06 05 2023
Certaines personnes que l’on rencontre ont le don de nous tirer vers le haut et de nous rendre meilleurs, même lorsque l’on se montre dans de mauvais jours. Edel faisait partie de ceux-là. Alors que Siobhán venait de se promettre de rendre la monnaie de sa pièce à son père, elle revint l’instant d’après sur ce qu’elle s’était dit à elle-même. Il avait suffit qu’il lui propose de meilleures éventualités à ses côtés pour qu’elle finisse par se résigner.
Non, elle ne pouvait pas faire ça à son père. Précisément parce qu’elle ne supportait pas quand il se mettait à la surveiller comme si elle était incapable de prendre soin d’elle à partir du moment où il n’était pas juste à côté. Ses joues s’empourprèrent légèrement alors qu’elle s’en voulait d’avoir eu de telles pensées. Même sous le coup de la colère.
Si ce n’était pas tirer celle qu’il aimait par le haut dans un acte désintéressé, alors de quoi s’agissait-il ?
Le regard de la vélane s’arrêta un instant sur Baccara, qui s’était enfin posée au soleil après avoir changé de position et d’emplacement une bonne dizaine de fois. Puis, ses prunelles azurées reprirent leur emplacement préféré, braquées sur l’objet de toutes ses pensées. Sentant la main d’Edel balayer sa joue, Siobhán reposa un instant sa tête sur la paume qui l’effleurait, dotée d’un regard tendre pour celui qui lui promettait d’intervenir si la situation devenait trop importunante.
«
Je ne les laisserai pas se mettre entre nous. Quoiqu’il arrive. Jamais. Tu n’auras pas besoin de lever le petit doigt. Tu verras. »
Jamais. Un mot si sensé à l’aube d’une promesse qu’elle n’avait plus réellement peur de formuler. Parce qu’elle savait tout le poids de la décision qu’elle avait prise en choisissant Edel, et parce qu’elle savait pertinemment jusqu’où pouvait aller sa loyauté.
Elle se mit à rire en constatant que ses doigts parcouraient instinctivement son bras quand il lui rappela qui avait touché l’autre le premier. Il y avait ce contact, depuis le premier soir, dont elle n’avait su se passer. Et aussi fort qu’elle aimait avoir le dernier mot, sur ce plan-là, Siobhán savait pertinemment qu’elle ne pouvait pas lutter. Abdiquer semblait la seule solution envisageable et, pour toute réponse, elle se contenta de l’embrasser. Oui, elle avait besoin de le toucher pour se rappeler que ce qu’ils vivaient était vrai. Comme si chaque fois que leur peau s’effleurait, une voix lui susurrait qu’elle n’était en train de rêver. Qu’elle avait bien, devant elle, quelqu’un en qui elle nourrissait une confiance presque aveugle, au point d’avoir réussi à lui donner son cœur.
«
Et je le referai, encore et encore si ça signifie revivre ce soir là. »
Parce que c’était vrai. Parce qu’aussi difficile que ça ait été de baisser les armes devant quelqu’un qu’elle connaissait à peine, avec le recul, elle savait que ce soir-là, elle avait fait le bon choix. Et pour rien au monde, elle ne referait les choses différemment, quitte à les reproduire à l’exacte identique s’il le fallait.
Le cœur rouge sang de la vert-et-argent s’agitait à l’instant même où il se penchait vers elle, brusquement stoppé dans ses élans par Baccara qui n’avait plus la moindre envie de se reposer, tout à coup. La jeune femme eut un sourire malicieux et plongea dans le cou d’Edel pour confirmer ce qu’il venait d’affirmer fièrement.
«
C’est vrai que tu sens bon. »
Ce parfum qui avait marqué sa peau jusqu’à ses draps qu’il visitait régulièrement, bravant le règlement qui lui interdisait pourtant de passer ces innombrables nuits dans son dortoir. Ces effluves qui irradiaient son corps autant que son esprit, l’enivrant d’un désir certain à chaque fois que ses iris croisaient les siennes.
Celles-ci s’abaissèrent justement en constatant qu’il se refusait à aborder le sujet concernant son frère, de la même façon qu’il semblait n’avoir aucunement l’intention de parler de Xris. Siobhán en fut troublée, mais sa promesse intérieure restait intacte. Elle déploierait toute son énergie à tenter de recoller les morceaux de ces deux amitiés qui, elle le savait, revêtaient toute une importance aux yeux d’Edel, même si elle savait combien il était capable d’en faire le deuil s’il le jugeait nécessaire. Celle qui voulait le meilleur pour lui ne lui permettrait certainement pas d’en arriver là.
Il fit taire son envie de bien faire en un seul baiser. Remontant sa main sur sa joue, la vélane prolongeait ce moment de grâce qui lui était offert, refusant d’insister si cela signifiait briser l’instant qu’ils étaient en train de vivre. Son âme s’embrasait, ses mains brûlaient sous l’envie et le désir de lui appartenir. Jusqu’à ce que la parenthèse trouve son autre moitié. Et qu’il la fasse rire, de nouveau, oubliant largement ce qui aurait pu être un échange bien plus fougueux s’ils s’étaient laissés emporter en mentionnant les Montero.
Leur plus grande force résidait probablement dans leur capacité à se réguler l’un l’autre. A se privilégier dans la réciprocité, faisant passer les besoins de l’autre avant même les siens. Ils avaient cet part d’indéfinissable qui les caractérisait et c’était ainsi qu’ils s’équilibraient.
«
Comment ça, elle aussi ? »
Attrapant Baccara au vol quand elle était prête à érafler le vol d’un papillon de ses petites griffes ravageuses, la Serpentard gratifia Edel d’un sourire, reprenant le chemin du château non sans attraper sa main au passage.
Leur destination n’avait pas grande importance, tant qu’il était là.