Métamorphosis

Il fit non de la tête, bien contraint de reconnaître qu'il était une quiche - ça n'était pas si souvent. Au moins avait-elle la délicatesse de s'inclure dans le désastre qu'avait été cet exercice.

« J'ai jamais rien maîtrisé avec ce soit disant don. Pour être honnête, c'est vraiment quelque chose que je déteste chez moi. Ce don... »

Il baissa les yeux, un peu énervé contre Christine Pâquerette. Il n'aimait pas se retrouvait au pied du mur, contraint de faire face quand il aurait préféré prendre la tangente. C'était plutôt malin de la part de la secrétaire. Elle le connaissait sans doute trop bien pour avoir choisi de les planter comme ça au hasard. Et peut-être même qu'elle connaissait Selma tout aussi bien et à son insu.

Et pendant ce temps de flottement où ni l'un ni l'autre ne daignait se prêter à l'exercice, il se sentait l'envie de fuir, comme s'il mettait le doigt sur quelque chose. Finalement, ce fut elle qui montra l'exemple, ce qui n'avait en soi rien de bien surprenant quand on savait à quel point Sheraz pouvait être verrouillé sur certains sujets, celui-ci en bonne tête de liste. Il hésita un instant mais finit par venir s'asseoir sur le banc à son tour laissant entre eux un espace respectable.

L'histoire de Selma commençait drôlement. Sur le coup, Sheraz resta bloqué quelques secondes. Qu'avaient donc toutes les filles avec @Edel Almadovar . Il ne fallait pas se mentir, il était canon mais franchement... très franchement... mais la suite du récit lui remit les pieds sur terre et il dut réprimer violemment tout un flot d'interjections que nous rapporterons ici pour le plus pur intérêt de se faire une idée de l'effet que le petit récit de Miss Montero fit à Sheraz.

Attends quoi ???! Sa famille a tué ta mère ???? Mais c'est des malades ! Et on les laisse circuler à Poudlard comme si de rien n'était. J'ai toujours su qu'Edel était trop beau pour être vrai, enfin en même temps il est tellement mauvais que... Sa famille veut "utiliser son don" , bordel mais dans quoi je suis tombé ? La pauvre... elle vachement jolie soit dit en passant quand elle a pas les cheveux rose bonbon...

« Mais quel connard ce mec - pardon ! », ça lui avait échappé comme elle lui rapportait ses derniers échanges avec Edel Almadovar... c'était sorti du coeur. Il la regarda longuement, tandis que sa tempête intérieure retombait, « Tu sais, je crois que moi non plus, à ta place, j'arriverai pas à maîtriser mon don. Enfin plus. C'est... tu as peut-être envie de simplement exister pour toi et pas pour ce que tu pourrais faire pour les autres tu crois pas ? », il était rarement aussi fin psychologue. A croire qu'elle l'avait touché d'une manière ou d'une autre. Il y avait quelque chose dans cette histoire qu'il l'irritait au plus haut point, lui qui ne se sentait jamais l'âme d'un héros. Il eut un demi sourire doux. Depuis qu'il avait mis les pieds à Poudlard, il avait ce sentiment un peu vexant de n'avoir rien vécu. Tous ici avaient des histoires abracadabrantesques à livrer, mais celle de Selma le touchait d'avantage que les autres. Peut-être parce que la perte d'un parent et les sentiments qui en découlaient touchait à quelque chose de sensible chez lui.

Elle bifurqua rapidement vers son propre cas et, presque par fairplay, il accepta de se prêter au jeu à son tour, quoi qu'un peu honteux de ce qu'il aurait à en dire.

« Je suis né moldu. Mes parents... tout ça c'est des choses qui les dépassent. Ils font ce qu'ils peuvent mais disons que là on est un peu hors limite pour eux. J'ai jamais aimé me faire remarquer, je suis plutôt... réservé. Et ce don... franchement la probabilité que ça tombe sur un né moldu doit être de zéro virgule ... enfin t'a compris. Mes parents sont vieux. Je leur suis tombé dessus vraiment par hasard et apparemment j'étais pas un bébé facile. Il fallait en plus que je sois sorcier et comme si ça ne suffisait pas... ça. Je veux dire, découvrir le monde magique, t'as pas idée. Ça a été un vrai enchantement pour moi, mais ça, c'est un peu comme un truc qui me rappelle sans cesse d'où je viens et ce que je suis pas aux yeux de certains... »

Il n'avait pas quitté ses doigts des yeux pendant tout ce temps. Finalement il expira profondément, coudes reposés sur ses genoux, il finit par lui glisser un regard par en dessous, peut-être pour jauger du niveau de mépris ou d'hilarité qu'elle lui réservait. Elle était sortie avec Edel Almadovar après tout... mais quel connard ce type ! Pendant une fraction de seconde, son esprit s'égara vers @Siobhán Gavalagh-Korrigan avec une pointe d'inquiétude...

Écoutez cette fille qu'il connaissait à peine lui poser le problème dans l'autre sens lui fit un bien fou. Jusqu'à présent il ne s'était jamais posé la question. Quelque part, dans son petit univers de né moldu, la magie avait toujours eu quelque chose de fabuleux et de désirable. Mais du point de vue de Selma, les choses étaient bien différentes.

Il sourit à cette phase : on est toujours un peu jaloux de ce qu'on n'a pas. Sans doute la meilleure manière de résumer les choses.

« Oui c'est vrai. La plupart des moldus rêvent d'un monde magique sans même savoir qu'il est tout à côté 99% pourcent du temps. Ils espèrent tu vois. Je me suis toujours dit que c'était simplement parce que la magie c'était génial, en quelque sorte, mais je crois que c'est plutôt ça : on a toujours tendance à vouloir ce qu'on a pas, qui que nous soyons. Ca rend les choses moins féériques j'imagine... », conclut-il pensivement. Il ne savait pas vraiment si ce constat l'enchantait tant que ça. En vérité, Sheraz était de ces natures prêtes à s'émerveiller, pas naïvement, mais presque amoureusement, en tout cas avec toute la passion qu'il avait mis à ses études et à la mécamagie depuis qu'il avait découvert cet autre monde. « Cet été je retournerai chez mes parents, à Loutry Sainte Chaspoule. Ce n'était pas totalement le monde moldu mais si ça peut être pas mal pour commencer... »

Pas un instant il ne se demanda ce qui lui prenait d'inviter une fille qu'il connaissait à peine à venir le voir chez lui pendant les vacances. La vérité c'était qu'il sentait que la métamorphose allait les appareiller pendant encore un petit moment, au vu des exploits détonnant de ce jour-là.

« Pas de pression, je me vexerai pas si tu déclines. Mais si ça te dit j'ai déjà quelques idées de trucs à te faire voir... »

A son ton de voix, on pouvait facilement deviner qu'il n'y avait pas une once de drague là-dedans. Il avait simplement pris cette fille en sympathie. Sans doute cette histoire d'ex petit copain et de mafia cubaine (sans exagérer bien sûr...). Il lui adressa un petit regard doux et posé comme elle croisait ses mains sur ses genoux.

« J'avais jamais pensé la chose comme ça je t'avoue... tu sais ce qui est drôle ? Tu voudrais te cacher dans la peau d'une autre et moi garder la mienne ... Y a peut-être un truc à creuser. Sûr qu'on aurait des tips à s'échanger sur la meilleure façon de faire ce que l'autre arrive pas à faire... »

C'était dit sur le ton de la plaisanterie et dans le fond, Sheraz touchait du doigt quelque chose d'on ne pouvait plus rationnel...