Wind beneath my wings —ft. Luke Korrigan

Il y avait de ces conversations que la nuit ne parvenait pas à emporter, les laissant peser dans les têtes comme un fardeau, à l'image de ces songes dont on se rappelait même une fois éveillés et qui créaient un état de torpeur duquel il était parfois difficile de se dégager. Déposées avec douceur sur un oreiller de tendresse, on avait beau tenter de s’endormir dessus, elles restaient toujours somnolentes, engourdies, dans un recoin des esprits dans la nuit, attendant de pouvoir s'éveiller avec toute la force et la vigueur qu'elles pensaient mériter. Et l’on devait se sentir privilégiés lorsqu’elles n’avaient pas troublé ce temps de repos que l'on s'octroyait.

Ainsi, au lendemain d'une nouvelle soirée passée dans la salle sur demande en compagnie d'@Edel Almadovar, et une fois redescendue du petit nuage sur lequel il la transportait depuis quelques semaines, Siobhán s'était fixée pour objectif d'aller parler à son père. Malgré le chantage de @Blodeuyn Cynfeirdd, sa cousine n'avait pas cédé et n'avait pas vraiment adressé la parole à  @Luke Korrigan depuis plusieurs mois, maintenant. Se rendre dans sa salle de classe avec une certaine détermination était une façon pour elle de faire un pas vers lui, de mettre sa fierté de côté pour tenter de renouer le dialogue. Même si l'image qu'il avait montré lors de la dernière réunion familiale au chevet de @Maeve Cynfeirdd à Caer Cynfeirdd l'avait quelque peu refroidie, il restait son père et force était d'admettre qu'il lui manquait plus qu'elle n'avait voulu l'admettre.

Il y avait plusieurs sujets qu'elle voulait aborder, mais il y en avait un qui comptait un peu plus que les autres. La réaction de son père à la mention de la relation qu'elle entretenait avec Edel allait être déterminante et, au fond d'elle, la vélane espérait qu'il serait simplement heureux pour elle, sans autre contrepartie que celle de voir sa fille à sa place aux côtés de celui qu'elle aimait.

Bientôt, la jeune femme se posta devant la salle de classe de métamorphose. La porte était close. Une grande inspiration vint remplir ses poumons alors qu'elle décidait au dernier moment de ne pas frapper, se contentant de passer sa tête à travers la porte pour signaler sa présence.

« Je peux ? », demanda-t-elle simplement.

À vrai dire, Siobhán avait tourné tout un tas de possibilités en boucle dans sa tête. La seule éventualité à laquelle elle n'avait pas pensé était une réponse négative à sa question.

Même à travers la porte, il était impossible de manquer l'air gamin que son père affichait. Comme un gosse devant un jouet. Et si @Finn Gavalagh-Korrigan en aurait probablement été exaspéré, Siobhán s'en retrouva attendrie, oubliant leurs disputes, leurs querelles, leur différences, juste le temps qu'il ne remarque sa fille dans l’entrebâillement de sa porte. La Serpentard effaça ce sourire qui ponctuait son visage, mais ne parvint pas à éloigner cet air tendre qu'elle affichait devant celui qui l'avait vue naître.

Littéralement.

Son invitation à entrer fut honorée par la démarche légère de sa cadette qui s'avançait, sans pour autant s'imposer, ne prenant pas la peine de remercier son père à haute-voix. Il avait tout d'un professeur, là, derrière son bureau, mais c'était l'autre homme qu'elle venait chercher. Pourtant, la vision de la substance qui se mouvait devant ses yeux brillants réveilla sa curiosité. Il avait du le voir, parce qu'il n'avait pu s'empêcher de lui expliquer de quoi il en retournait. Luke était un puits de science et il avait toujours partagé son amour du savoir à sa petite fille... qui n'était plus si petite que ça. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'elle était là, postée devant lui.

« Pourquoi penses-tu qu'il a pris la forme d'un cube quand je suis rentrée ? », ne put-elle s'empêcher de demander, arquant un sourcil, se rapprochant doucement de lui.

Elle était curieuse d'avoir son avis sur la question. Cela signifiait-il qu'elle était trop obtuse ? Était-ce là le signe d'une rigueur cloisonnée ou la preuve vivante de ces cases dans lesquelles on cherchait à la ranger ? N'était-ce pas justement au contraire ce côté trop obstiné, trop sinueux, trop rebelle qui l'avait poussée à venir voir son père, pour lui montrer encore une fois qu'il s'était trompé à son sujet — qu'il avait devant elle une adulte qui était fin prête à embrasser ce qu'elle était ? Il avait suffit de la vision d'un alliage pour la pousser au questionnement et elle était avide d'obtenir la réponse de son père à ce sujet.

« Non, c'est vrai, je ne suis pas venue pour ça. Bien que ton dernier cours de métamorphose ait laissé quelques traces... Et que tu m’aies manqué aussi. »

C'était un euphémisme. Pour les deux parties.

Il lui avait manqué et ce geste, aussi simple qu’il était, le lui rappelait avec vigueur.

@Xris Andērson l'avait qualifié de grand malade, dans les derniers instants de la simulation. Siobhán avait été trop occupée par sa main ensanglantée pour le reprendre. @Edel Almadovar n'avait pas hésité une seule seconde avant de venir l'aider. Le souvenir de ce moment lui arracha un frisson et un sourire en simultané. La voilà, la raison de sa venue. Bien avant le temps des reproches qui viendraient bien assez tôt, son père ouvrait une brèche dans laquelle elle s'immisça avec autant de douceur qu'elle avait franchi la porte de la salle.

« J'ai quelque chose à te dire d'abord. » Ça sous-entendait qu'il n'échapperait probablement pas aux reproches, selon sa réaction à ce qui allait suivre. « Finn est au courant et c'est important que tu le saches aussi. Je préfère que tu l'apprennes de ma bouche plutôt que dans des bruits de couloir, que, j'en suis certaine même si tu le nies, tu te fais un plaisir d'écouter... »

Prenant appui de ses deux mains sur le bureau, alors qu'un sourire apparaissait au coin de ses lèvres, la vert-et-argent releva son regard vers son père en réfléchissant à la manière la plus appropriée de lui annoncer les choses. Je suis en couple ? Trop solennel. Même eux ne parlaient pas d'eux comme ça. J'ai rencontré quelqu'un ? Une affirmation digne d'une quinquagénaire célibataire endurcie. Je vois quelqu'un ? Non plus. C'était probablement pire encore quand c'était faussement assumé.

« Je suis amoureuse. »

Ça, au moins, avait le mérite d'être clair et précis. Cette affirmation fit légèrement rosir ses joues.

Elle n'avait jamais parlé de ce genre de chose à son père, par pudeur et, plus simplement, parce que ça n'était encore jamais arrivé auparavant.

« Quelle forme ça avait, avant que je rentre ? »

Dans les yeux de son père, brillait le reflet de Siobhán, tel une pierre précieuse renfermée au cœur de ses prunelles. Il avait cette façon de la regarder comme si elle pouvait disparaître à tout moment, s’évanouir dans le néant à l’instant même où ses paupières cligneraient. Elle n’avait jamais compris pourquoi il avait si peur de la perdre. Jusqu’à ces derniers mois, où elle avait fait baigner les souvenirs de son père dans la pensine familiale.

Luke avait perdu sa femme si soudainement. Un instant, il était le plus heureux des hommes en voyant ses deux enfants naître devant ses yeux. La seconde d’après, il perdait la moitié de ce qu’il était, celle avec qui il s’apprêtait à fonder une famille sans jamais avoir pu la voir vivre au complet. Bien sûr, ça n’excusait pas tout, mais ça expliquait une bonne partie de ses réactions. Parmi elles, celle de considérer systématiquement sa petite fille comme si elle était un animal blessé. Siobhán le ressentait jusque dans les gestes qu’il menait.

Pour faire abstraction de cette sensation qui a prenait, à mi-chemin entre tristesse et colère, la jeune femme éclipsa ensuite totalement ce qu’il lui racontait sur cet alliage mystérieux qui constituait sa nouvelle obsession du moment.

« Je suis désolée », glissa-t-elle simplement.

Seulement, la suite à ces excuses jetées dans l’arène ne vint jamais. Pourquoi était-elle désolée, en réalité ? Était-elle désolée de ne pas être la fille qu’il s’était imaginé ? De ne lui avoir donné aucune nouvelle pendant plusieurs semaines ? D’être aussi bornée, rebelle, différente de ce qu’il avait espéré ? Ou bien s’excusait-elle de ressembler autant à sa mère ? Qu’il n’ait jamais refait sa vie parce qu’elle s’était arrêtée le jour où sa mère les avait quittés ? Toutes ces questions en cachaient une autre, la seule qui comptait réellement : Siobhán savait-elle vraiment pourquoi elle avait tant besoin d'un pardon ?

Que la réponse soit positive ou négative sur ce sujet, elle laisserait son père se faire sa propre opinion. Il choisirait lui même ce qui nécessitait, pour sa fille, d’être excusée.  

C’était peut-être mieux comme ça. Des excuses générales sur tout ce qu’il pourrait lui reprocher, sans pour autant pointer du doigt tout ce qu’elle faisait de travers sans même s’en rendre compte, tant ça faisait partie d’elle.

Une fois le visage de l’enseignant abandonné, Luke reprit finalement celui du père qu’il avait toujours été pour ses deux enfants. Ce père joueur, mais surtout inquiet, naïf et pour autant toujours méfiant, qui avait sacrifié sa propre vie pour le dédier au bien des jumeaux qu’il avait eu, puis élevé seul. Ce père à qui elle reprochait tant de choses même si elle était venue pour, justement, les mettre de côté.

Mais on ne pouvait pas changer la normalité, ni se contenter de couper le fil avec lequel elle entremêlait ses racines.

« Papa. Je ne viens chercher aucun conseil ni te partager aucune crainte. Je voulais juste t’en parler parce que c’est important pour moi que tu saches. Parce que c’est sérieux. Mais quoique je te dise sur lui, je te demande de ne rien faire. De ne pas intervenir. Pas de recherches, pas de Flinky pour le suivre dans les couloirs du château, bref. Rien qui te permettrait de t’assurer qu’il est le gendre idéal. Je veux que tu me fasses confiance. Juste ça. Pour une fois. »

Un pas rapprochait la fille de son père. Leurs yeux bleus se confondait dans les mêmes nuances. Ce fait la frappa alors qu’elle n’y avait jamais porté aucune attention jusqu’à présent. Edel avait-il raison ? Se ressemblaient-ils plus que Siobhán n’avait jamais voulu l’admettre ?

« Promets-le moi. »

Au départ, il y eut la tendresse. Une discussion banale autour d’un alliage mystérieux qui témoignait du trouble qui empêchait @Luke Korrigan de voir clair dans ses propres pensées et de la rigidité de sa fille dans toute sa propension à rester cloîtrée dans ses idées qui lui appartenaient. Un pas en avant, réalisé aussi bien par le père que par la fille, des excuses qui les rapprochaient bien plus près qu’ils ne l’avaient jamais été ces derniers mois. Et si Siobhán avait montré à quel point elle pouvait être butée sur ce laps de temps, elle avait aussi prouvé qu’elle était capable de mettre de côté les obstacles et les non-dits qui l’empêchaient d’avancer.  

Le parfum de son père quand il l’attira tout contre lui provoqua dans son cœur comme dans son ventre un je-ne-sais-quoi presque douloureux. Une sorte de vague-à-l’âme particulier qui laissa place à la nostalgie d’une enfance que son père lui avait offert sans compter ses sacrifices. Pendant un instant, elle se vit à nouveau montrer à @Edel Almadovar cette pièce de vie dans laquelle elle s’était construite, grâce à laquelle elle avait grandi.

Sans son père, elle n’aurait pu devenir de qu’elle était aujourd’hui. Elle n’aurait pu être celle qui demandait aujourd’hui un sacrifice d’un nouvel ordre auquel Luke n’avait jamais pu se résoudre ; faire confiance à ses enfants. Les laisser voler de leurs propres ailes, sans les garder constamment sous la sienne. Elle n’aurait pu montrer ce visage de plus en plus tendu à mesure que les mots de son père s’échappaient de sa bouche, sentant ses oreilles siffler sous l’impulsion d’une colère sourde et sournoise qui montait en elle, petit à petit. Définitivement, sans son père, elle n’aurait pu se forger ce caractère puissant et fier, abreuvé par le sang de Korrigan qui courait dans ses veines, et qui la poussa à s’éloigner de lui sans même attendre qu’il ne donne davantage d’explications.

Et puis, la tendresse céda sa place à la colère.

Siobhán n’était pas particulièrement impulsive de nature, mais certaines situations étaient plus propices que d’autres à la voir s’emporter.

Entendre son père lui avouer qu’il avait déjà rompu une promesse avant même qu’elle ne puisse la formuler était l’une de ces situations.

« Tu as… quoi ? » demanda-t-elle en remontant ses yeux vers lui, fronçant les sourcils comme si elle était dans l’incompréhension.

Alors qu’en vérité, elle avait très bien compris.

Son père avait sollicité son meilleur ami, @Braxton Clearwater, qui travaillait au ministère pour lui demander des informations sur quelqu'un dont elle n’avait même pas eu la promeur de pouvoir parler, elle-même, en premier. « On » lui avait déjà raconté. « On » lui avait volé ses envies de réconciliation, et surtout, « on » lui avait enlevé tout ce qu’il pouvait y avoir de plus naturel dans la relation entre un père et sa fille. L’aveu d’une première fois à laquelle elle tenait par-dessus tout, un premier amour qu’elle avait naïvement voulu partager avec lui pour tenter de mettre leurs ressentiments respectifs de côté. Ne serait-ce qu’un seul instant.

D’un revers de la main, elle balaya son invitation à boire un verre.

La seule chose dont elle avait envie en ce moment, c’était un shot de Whisky Pur-Feu, à la limite.

Ou deux.

« C’est en qui que tu n’as pas confiance alors, hein ? Si tu avais confiance en mes choix, mes envies, mes actions, mes volontés, tu ne serais pas sans arrêt en train de les surveiller, de ME surveiller ! », lâcha-t-elle avec une voix plus dure qu’elle ne l’avait jamais été depuis le début de leur court (mais intense) échange. « On ne parle pas de métamorphose, on parle de ma vie ! On parle de l’homme que j’aime, pas d’un facteur tiers ni environnemental ! » La vélane afficha une moue dégoûtée en reprenant ses mots, des traits presque déformés par la colère. Elle qui avait l’habitude de tout contrôler semblait peu à peu lâcher les rênes. « L’amour n’est pas une statistique, et tu sais mieux que personne que si je l’ai choisi lui c’est qu’il y a une bonne raison ! Il est le premier dont je te parle, le premier dont tu devais connaître l’existence parce que moi même j’ai eu du mal à lui faire confiance, et à me faire confiance aussi, parce que je ne fais confiance à personne en ce bas monde à part ma famille. Et même ça tu as réussi à le gâcher. Tout ça pour apprendre quoi, hein ? Que c’est un Almadovar, que sa famille s’est fait un nom au Mexique, qu’il est un demi-vélane ? Et alors, ça change quoi exactement ? Si t’avais appris que c’était un Mangemort ou un descendant de Dunn, tu m’aurais interdit de le voir ? Comme si j’allais gentiment t’écouter alors qu’il est réellement le seul à me voir comme je suis ? » Elle fit une pause, se rapprochant d’un pas en levant son doigt vers son père. « C’est toi qui m’as demandé de m’ouvrir aux autres au bal de Yule, tu te rappelles ? Bon sang mais laisse-moi faire ! Et par pitié lâche Braxton et Flinky, laisse-les vivre eux aussi, ils ont certainement autre chose à faire de leurs existences, eux, et Finn et moi n’avons plus besoin de baby-sitters ! »

Elle lui tournait le dos, à présent. Le ton de sa voix s’était fait plus élevé à mesure que son discours avait avancé mais cette fois, elle ne regrettait pas. Pas encore, tout du moins. Son cœur semblait soulagé de pouvoir lui dire ce qu’il gardait enfermé depuis de nombreux mois.

Se retournant vivement vers lui, elle poursuivit.

« Tu n’as rien d’un couard. Tu es un Korrigan et probablement l’homme le plus talentueux et courageux que je connaisse ! Mais si tu continues comme ça, je te promets que je ne te dirai plus rien du tout. Si tu continues comme ça, je… »

… Rejoindrai  @Blodeuyn Cynfeirdd  ? Vu leurs relations, c'était probablement une mauvaise idée. … Quitterai Poudlard définitivement ? Si elle ne tenait pas autant à ses études, à Edel et à ses amis, elle aurait pu l’envisager.

Quelle menace serait assez grande pour lui faire entendre que cette fois était là fois de trop ?

« Si tu continues comme ça, tu me perdras pour de bon, Papa. »

Ses bras étaient retombés contre son corps, comme s'ils souffraient d'un poids. Celui de la lassitude, à n'en pas douter.

Et probablement, aussi, dans une certaine mesure, celui de la déception.  

Cette dernière phrase avait plané dans l'air un long moment avant de retomber sur son père comme l'épée de Damoclès qui flottait au-dessus de sa tête. Les épaules de @Luke Korrigan s'était alors affaissées sous le poids énorme de sa culpabilité et, malgré sa colère, Siobhán aurait préféré avoir le pouvoir d'annuler ses mots plutôt que de voir le regard de son père se teinter de ces nuances. Ses yeux bleus prirent une teinte grisâtre, comme si toute forme de vie venait subitement de l'abandonner. Les démons de son passé refaisaient surface, et il y avait fort à parier que les prochaines minutes ne seraient pas celles du plaisir.

Il parlait encore de @Sean Clearwater, laissant dans la bouche de sa fille comme un arrière-goût âpre de déjà-vu. N'avaient-ils pas déjà eu cette conversation, quelques mois plutôt ? Ne s'était-elle pas justement, elle aussi, soldée par un échec devant cet argument que Siobhán refusait d'entendre ? En comparant sa fille à celui qu'elle considérait comme un membre à part entière de sa famille — un énième cousin si tant est qu'elle en avait besoin plus que d'un second frère — il la privait de son propre destin, lui coupant l'herbe sous le pied en l'empêchant d'aller là où elle l'entendait. Et plus on menaçait le peu de liberté qu'elle s'octroyait... Plus la vélane entendait s'envoler.

Et visiblement, sa dernière menace eut l'effet escompté. La main de Luke tremblait à la simple idée de sa mise en exécution. Il semblait que ses mots avaient été la goutte d'eau qui fit déborder le vase après des mois d'absence et de silences partagés, ne demandant qu'à laisser sortir la violence de ses émotions dont il n'avait su se départir, sûrement, pendant tout ce temps. La colère se manifestait sous différente forme, et celle choisie par son père lui fit faire un mouvement de recul à l'instant même où tout ces objets qui dormaient sur son bureau jusqu'ici volèrent en des centaines d'éclats.

Siobhán en resta bouche bée. Elle n'avait jamais vu son père dans cet état. Tentant de faire un pas en avant, son instinct lui hurlait pourtant que ce n'était pas encore le moment. À raison. Car il avait tenté de fuir ce que père et fille avaient tous les deux semé les semaines passées, et n'avaient plus qu'à récolter le fruit de leurs non-dits, du manque, de leur mutisme. Mais voyant son père chuter lourdement sur le sol, elle ne put s'empêcher d'avancer. Son instinct ne lui parlait plus, il s'exécutait, désormais.

« Papa ! », cria-t-elle en s'approchant de lui à grandes enjambées.

L'alliage prit une forme humaine qu'elle n'aperçut même pas tant elle était concentrée sur son père. Se posant derrière lui, à genoux et en soutien, elle fit le nécessaire pour l'attirer et le reposer tout contre elle, laissant les battements de son cœur apaiser en silence ceux de son père qui regagneraient peu à peu son harmonie. Elle savait que dans ce genre de moments, il ne fallait rien faire de plus. Simplement lui faire comprendre sans le dire qu'elle était là, qu'elle ne partait pas, qu'il n'était pas seul. Alors, comme un autre signe de sa présence, la vélane attrapa sa main tremblante, la serrant entre ses doigts fin et la massant doucement.

« Ça va. Je suis là. Je ne pars pas. », dit-elle simplement.

Levant ses yeux vers ce qui ressemblait à un Mangemort comme elle avait pu en voir tant dans les livres, la Serpentard ne sursauta même pas et fronça les sourcils, sans montrer aucun signe de frayeur.  Aussitôt, la matière reprit la forme qu'elle avait lorsque la cadette était entrée.

Un cube, immobile, strict. Inflexible. Solide.

Si Siobhán choisissait de ne pas en dire davantage en cet instant, c'était aussi parce qu'elle savait, au fond, que le moindre mot qui viendrait à sortir de sa bouche viendrait seulement rajouter une couche sur ce qui avait été dit et qui n'avait aucunement besoin d'être répété.

Parce qu'aussi effrayé qu'il pouvait l'être, son père devait comprendre qu'il avait doté sa fille d'une volonté dure comme fer et que son besoin de sécurité ne viendrait pas l'empêcher de s'envoler.

Tôt ou tard.

Avec ou sans lui, selon les choix qu'il ferait.