Flames (Luke)

Avisant le planning des examens qui se découlaient pour le dernier mois scolaire de l’université pour toutes les années confondues, il régnait une atmosphère oscillant entre le début de l'été, les révisions et le stress qu’engendraient les possibilités d’avenir à l’issues des résultats qui concluraient l’année de nombreux étudiants. Saluant silencieusement en les gratifiant d’un léger sourire ceux qu’elles connaissaient de vue, pour les avoir eu en stage autant au Magenmagot l’an passé et au département des créatures magiques cette année, elle avait vite regagné l’ombre du château, respirant cette subtile odeur qui lui manquait depuis qu’elle avait quitté les bancs de l'école. Onze ans c'était écoulé depuis la dernière fois, n’ayant eu que peu d’occasions avant cette année pour revenir dans un lieu chargé d’histoire et d’amitié. Entre @Amaranth Mapleleaf qui avait son poste de botanique, @Thomas Buchanan et même @Nyx Lawrence en soin aux créatures magiques, Jade ne manqua pas de glisser sa main sur la rambarde de l’escalier, sautillant presque en remontant les marches une par une avec la même dextérité d’antan.

Presque seule le long du chemin, elle ne manqua pas de saluer quelques portraits qui en profitèrent pour murmurer entre eux tout ce qu’ils savaient des derniers potins du Ministère. Entre la Marche des libertés qui avait été un véritable fiasco quant à la sécurité ou même le fait qu’elle était une Maledictus qui aurait déjà mangé un agent du département, Jade eut de quoi esquisser un sourire en coin avant de lever les yeux vers le plafond, toquant rapidement à la porte légèrement entrouverte du professeur Korrigan. D’une réputation qui le suivait de loin comme était le professeur de métamorphose le plus talentueux de sa génération en Europe, il offrait son savoir à des milliers d'étudiants depuis de nombreuses années avec une bienveillance qui l’avait suivi jusqu’au Ministère. Déployé pendant la guerre comme tant d’autres, Luke pouvait très largement être décoré pour tous les loyaux et bons services rendus à la nation, comme tant d’autres membres de l’Ordre.

Poussant le battant par automatisme, sans trop attendre une réponse positive ou négative, Jade entra dans le bureau, refermant la porte derrière elle d’un seul coup de main alors que son regard se perdait dans une pièce qu’elle n’avait pas vue ainsi lorsqu’elle était étudiante. Le professeur Korrigan avait pris ce poste un an après son départ de l’université, succédant à celui qu’elle avait connu lorsqu’elle était étudiante sans encore avoir eu l’occasion de parler de ses thèses sur d’autres formes de métamorphose. Entre la réalité des objets, du corps humain et des animaux, il y avait cet entre-deux qu’elle était et dont elle avait eu entendu parler de travaux via la directrice Mayhar qui lui avait proposé de passer.

”Excusez-moi, il y a quelqu’un?”

Loin des toges ministérielles qu’elle arborait dans les bureaux ou lors de déplacement au sein des colonies de créatures magiques, elle se présentait certainement pour la première fois sans artifice, ni badge qui montrait une quelconque autorité. Posant son gilet d'été sur l’accoudoir du bureau, elle observait les différents objets, certains flottant seuls tandis que d’autres étaient dans des contenants teintés de mystères. La métamorphose avait toujours été une matière qu’elle avait appréciée étant plus jeune, peut-être était-ce par cette facilité innée qu’elle avait déjà à l'époque de pouvoir comprendre comment une matière pouvait prendre d’autres propriétés, peut-être était-ce aussi un intérêt de comprendre comment certaines métamorphoses s'éternisaient également.

Gravissant quelques marches menant au bureau, elle se pencha légèrement par-dessus afin de voir s’il n'était peut-être pas préférable d’attendre à l’extérieur que le professeur revienne probablement d’un cours magistral, mais sursauta au moment où elle entendit un léger bruit de l’autre coté. Se cognant contre le pied de la table, son genou heurta le plan de travail en faisant trembler quelques objets, espérant être de simple presse papier sans grande conviction, et elle tenta de les retenir à la main. Le coeur, presque battant, elle avait tâché de maintenir un calme absolu jusque-là, levant à peine les yeux sur l’illustre inconnu qu’elle était venue voir par recommandation et préféra se concentrer sur les objets qu’elle retenait par ses mains, bras et pieds, tout en équilibre. Ses écailles étaient déjà sorties, soulevées par la surprise et un don qu’elle maiîtrisait de moins en moins avec le temps et à présent, pleinement visible à la base de son cou.

”Je suis désolée, c'était ouvert, je me suis permis de rentrer. Est-ce que ça va?”

Dans la chambre, ou plutôt l'appartement (car il fallait dire quand même que c'était un peu plus spécieux qu'une chambre d'étudiant) annexe à ma salle, j'étais absorbé dans la lecture d'un traité de Métamorphose. Ce dernier récent et écrit en japonais était difficilement traduisible. L'auteur parlait un dialecte d'une île précise et certains mots ne faisaient pas parti du japonais "classique". Je ronchonnais donc, à la lumière de la petite fenêtre de ma chambre. Le traité parlait de la magie du sang et d'une tribu qui avait disparu il y a très longtemps au large d'Okinawa. Alors que j'étais en train de savoir si le mot voulait dire "mère" ou "père", dans un endroit important du parchemin, j'entendis une petite voix venant de la salle, suivi d'un bazar sans nom.
Je posais alors le parchemin, assez content au final de prendre une pause, et je me demandais quel Poufsouffle maladroit venait encore me voir pour tenter de m'arracher des informations concernant l'examen de Métamorphose.
Passant par le petit passage, j'écarquillais les yeux de surprise en voyant non pas une étudiante mais une jeune femme un peu plus âge, en train d'essayer de stabiliser mes objets. Mes sourcils s'arquèrent quand je vis alors des écailles apparaître.

" On peut dire que vous soignez vos entrées, Madame Weimer. "

Je lui adressais un léger sourire chaleureux puis je tapais dans mes mains quatre fois dans un rythme précis. Les objets se mirent tous alors à danser sur le rythme d'une valse qui dura à peine dix secondes et chacun retourna précisément à l'endroit où ils devaient être. Les petits tics et autres cliquetis d'argent en tout genre reprirent leur petite mélodie. Bien évidemment, je l'avais reconnu car je connaissais à peu prêt qui travaillait au Ministère. Le Monde des Sorciers n'était pas bien grand.

" Oh, je vous connais seulement de nom. Je lis la gazette des sorciers, et je dois dire que certains des articles vous concernant sont peu gratifiant... Mais bon, vous savez comme moi comment ce canard est... impartial vis à vis du pouvoir politique. "

Je soupirais. La gazette était à la botte de Dunn, et on pouvait clairement y voir plusieurs tentatives pour la déstabiliser. Mais elle tenait bon, et j'étais assez fière d'elle au final car les gens avec autant de courage restaient encore si peu nombreux.

" Mais je suppose que vous n'êtes pas là pour parler de la qualité de la presse. Vous êtes là, pour le petit dermatologique qui est apparu quand vous aviez eu peur tout à l'heure... "

Je la regardais d'un air amusé. J'avais identifié immédiatement sa nature et l'aspect des écailles. D'ailleurs je mourrais d'envie d'en savoir plus. D'observer tout cela de plus prêt. Cela relevait presque d'ailleurs de l'obsession, comme ça avait été le cas pour Saskia. Mais je ne la connaissais pas autant et je me retenais donc de lui poser la moindre question, car après tout, elle était venu de son propre chef non?

Observant avec un intérêt non dissimulé ses objets qui s’animèrent soudainement pour reprendre gracieusement leur place, Jade ne put s’empêcher de penser à ce compte moldu où un prince maudit par une sorcière avait éternellement pris l’apparence d’une bête dans un château enchanté. Un sourire amusé se dessina rapidement sur les lèvres alors qu’elle se tournait vers le sorcier qui avait rétabli l’ordre dans son bureau, avisant ne connaître que sa renommée à travers les petits parchemins de la presse locale. Loin de s’attarder sur ce détail qu’elle n’avait pas amené avec elle, elle ne put s’empêcher de passer ses doigts sur ses écailles qui étaient si violemment ressortie par crainte de briser un enchantement ou une métamorphose dans une salle si prestigieuse.

”Vous pouvez m’appeler Jade.” Elle le concéda bien plus facilement, pour véritablement mettre une distance qu’elle jugeait nécessaire au sein de l'établissement. Elle avait déjà remercié chaleureusement la directrice de ne pas la mettre dans le même panier que la politique de Dunn, bien qu’elle ne s’y opposait pas aussi farouchement que d’autres, elle militait à sa façon pour le droit des créatures magiques depuis déjà de nombreuses années, assez pour savoir quand faire profil bas et quand battre toutes les cartes pour bruler le terrain. Mais faire profil bas lorsqu’on est un dragon qui n’a cesse de vouloir reprendre sa place, n'était pas ce qu’il y avait de plus aisé.

Elle se mordit les lèvres au moment où le professeur Korrigan souligna attentivement l’apparition d'écailles qu’elle ne toucha pas par principe. Par respect, parce qu’il s’agissait d’une partie d’elle qu’elle avait toujours tenue qu'à dévoiler qu'à de rares personnes, des amis très proches qui savaient qui elle deviendrait un jour. Si elle avait pensé gagner un territoire où son intellect serait bien plus mis en œuvre et à contribution d’un département qui avait eu besoin d’un vaste remaniement avant que Dunn n’y pose ses conditions, Jade voyait bien qu’elle ne se ménageait pas et qu’elle s’y investissait assez pour perdre le contrôle de ses émotions bien plus souvent.

Levant sa baguette pour fermer la porte derrière par soucis de confidentialité mais de confiance qu'elle n'accordait que très peu envers les sorciers qui ne cherchaient qu'à ralentir ou stopper la progression de ce qui coulait dans ses veines depuis des générations, Jade souhaitait néanmoins être claire sur ses attentes, se rendant compte qu'au delà de @Dani Thompson , c'était la première fois qu'elle se livrait à un autre inconnu.

‌”Je ne cherche pas à en guérir et à retarder l'échéance.” Assumant une dégénérescence totale qui l'amènerai un jour à en oublier ses souvenirs humains, elle avait appris à composer avec pour guider sa vie sans trop de regrets. Cependant, la politique de Dunn l'avait mise à rude épreuve et plus le temps passait, plus elle s'attachait à des petits détails qui la forçait à maintenir des pieds à terre malgré des ailes battantes. ”Je ne sais juste pas vers qui me tourner pour tenter de calmer l'autre quand il ne cesse de vouloir prendre le dessus.”

Consciente de n'aborder le sujet qu'avec de vagues images lorsqu'elle était en présence d'autres sorciers, elle n'avait jamais réellement pointer les dysfonctionnements d'un don où elle courrait à sa perte autant qu'à sa propre libération. Elle avait encore tant à faire... Était-ce une solution pour temporiser qu'elle cherchait ou des conseils, de la part d'un des plus brillants professeur de métamorphose?

" Mmmmh... "

Je l'observais depuis l'estrade où j'étais puis je me dirigeais vers elle, tout en passant sur ma barbe une main délicate signe que j'étais dans de profonde réflexion. Elle ne cherchait pas à retarder l'échéance donc... Etait-ce le propre de l'homme ou un hasard? Chaque Maledictus qu'il avait croisé était dans l'acceptation la plus totale de sa condition. Est-ce que ce facteur était volontaire, ou propre à cette vieille Malédiction... Je n'avais toujours pas trouvé de réponses à mes questions sur le sujet. J'avais l'impression de ne pas trop avancer sur le sujet.

" Je vais devoir vous poser une série de question toutes plus indiscrètes les unes que les autres. Car étant donné que les transformations sont très étroitement liés à votre volonté d'esprit je dois savoir comment ce dernier fonctionne... "

Je m'avançais vers elle, le regard un peu désolé. Avec Saskia j'avais du avancer d'abord dans la psychologie avant d'essayer quelques traitements. Une espèce de relation étrange avait naquis entre nous, et bien qu'elle n'était pas déplaisante elle ne nous avait pas laissé indemes. En face d'elle, je l'observais d'un air neutre mais je gardais toujours ce ton calme et apaisant que j'avais avec mes étudiants.

" L'autre? Vous considérez donc que ce n'est pas une part de vous, mais autre chose qui est en vous. Mmh. "

Je l'observais à une distance d'un pas. J'essayais d'évaluer pourquoi est-ce qu'elle était là? Est-ce qu'elle avait espoir de s'en sortir? Est-ce qu'elle voulait vivre mieux? On semblait plus dans ce registre, puisque l'on était dans un état d'acceptation avancé. D'un coup de baguette, je fis apparaître deux fauteuils.

" Flinky? Est-ce que tu peux nous servir du thé s'il te plaît?" dis-je d'une voix calme.

L'Elfe de Maison de Poudlard, avec qui je partageais un lien d'amitié étroit inclina la tête et disparut dans un POP sonore. Quand je lui avais posé la question, il était en train de passer le balais toujours aussi discrètement au fond de la salle. Je m'installais dans un des deux fauteuils et j'invitais Jade à faire de même.

" Déjà, il va me falloir quelques renseignements sur votre famille. Est-ce que vous avez connaissance à quand remonte la première Maudite? En quel reptile vous transformez vous? Et... Quelles sont les fréquences également. Mais aussi, quelles émotions vous ont fait transformé majoritairement. C'est pour cela que je disais que cela relevait de l'intime. Bien sûr vous pouvez compter sur ma discrétion. "

L'elfe réapparut dans un POP sonore avec un plateau deux fois plus grands que lui. Immédiatement, je me levais du fauteuil pour aller l'aider et je grommelais.

" Flinky, tu as recommencé! Tu vas te faire mal à porter des plateaux aussi lourds. On en avait pas besoin du quart de la moitié... Excusez le, il vient du Bureau de Replacement, son ancienne... famille n'était pas des plus délicates avec lui. Tu peux t'en aller. " dis-je avec un sourire.

L'elfe, bien qu'assez content d'avoir toujours cette petite place dans mon coeur ne put s'empêcher de me jeter un regard déçu. Comme s'il lui même n'avait pas été à la hauteur de la simple tâche que je lui avais accordé. Sourcils froncés, j'étais en train de penser distraitement à cette stupide famille qui avait du l'avoir avant et...

" Ah, désolé. Je me suis perdu dans mes pensées. Oui, il va falloir que j'en sache plus et surtout sur les émotions qui déclenchent les transformations. Il peut y avoir la colère, la haine, l'amour, la rancoeur, mais aussi l'espoir, le désir... C'est assez variable d'une personne à l'autre... hm."

Je m'étais relevé pour aller dans ma petite bibliothèque. Prenant avec soin le livre que Saskia m'avait transmis, je le décalais pour prendre également deux ouvrages plus généraux sur les malédictus.

" Servez-vous! " dis-je en portant l'ensemble des manuels, ressemblant quasiment trait pour trait à Flinky avec son plateau quelques secondes plus tôt.
Je déposais les livres dans un petit " Bof" sur la table et je pris d'abord celui qui m'intéressaient... Celui parlant d'Asie.

" Sans vouloir être... euh maladroit? Je dois commencé par là non?" dis-je avec un brin d'humour.

Consciencieux, elle voyait dans son attitude qu’il rassemblait toutes les idées qu’il pouvait avoir sur le sujet en ayant parfaitement supposé ce qu’elle était et maintenant qu’elle avait pu établir les bases d’un confort et non de décélérer le processus, Jade accepta de s’installer sur les fauteuils qui apparurent. Mais lorsque l’elfe de maison apparut, elle ne pu s’empêcher de sentir son coeur se serrer face à des créatures qui avaient été conditionnées pour servir avec perfection les imperfections de leur maître, la plupart ne réfléchissant même plus pour eux-mêmes. Elle l’observa longuement, de ses grands yeux brillants qui s'étaient éloignés pourtant et tenta de la retenir malgré elle, débordant de l’entrevue qu’elle avait imposé sans prévenir.

”Merci beaucoup Flinky, le thé est très bon.”

Se souciant à peine du fait que la tasse était peut-être un poil trop chaud, Jade avait déjà bu sans attendre de mettre du sucre ou même de touiller quoi que ce soit. Si l’heure du thé était une tradition importante chez les Britanniques, elle l’avait tout autant adopté que le café lorsqu’elle étudiait de l’autre coté des frontières. Remerciant silencieusement l’hôte qui avait accepté de mettre certainement ses projets de coté pour l’occasion, Jade observa un instant les livres qu’il avait prit avec lui, se laissant un instant avoir par la reliure ancienne qu’il tenait entre les mains. Plissant les lèvres sous des questions toutes aussi personnelles les unes que les autres, elle se laissa un instant avoir par sa rencontre avec  @Aram Romanez avant d’apporter bien plus de précision qu'à quiconque.

”Je suis une Qīshí, cela veut dire que je fais parti du soixante-dixième lignage du village des dragons.” Fronçant à peine les sourcils en sortant un terme chinois qui avait bercé son enfance et celle de ses soeurs, Jade exposait simplement les faits. Chaque fille issue d’un Boutefeu était née dans ses terres et y revenait bon grè ou malgré elle. ”C’est peut-être différent d’un sang à l’autre mais chez nous, c’est le corps humain qui appartient à l’autre. Ce n’est pas un reflet, ni une partie, l’autre, c’est tout ce qu’on est et tous ce qu’on tend à devenir. C’est moi qui suit elle, celle enveloppe là n’est qu’un leurre.”

L’acceptation de cette entité était telle qu’il avait été délicat de se conformer à une certaine unité et intégrité avec la communauté des sorcières lorsqu’elle avait été amené à déménager du village, hors des frontières où il était acceptable de se transformer devant les siens, devant ce qui était sa famille. Mais une fois passée ses frontières, c'était une métamorphose qu’elle ne s’autorisait que devant peu de personnes, sinon quoi elle préférait encore s'échapper jusqu'à l’autre bout du monde pour se transformer sur ces terres. Mais il était difficile de nier que la fréquence de ses transformations avait augmenté depuis peu.

”J’avance à, environ deux ou trois transformations inopinée dans le mois.” D’un aveu simple, elle bascula légèrement sur le fauteuil en croisant les jambes, légèrement gênée de montrer à quel point elle représentait un danger, donnant parfaitement raison à @Ima Soninké après des mois. Observant un instant l’expert dans le domaine, Jade ne put s’empêcher de lui rendre la pareille en levant simplement la main pour le désigner poliement. ”Il n’y a par contre, aucune raison pour que je sois la seule à répondre aux questions. Racontez moi, s’il vous plait, comment vous êtes devenus un chercheur expérimenté, Monsieur Korrigan.”

Sans un mot je l'écoutais parler avec attention. Notant mentalement le nom qu'elle me donnait en Mandarin, je cherchais déjà dans ma mémoire les lectures que j'avais entendu à leur sujet. Le Village du Dragon avait en effet cette particularité d'avoir à sa tête une famille de Maledictus. Enfin c'était ce que je m'en souvenais, mais je n'étais vraiment plus très sur de cette information. Sourcil froncé, je l'écoutais en revanche me décrire comment son peuple, sa culture et donc elle voyait la chose. Qui et à quel moment l'avait décrété ainsi? C'était une façon fataliste de voir les choses, mais au moins, la personne n'était pas surprise de lâcher son corps au profit d'un Dragon.

" Je vois. " dis-je simplement.

Je marquais une pause, joignais les mains devant moi et m'enfonçait un peu plus dans le fauteuil, essayant de faire la part des choses entre ce qu'elle me disait, ce que j'en savais et ce que je conjecturais.

" C'est une façon de voir les choses, en tout cas je vois une jeune femme en face de moi qui me demande de retarder quand même l'échéance. Car contrôle de "l'autre" comme vous l'appelez et retard de l'inévitable sont intimement liés. "

J'enlevais mes mains et je me redressais dans mon fauteuil pour prendre ma tasse de thé dans un geste lent. Je réfléchissais à chacun de mes gestes sur sa condition et ce qu'elle me demandait. Enfin, je me risquais à lui dire :

" Il faut bien prendre conscience qu'à mes yeux, il n'y a pas quelqu'un d'autre mais que c'est bien vous même. Vous êtes une seule et même personne. Une entité si vous préférez, au même titre que les Lycans. Cette Malédiction du Sang est complexe et j'en ai fais nombres sujets d'études sans pour autant arriver à des avancées majeurs. Je ne peux vous guérir, même si ce n'est pas ce que vous êtes venu chercher. "

Je lui adressais un regard un peu triste et désolé. J'avais fait des Malédictions métamorphiques un véritable combat personnel et donc professionnel. Mais je m'étais heurté à de nombreux obstacles et de nombreux échecs qui me faisait de plus en plus douter avec le temps d'une solution à ces maux.

" En revanche il existe effectivement quelques mécanismes pour ralentir la progression, et contrôler un peu mieux ses transformations. "

Pour schématisé, je fis apparaître un bocal devant elle, dont le liquide était bleu clair. Faisant tourner ma baguette toute autour, des gouttes d'un liquide noir l'envahie, la faisant progressivement passé du bleu roi, au bleu un peu plus foncé.

" Votre sang est comme ce liquide bleu. La malédiction devient de plus en plus présente dans ce dernier, pour finir par l'envahir totalement. "

Le liquide à l'intérieur devint noir de jais. Je l'observais d'un air un peu désolé, puis je levais ma baguette pour faire disparaître le bocal.

" Je ne peux pas rendre le liquide bleu clair à nouveau. Je n'ai trouvé que des moyens de ralentir l'écoulement du liquide noir. Désolé si la métaphore vous paraît simpliste, je sais que vous avez fait de belles études, on va dire que c'est une déformation professionnelle suite à mes étudiants. "

Revenant m'asseoir, je me mis au fond de mon fauteuil, n'ayant absolument pas oublié la question sur le pourquoi du comment on en était arrivé là. Un léger sourire en coin apparut et je parus un peu plus abattu que la première fois où elle m'avait vu. J'étais devenu pâle malgré mon sourire.

" Je vois que vous avez déjà compris qu'il fallait que moi aussi je me confis pour qu'on puisse instaurer une relation de confiance et avancer. Car le contrôle touche votre subconscient et pour y accéder, il faut souvent revenir à des souvenirs que l'on ne confie peut être pas au premier venu... "

Je tournais la main pour signifier que j'allais continuer et finalement je lui dis :

" Mon frère est victime d'une Malédiction ancienne qui l'a changé en Ours. Elle repose sur le même principe que les Maledictus, et j'ai même pensé que ce sont les même maléfices complexes à l'origine. J'en ai fais le combat d'une vie. A l'origine, je voulais être Chauffeur du Magicobus. " dis-je en ricanant mais en dévoilant un de mes plus intimes secrets.

Elève assidue un jour et pour toujours, Jade écoutait attentivement le professeur sans l’interrompre dans ses explications qui comportait un point de vue qui soulevait bien des débats autour de la communauté sorcière, autant parce que les recherches n’avaient pas abouties par manque de sujet cobaye mais surtout parce que chaque malédiction était différente, chaque transformation amenait à des créatures qui n'évoluaient pas de la même manière, ni même avoir la même sensibilité. Mieux, aucune sorcière ne finissait pas avoir le même caractère que celle avec qui elle “cohabitait” simplement parce que chaque maledictus avait oublié leur part humaine.

Silencieuse, Jade observa le liquide bleu se teinter de noir, le mélange créant un bleu à faire pâlir les nuances de Serdaigle. Pendant un instant, elle s’autorisa même à se perdre dans les méandres d’un liquide complexe, se demandant un temps comment le vivait sa soeur de son coté, puisque le sujet était pratiquement tabou de son coté.

Levant finalement les yeux vers l'éminent professeur, tentant de faire comprendre un point de vue si rarement évoqué.

”Je demande un report parce que je n’ai pas fini ce que je dois accomplir.” Dictant une grande partie de sa vie pour le droit des créatures magiques, elle en avait fait sa principale ligne de conduite pour améliorer les textes de lois en leur faveur, se heurtant de plus en plus à une législation qui ne faisait que lui mettre les bâtons dans les roues. Se rendant compte qu'elle appuyait son autorité comme lorsqu'elle était au Magenmagot avec une sérénité qui n'était pas au rendez-vous, Jade laissa échapper un soupir un peu las. Cette bataille était rude, allant à l'encontre de qui elle était dans ces derniers instants ne lui apportait aucun bien.

”Je suis désolée que vous ne puissiez pas encore libérer votre frère.” Si elle acceptait de fin humaine pour commencer un jour une nouvelle vie, elle savait que cette fatalité n'était pas partagé par d'autres qui auraient été maudit ainsi. Le poids qui pesait sur ses épaules semblaient pourtant lourd, presque un peu coupable de ne pas encore savoir comment le sauver après toutes ses années à probablement aider d'autres personnes comme elle.

Elle mit un temps à détailler les traits tirés d'un visage marqué par le temps, la guerre également vu son nom qui apparaissait à la même ligne que @Braxton Clearwater , bien occupé à tenter de sauver les autres pour ne pas perdre plus. Elle se rendait alors compte qu'elle était en face d'un homme qui se battait sans baisser les bras tandis qu'elle, les tendait vers cette issue, regardant soudainement par dessus son épaule ce qu'elle laissait d'inachevé derrière elle.

Ce sentiment, un peu nouveau, l'étreint un instant et pour celle qui avait voué son existence pour les créatures magiques, elle était en face d'un autre, qui en faisait de même à un autre degrés. Derrière le rire, semblait de cacher un homme, qui avait fini seul pour tenter de retenir le monde autour de lui.

Et il avait raison, la relation de confiance devait s'établir maintenant. Reprenant la anse de la tasse entre ses doigts, elle lui posa une question un peu plus délicate, peut être un poil intimiste mais qu'elle n'avait encore jamais osé demandé à ceux qu'elle quitterait un jour.

‌”Quel souvenir est-ce que vous gardez encore de votre frère?”

Le professeur semblait emprunt de nombreuses théories et recherches, avec cette manière très pédagogue de schématiser une problématique et une réponse. Elle avait jusque là, refuser des expérimentations pour ne pas elle-même être un cobaye au nom du progrès. Une malédiction pour certain, une don libérateur pour d'autres et arrachée des terres où elle aurait pu en savoir plus, elle avait été privé d'autres légendes en se faisant son propre avis, sans trop jamais chercher à se rapprocher de ses sources. La peur de se perdre ou la peur d'avoir déjà perdue trop de temps avant de perdre tous ses souvenirs.

Je la regardais sans un mot, écoutant ce qu'elle voulait précisément. Je fronçais un peu les sourcils, et je lui accordais une grimace quand elle me posa la question sur mon frère. Après un petit silence, je lui accordais simplement un regard mystérieux et un petit ricanement :

" Quand je parlais d'être intime, je ne pensais pas qu'on allait commencer par moi. " dis-je d'un air malicieux.

Me redressant dans mon fauteuil, je posais la tasse et je déclarais d'un air à la fois mélancolique et un brin ému.

" Les souvenirs s'effacent malheureusement avec le temps. Mais je me souviendrais toujours du mariage avec Maeve, de la naissance de Freya et de l'arrivée de Blodeyn dans la famille. Mon frère souriait rarement, mais la famille et l'union des deux clans le rendait toujours... émerveillé. "

Je restais un peu en suspens, puis je me remis en position assise au fond du fauteuil. Alors que j'étais déjà en train de réfléchir à comment je pouvais bien répondre à sa requête, bien que j'avais quelques pistes, je mis ma main sous ma joue et je la regardais d'un air plein de réflexion et un peu las. Est-ce que je n'allais pas m'engager dans quelque chose qui était une fois de plus voué à l'échec. J'avais abandonné le traitement des Maledictus et les recherches sur le sujet depuis plusieurs mois déjà.

" En réalité, il faut voir cela comme une entité qui essaie de prendre progressivement le contrôle de votre esprit et de votre corps. Il n'y a que votre volonté qui peut ralentir le processus. Il existe des exercices, pour travailler là dessus. J'en ai appris quelques uns, dans une tribu amérindienne où toutes les femmes deviennent des Bisons d'Amérique. Quand elles n'ont pas encore accomplis ce que leurs enveloppes humaines doivent accomplir, elles connaissent des traitements et des méthodes qui ralentissent le processus. "

Je l'observais sans bouger. On aurait pu croire une statue de pierre dans un fauteuil. Mes yeux bleus et perçant ne cessaient de la fixer. J'avais beaucoup de mal à la cerner. Elle n'avait pas l'exubérance d'un étudiant. Elle n'était pourtant pas guère plus âgé, mais il y avait en elle une certaine élégance et un charisme qui lui donnait un charme certains. Elle était dans la retenue. Le contrôle. En fait, elle s'appliquait déjà ses propres techniques...

" Mais si j'en déduis votre comportement, vous êtes déjà en train de ralentir le processus. Vous devez souffrir non? "

Je l'observais d'un air curieux, et je me redressais pour porter une troisième fois ma tasse à mes lèvres tout en la regardant dans les yeux. Sans la quitter, je portais ma tasse de thé à mes lèvres. il y avait une véritable compassion dans ma voix.

" Et je ne parle pas de souffrance physique, mais psychologique. Quand on retarde l'inévitable, on a tendance à devoir faire beaucoup d'effort pour être dans le contrôle. C'est valable pour tout le monde. "

Et particulièrement moi. J'étais un homme qui était en permanence dans le contrôle. C'était bien ce que me reprochait Siobhan et Finn... Dans une grimace, je me mis à réfléchir comment j'allais aborder la suite avec la jeune femme. Passant une main derrière ma nuque, je pris le temps de peser chaque mot avant de poursuivre mon petit discours.

" C'est donc réalisable, et dans mes compétences. Il va juste falloir que vous justifiez vos absences auprès du Ministère, car c'est un processus qui peut prendre du temps au départ. Et... Si vous voulez partir en virée avec moi, il vous faudra quelques jours de congés."

Car je comptais bien l'emmener en Amérique du Nord. Mais... n'étais-je pas en train de prendre la même issue qu'avec Saskia? Pourquoi je trouvais que les Maledictus avaient autant de charme à mes yeux. Je me mordis intérieurement la joue, et attendait sa réponse de la manière la plus neutre possible.

Si elle avait esquissé un sourire alors qu'il s'amusait de voir l'entretien tourner à l'envers, elle ne put s'empêcher de lui adresser un second sourire, plus chaleureux, alors que l'évocation des souvenirs pouvait être douloureux. D'une voix pourtant certaine, elle était quasi sur que c'était le genre de sourire qui faisait les plus beau Patronus et elle hocha silencieusement, respectant l'émotion d'un frère avec qui il ne pouvait plus créer d'autres souvenirs. Le professeur Korrigan semblait être bien entouré par cette même famille pour pouvoir l'évoquer avec autant de sérénité et traverser les douloureux échecs pour tenter de guérir son frère. La mention de @Maeve Cynfeirdd la tiqua légèrement, la famille Cynfeirdd faisant parti des chasseurs officieux que le Ministère lui-même avait réquisitionné après le décès de l'héritier Dunn. Elle connaissait l'affiliation des deux familles et avait volontairement fait l'impasse sur d'autres rumeurs, pour ne se concentrer que sur les recherches de Luke Korrigan.

Cependant, elle fut surprise par le changement de direction qu'il opéra en reportant l'attention sur elle et soutenant son regard perçant qui cherchait à analyser la manière dont elle fonctionnait, elle manqua un battement en se rendant compte qu'il venait de mettre le doigt sur tous ce qu'elle pouvait être pour ne pas se laisser emporter ailleurs. La maîtrise physique était pourtant une exigence qu'elle s'était fixée en devenant juge, parce que la carrière qu'elle avait choisi s'embraser nécessitait cette stature. Droite, soignée et surtout sans la moindre faille, elle comprenait aisément le leurre dans lequel elle s'était enfermée pour ne pas subir les assauts de l'autre continuellement. Elle avait posé ses propres barrières, autant en ne se montrant que dans sa vraie forme qu'à un degré haut d'intimité, autant en s'échappant totalement du continent européen pour se retrouver avec les siens en oubliant le temps et regagnant la confiance de l'autre qu'elle avait bridé inconsciemment.

Déroutée par la proposition qui passait soudainement à un cran qu'elle n'avait pas envisagé, Jade esquissa un sourire quelque peu nerveux.

"Je prends déjà de nombreuses journées pour des raisons personnelles.” Et en soi, c'était d'ailleurs le seul avantage qu'elle avait eu en passant du Magenmagot au poste de directrice du département des créatures magiques. Bien que le décret sur les registres avait attiré l'attention un temps sur la jeune femme, Jade avait toujours réussi à prendre des journées en pleine semaine lorsque son corps semblait brûler, les écailles devenant parfois bien plus oppressante lorsqu'elle n'avait que besoin de se libérer. En contre partie, elle travaillait bien tard le soir, n'oubliant le rentrer manger avec @Pompeia Xu qui l'a voyait de moins en moins. ”Vous me proposez de calquer le modèle des bisons d'Amérique, j'aurais dû mal à vous dire non.”

Elle fronça cependant les sourcils, encore décontenancé par l'analyse qu'il avait eu d'elle en seulement quelques minutes, prouvant ainsi qu'il connaissait très bien à quel point certaines réticences pouvaient être enfoui malgré une acceptation totale de l'autre.

”Si vous avez du temps à m'accorder durant vos vacances universitaire, j'accepte. Sachez cependant que je ne vous réquisitionnerai pas impunément, si cela peut vous permettre d'avancer vos recherches, je veux que vous puissiez le faire aussi, pour ne pas que ce ne soit qu'une perte de temps.”

Soumise à cette seule condition, Jade était prête à accepter son offre, voyant ses yeux vaciller sous quelques doutes. Même si elle savait que la pratique d'une telle technique serait longue, si cela pouvait lui permettre de garder son intégrité au sein du département afin de faire avancer le programme de protection des créatures magiques et hybrides, elle pouvait encore accepter à titre exceptionnel d'être un sujet d'étude pour le professeur.

”Ce n'est pas tant sur l'instant T que ... ” Perdant le fil de ses pensées, Jade eut un instant de blanc qu'elle tenta de combler. Mettre des mots sur qui elle était réellement n'était pas aisée quand elle avait axée sa vie pour les autres. ”Je vois le contrôle comme une solution pour organiser ce qui viendra quoi qu'il arrive. Elle me permet de compartimenter des moments de vie et de gagner du temps. Et jusqu'à présent, je suis partie sur l’acquis que cela fonctionnait bien.”

L'oubli n'avait jamais été une crainte, seule celle de ne pas avoir eu assez de temps pour marquer d'autres esprits et instaurer une sécurité certaine pour les créatures magiques, l'était. Mais entre tous cela, il y avait une souffrante psychologique qu'elle infligeait au dragon sans y penser, simplement parce qu'elle lui refusait l'accès à la réalité. Si elle pensait être en communion avec le dragon en s'acceptant entièrement, il semblait évident que les doutes l'avaient assaillies au moment même où elle avait compris qu'elle s'était plongée corps et âme dans une tâche professionnelle pour l'éclipser en majeure partie sans s'en rendre compte. En voulant repousser celui qui oublierait, elle avait également voulu l'oublier et se mordait les doigts sans avoir su le voir avant aujourd'hui. Mais y'avait-il une réelle vrai solution à part l'accepter pleinement et de vive une vie trépidante et folle d'aventure comme le faisait @Aram Romanez ?

”Mais l'évolution du temps nous rattrape tous, je suppose.” Elle eut un léger soupir avant de lever les yeux vers le professeur Korrigan. C'était certainement la première fois qu’elle admettait être dans une position de faiblesse, aussi ouvertement. Devant un illustre inconnu, l’impact était bien plus significatif, devant quelqu’un qui comprenait toute la subtilité du temps et des transformations, c'était un autre degrés. ”Vous savez déjà quand nous pourrions prévoir ce voyage cet été?”

Ma tasse se porta une dernière à mes lèvres et je l'écoutais avec attention sans laisser transparaître. C'était aller assez vite, au départ j'avais proposé cela comme une petite boutade semi-sérieuse. Pas vraiment comme une solution. J'avais juste évoqué le fait qu'il existait une Tribu et... Quelques minutes plus tard, nous voilà parti pour une virée d'été. Mes yeux se firent pétillant et amusés, et en posant ma tasse je me mis à ricaner :

" Ca va jaser dans les couloirs du Ministère si ça se sait! "

Le Ministère était, comme toutes ces entités où tout le monde se connaissait (comme Poudlard) des bombes à potin. Si jamais certains membres apprenaient que nous partions en " Voyage " c'était certain que cela allait jasé. Après tout, Jade ne semblait avoir personne dans sa vie et moi non plus. M'ôtant immédiatement cette pensée de l'esprit, je déclarai d'un ton calme et sûr de moi.

" Nous pourrions partir début Août, si cela ne fait pas trop tard pour vous. Il faut que je contacte mes connaissances pour leur demander leur autorisation. Normalement, cela ne devrait pas poser de problème. "

Je mis mes mains sur mes cuisses, ne sachant plus trop quoi en faire. Mes yeux se posèrent sur elle et je lui accordais un retard compatissant. Ces Malédictions n'étaient pas véritablement un problème pour ceux qui en étaient victimes, mais plutôt pour l'entourage de ces personnes maudites. Il y avait une certaine forme d'acceptation qui était fort louable et fort courageux. Là, on parlait juste de gagner un peu de temps, guérir était exclus. D'ailleurs, comme Saskia, guérir n'était même pas envisagé, visiblement. D'une culture totalement différentes, le résultat était le même : la famille exerçait une emprise telle, qu'elles étaient éduquées à accepter cette fatalité. Cela devait être ça, que je trouvais si fascinant chez elle et si... charmant. Le fait d'accepter le monde tel qu'il était, et de vivre sa vie au jour le jour.

" Je vous mets en garde qu'il ne s'agira pas d'un voyage organisé comme peut le faire Madame Olympe... Nous vivrons parmi eux, suivant leur condition de vie. Mais j'ai confiance en vous, vous allez vous y faire. Et les paysages sont à couper le souffle! "

La perspective de partir avec une inconnue me rendit bizarrement joyeux. C'était donc ça, vivre pour soit ? Maintenant que les enfants avaient moins besoin de moi, je m'étais dit qu'il était enfin temps de vivre pour moi. Et, il fallait dire que c'était plutôt bien. D'ailleurs, quand j'allais leur annoncer que je partais avec une inconnue pour aller retarder sa Malédiction, je me demandais bien quels seraient leurs réactions... Finn ferait certainement un énorme sous-entendu, mais Siobhan serait fier de moi. Je voyais autre chose que Poudlard. D'autres gens. Je m'ouvrais, et il n'y avait que cela qui comptait.

" Quinze jours devraient suffire. En attendant, Jade. "

Je l'observais cette fois-ci d'un air un peu plus sérieux.

" Je vous donne un conseil d'ami : aussi souvent que cela est possible, éviter de tout contrôler. Il faut parfois laisser libre court à l'avenir que le Destin a tracé pour nous. Sans le contraindre, sinon, comme un barrage, lorsqu'il se brise tout nous est fatal, et je parle en connaissance de cause... "

J'avais essayé de tout contrôler. Ma vie, celle de mes enfants. Et résultat : au moment où j'avais décidé de lâché prise, tout m'était revenu à la figure et très vite.

" Et c'est très important dans le mal qui vous affecte. Enfin, si on peut appeler cela un mal... Le contraindre de manière trop importante peut accélérer le processus. Il faut juste trouver... le bon équilibre. "

Je lui fis un léger sourire, assez doux. On allait partir ensemble et lui permettre de trouver un certains équilibre intérieur pour ralentir la malédiction. Et qui sait...

" Peut être que moi aussi, là-bas, je trouverai un équilibre intérieur. Ca fera d'une pierre deux coups et mes enfants seront ravi c'est certains... "

Je me mis à ricaner et à rouler des yeux en pensant à ce qu'ils pourraient dire s'il me voyait en ce moment face à Jade.