its like chemicals x kashlana

Une légendaire paire de tes Dr Martens frappe les escaliers du château dans une cadence rapide mais élégante. Une longue chemise à carreaux rouges et noirs portée sur un jean parfaitement sombre mais troué par endroits. Un mug de café dans la main droite, un parchemin dans la gauche, l’on ne peut pas dire que tu prêtes réellement attention à ce qui t’entoure. Certains penseront que tu es perdu dans tes pensées, d’autres diront que tu as bêtement la tête dans le guidon. C’est un peu les deux à la fois.

Ton esprit n’est jamais tranquille, véritable chimpanzé qui grimpe de branche en branche, se balançant pour mieux retomber sur ses pattes ; dans un rythme inlassable, infini. L’intellect en ébullition, tu as passé une bonne partie de la soirée à traduire des articles scientifiques du français à l’anglais afin de les proposer pour le nouveau cours de parapsychomagie concernant les phénomènes de hantise. C’est un travail d’acculturation que de se retrouver ici, en Grande-Bretagne, alors que l’on est issu de la France. Il faut jongler entre les langues et dieu sait que ton accent français reste bien présent.

C’est donc de bonne heure, lorsque viennent à retentir les cloches annonçant le début des premiers cours de la journée, que tu es en chemin pour la bibliothèque de l’Université. Poudlard est immense mais s’il existe un chemin que tu connais sur le bout des doigts, c’est bien celui du Savoir. La bibliothèque est un lieu d’un calme olympien dans lequel tu te sens merveilleusement bien. Tu as besoin d’être entouré de livres, c’est inexplicable, tout comme cet amour des étagères aux bouquins bien alignés.

“Yaslana !”, le salues-tu à distance, l’air pressé comme à ton habitude. Ton visage doit traduire la fatigue de la veille mais peu importe. Il existe une expression française pour le qualifier … Avoir des petits yeux. Tu prends une gorgée de café, portant tes lèvres charnues jusqu’à ce mug aux couleurs bleutées que tu gardes constamment dans ta main - les étudiants pensent qu’il y est greffé. “Voici … Vous allez le dire, je sais … Encore une nouvelle liste de bouquins …” Tu lèves les yeux au ciel, une esquisse à la commissure des lippes. Il doit bien avoir l’habitude maintenant.

L’attitude qui paraîtrait volontiers nonchalante du bibliothécaire ne t’offusque en rien. Ce n’est pas à cela que tu prêtes attention dans l’immédiat, appréciant l’enthousiasme de ses salutations. C’est toujours plaisant d’être ainsi accueilli quelque part. C’est un apaisement réel qui est lisible sur ton visage, en réponse au sien. Tu comprends bien vite qu’il était en pleine méditation, activité que tu aimes à pratiquer régulièrement en ce qu’elle te permet d’être davantage présent et ancré dans le moment présent. Se saisissant de cette impressionnante liste d’ouvrages, il poursuit la boutade en questionnant la nature éminemment philosophique de la commande.

“Hm, il y a de la philosophie, oui, mais pas que … Regardez, il y a pas mal de psychomagie aussi … Et quelques pépites de parapsychomagie !” termines-tu avec une joie non dissimulée. Difficile de cacher ton entrain quant à ces sciences humaines qui te passionnent autant qu’elles te questionnent - le comble du chercheur. Silencieux par la suite, tu observes l’asiatique aux gestes élégants - ou peut-être est-ce seulement cette tasse de thé qui lui confère une aura de la sorte ? La mine quelque peu honteuse, tu baisses la tête un instant, reprenant, le coin des yeux rieur.

“Vous m’en voyez désolé … Je .. Vous ne pourriez sélectionner que quelques ouvrages en particulier. Il faut que je pense aussi à mes collègues …” Oui, tu n’aimerais pas que certains te tombent dessus, en particulier les plus acariâtres et prompts aux méthodes musclées avec leurs étudiants. “Ecoutez, Yaslana, prenez au moins celui sur les voyages astraux, il y a plusieurs chapitres sur les méthodes méditatives, voilà qui devrait vous parler autant à vous qu’à moi !” Apte au consensus, te voilà dans une provocation perceptible uniquement par quiconque aurait connaissance de vos connivences. “Quitte à proposer à notre Directrice d’augmenter ce budget d’ailleurs …” laisses-tu entendre avec un coup d'œil entendu.

@Yaslana Yamatao

Tu ne saurais avoir d’autre réaction que ce sourire à peine dissimulé par ta barbe taillée d’une justesse tout à fait correcte. Cette attaque proférée à ton encontre n’en est pas franchement une. A vrai dire, nous sommes davantage dans le cas d’une joute amicale que tu réceptionnes telle qu’elle te parvient. « C’est qu’ils s’avèrent vraiment rétifs à l’idée d’étudier des esprits frappeurs en milieu naturel ! Vous comprendrez qu’il faut compenser avec des ouvrages dont la qualité peut vous échapper, j’en conviens volontiers », rétorques-tu avec tout autant de malice, le regard illuminé après cette moue boudeuse.

Impossible de réprimer un rire face au fait qu’il se rende compte que tu tentes d’acheter ses ferveurs. « Eh bien, tous les moyens sont bons pour … Parvenir à ses fins, Yaslana Yamatao, vous devriez le savoir ». S’il faut se positionner sur l’échiquier, ce sera sans aucun souci en ce qui te concerne. Toujours avide de nouvelles connaissances, tu es à même d’opter pour la stratégie lorsque cela se veut pertinent.

Ce qu’il admire chez toi ? Tu hausses un sourcil, curieux. En voilà une façon de te parler : te flatter. Qui n’apprécie pas l’être ? D’autant qu’il ne t’est pas aisé de recevoir un compliment de la part d’autrui. Cet optimisme ? L’esquisse sur ton visage ne cesse de persister. « Appelons plutôt cela du culot … », dont tu sais user à multiples reprises s’il le faut. « Je peux vous accompagner pour rencontrer Mayhar s’il le faut ». Homme de parole que tu es. A cela, l’asiatique s’empare du document qu’il conserve désormais à l’intérieur de son kimono, geste qui ne manque pas d’éveiller ton attrait.

D’un mouvement de baguette, une chaise s’approche comme par enchantement – on notera l’humour dont tu fais preuve – afin d’accueillir ton derrière que tu déposes avec élégance. Chaque action est maitrisée, il n’y a rien qui dépasse, tout doit être en ordre. A ce propos, tes prunelles d’un noisette intense se baladent sur les étagères attenantes au bureau du bibliothécaire. C’est qu’il y aurait nombre de documents à ranger, à remettre droit dans un axe parfaitement rectiligne en tenant compte du théorème de Pythagore … Tes obsessions sont bien ancrées.

« Vous rangez souvent vos étagères, Yaslana ? », ne trouves-tu bon qu’à répondre. Sans vraiment attendre de réponse, tu reprends. « Vraiment … Je peux vous aider à remettre un peu d’ordre là-dedans … » En fait, cela t’en démanges un peu. Mais il faut te contenir. « Pardonnez-moi, c’est plus fort que moi ». Tu soupires d’amusement. « J’ai le plaisir de traverser les époques avec un chef-d’œuvre portant sur l’Histoire de l’art … Je prends vraiment beaucoup de plaisir à découvrir ou redécouvrir certaines œuvres … ».

Les jambes croisées, tu déposes tes pognes jointes sur ton genou, sans jamais quitter le regard de l’homme en face de toi, tu reprends, impossible de t’arrêter. « Je ne peux m’empêcher de penser à ces pochettes cartonnées qui ne sont pas rangées par tailles … C’est très irritant ». Tu pouffes de rire, portant ta main droite à ton visage, à moitié confus.

@Yaslana Yamatao

Les rires respectifs se rejoignent sans jamais se tarir. Il est évident que vous disposez de certaines connivences. Car au-delà des mots, ce sont bien les attitudes qui sont évocatrices de l’entente entre deux individus. Bien qu’assis sur cette chaise, tu ne peux t’empêcher de déchiffrer ton environnement. Il y a toujours quelque chose à apprendre de ce qui entoure un être humain.

Ce qui t’a heurté, ce n’est pas tant l’art méticuleux par lequel sont rangés les ouvrages mais plutôt cette propension à ce que certains sortent de leur rang, ne soient pas tous disposés en fonction d’une taille bien précise … En bref, des détails futiles auxquels personne ne prête réellement attention. Sauf peut-être toi. Et c’est actuellement bien le cas. Tes lèvres charnues s’étirent de nouveau en un beau sourire, sa réponse n’y est pas pour rien.

“Oui … On peut dire que ça me démange pas mal …” Tu ris, te rendant compte de l’absurdité de cette réponse qui ma foi pourrait donner place à bien des interprétations. Il est vrai que souvent, tu ne te rends pas franchement compte des termes que tu utilises. “Je vais seulement … Ranger ceux-là, ceux qui sont tout en haut …” Ton doux faciès témoigne de ta gêne à te comporter ainsi bien malgré toi. “Je ne veux pas paraître désobligeant, Yaslana”.

C’est seulement plus fort que toi. Alors, prenant appui sur un tabouret dédié au rangement … Tu t’affaires déjà à lever les bras jusqu’au sommet des étagères pour y remettre en place les œuvres en question. Malheureusement, tu en fais tomber au sol. “Oh … Je suis vraiment maladroit par moment ! Vous pourriez …?”

Les étudiants doivent certainement trouver la scène amusante, il suffit de prêter attention aux ricanements qui se font entendre sur votre chemin. Il faut aussi dire que la situation prête à plaisanter. “Pendant que je suis là-haut, vous avez besoin de quelque chose, Monsieur le bibliothécaire ?” A l’instant, tu te demandes ce que c’est qu’avoir vue sur toi dans cette posture bien particulière ? C’est sans doute rare d’observer un collègue sous cet angle-là. Il n’y a que toi pour se poser ce genre de questions, sacré Kashmiri.

@Yaslana Yamatao