaire du Pawfect World n’avait rien contre le gouvernement, pour peu que ce dernier n’empiétait pas sur les plates bandes de la SPAF. La petite brune, elle, semblait avoir l’habitude, c’est du moins la remarque qu’il se fit.

En dehors de la cabane, les chemins se voulaient fleuris. Ils offraient à la vue les glaïeuls de multiples nuances et les mufliers qui ornaient les chemins, faisant même un peu d’ombre aux quelques rejets de noyers et de sorbiers qu’on trouvait dans les environs.

James Grey n’y fit pas attention ; il coinça ses bras à l’arrière de son dos, comme un volatile funeste, alors qu’il marchait à côté d’une femme pâle comme si elle était malade. Elle grimaçait de temps à autre, sentant comme des pointes lui remonter de l’aine jusque dans le dos - sans doute une sciatique ou simplement un effet secondaire des potions que le docteur  @Dâriush Aslan  lui avait prescrit presque cinq mois auparavant.

« Qu’est-ce qui me vaut l’honneur d’une visite ministérielle ? » commença Kathleen, sous son masque de Jinx, résignée et simple sous le cuir de son blouson.

« Excusez-moi de mon manque de tact, mais je viens vous apprendre qu’un incendie a ravagé le 75 Sandy Lane, à Bristol. »

Kathleen fit encore quelques pas, en silence, alors que James guettait du coin de l’oeil sa réaction - ou plutôt, sa non-réaction. La femme releva le nez à un moment, clignant des yeux pour les poser sur l’employé :

« C’est terrible en effet, mais qu’est-ce qu’il y avait au 75 Sandy Lane ? »

« Oh. C’était la demeure de Madame Theresa Langley. »

Le nom eut un effet électrisant chez Kathleen. James le vit aussitôt, à la façon dont sa pupille s’était rétractée, à la violence avec laquelle son coeur avait l’air de s’emballer et elle de mal le maîtriser. Elle se pinça les lèvres, le visage plus blanc qu’il ne l’était juste avant, alors qu’elle fronçait les sourcils à de multiples reprises, comme si elle ne comprenait pas.

James attendit, puis finalement fit le choix de lui couper l’herbe sous le pieds :

« Je suis navré, mais Madame Langley est décédée. »

Ce n’était pas exactement un mensonge, pas exactement une vérité, mais James Grey était déjà hors des clous de ce qui était la procédure habituelle, la marche à suivre comme on le disait. Il l’était d’autant plus que fin avril, Stanhope l’avait relevé de ses fonctions.

Il avait été le plus étonné lorsqu’après avoir livré ses derniers rapports sur l’activité de @Braxton Clearwater, il avait vu le responsable presque ennuyé de l’avoir écouté. Il avait bien remarqué que dès février, son intérêt pour le dossier avait chuté, et de fil en aiguille, James avait attendu qu’on balaye la chose sous un meuble, sous couvert, comme disait Stanhope, « d’avoir été rassuré sur la condition et la stabilité de Braxton Clearwater ». Ca semblait gros pour dire qu’ils n’avaient rien trouvés d’intéressant à se mettre sous la dent.

James n’avait encore rien dit de tout ça à @Jameson Clearwater, et il se gardait bien de poser une quelconque question à @Fergus Clearwater qu’il avait, de manière totalement voulue, laissé de côté pour cette mission.

Parce que Kathleen Jones ne le connaissait pas lui, alors qu’elle avait a priori un lien bien étrange avec les Clearwater. Le genre de lien que Stanhope entretenait avec son cercle d’érudit - il avait d’ailleurs été étonné de voir @Cléopatra Amonwë dans la liste des invités de ces petites sauteries d’intellectuels. Il y avait été invité ; il avait refusé, poliment, sur le principe qu’il avait des affaires de mariage à régler.

Il n’y avait plus de mariage de prévu, mais des histoires, il en avait encore, oui... tandis que Braxton, lui, s’étranglait dans son divorce.

Voilà qui était ironique et amusant à la fois.

Quant à Kathleen Jones, c’était visiblement son ancien compagnon qui l’étouffait, sans avoir le besoin d’être là. Etait-ce une forme d’agression sexuelle que de casser les couilles à ce point quelqu’un ?

La petite brune avait l’air désemparé, le regard un peu vidé, les épaules tombantes sous sa veste de cuir. Comme si elle apprenait une mauvaise nouvelle, et qu’en même temps, elle s’y était attendue. Depuis des années.

Ses lèvres tressaillirent, et James attendit quelques longues secondes qu’elle le dise :

« Sa mort... Elle n’est pas récente, n’est-ce pas ? »

Le Grey jubila intérieurement, mais son visage resta parfaitement neutre.

« En effet. La datation remontait à plusieurs mois, peut-être des années. »

« Des années... »

Kathleen pencha la tête, se mordillant l’intérieur de la joue.

Theresa Langley l’avait maltraitée, l’avait battue, l’avait humiliée. Elle était encore, trente ans plus tard, la raison de pouvoir elle ne portait jamais de couleurs claires et de pourquoi elle se sentait aussi inutile au sein du monde. Certes Braxton lui avait crié une fois aussi qu’elle n’était rien, qu’elle n’était qu’une perte de temps, mais Madame Langley l’avait gravée au fin fond de son âme, l’avait enfoncé dans sa chair à coup de règles et de baguettes rigides.

Combien de fois avait-elle voulu qu’elle meurt et maintenant qu’elle l’était - vraiment - elle ne se sentait pas si heureuse que ça. D’autant qu’elle savait pertinemment, avant même que James Grey ne le lui dise, ce qui s’était réellement passé.

Alors les épaules basses, l’air ennuyé, Kathleen inspira profondément.

« Il a toujours dit qu’un jour, il irait se venger... »

« Ryan Malhorn Renfield ? »

Elle leva ses yeux noisettes sur lui, avec un pauvre sourire, avant de détourner les yeux.

« Il n’aimait pas grand monde, mais Madame Langley, c’était... c’était quelque chose. »

Sa langue avait voulu dire «mérité», mais à chaque fois elle revoyait le visage dégoûté et méprisant de @Sean Clearwater et elle avait l’impression de le trahir de nouveau.
De trahir de nouveau Braxton.

Dans le silence que James lui imposait, dans l’observation de ce profil sévère et supérieur, Kathleen se sentit plus petite et vulnérable. Ses yeux tristes se baissèrent alors qu’elle s’imaginait la vieille Theresa Langley face au loup. Ce ne l’étonnait plus. Un soupire passa sur ses lèvres, alors que leurs pas les avaient mené l’un l’autre sur un sentier qui serpentait le long du vallon. Le soleil en éclairait le flan, mais Kathleen n’en sentait pas la chaleur, juste l’effroyable poids sur ses épaules.

« Pour autant, vous imaginez bien que le Ministère ne dépêcherait pas quelqu’un seulement pour vous apprendre son décès. » James croisa doucement ses mains dans son dos, sans poser un regard sur la professeure. Au lieu de ça, il observa les grappes fleuries qui descendaient le long des branches basses. Une passiflore ici avait envahi un petit arbre et l’étouffait presque entre ses tiges enroulées. « J’ai une convocation qu’il me tenait à cœur de vous remettre en personne. »

Derrière ses mèches brunes, Kathleen tressaillit, d’abord sans comprendre de quoi il en retournait, puis machinalement elle tendit les mains et attrapa l’enveloppe scellée que James lui tendait.

« Puisque Poudlard est fermé jusqu’à nouvel ordre, je ne voulais pas que cette lettre me revienne. Au moins, je suis certain que vous l’avez reçu. »

Le ton avait beau être calme, cela n’augurait guère quelque chose de positif. Jusque là, Kathleen Jones n’avait jamais ennuyé par la justice. @Braxton Clearwater s’était bien gardé de faire état de son existence, et même son passage à Sainte-Mangouste était presque passé inaperçu, quant à son état d’animagus, cela n’était toujours pas inscrit sur aucun des listings du gouvernement.

La lettre tomba entre ses doigts tendus comme une enclume au bout de ses bras.

Elle l’ouvrit lentement, non sans trembler un peu. Le document était frappé du sceau du Ministère, et aussitôt qu’elle l’effleura, un petit trait lumineux se souleva et voleta jusqu’à James. Une forme vaporeuse et claire apparut entre les doigts du sorcier ; la copie conforme de la lettre ainsi qu’une date et une heure d’ouverture du document. Une certification rare, pour des documents d’ordinaire très importants comme des pactes signés ou encore des affaires notariales.

Pour une convocation au Ministère, en revanche, elle n’avait jamais rien vu de tel. Quand la BPM se déplaçait chez elle, elle n’avait jamais eu à faire à ce genre de procédé.

Jones fronça doucement les sourcils, sentant monter en elle une vague anxiété. James dut lire l’incompréhension qui la sciait à ce moment-là car il se recula d’un pas, pour lui laisser un peu d’espace et le temps peut-être d’assimiler le texte.

La lettre était succincte au demeurant ; il n’y avait d’écrit qu’une date et une heure de rendez-vous au Ministère, un étage également - celui des mystères - et enfin le motif - une déposition était attendue quant aux nombreux événements, notamment l’attaque de juillet et l’incendie ayant ravagé le maison de maître des Langley.

Le second élément n’était pas nécessairement le plus légitime, d’autant que c’était @Fergus Clearwater qui y avait mis le feu dans des conditions que James connaissait parfaitement, mais l’ancien serpentard devait avancer sur son enquête, et pour se faire il devait forcer le loup à sortir de la forêt.

Tant pis si @Braxton Clearwater prenait la mouche de ne pas avoir été ne serais-ce qu’averti.

« Qui... qui prendra ma déposition ? » murmura doucement Kathleen, contemplant encore quelques secondes le document sans bien comprendre ce qu’on attendait d’elle.

« Il y a de forte chance que ce soit moi. »

La petite professeure allait dire quelque chose, mais sa voix se mourut aussitôt sur ses lèvres. Qu’allait-elle dire ? « Et Braxton ? » Cela lui parut invraisemblable. Cela aurait rendu le langue-de-plomb plus coupable. De quoi exactement, elle ne savait pas, mais il y avait tellement de choses qu’elle ne comprenait pas dans le fond, qu’elle se tut.

James cilla en la voyant se refermer aussitôt dans un mutisme servile. Cela l’agaçait mais c’était, pour l’heure, tout ce dont il était en mesure de faire légalement. Il remit correctement sa veste sur ses épaules.

« Si vous avez des questions, prenez cette carte », il lui glissa entre les doigts ce qui ressemblait à un petit bout de papier, « vous n’aurez qu’à écrire dessus, je vous répondrais dans la minute. »

Sur le bout de papier, qui était tout à fait réglementaire, on voyait quelques instructions au dos sur comment joindre le Ministère, et le nom de l’agent l’ayant remis - James A. Grey. Kathleen hocha la tête, faisant comprendre qu’elle en prenait bien note, alors que ce dernier la saluait d’un sourire.

« En attendant le jour de votre convocation, prenez bien soin de vous, Madame Jones. »

Un dernier geste de la main, James fit demi-tour sur le petit sentier jusqu’à être assez loin pour pouvoir transplaner.

Kathleen resta quelques longues secondes avec la carte et la lettre entre les mains, sans savoir quoi en faire. Après un long moment de perdition, elle termina par les plier toutes les deux et rentrer.

Amour, qui était toujours de l’autre côté du comptoir et avait observé d’un œil ce qui se tramait dehors, fronça les sourcils en la voyant passer la porte.

« On croirait que t’as vu un spectre de minuit » marmonna-t-il, mais cette fois Kathleen ne le contredit pas.

Elle disparut dans l’arrière du refuge, l’air troublée.

TW : accouchement, creepy as fuck.

« Tu peux y aller, je m’occupe du reste » avait-elle dit tout simplement à Amour, alors que ce dernier s’apprêtait à lui poser des questions sur la visite de James Grey au sein du refuge. Au lieu de ça, et parce qu’il était certain d’avoir vu ses yeux rougis par les larmes, le brun s’effaça non sans un petit mot doux pour lui signifier qu’il n’était pas loin, au moins le temps de vérifier les enclos.

Kathleen ne répondit pas. Elle traversa la cabane soudainement silencieuse, l’esprit ailleurs, la carte encore coincée entre les doigts. Comme si elle était au bord de la mort, des images défilaient devant ses yeux, une multitude de visage silencieux. Les lèvres bougeaient, les visages se tordaient, tantôt de colère, tantôt de peur, mais elle n’arrivait pas à les entendre. Seul restait le bourdonnement qui effaçait les mots et les pleurs.

Elle traversa la cabane pour finalement rentrer dans l’enclos principal. Amour jeta un regard à la silhouette qui s’échappait comme un spectre au milieu de la nature, rapidement avalée par les végétations épaisses qui obstruaient la vision. Le brun eut une petite moue coupable, mais par pudeur et par respect, ne fit rien si ce n’est lui dire au revoir à la volée, avant de partir.

L’animagus ne l’entendit pas ; elle continua de marcher calmement alors que le crépuscule avançait doucement dans le ciel. La Lune était déjà visible dans le ciel, comme l’immense œil de Loup qu’elle représentait encore à ses yeux. Elle avait cette horrible impression de ne jamais pouvoir se soustraire à elle. Ce soir pourtant, sa présence la rassurait presque. Ses rayons pâles l’enveloppaient avec la tendresse due aux créatures de la nuit.

Ressemblant trait pour trait à ces banshee décorant les lacs écossais, Kathleen s’arrêta au bord d’un ruisseau. Par égard pour sa peine, tous les hiboux et les moineaux se turent, ou bien alors elle ne les entendait plus. Elle avait marché pendant de longues minutes, avec cette sensation d’être arrivée au bout du chemin. Avec l’impression qu’il n’y aurait plus de demain.

Braxton n’allait pas toujours la sauver. Jameson voulait déjà la voir croupir dans un coin d’Azkaban. Sean avait bien des choses à lui reprocher. Madame Langley était morte, comme ce village une fois au Bénin, où toutes ses autres fois où il avait ruiné la vie des autres et où elle n’avait rien dit.

Complice silencieuse.

Sa gorge se serra, prise de cette nausée crasse qui lui collait de plus en plus à la peau.

Elle n’arrivait même plus à changer cette peau. A s’en défaire pour reprendre son cuir animal. Son manteau de fourrure noir, où était-il parti lui aussi ? L’avait-il abandonné lui aussi ?

Son visage se tordit, son sourire fébrile se fendit en demi-lune pendante alors qu’elle luttait pour ne pas pleurer, mais elle se sentait désarmée. Quoi qu’elle puisse faire, rien n’avait jamais donné de résultat. Elle avait fui combien de fois déjà ? Combien de fois était-elle revenue ?

Mais je ne veux pas revenir, pas cette fois, pensa-t-elle, sa main passa sur son ventre douloureux.

Je ne veux pas revenir.

La petite carte de Ryan écrite en lettres rouges, « need help kitty ? » lui tira une grimace et les premières larmes. Kathleen tomba douloureusement à genoux, sentant son corps se brisait, l’eau lui mouillait les genoux, son estomac se tordre. Elle frappa du poing le sol, furieuse contre cette laisse qui n’en finissait pas de la tirer sans cesse à lui, par l’ordre des choses contre lequel elle ne pouvait rien ou presque rien.

Sans doute aurait-il été plus noble de choisir la mort.
L’idée la frappa mais elle n’en fit rien, reniflant seulement les quelques sanglots qui traversaient ses lèvres. Son ventre se tordit davantage et elle se sentit l’envie de vomir, au lieu de quoi elle grogna seulement, tenant son abdomen des deux mains.

La carte de James Grey avait glissé sur le sol alors qu’elle poussa un premier cri de douleur.

Sans doute aurait-il été plus noble de choisir la mort.
Son corps le lui dictait, du moins elle le crut puisqu’elle avait soudainement si mal qu’elle aurait préféré disparaître. A genoux sur le sol, ses griffes s’enfoncèrent dans la terre du sol alors que son instinct la poussa à faire le dos rond, dans le seul espoir d’apaiser un instant ce qui traversait soudainement tout son torse, comme des griffes profondes dans sa chair, remontant de ses cuisses jusqu’à son cœur. Elle les ressentait d’autant plus fort qu’elle s’imaginait l’emprise du Loup sur elle, son impitoyable envie projetait contre elle. Kathleen poussa un sanglot plus profond alors qu’elle se redressait.

Quelque chose fit comme un poids entre ses cuisses.

Sa main défit le bouton de son pantalon, et quand elle voulut libérer son souffle pour mieux le rattraper, elle poussa finalement un autre cri, de douleur pur, comme on déchirait son âme et son corps en deux. D’une rage féroce elle enfonça ses dents dans ses lippes, pour se faire taire, avant que sa main ne vienne récupérer, instinctivement, la petite chose qui se détachait lentement de sa matrice.

D’un geste qui lui sembla naturel, et bien qu’elle ne comprit pas sur le moment ce qui était en train de se passer, elle vint la presser contre son torse pour mieux la tenir contre elle, l’enveloppant de sa chaleur pour en calmer le pleur qui s’extraya de sa gorge, comme un hurlement douloureux. Kathleen se mit à la balancer, à la bercer contre son cœur, pour calmer sa peur et ses peines, essuyant d’un geste tout trouvé le sang qui couvrait son petit corps brûlant.

Un rire perça les lèvres de la chatte alors qu’elle essuyait ses propres larmes, perdue, désoeuvrée, mais pleine d’un sentiment nouveau. Kathleen clignait plusieurs fois des yeux, pour se persuader qu’elle ne vivait pas là le rêve d’une vie, ou pire encore – le cauchemar d’une existence entière.

Elle renifla, embrassant le front de la petite chose qui cherchait sa chaleur contre elle. La bouche de l’enfant vint chercher le sein, et alors que Jinx découvrait au travers de ses larmes que ce ne pouvait être un rêve, son cœur qui battait fort se mit à ralentir lentement.

Sans doute aurait-il été plus noble de choisir la mort, pensa-t-elle, et alors qu’elle allait y croire, qu’elle allait avec la langueur des agonisants, peut-être choisir de rendre les armes, l’enfant était entre ses doigts.

Une petite fille qui la fixait de ses grands yeux bleus-gris.
Une petite fille blonde…