Animal I have become

Dâriush ne dit rien, écoutant presque paisiblement ce qu'Ashlyn lui disait comme s'il s'agissait d'une douce musique à son oreille. Savoir qu'elle n'était pas ce genre de meute le rassurait beaucoup, car du peu qu'il savait de l'autre (de ce qu'il avait pu entendre ou lire dans les médias), c'était une meute machiavélique qui prenait en otage tous les Loups-Garous de Grande-Bretagne dans un désir égalitaire. Même si maintenant, Dâriush partageait cette idée-là, il avait tout de même peur de devenir un véritable monstre.

Il n'était pas totalement en paix avec sa condition de lycanthrope. Néanmoins, en présence d'Ashlyn, cela semblait réduire intensément le degré des problèmes que cela lui engendrait dans sa vie de tous les jours. C'était comme si elle était le soleil réchauffant sa peau lors des premiers matins de printemps.

Son regard se baissa un instant, comprenant pourquoi un loup-garou devait se trouver une meute. Il y avait quelque chose de terrifiant qui se déroulait ces derniers temps et même si Dâriush condamnait certains actes de barbarie à laquelle certains lycans s'adonnaient en raison de leurs idéaux, il ne pouvait s'empêcher désormais de se sentir bien plus proche d'eux que du gouvernement sorcier. C'était assez dingue quand il y pensait la vitesse à laquelle son esprit se focalisait sur sa propre survie plutôt que sur le bien commun.

Il redressa son regard avec une certaine arrogance. C'était quelque chose que l'on avait jamais vu dans les yeux de Dâriush qui se montrait tout à coup fier de ce qu'il était. C'était probablement plus par provocation que par assurance, mais il lui fallait désormais s'acclimater à sa nouvelle nature, sinon il finirait probablement dans un fossé quelque part dans Londres s'il avait encore la chance d'y être trouvé.

Un sourire éclaira le visage de Dâriush. Terminant de mâchonner son bout de viande crue (qu'il se surprit à adorer), il ne put s'empêcher de lui dire :

« - Je suis à toi, donc. »

Baissant la tête amusée par cette phrase, il y avait une certaine pudeur derrière ce geste. Dâriush ressentait une profonde attirance pour celle qui semblait devoir le guider à travers cette nouvelle vie. Tout du moins pour un temps. Peut-être que son choix aiderait Ashlyn à mieux se positionner vis-à-vis de sa nouvelle responsabilité à son égard.

Le loup-garou secoua la tête, conservant son petit air espiègle. Il avait vraiment de la chance dans son malheur. Son père avait raison : dans chaque malheur, il y a une bonne chose même si cela ne leur sautait pas directement aux yeux. La mort de leur mère les avait rapprochés comme jamais en plus de leur offrir une nouvelle vie loin des montagnes de Ramsheh. Et maintenant qu'il était mordu, il se rendait compte qu'il aurait pu avoir bien pire.

N'ayant toujours pas vu les vêtements que Ashlyn lui avait portés, l'Iranien mangeait sa viande avec plaisir. Il redressa vivement la tête pour reprendre la discussion.

« - Je ne pensais pas me marier à vrai dire. » Reprit-il, avec un air mutin. « Il va falloir qu'on règle certains détails comme la garde des enfants, et tout ce qui peut en découler. »

Dâriush éclata de rire. Un rire chaud, semblable à celui que l'on entendait lorsqu'il usait de sa magie pour apaiser les gens.

« - Je rigole. » Il coupa avec ses nouvelles dents un morceau de viande sans plus de difficulté qu'il n'aurait dû en avoir normalement. « Un peu de poésie dans cette malédiction... Ou ce don, comme tu as l'air de le voir. »

Il posa l'autre morceau de viande tandis qu'il terminait de mâcher ce qu'il avait en bouche. Plongeant son regard dans le sien avec une certaine intensité, il reprit un peu plus bas.

« - Ça me rassure. Tu me rassures. »

« Si on peut appartenir à quelqu’un d’autre qu’à soi-même, alors j’imagine que oui » s’amusa Ashlyn, non sans douceur dans le timbre chaud de sa voix. Ce n’était pas tout à fait vrai, mais la jeune femme ne chercha pas à briser l’étrange atmosphère qui régnait à ce moment-là dans la cuisine. Ce n’était peut-être qu’un tout petit moment d’intimité, peut-être qu’un jour il finirait par la maudire, par lui en vouloir de l’avoir transformé en bête, aussi aujourd’hui elle se plaisait seulement à être celle qui l’avait sauvé et qui se retrouvait maîtresse.

Ashlyn finit par détourner son attention alors qu’elle zyeutait plus loin la fenêtre au travers de laquelle on devinait la lente montée du soleil. Elle planta son menton sur son poing, tel un Penseur de Rondin ayant emprunté toute la douceur du monde. Sentir la morsure chaude de l’astre du jour après une nuit pleine d’émotions la réconfortait plus qu’elle ne l’aurait cru.

Les yeux chocolat de la louve s’ouvrirent de nouveau alors que Dâriush se mit à plaisanter sur la garde des enfants, et finalement d’en rire. La jeune Laskaris le suivit, ricanant aussi, quoi qu’avec un peu plus de retenu.

« Ne crois pas qu’une morsure dispense d’une belle demande en mariage », maugréa-t-elle, exagérant quelque peu le ton de sa voix, avant de ricaner de nouveau.

Ashlyn tint son regard quelques secondes, alors qu’il lui semblait plus ouvert à la discussion, plus prompt à échanger avec elle. Elle aurait très bien compris qu’il parte aussitôt l’affaire finie pour retrouver le cercle de sa famille. Leur relation aurait très bien pu être la plus sobre possible, mais il avait l’air de vouloir rester, de profiter de cette petite accalmie post-lune.

« Tant mieux alors », souffla-t-elle, tout aussi bas, laissant le silence les submergeait l’un l’autre. Les mots n’avaient pas beaucoup de sens s’ils n’étaient pas accompagnés de gestes, d’actes. C’était ce que son père pensait.

Finalement la louve se redressa sur sa chaise, le menton toujours planté sur son poing, avant de pointer de son autre main la pile de linge qu’elle avait ramené pour lui quelques minutes auparavant :

« Je t’ai ramené ça si tu as besoin, mais tu peux prendre une douche avant si tu préfères… »

La Laskaris ne savait pas exactement si elle avait le droit de s’intéresser davantage à lui. De lui demander si tout avait été avec ses sœurs ? A Sainte-Mangouste on ne l’avait pas revu depuis, et pourtant il avait l’air plus enjoué aujourd’hui qu’hier. Elle se gratta la joue, l’air embêté, comme quand on ne sait pas si on a le droit de dire quelque chose, qu’on se tâte de le cracher.

Elle se mordit l’intérieur de la joue, avant de se lancer avec tout le courage dont était capable l’ancienne Gryffondor :

« Est-ce que… ça a été dur, avec ta famille ? »

Les sourcils d’Ashlyn se tordirent en une expression douloureuse, imaginant un instant le rejet et la crainte, mais Dâriush donnait l’air d’avoir une famille aimante et d’être bien entouré. Ou peut-être cachait-il très bien sa peine ? Elle déglutit péniblement, se mordillant de nouveau l’intérieur de la joue.

« On ne t’a pas vu à Sainte Mangouste, alors je me demandais si tu… si ça allait… »

C’était ce qu’elle avait voulu demandé la veille, mais ses mots s’étaient empoisonnés du seul ressentiment, du silence qu’il avait fait pesé et de l’incertitude qui les entravait l’un et l’autre. Allait-il revenir à temps ? Allait-il se rendre coupable bien malgré lui du massacre des siens, comme ça arrivait si souvent chez les plus jeunes ?

Elle releva sur lui son regard chocolat, avec un petit sourire forcé, comme une amie se serait enquise de sa situation.

Dâriush observa les vêtements et lui murmura un merci. Pour autant, il ne fit aucun mouvement vers ceux-ci pour le moment, continuant de manger les morceaux de viande en prenant son temps. Il avait toujours aimé prendre son temps lors de ses repas. Que ce fut pour les préparer ou les manger, d'ailleurs. Il y avait quelque chose qui le tranquilliser réellement. Peut-être était-ce le fait d'avoir un certain contrôle là où il n'en avait aucun dans d'autres domaines... Peu importe. Dâriush ne s'était jamais posé la question, profitant seulement de manger à l'allure qui le lui convenait le mieux.

Quand Ashlyn lui demanda comment sa famille l'avait pris, Dâriush se contenta de baisser la tête alors que son visage s'assombrissait un peu. Ce fut un moment particulièrement bizarre. Quelque chose qu'il n'avait pas envie de revivre. Pour autant, il reçut plus d'amour qu'il ne l'aurait cru de la part de ses deux sœurs maintenant qu'il était devenu un monstre. Bien sûr, cela les avait profondément bouleversés, mais Darayavahush fut rassuré de voir que leur lien perdurait encore malgré l'écart qu'il y avait désormais avec les battements du cœur de sa sœur jumelle.

« - C'est compliqué, j'imagine. Mais elles l'ont plutôt bien pris. »

Au moins, elles ne l'avaient pas poussé dehors. Pour l'heure, son père n'était pas encore au courant. L'envie de le tenir loin de tout ceci était réelle. Peut-être aussi que Dâriush avait une peur bleue que son dernier parent réagisse mal et le mette dehors. Après avoir perdu sa mère jeune, l'iranien angoissait réellement à l'idée de savoir qu'un jour son père ne serait plus. Alors si ce dernier se devait de le mettre dehors à un grand coup de pied, Dâriush n'y survivrait pas. Pourtant, il se doutait que son père ne le ferait jamais. Mais il y avait toujours ce Et si qui le terrifiait profondément.

Pour Sainte Mangouste, Dâriush haussa les épaules en plongeant son regard dans celui d'Ashlyn. C'était la première fois de sa vie que l'iranien se fichait bien de la santé des autres. La sienne ne fut pas terrible le lendemain de sa morsure, puis la dépression le guetta les jours qui suivirent. Si la Lune avait été plus longue à se montrer, il y avait fort à parier que la réaction de Dâriush vis-à-vis de cette transformation qu'il semblait mieux vivre maintenant que c'était fait.

« - Je ne sais pas. Je ne sais pas si je veux y retourner. »

Parce qu'il y avait aussi la morsure qui s'était produite là-bas, lui ravissant sa vie de sorcier. Il déglutit péniblement. Il n'avait pas vraiment envisagé de futur. Il n'avait pas l'impression d'y avoir droit. Pas quand la politique sorcière se montrait aussi intransigeante à leur égard.

« - Je... Il faudra bien que j'y retourne. Mais pour le moment, j'ai beaucoup de choses à... Découvrir. »

Dans son regard, il y avait une étrange lueur. Le monstre, peut-être. Dâriush eut un petit sourire avant de planter ses crocs dans un nouveau morceau de viande. Une goutte de sang roula le long de ses lèvres avant de se perdre dans sa barbe.

@Nathanael E. Pierce allait probablement le chercher partout avant de finalement le croire mort. Il faudrait réellement qu'il prenne contact avec son supérieur. Dâriush avait reçu une éducation basée sur le respect, et cela en faisait partie.

« - Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? »

Une question qui, sortie de nulle part, pouvait être interprétée de bien des manières. Mais présentement, il restait malgré tout un peu perdu sur ce qui l'attendait. Devait-il reprendre sa vie ? Faire comme si de rien n’était ? Ou devait-il risquer que l'on perce son secret en reprenant sa vie comme si de rien n’était ?

Ashlyn eut un sourire, rassurée que sa famille ne l’ait pas rejeté aussi sèchement que ça pouvait parfois l’être. Des enfants jetés à la rue ou pire, enfermés dans de petites cages – si ridiculement petites que cela ne pouvait qu’être étouffants – c’est son quotidien sur le Marché aux Trolls. Combien elle en voyait dans sa petite officine ? Des orphelins nés dans le sang, ayant déchirés de leurs griffes ou de leurs crocs père et mère, sans qu’ils n’aient jamais su ce qui se passait vraiment avant que le drame ne se soit déroulé. Combien vivait avec ce poids sur l’âme ?

Au moins Dâriush échappait à cette règle. Elle se sentait elle-même moins coupable, car si sa famille l’avait rejeté, elle se serait sentie d’autant plus responsable qu’en plus de lui avoir arraché son humanité, elle aurait été la raison de la rupture du lien familial – qui, à ses yeux, était le plus beau des liens pour ce qu’elle l’entretenait avec beaucoup de rigueur aussi avec sa mère et ses sœurs.

La Laskaris termina simplement par relever un regard curieux sur Aslan. Elle n’avait plus touché la viande depuis quelques secondes, l’estomac visiblement plein.

« Tu n’es pas obligé d’y retourner, si c’est une question d’argent », commenta-t-elle seulement.

L’argent avait une dimension très humaine ; les vieilles familles de loup-garou avaient pour beaucoup, à l’instar des vieilles familles de sorcier, des richesses qui leur permettaient de passer outre la nécessité de travailler pour l’argent même. Et quand on enlevait l’aspect financier, il ne restait bientôt plus que la dévotion et l’amour même du métier pour pousser les uns et les autres à se lever tous les saints matins et à enchaîner des gardes sans broncher.

Son choix de carrière se révélait d’autant plus important pour Ashlyn qu’elle pourchassait son rêve jusque dans les ruelles étroites du Marché aux Trolls, pratiquant sans limite et sans arrêt, non pas dans l’idée de se perfectionner – même si la pratique avait aidé de ce côté-là – mais simplement par altruisme, par ce besoin essentiel, impérieux, d’être utile et de sauver. Un relent sans doute de sa place d’alpha au sein de sa petite meute, ou peut-être cet espoir déçu de ne pas avoir pu sauver son père ce jour-là.

« Enfin, tu fais ce que tu veux, mais si tu avais besoin de temps, je suis certaine que le service ne serait pas contre », commenta-t-elle, avant de rajouter, d’un air un peu taquin : « j’irais travailler de bon cœur, si tu fais le ménage et la cuisine et que tu t'occupes des enfants… »

Le sourire fin lui donnait un air peu plus lupin, avant qu’elle ne ricane finalement, terminant d’assurer que c’était davantage une blague qu’autre chose. Ashlyn se redressa, s’étirant calmement, alors que Dâriush terminait de lui demander ce qu’ils allaient faire « maintenant ».

Elle commença à débarasser la table, laissant l’assiette presque vide à Dâriush en pensant qu’il souhaiterait finir la pièce.

« Toi, je sais pas, moi je dois aller jusqu’au Marché aux Trolls. » Ce n’était pas assez ferme pour être une mise à l’écart, mais assez vague pour ne pas être exactement une invitation. S’il lui demanderait, elle ne lui dirait probablement pas non. Elle reprit, après avoir refermé le frigo sur la viande sous cellophane pour le soir : « Je tiens une petite officine sur le Marché, pour les lycans que Dunn a mis au ban de la société, que les chasseurs pourchassent et blessent. Après une nuit de pleine lune, pas mal sont blessés ou fatigués. Alors en général, je prends ma journée à Sainte-Mangouste et je passe mon après-midi là-bas, pour soigner les petits bobos. »

Ashlyn lui jeta un petit regard ; elle repensait aux deux petits jeunes qu’elle avait entendu parler un soir. Si elle avait su que Dâriush était véritablement une cible de la Meute à ce moment-là, sans doute aurait-elle mis les pieds dans le plat plus tôt. Les frères l’auraient peut-être écoutés, peut-être pas. Maintenant c’était trop tard, et à bien y réfléchir, ce n’était peut-être pas une bonne idée de l’emmener avec elle sur le Marché avec tous les louvards de la Meute qui traînaient là-bas…

« Tu peux rester là ou retourner auprès de ta famille » elle eut un petit sourire, choisissant finalement de dévier l’invitation sans en avoir l’air.

Ashlyn semblait compréhensive sur cette décision que Dâriush avait finalement prise le temps d'être sûr de ce qu'il souhaitait faire de son avenir. Sainte Mangouste était désormais un lieu perverti par cette attaque où il ne serait plus jamais tranquille, quoiqu'il puisse s'y passer de nouveau. Plus rien ne semblait pouvoir lui arriver de pire, de toute façon. Pourtant, son esprit ne cessait de lui remettre devant les yeux ces deux paires d'yeux de ces deux loups qui tentèrent de le tuer cette nuit-là. Grognant pour lui-même à l'idée de devoir affronter cette peur qui l'animait malgré lui, il avala son dernier morceau de viande d'un air rageur.

Son état de tourmente fut chassé par les paroles de la louve qui vint le taquiner pour l'en sortir. Ses yeux s'écarquillèrent sous la surprise, avant de finalement voir ses traits se détendre alors que de ses lèvres s'échappaient un petit rire amusé.

« - Ils mangeront bien. Quoique puisse en dire ma jumelle, je suis un bon cuisinier. »

Dans son regard, il y avait presque une attitude de défi qu'il éclipsa très vite en posant son regard sur l'assiette d'Ashlyn.

« - Je peux ? »

Sans attendre sa réponse, Dâriush la tira vers lui pour terminer la viande que la guérisseuse avait laissée. Il lui demanda ensuite ce qu'ils allaient faire après. Une question qu'il avait lâchée un peu abruptement sans préciser sa pensée qui était un mélange de tout et de rien. Son avenir proche ou lointain, ses projets ou même ses envies plus étranges les unes que les autres... Tant de sujets qu'elle réduisit à néant en lui expliquant ce qu'elle allait faire aujourd'hui.

Quoiqu'un peu déçu, il s'efforça de cacher ce ressentiment en mâchonnant un morceau de viande qu'il avait, préalablement, utilisé pour éponger les quelques gouttes de sang au fond de l'assiette.

Dâriush releva la tête comme un suricate alors qu'Ashlyn mentionnait le marché aux Trolls. Un endroit dont il avait entendu parler plusieurs fois sans pour autant y être allé ne serait-ce qu'un jour. Il connaissait à peu près l'emplacement pour en avoir entendu parler quelques collègues au détour d'un café, mais il n'avait passé le cap. Dâriush était bien trop honnête pour un tel endroit.

Enfin, ça, c'était avant qu'il ne fasse plus qu'un avec cette bête qui semblait rebattre les cartes de son caractère plutôt introverti. Désormais, il semblait être un homme nouveau. Et même s'il était conscient de ces changements, il n'avait pas l'impression d'être différent. C'était une sensation pour le moins étrange.

« - C'est... Cool. » Se surprit-il à dire lorsqu'Ashlyn lui fit part de ses activités dans le London Underground.

Fronçant les sourcils en terminant le dernier morceau de viande, il empila machinalement les assiettes avant d'aller les mettre dans l'évier. Il se rinça rapidement les mains avant de les essuyer sur le drap qui entourait sa taille, faute de trouver une serviette dans les environs.

« - Je... C'est intéressant. Je viendrais peut-être faire un tour, alors. »

Entre la curiosité et la fatigue qui se faisait désormais sentir sur ses muscles courbaturés, Dâriush choisit la voix de la raison en préférant rentrer chez lui pour rassurer ses deux sœurs.

« - Je vais me doucher et rentrer rassurer mes sœurs. Elles doivent se faire un sang d'encre. »

C'était une certitude. Mais dans le ton de sa voix, on avait cette impression que ça lui plaisait malgré lui. Il saisit les vêtements qu'elle lui avait menés un peu plutôt puis se dirigea vers la salle de bain.

Au moment de traverser la porte de la cuisine, il se figea, et Dâriush se retourna vers Ashlyn.

« - Tu connais Ryan Malhorne ? »

Il ne savait pas pourquoi il lui posait cette question, mais à l'idée où ses pensées s'étaient posées sur lui sans qu'il ne s'y attende, il avait ressenti le besoin de lui en parler. Nul doute qu'Ashlyn entendrait les battements de son cœur qui se firent tout à coup plus précipiter alors qu'il voyait se dessiner son visage entraperçu dans les songes de @Sean Clearwater.

Il avait donc choisi la raison. Un sourire simple passa sur les lèvres d’Ashlyn. Elle aurait dû remercié quelques Dieux qu’il ne la suive pas jusqu’au Marché, mais dans le fond, elle aurait sans doute préféré qu’il se propose de l’accompagner. Elle chassa cette pensée en se disant que c’était mieux comme ça. Les mains dans la vaisselle, elle rinçait le sang coulant quand Dâriush finalement lui posa une question.
Elle tourna la tête vers lui, l’observant du coin de l’œil. D’où ça sortait ça ? Pour la première fois, on sentit une hésitation chez Ashlyn, et elle jaugeait d’un regard scrutateur le mordu dont le cœur semblait battre à tout rompre dans sa poitrine.

Ryan avait un paquet d’ennemis, et ça aurait pu expliquer en grande partie l’attaque des deux frères, mais elle avait du mal à croire qu’un garçon comme Dâriush se soit mis dans un pétrin. Ce n’était pas le genre à avoir des histoires, et il fallait avoir plus des épaules pour tenir tête à l’Alpha de la Meute. C’est qu’il ne laissait jamais les histoires pourrir, et prenait toujours en main les choses quand il fallait faire un peu de ménage.

Ashlyn ravala doucement sa salive, se rendant compte que le silence avait été plus long que prévu, et plus pesant aussi. Elle détourna doucement la tête, reportant son attention sur la vaisselle.

« Rapidement, on va dire. »

Un petit silence, elle sentit un trouble dans les battements du cœur d’Aslan, dont elle ne savait pas trop ce que ça signifiait. Elle rajouta, un peu gênée :

« Tout le monde le connaît sur le Marché, mais il n’est pas souvent là. Pour le croiser, il faut avoir une certaine place, et surtout une très bonne raison… C’est pas vraiment mon cas. Plus je me tiens éloignée des problèmes, mieux je me porte. »

Ce qui ne voulait pas dire qu’elle n’avait jamais eu à faire à lui, ou qu’elle ne soignait pas les membres de la Meute qui pour la grande majorité n’avait pas demandé d’être jeté sous les feux des médias. S’il n’y avait pas eu le meurtre d’Ulysse Dunn par ce fanatique, peut-être que les hybrides auraient pu vivre comme ils le faisaient avant, invisibles et discrets aux yeux d’une société qui refusait de les voir en face. Était-ce mieux ? Ashlyn l’ignorait, mais elle avait choisi son camp depuis longtemps. Et son camp portait haut et fier les crocs et les griffes comme oriflammes.

« Tu as… des problèmes, avec lui ? »

La voix n’avait été presque qu’un murmure, mais elle devait savoir. Est-ce que Dâriush était vraiment honnête avec elle ? Quand il disparaissait, est-ce que c’était pour vraiment aller voir ses sœurs ou est-ce qu’il cherchait un moyen de remonter la piste des deux frères ? Et si jamais il le faisait, de bout en bout, quel prix était-il prêt à payer pour obtenir sa vengeance ?

Ashlyn éteignit l’eau, avant de glisser un regard par-dessus son épaule, vers Dâriush.

« Tu ne devrais pas t'en approcher. Ce n’est pas quelqu’un avec qui on joue, à moins d’avoir neuf vies… et encore. »

C'était une sensation étrange qui envahit le corps de Dâriush. Il était rassuré de savoir qu'Ashlyn ne fréquentait pas ce gros malade. Mais en même temps, il ne pouvait s'empêcher de rester sur sa faim. Quelque chose le captivait chez cet homme. Il n'aurait su dire quoi parce qu'il en avait profondément peur. Dâriush s'était dressé face à lui en libérant @Sean Clearwater de ses liens étroits et abjects qu'il entretenait sur le jeune sorcier. Peut-être était-ce cette assurance, même si macabre, qui se dégageait du loup-garou ? Peut-être était-ce ce pouvoir qu'il semblait avoir à sa portée ? Ou l'idée d'assumer son statut de Loup-garou malgré les répressions du gouvernement à l'égard ? Dâriush n'aurait su répondre.

Dâriush baissa aussitôt le regard lorsqu'Ashlyn lui demanda s'il avait des problèmes avec lui.

« - Je pense que oui. » Avait-il répondu du bout des lèvres.

Il n'était pas sûr de vouloir lui en dire plus. Pas tout de suite. Pour la protéger, peut-être. Ou peut-être pour s'éviter d'autres problèmes... Ou alors pour garder ça pour lui et voir ce qui allait se passer à l'avenir entre Ryan et lui. Dâriush avançait à l'aveugle, et maintenant qu'il y réfléchissait, il ne pouvait s'empêcher de penser que l'attaque qu'il avait subie à Sainte Mangouste était peut-être le commanditaire. Est-ce qu'Ashlyn faisait alors le même rapprochement que lui ?

L'iranien acquiesça d'un signe de la tête lorsqu'elle lui conseilla de ne pas s'en approcher. Dâriush comprenait très bien pourquoi. Mais maintenant qu'il avait cette idée en tête, il ne savait pas trop quoi en faire. Devait-il enquêter ? Devait-il retrouver ses deux assaillants ? Il voulait en savoir plus. Ce n'était plus un pourquoi qu'il lançait à l'aveugle, à l'intention de Dieu ou autres, pour comprendre cette punition supplémentaire qu'on lui infligeait pour le mettre à l'épreuve. C'était un pourquoi pour comprendre les motivations de ces deux loups-garous. Pourquoi attaquer, lui, le pauvre guérisseur sans vie social qui n'avait que son travail comme repère dans la vie ?

Ses yeux ne se relevèrent pas. Focalisé sur le sol, Dâriush se sentit tout à coup minable. Son existence n'avait pas de but. Elle n'avait plus la même saveur. Était-ce là, la réponse à ce pourquoi lancé à l'aveugle ? Le forcer à prendre conscience de la chance qu'il avait de vivre ? De ne pas gâcher ce pour quoi sa mère était morte à Ramsheh ? Une larme roula le long de sa joue, et il se détourna de la cuisine.

« - Je vais me laver. » Reprit-il, tout en s'éloignant.

Autant éviter de se montrer plus vulnérable qu'il ne l'était déjà aux yeux d'Ashlyn. Il se sentait suffisamment misérable comme ça pour en rajouter un peu plus. Le contrecoup de cette morsure lui faisait réaliser un petit peu trop de choses dans sa vie, et quelque part, il aurait préféré subir mille fois les douleurs physiques qu'il eut ressenties lors de sa transformation que ses pensées nauséabondes qui assaillaient son âme de toute part.

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